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24/04/2024 | FRANCE | N°21/05217

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 24 avril 2024, 21/05217


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 24 AVRIL 2024



(n° /2024, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05217 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2R3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F18/03553





APPELANT



Monsieur [O] [N]

[Adresse 2]

[LocalitÃ

© 3]

Représenté par Me Sandra MORENO-FRAZAK, avocat au barreau d'ESSONNE





INTIMEE



S.A.S. HYPERPRIMEURS Prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 24 AVRIL 2024

(n° /2024, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05217 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2R3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F18/03553

APPELANT

Monsieur [O] [N]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Sandra MORENO-FRAZAK, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMEE

S.A.S. HYPERPRIMEURS Prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Muriel DELUMEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0967

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère rédactrice

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Hyperprimeurs est spécialisée dans le commerce de détail de fruits et légumes.

Elle a engagé M. [O] [N] suivant contrat de travail à durée déterminée en date du 18 septembre 2001, en qualité de vendeur manutentionaire, niveau I, statut Employé.

La relation contractuelle s'est poursuivie selon contrat à durée indéterminée à compter du 14 mars 2002.

En dernier lieu, M. [O] [N] occupait les fonctions d'employé de vente, niveau 1B, statut Employé.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective du commerce de détail de fruits, légumes, épicerie et produits laitiers.

Au dernier état de la relation de travail, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [O] [N] s'établissait à la somme de 3 087,70 euros.

M. [O] [N] a fait l'objet, après convocation avec mise à pied conservatoire du 30 octobre 2018 et entretien préalable fixé au 13 novembre 2018, d'un licenciement pour faute grave le 19 novembre 2018.

À la date de fin de contrat, la société Hyperprimeurs occupait à titre habituel plus de onze salariés.

M. [O] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 5 décembre 2018 aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner son employeur à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement en date du 1er juin 2021, le conseil de prud'hommes de Bobigny a débouté les parties de l'intégralité de leurs demandes, condamné M. [O] [N] aux dépens de l'instance ainsi qu'à rembourser à la société Hyperprimeurs son solde de prêt d'une somme de 33 948,10 euros, suivant l'attestation de prêt pour un montant de 300 euros par mois jusqu'à épuisement de la dette.

Par déclaration au greffe en date du 11 juin 2021, M. [O] [N] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 janvier 2022, M. [O] [N] demande à la Cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

En conséquence :

- dire et juger irrecevable la demande reconventionnelle de la société Hyperprimeurs ou en toutes hypothèses la limiter au montant de 19 088,10 euros,

- condamner la société Hyperprimeurs au paiement des sommes suivantes :

* 6 175,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 617,54 euros de congés payés afférents,

* 15 095,77 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 1 790,25 euros de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 179,03 euros de congés payés afférents,

* 52 479 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

* 18 526,20 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* 8.724,38 euros de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 872,44 euros de congés payés afférents,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise d'une attestation Pôle Emploi et bulletin de paie conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- assortir la décision des intérêts au taux légal,

- condamner la société Hyperprimeurs aux entiers dépens.

Aux termes ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 novembre 2021, la société Hyperprimeurs demande à la Cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant de nouveau :

Sur la rupture de la relation contractuelle,

A titre principal,

- débouter M. [O] [N] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- débouter M. [O] [N] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que pour rupture abusive et vexatoire,

- prononcer la compensation judiciaire entre les sommes allouées à M. [O] [N] et le solde du prêt restant à devoir à la société Hyperprimeurs,

A titre infiniment subsidiaire,

- limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3 mois de salaires bruts, soit à la somme de 9 263,10 euros,

- débouter M. [O] [N] sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire,

- prononcer la compensation judiciaire entre les sommes allouées à M. [O] [N] et le solde du prêt restant à devoir à la société Hyperprimeurs,

Sur les heures supplémentaires,

- débouter M. [O] [N] de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires qu'il prétend avoir réalisées ainsi que de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

En tout état de cause :

- déclarer recevable la demande de remboursement du prêt consenti par la société Hyperprimeurs,

- condamner M. [O] [N] à verser à la société Hyperprimeurs la somme de 33 948,10 euros afférente au restant à rembourser sur le prêt consenti par l'Intimée,

- condamner M. [O] [N] au paiement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [O] [N] aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur les heures supplémentaires

En application des articles L.3121-27 et L.3121-28 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine et toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. L'article L.3121-36 du même code prévoit que, à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l'article L. 3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires et 50% pour les suivantes.

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il a été jugé que constituent des éléments suffisamment précis des tableaux mentionnant le décompte journalier des heures travaillées, peu important qu'ils aient été établis par le salarié lui-même pour les besoins de la procédure.

