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24/04/2024 | FRANCE | N°20/14649

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 24 avril 2024, 20/14649


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 24 AVRIL 2024



(n° /2024, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/14649 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCPHQ



Décision déférée à la Cour : jugement du 06 mars 2020 - tribunal judiciaire de CRETEIL - RG n° 18/04952





APPELANT



Monsieur [I] [P]

[Adresse 1]

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Représenté par Me Audrey HINOUX de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Gilles MIGAYROU, avocat au barreau du VAL D...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 24 AVRIL 2024

(n° /2024, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/14649 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCPHQ

Décision déférée à la Cour : jugement du 06 mars 2020 - tribunal judiciaire de CRETEIL - RG n° 18/04952

APPELANT

Monsieur [I] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Audrey HINOUX de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Gilles MIGAYROU, avocat au barreau du VAL DE MARNE, substitué à l'audience par Me Manon DUARTE, avocat au barreau du VAL DE MARNE

INTIMEES

Société LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES, société anonyme d'un Etat membre de la CE ou partie à l'accord sur l'espace économique européen, prise en la personne de son mandataire général pour les opérations en France la SAS LLYOD'S FRANCE, elle-même représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Sarah XERRI HANOTE, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. DDTF prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette quailté audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

N'a pas constitué avocat - signification de la déclaration d'appel le 16 décembre 2020 par procès-verbal de recherches infrucutueuses

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Marie-Ange Sentucq, présidente de chambre,

Mme Elise Thevenin-Scott, conseillère,

Mme Anne Chaply, conseillère,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre DARJ

ARRET :

- défaut.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement le 20 décembre 2023 et prorogé au 24 avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Manon Caron, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [P] a entrepris en qualité de maître d'ouvrage la construction d'un studio et de deux garages sur une parcelle dont il est propriétaire sis [Adresse 3]).

La déclaration d'ouverture de chantier est intervenue le 11 janvier 2013.

Les travaux ont été confiés à la société DDTF assurée auprès de la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY venant aux droits des SOUSCRIPTEURS DU LLOYDS DE LONDRES (Syndicats BEAZLEY AFB 623 et AFB 2623) au titre d'une police DECEM SECOND & GROS 'UVRE n°CRCD01-004011, ayant pris effet le 7 novembre 2011 suivant devis du 18 avril 2012 d'un montant de 68.384,60 euros HT.

La société LLOYD'S INSURANCE COMPANY vient aux droits de la société Les SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES ensuite du transfert des contrats d'assurance pour les risques localisés dans l'Union européenne au titre des exercices de 1993 à 2020 (inclus), selon une procédure de transfert dite « Part VII transfer » autorisée par la High Court of Justice de Londres suivant ordonnance en date du 25 novembre 2020.

Quatre factures ont été émises par la société DDTF :

facture du 29 août 2012 d'un montant de 1.600 euros HT

facture du 29 août 2012 d'un montant de 810 euros HT

facture du 30 mai 2013 d'un montant de 102.249,54 euros HT

facture du 30 mai 2013 d'un montant de 3.870,14 euros HT

Les travaux ont été réceptionnés le 31 mai 2013 sans réserve.

Par courrier recommandé avec accusé réception du 23 octobre 2013, Monsieur [P] a mis en demeure la société DDTF de reprendre son ouvrage.

Par exploit d'huissier en date du 10 janvier 2014, Monsieur [P] a assigné en référé devant le Président du Tribunal de Grande Instance de CRETEIL, la société DDTF et la société BEAZLEY SOLUTIONS LIMITED en qualité d'assureur de la société DDTF aux fins d'expertise judiciaire.

La société Les SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES (Syndicats BEAZLEY AFB 623 et AFB 2623) aux droits de laquelle vient la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY est intervenue volontairement à l'instance en qualité d'apériteur.

Par ordonnance de référé du 17 mars 2014, le Président du Tribunal de Grande Instance de CRETEIL à :

mis hors de cause la société BEAZLEY SOLUTIONS LIMITED

reçu l'intervention volontaire des SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES en qualité d'assureurs de la société DDTF suivant police DECEM SECOND & GROS 'UVRE CRCD01-004011 sous les plus expresses réserves de garantie ;

désigné Monsieur [T] [G] en qualité d'Expert judiciaire.