Par ailleurs, même en l'absence d'accord express, les heures supplémentaires justifiées par l'importance des tâches à accomplir ou réalisées avec l'accord tacite de l'employeur, qui ne pouvait en ignorer l'existence et qui ne s'y est pas opposé, doivent être payées.

En l'espèce, au soutien de ses prétentions, le salarié produit un planning selon lequel il travaillait 41 heures par semaine. Dans le cadre de ses écritures, il précise qu'en application de l'article 2 du décret du 15 décembre 2003 relatif à la durée du travail dans les commerces de détails de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers la durée du travail, équivalente à la durée légale prévue au 1er alinéa de l'article L 212-1 du code du travail, est fixée à 38 heures.

Il précise également qu'ayant été payé des heures d'équivalence (soit jusqu'à 38 heures), il lui reste dû 3 heures supplémentaires par semaine. Le salarié effectue, aux termes de ses écritures, un calcul sur 3 années. Il réclame ainsi la somme de 8724,38 euros, outre les congés payés afférents.

Ce faisant, il produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies au-delà du temps de travail permettant à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse cependant, l'employeur se contente de critiquer les éléments de preuve ainsi communiqués, soulignant que le contrat de travail prévoit un temps de travail hebdomadaire de 35 heures, outre 3 heures hebdomadaires d'équivalence. La société conteste que le planning produit aux débats émane d'elle. Par ailleurs, la société souligne qu'il résulte des bulletins de salaires produits par le salarié lui-même qu'il n'a travaillé à temps plein qu'à compter du 1er mars 2016, si bien qu'il ne peut réclamer un rappel d'heures supplémentaires sur 3 ans.

La société ne produit en revanche pas ses propres éléments de contrôle, et notamment pas son propre planning, en sorte qu'il convient de retenir que des heures supplémentaires non rémunérées ont bien été effectuées.

Il résulte par ailleurs des pièces produites que l'employeur était nécessairement informé de l'amplitude horaire du salarié, qu'il ne s'y était pas opposé et qu'il avait dès lors donné son accord tacite à la réalisation des heures litigieuses.

La cour remarque que le planning produit aux débats par le salarié porte la mention manuscrite ' à compter de septembre 2017 ', ce qui laisse penser que les 41 heures de travail revendiquées n'ont été effectuées qu'à compter de cette date.

Au regard des éléments produits de part et d'autre, il y a lieu de retenir 171 heures supplémentaires non rémunéréres, soit un rappel de salaire de 3526,87 euros, outre la somme de 352,68 euros au titre de congés payés afférents.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L.8223-1 du même code dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, l'élément intentionnel ne peut uniquement se déduire de l'absence de mention sur les bulletins de paye du salarié des heures supplémentaires accomplies et non rémunérées telles qu'elles ont été reconnues par la cour dans les développements précédents.

Par suite, faute d'élément intentionnel, il y a lieu de débouter M. [N] de sa demande de ce chef.

Le jugement est confirmé de ce chef.

3-Sur le licenciement pour faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 19 novembre 2018, il est reproché au salarié les faits suivants :

' - Vol de marchandises :

En effet, en date du lundi 29 octobre 2018, à 18 heures 59, l'agent de sécurité qui entrait sur le quai afin d'effectuer sa ronde de contrôle habituelle vous a surpris, sortant par l'arrière du magasin, alors que les salariés ont interdiction de sortir par cet endroit. En effet, ceux-ci doivent à la fin de leur journée de travail quitter le magasin par l'avant au niveau de la sortie des clients.

L'agent de sécurité a alors constaté que vous teniez un sac en plastique à la main. Il vous a alors demandé s'il pouvait regarder ce qu'il s'y trouvait. Celui-ci contenait un avocat tropical et une boite de vache qui rit. N'ayant pas de ticket de caisse justifiant ces achats, vous avez alors demandé à l'agent de sécurité à ce que cet évènement reste entre vous. Il vous a alors répondu qu'il en était hors de question et qu'il devait faire son travail. Il vous a donc emmené en caisse centrale où vous avez restitué la marchandise.

Nous vous rappelons les termes du règlement intérieur, paragraphe 2.5 Contrôle de sécurité:

« Il est interdit d'emporter des objets ou matériels appartenant à la Société HYPERPRIMEURS sans autorisation, de même qu'il est interdit d'utiliser pour son propre compte, sans autorisation, les matériels appartenant à la Société HYPERPRIMEURS.

Il est interdit de prendre des marchandises en rayons ou dans les sites d'entreposage sans autorisation préalable de la Direction. »

Ces agissements sont inadmissibles et nous ne pouvons les tolérer, quel que soit le montant du préjudice. Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire, dans l'entreprise.

Votre licenciement sera effectif à partir de la date d'envoi de la présente lettre, sans préavis, ni indemnités de rupture.

Nous vous informons que votre période de mise à pied conservatoire ne vous sera pas rémunérée».