Monsieur [G] a déposé son rapport le 27 juin 2016.

Par acte du 11 mai 2018, Monsieur [P] a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL la société DDTF et la société Les SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES (Syndicats BEAZLEY AFB 623 et AFB 2623) aux droits desquels vient la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY aux fins de les voir condamnés in solidum au paiement des sommes de :

45.154,34 euros au titre des travaux de reprise, y compris les frais de maîtrise d''uvre,

10.000 euros au titre du préjudice financier et de jouissance,

384 euros au titre de « la facture d'étude et devis de travaux de l'entreprise COF »,

3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Aux termes du jugement rendu le 6 mars 2020, le Tribunal judiciaire de CRETEIL a condamné la société DDTF à verser à Monsieur [P] les sommes suivantes :

37.628,61 euros TTC au titre des travaux de reprise

3.762,86 euros TTC au titre des honoraires de maîtrise d''uvre

384 euros au titre de la facture d'étude et devis de travaux de l'entreprise COF

10.000 euros au titre d'un préjudice de jouissance (la condamnation ne figure pas dans le dispositif de la décision, mais uniquement dans les motifs, comme le relève Monsieur [P] dans ses conclusions d'appelant)

3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par déclaration enrôlée le 16 octobre 2020, Monsieur [P] a interjeté appel du jugement rendu le 6 mars 2020 en ce qu'il :

Omet de reprendre dans son dispositif la condamnation à réparer le préjudice de jouissance subi par Monsieur [P] qu'il évalue pourtant à la somme de 10.000 euros,

Condamne seule la société DDTF à payer à Monsieur [I] [P] :

la somme de 27.628,61 euros TTC au titre des travaux de reprise,

la somme de 3.762,86 euros TTC au titre des honoraires de maîtrise d''uvre,

la somme de 384 euros TTC versée au titre de la facture d'étude et devis de travaux de l'entreprise COF,

la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne seule la société DDTF aux dépens de l'instance incluant les frais d'expertise et ceux de la procédure de référé,

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire,

Exclut la garantie des SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES

Par conclusions d'appelant n°3 Monsieur [I] [P] demande à la cour de :

Vus les articles L 112-4 et L 124-3 du Code des assurances,

Vus les articles 1792 et suivants du Code civil,

- Infirmer le jugement du 6 mars 2020 en ce qu'il a mis hors de cause la société LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES

- Confirmer le jugement du 6 mars 2020 en ce qu'il a condamné la société DDTF à payer à Monsieur [P] :

la somme de 37.628,61 euros TTC au titre des travaux de reprise

la somme de 3.762,86 euros au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre

la somme de 384 euros versée au titre de la facture d'études et devis de travaux de l'entreprise COF

la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du C.P.C.

- Confirmer le jugement du 6 mars 2020 en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire

- Débouter la société LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES de toutes demandes, fins ou prétentions contraires au présent dispositif ;

Statuant à nouveau :

- A titre principal, condamner in solidum la société LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES et la société DDTF à payer à Monsieur [P] :

la somme de 37.628,61 euros TTC au titre des travaux de reprise

la somme de 3.762,86 euros au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre

la somme de 384 euros versée au titre de la facture d'études et devis de travaux de l'entreprise COF

la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi

la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du C.P.C. pour la première instance

les entiers dépens de première instance, incluant les frais d'expertise et de référé

la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du C.P.C. pour la procédure d'appel

les entiers dépens d'appel, et autoriser Audrey HINOUX, Avocat au Barreau de Paris, à recouvrer directement ceux des dépens dont elle déclare avoir fait l'avance sans avoir reçu provision, en l'application de l'article 699 du C.P.C.

- A titre subsidiaire, condamner la société LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES, in solidum avec la société DDTF, à indemniser Monsieur [P] à concurrence de :

la somme de 4.244,10 euros TTC au titre des travaux de reprise

la somme de 424,82 euros TTC au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre

la somme de 384 euros versée au titre de la facture d'études et devis de travaux de l'entreprise COF

la somme de 4.000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi

la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du C.P.C. pour la première instance

les entiers dépens de première instance, incluant les frais d'expertise et de référé

la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du C.P.C. pour la procédure d'appel

les entiers dépens d'appel, et autoriser Audrey HINOUX, Avocat au Barreau de Paris, à recouvrer directement ceux des dépens dont elle déclare avoir fait l'avance sans avoir reçu provision, en l'application de l'article 699 du Code de Procédure Civile

Par conclusions d'intimée n°2 la société LLOYD'S Insurance Company demande à la cour :

Vu les articles 1231-1, 1240, 1342-2, 1353 et 1792 et suivants du Code civil

Vu l'article 334 du Code de procédure civile,

Vu les articles L121-12 et L124-3 du Code des assurances

A titre liminaire

DONNER ACTE à la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA de ce qu'elle vient aux droits des SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES (Syndicats BEAZLEY AFB 623 et AFB 2623) au titre de la police DECEM SECOND & GROS 'UVRE CRCD01-004011

A titre principal

DIRE ET JUGER que les éléments contractuels sont opposables à la société DDTF,

DIRE ET JUGER que les désordres résultent de l'exercice, par la société DDTF, de travaux relevant d'activités non garanties,

DIRE ET JUGER que la preuve de la réunion des conditions des garanties délivrées au titre de la police DECEM SECOND & GROS 'UVRE CRCD01-004011 n'est pas rapportée,

En conséquence

CONFIRMER en toutes ses disposition le jugement rendu le 6 mars 2020 par le Tribunal judiciaire de CRETEIL en ce qu'il n'a prononcé aucune condamnation à l'encontre de la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY venant aux droits des SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES (Syndicats BEAZLEY AFB 623 et AFB 2623)

DEBOUTER Monsieur [P] ou toute autre partie de leurs demandes formées à l'encontre de la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY venant aux droits des SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES (Syndicats BEAZLEY AFB 623 et AFB 2623)

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la Cour infirmait la décision entreprise et considérait que les garanties délivrées au titre de la police DECEM SECOND & GROS 'UVRE CRCD01-004011 étaient mobilisables,

LIMITER toute condamnation à intervenir au titre des préjudices matériels à la somme de 14.816,45 euros TTC comprenant les frais de maîtrise d''uvre

DIRE ET JUGER que la demande de Monsieur [P] formée au titre d'un préjudice de jouissance est mal fondée et en conséquence,

DEBOUTER Monsieur [P] ou toute autre partie de leur demande formée à ce titre à l'encontre de la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY venant aux droits des SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES (Syndicats BEAZLEY AFB 623 et AFB 2623)

LIMITER toute éventuelle condamnation aux plafonds de garantie stipulés dans la police d'assurance,

DEDUIRE de toute condamnation le montant de la franchise contractuelle, opposable à toutes les parties en ce qui concerne les garanties facultatives

En toute hypothèse

DEBOUTER Monsieur [P] et toute autre partie de leurs demandes formées à l'encontre des SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ou des dépens

CONDAMNER Monsieur [P] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Jeanne BAECHLIN

La déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été signifiées à la Sarl DDTF par exploit délivré le 16 décembre 2020 transformé en procès-verbal de recherches infructueuses.

La société DDTF n'a pas constitué avocat, l'arrêt sera rendu par défaut par application des dispositions de l'article 474 alinéa 2 du Code de procédure civile.

La clôture était prononcée par ordonnance du 6 juin 2013.

SUR QUOI,

LA COUR

1-La Garantie de la société LLOYD's Insurance Company

Le tribunal a jugé que la proposition de contrat signée par la société DDTF le 11 avril 2011 suffit à démontrer la volonté commune des parties de s'engager dans les termes, conditions et limites du contrat et à établir la connaissance par l'assurée des conditions particulières contestées ainsi que l'acceptation des limitations de garantie revendiquées par l'assureur lesquelles ne couvrent pas les travaux de démolition, terrassement, amélioration des sols, VRD, charpente et structure bois ou métallique, couverture et étanchéité. Au rappel que les désordres relevés par l'expert judiciaire ont trait au non-respect des prescriptions du rapport géo-technique, à des défauts majeurs de conception et de structure, à une mauvaise gestion des eaux pluviales et de ruissellement, du drainage, de la ventilation absente et à l'inachèvement des travaux d'étanchéité de la toiture terrasse, le jugement en a inféré que les désordres "relèvent majoritairement" d'activités pour lesquelles la société DDTF ne bénéficiait d'aucune garantie auprès de la société Les Souscripteurs du LLOYD'S de Londres.