Le salarié indique qu'il ne conteste pas les faits mais leur caractère fautif. Il explique qu'il est d'usage dans la société que les salariés puissent consommer des produits provenant du magasin, en particulier des fruits et des légumes invendus, abimés ou destinés à la poubelle et d'en emporter chez eux. Il précise qu'il a mis dans son sac l'avocat et la boîte de 'vache qui rit', ouverte et ainsi invendable. Il souligne que la société ne justifie pas qu'elle a porté à la connaissance des salariés le réglement intérieur dont elle se prévaut, ni de la consultation préalable des instances représentatives du personnel ni de sa communication à l'inspection du travail. M. [N] indique que le réglement intérieur versé aux débats est postérieur à son embauche. Il estime que la société ne rapporte pas la preuve qu'il lui est opposable. Il conteste la sincérité des attestations versées aux débats par son employeur.

La société expose qu'elle reproche à son salarié des faits qui constituent une tentative de vol, le salarié n'ayant pas réglé les produits et étant sorti par l'arrière du magasin, sans passer par les caisses alors que cela est interdit. Aux termes de ses écritures, elle lui reproche d'avoir également tenté de corrompre l'agent de sécurité.

La société conteste qu'un usage existe permettant de consommer et d'emporter des invendus. Elle indique que cela est contraire à son réglement intérieur lequel était parfaitement opposable à son salarié. Elle souligne que cet argument n'avait pas été soulevé en première instance et que les attestations produites, pour 4 d'entre elles, émanent de salariés licenciés pour faute grave. La cour constate que les faits ne sont pas contestés par le salarié et que se pose en conséquence la seule question de savoir s'ils pouvaient justifier un licenciement pour faute grave.

La cour constate également que le réglement intérieur prohibe de prendre des marchandises en rayon ou dans les sites d'entreposage, sans autorisation préalable de la direction ou de consommer sur le lieu de travail des denrées alimentaires sans autorisation dans les rayons et/ou entrepôts. Il impose également aux salariés de faire leurs achats sur leur temps de pauses ou de déjeuner, un ticket de caisse devant leur être remis afin qu'ils puissent justifier du paiement de leurs achats.

Ce réglement intérieur est parfaitement opposable au salarié. En effet, le projet de mise à jour du réglement intérieur a été soumis au comité d'entreprise et au CHSCT le 27 janvier 2017. Le réglement intérieur a été envoyé à la DIRECCTE, le 27 février 2017. Il a été affiché le 1er mars 2017 avec une prise d'effet au 1er avril 2017.

Par ailleurs, le salarié ne justifie pas de l'existence d'un usage contraire au sein de la société, les attestations produites aux débats émanant d'anciens salariés étant en conflit avec leur ancien employeur et d'ailleurs combattues par des attestations d'autre salariés.

Pour autant, en raison de la modicité de l'objet de la tentative de vol et donc du préjudice pour la société, de l'ancienneté du salarié et de l'absence d'antécédent disciplinaire, la cour estime que le licenciement pour faute grave constitue une sanction disproportionnée.

Le licenciement est requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

4- Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salaire mensuel de référence à retenir est de 3087, 70 euros

4-1-Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Le salarié peut prétendre à deux mois de préavis. Il lui est dû de ce chef la somme de 6175,40 euros, outre la somme de 617,54 euros pour les congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef.

4-2-Sur l'indemnité légale de licenciement

En application de l'article R 1234-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, il est dû au salarié la somme de 15267,58 euros de ce chef, ramenée à la somme de 15095,77 euros, la cour ne pouvant statuer ultra petita.

Le jugement est infirmé de ce chef.

4-3 Sur la demande de rappel de salaire pour la période de mise à pied.

Cette demande est fondée, le licenciement ayant été requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il est dû à M. [N] la somme de 1790,25 euros de ce chef, outre la somme de 179,02 au titre des congés payés afférents,

4-4-Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Le montant de cette indemnité, à la charge de l'employeur, est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par avance au dit article.

Au cas d'espèce, le salarié peut prétendre, au regard de son ancienneté de 17 années dans l'entreprise, à une indemnité équivalente au minimum à 3 mois et au maximum à 14 mois de salaire brut.

En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [O] [N], de son âge au jour de son licenciement (42 ans), de son ancienneté à cette même date (17 années), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies à la cour, il y a lieu de lui allouer la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

5-Sur les dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

Il est de principe que l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des circonstances brutales et vexatoires du licenciement nécessite, d'une part, la caractérisation d'une faute de l'employeur dans les circonstances de la rupture du contrat de travail qui doit être différente de celle tenant au seul caractère abusif du licenciement, ainsi que, d'autre part, la démonstration d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé par l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié n'établit pas l'existence de circonstances brutales et vexatoires ayant entouré le licenciement. Il est débouté de sa demande de ce chef. Le jugement est confirmé.

6-Sur la demande reconventionnelle de la société Hyperprimeurs

La société expose qu'elle a consenti un prêt sans intérêts de 50 100 euros à M. [O] [N] au cours de l'exécution du contrat de travail et en raison de sa qualité de salarié et que ce dernier reste lui devoir la somme de 33948,10 euros.

A titre principal, le salarié soutient que cette demande est irrecevable estimant qu'elle n'a aucun lien avec ses demandes et que le fait qu'il conteste la rupture de son contrat de travail et l'exécution de son contrat de travail n'établit pas un lien suffisant, dans la mesure ou la convention de prêt ne mentionne pas que le prêt lui a été consenti en raison de sa qualité de salarié. Au fond, le salarié précise qu'il a emprunté pendant la relation contractuelle la somme globale de 58000 euros, qu'il a remboursé depuis 2003 pour un montant cumulé de 38911,90 euros et qu'il reste devoir la somme de 19088,10 euros.

La convention de prêt signée entre les parties le 9 janvier 2012 mentionne que 'la société accède à la demande de M. [O] [N], employé dans la société'. C'est bien à raison de sa qualité de salarié que des sommes d'argent ont été prêtées à M. [N] par la société.

D'ailleurs, le salarié n'explique pas quelles circonstances auraient pu motiver la société à lui prêter, à plusieurs reprises, de l'argent si ce n'est pour lui venir en aide es sa qualité de salarié.

La demande est recevable.

Il résulte de la convention de prêt en date du 9 janvier 2012, signée par les parties, qu'à cette date, M. [N] reconnaissait être redevable d'une somme de 20100 euros, restant due sur un ou plusieurs ancien(s) prêt(s) et de la somme de 30000 euros, versée par chèque en date du 8 janvier 2012.

Le salarié verse aux débats l'ensemble de ses bulletins de salaires et un récapitulaitif de ses versements. De son côté, l'employeur verse aux débats la convention de prêt signée le 9 janvier 2012 et un extrait du ' grand livre général' selon lequel, au 30 décembre 2017, le salarié restait devoir la somme de 37400 euros et la liste des versements effectués en 2018, pour un solde de 33948,10 euros.

Le salarié ne peut déduire d'une somme qu'il a reconnu rester devoir au 9 janvier 2012 des versements effectués entre 2003 et fin 2017.

Ainsi, il résulte des pièces versées de part et d'autre que le salarié reste débiteur de la somme de 33948,10 euros. Le jugement est confirmé de ce chef.

7- Sur la remise des documents de fin de contrat.

Il convient d'ordonner la remise d'un bulletin de paie récapitulatif et , d'une attestation Pôle Emploi, devenu France Travail conformes à la présente décision, celle-ci étant de droit, sans qu'il ne soit nécessaire de prononcer une astreinte.

8- sur le remboursement des indemnités de chômage

En application de l'article 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation. Il sera ajouté au jugement de ce chef.

9-Sur les intérêts

La cour rappelle qu'en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal portant sur les créances salariales sont dus à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation et les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter du présent arrêt.

10-Sur les demandes accessoires

Le jugement est infirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a débouté la SAS Hyperprimeurs de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Eu égard à l'issue du litige, la SAS Hyperprimeurs est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de M. [O] [N] ainsi qu'il sera dit au dispositif.

La SAS Hyperprimeurs est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. [O] [N] à payer à la SAS Hyperprimeurs la somme de 33948,10 euros correspondant au solde des prêts consentis et a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REQUALIFIE le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS Hyperprimeurs à payer à M. [O] [N] les sommes suivantes :

- 6175,40 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

- 617,54 euros bruts au titre des congés payés afférents,

-1790,25 euros au titre du rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire, outre la somme de 179,02 au titre des congés payés afférents,

- 15 095,77 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

-15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3526,87 euros bruts au titre des heures supplémentaires,

- 352,68 euros bruts au titre des congés payés afférents,

ORDONNE à la SAS Hyperprimeurs de remettre à M. [O] [N] , une attestation destinée au Pôle Emploi, devenu France Travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent arrêt dans un délai d'un mois à compter de sa signification,

DIT n'y avoir lieu à astreinte,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les créances de nature indemnitaire portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE d'office à la SAS Hyperprimeurs le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [O] [N] dans la limite de trois mois d'indemnisation,

DIT que conformément aux dispositions des articles L. 1235-4 et R. 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié.

CONDAMNE la SAS Hyperprimeurs à payer à M. [O] [N] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel,

DÉBOUTE la SAS Hyperprimeurs de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

CONDAMNE la SAS Hyperprimeurs aux dépens de première instance et d'appel,

REJETTE toute autre demande.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/05217
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;21.05217 ?
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