Monsieur [P], au soutien de son appel, conteste la validité des clauses d'exclusion de garantie au vu du projet de contrat signé le 11 avril 2011 dont il affirme que les activités litigieuses de terrassement, d'amélioration des sols, de VRD et de couverture ne sont pas clairement exclues. Il observe que si les conditions particulières du 10 mai 2012 comportent une exclusion expresse pour les activités litigieuses, ce document n'a été signé que par l'assureur et se trouve dépourvu de toute valeur contractuelle tandis que l'avenant du 7 novembre 2013, établi postérieurement à l'achèvement des travaux le 31 mai 2013, ne peut valablement être invoqué par l'assureur.

Il fait également valoir qu'en retenant que les désordres relèvent "majoritairement" d'activités non garanties, le tribunal a reconnu que ces mêmes désordres relevaient aussi des activités souscrites et que dès lors que les activités garanties telles que la non-conformité des travaux réalisés aux devis et factures, les défauts majeurs de conception et de réalisation de la structure, le non-respect des normes relatives à la ventilation des vides sanitaires et l'absence de ventilation mécanique ont participé au dommage, l'assureur est tenu de garantir l'intégralité du préjudice subi par le tiers victime ou à tout le moins subsidiairement, de l'indemniser du coût des réparations nécessaires pour remédier aux malfaçons relevant des activités souscrites et du préjudice de jouissance subi.

Au rappel de l'absence de désordres apparents à réception, Monsieur [P] oppose à l'assureur que celui-ci ne peut inférer du courrier envoyé par l'entreprise le 31 mai 2013, nécessairement reçu postérieurement à cette date et donc postérieurement à la réception prononcée sans réserve, que la non réalisation du drainage périphérique étant techniquement impossible ce désordre serait apparent, seul le procès-verbal de réception faisant foi. Il souligne que l'absence de drain n'est en tout état de cause qu'une des nombreuses causes des désordres relevés par l'expert, que le caractère décennal des désordres a expressément été retenu par le jugement et le montant des préjudices accordés n'étant pas remis en cause à hauteur d'appel il en infère que l'assureur n'est pas recevable à contester les sommes qui lui ont été accordées en première instance à défaut d'avoir formé un appel incident.

La société LLOYD'S INSURANCE COMPANY sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a considéré que « c'est donc à juste titre que l'assureur oppose tant à l'action directe du maître de l'ouvrage qu'à l'appel en garantie du constructeur une non-assurance des travaux ayant causé le préjudice ». Elle soutient principalement que la société DDTF a réalisé des travaux relevant d'activités non garanties au vu des conditions particulières, des conditions générales et de l'avenant ayant pris effet le 7 novembre 2013. Elle observe que le raisonnement de l'appelant est erroné en ce qu'il tente de créer une confusion en soutenant que la mention "exclue" apparaîtrait uniquement pour la démolition et l'étanchéité de toiture-terrasse tandis que les activités terrassement, amélioration des sols, VRD et couverture ne seraient quant à elles pas "clairement exclues" alors que s'agissant des conditions de la garantie et non pas d'exclusion de garantie, le respect des dispositions de l'article L 112-4 du Code des assurances n'est pas exigé. Dès lors que ni la réalisation du drainage ni la gestion des eaux pluviales et de ruissellement ni l'étanchéité de la toiture terrasse ne relèvent des activités souscrites, ce qui a été relevé par l'expert judiciaire dans sa note au parties n°1, ceux-ci ne sont donc pas couverts.

Elle soutient en tout état de cause que s'agissant de désordres apparents à la réception, expressément relevés par la société DDTF dans un courrier adressé au maître d'ouvrage le jour de la réception 31 mai 2013 concernant l'absence de drain périphérique, et alors que l'expert judiciaire emploie le conditionnel pour caractériser l'atteinte à la solidité de l'ouvrage, la garantie décennale n'a pas vocation à être mobilisée.

Elle fait également valoir que la garantie responsabilité civile générale n'a pas vocation à couvrir les malfaçons et désordres affectant les travaux réalisés par l'assuré et que le préjudice de jouissance ne ressortit pas du préjudice immatériel au sens de la police.

Très subsidiairement, elle sollicite l'infirmation du jugement au titre des sommes allouées soulignant que le devis de la société COF n'a pas été produit dans le cadre de l'expertise judiciaire, que le préjudice de jouissance n'est aucunement justifié et la franchise contractuelle opposable à la société DDTF quel que soit le fondement invoqué, et à tous, pour la garantie facultative avant/après réception.

Réponse de la cour

1-1 Les désordres

La société DDTF s'est engagée, selon devis provisoire du 18 avril 2012, à réaliser des travaux de terrassement, gros-oeuvre, étanchéité multi-couches et isolant toiture, menuiserie, plâtrerie, plomberie et sanitaires pour le prix de

81 787,98 euros TTC.

Les travaux ont été réceptionnés sans réserve selon procès-verbal du 31 mai 2013.

Le même jour, soit le 31 mai 2013, la société DDTF a adressé un courrier recommandé avec accusé réception à Monsieur [P] en ces termes :

" Je vous indique par la présente comme convenu lors de notre entretien sur le chantier que le drainage périphérique préconisé par l'étude de sol n'est techniquement pas possible. Vu le dénivelé important du terrain et compte tenu du fait que la construction est pour une très grande partie enterrée, s'éloigner de 2m de la construction en vue de faire des drains au niveau altimétrique des fondations est techniquement impossible ».

La circonstance que l'entreprise ait signalé au maître de l'ouvrage le jour de la réception l'impossibilité de réaliser un drainage périphérique en raison de la configuration du terrain, contrairement à ce qu'affirme la société intimée, ne peut faire la preuve du caractère apparent du désordre lié à l'absence de mise en oeuvre de celui-ci, aucun désordre n'étant apparu de ce chef au jour de la réception, Monsieur [P] ayant signalé pour la première fois à l'entreprise l'apparition d'humidité dans les sols et au niveau des murs du garage par courrier du 11 juin 2013 à la société DDTF.

L'expert judicaire s'est rendu sur les lieux le 19 juin 2014 et a constaté qu'après avoir démoli le garage existant, la société DDTF a construit deux garages, un local de rangement et un petit studio de 13 m2, aménagé les abords et reprofilé le terrain.

Il a observé des traces et des remontées d'humidité au niveau des murs en périphérie avec un taux d'humidité évalué à 80%. Au vu des photos prises en cours de chantier, il a relevé l'absence de mise en oeuvre d'une barrière étanche ou faisant coupure de capillarité en arase des fondations, alors que l'étude de sols préconisait expressément une mission complémentaire de type G12 pour la mise en oeuvre d'un drainage adapté au sol compte tenu du risque de retrait/gonflement des sols composés d'argile verte.

Ensuite de ces constatations, l'expert judicaire a mis en exergue les désordres suivants :

- Défaut de mise en oeuvre d'un drainage général propre à recueillir les eaux de pluie et de ruissellement : le drain de type agricole posé par la société DDTF étant inadapté car perforé et non raccordé à un exutoire ne fait qu'accroître le phénomène d'humidité en absorbant les eaux souterraines, ce type de drain étant proscrit par le DTU 20-1 qui préconise pour ce genre d'ouvrage un drain routier dont les crépines sont dirigées vers le haut

- Défaut de ventilation du vide sanitaire du plancher du rez-de-chaussée

- Inachèvement de l'étanchéité de la toiture terrasse

- Absence de continuité structurelle de la maçonnerie entre le voile béton et les murs en parpaings.

L'expert judiciaire impute la cause des remontées d'humidité au défaut de mise en oeuvre d'un drainage périphérique conforme aux préconisations du DTU 20-1 précité. Il n'a pas constaté de désordre lié au défaut de continuité structurelle entre le voile béton et les murs en parpaings puisqu'il n'évoque à ce sujet qu'un désordre potentiel qu'il caractérise par " une jonction sujette à fissuration."

L'expert judiciaire préconise des travaux de reprise consistant en la mise en oeuvre d'un drainage général avec recueil des eaux de pluie et de ruissellement

une étanchéité des parois verticales, le terrassement, le traitement de la jonction voile béton et murs pignons pour prévenir l'apparition de désordres futurs, un complément de cuvelage sut toutes les parties des murs enterrés, la mise en place d'une ventilation avec VMC, une toiture végétalisée et la reprise des enduits de façade.

1-2 Les activités garanties par la police d'assurance

Selon les dispositions de l'article L 112-4 du Code des assurances : " La police d'assurance est datée du jour où elle est établie. Elle indique :

- les noms et domiciles des parties contractantes ;

- la chose ou la personne assurée ;

- la nature des risques garantis ;

- le moment à partir duquel le risque est garanti et la durée de cette garantie ;

- le montant de cette garantie ;

- la prime ou la cotisation de l'assurance.

La police indique en outre :

- la loi applicable au contrat lorsque ce n'est pas la loi française ;

- l'adresse du siège social de l'assureur et, le cas échéant, de la succursale qui accorde la couverture ;

- le nom et l'adresse des autorités chargées du contrôle de l'entreprise d'assurance qui accorde la couverture.

Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents."

La société DDTF a souscrit un projet d'assurance auprès de la compagnie d'assurance Beazley, au droit de laquelle intervient la société Lloyd's Insurance Company, en date du 4 avril 2012, signé des deux parties, pour différentes activités dont celles qui suivent, en lien avec l'exécution des travaux litigieux, ont été cochées par le souscripteur :

"- Activité standard : maçonnerie béton armé sauf précontraint in situ sauf activités spécifiques réservées ci-dessous."

Les activités spécifiques réservées, non incluses dans l'assiette de la garantie sont ainsi décrites :

" Réalisation, transformation de murs et d'ossatures porteurs d'immeubles, comportant plus de 6 niveaux dont deux maximum au sous-sol, dallages industriels et commercials (sic) y compris béton fibré dont la superficie est inférieure à 500 m2, fondations spéciales supérieures à 5 m, fondations spéciales telles que pieux, palplanches, parois moulées, barette, parois de soutènement autonomes, reprise en sous-oeuvre dont la profondeur est supérieure à 6 m (...) Enduits extérieurs, chapes et sols coulés à base de liants synthétiques ou de résine.'

"L'électricité y compris la VMC" figure au rang des activités standard souscrites.

Les travaux de démolition, terrassement, voirie réseaux divers (VRD) amélioration des sols, l'assainissement, le rabattement de la nappe, la pose de géomenbrane n'ont pas été cochés par le souscripteur et ne figurent pas dans l'assiette des garanties souscrites.

L'activité d'Etanchéité de toiture terrasse est exclue en caractère gras du tableau des garanties des activités standards.

"Le calfeutrement, la protection, l'étanchéité et l'imperméabilité des façades" sont également exclues, celles-ci figurant au rang des activités réservées ou spécifiques découlant de l'activité standard exclue de l'assiette des garanties.

Il résulte du tableau des garanties de la police intitulée projet d'assurance décennale des assureurs du gros-oeuvre et du second oeuvre, signée le 11 avril 2011 par l'assuré la société DDTF et l'assureur à l'époque la société Beazley, qui a apposé son "Bon pour accord" à cette date sur le projet, que la société DDTF a eu une pleine connaissance des garanties souscrites au bas desquelles elle a apposé son cachet et sa signature.

L'examen du tableau des garanties qui fait la preuve de la nature des risques couverts, établit que la société DDTF n'a pas souscrit d'assurance couvrant les risques liés aux travaux de drainage, cependant que les travaux terrassement, amélioration des sols, assainissement, pose de géomembrane, étanchéité des murs et du toit qu'elle a réalisés dans le cadre du marché consenti à Monsieur [P] sont expressément exclus des garanties accordées par l'assureur.

Ainsi, dans la mesure où les désordres d'humidité sont entièrement imputables à un défaut de mise en oeuvre du drainage qui n'a pas été réalisé en périphérie de l'ouvrage par la société DDTF laquelle n'était pas assurée pour l'exercice de cette activité, c'est à bon droit que le tribunal a débouté Monsieur [P] de son action à l'encontre de l'assureur.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

2- Les frais irrépétibles et les dépens

Ceux-ci n'ont pas été mis à la charge de Monsieur [P] par le jugement.

La société Lloyd's Insurance Company demande la condamnation de Monsieur [P] aux entiers dépens.

Monsieur [P] succombant, sera condamné aux dépens exposés en première instance et à hauteur d'appel et la société Lloyd's Insurance Company déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [I] [P] aux entiers dépens ;

DEBOUTE la société Lloyd's Insurance Company de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

La greffière, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/14649
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;20.14649 ?
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