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24/04/2024 | FRANCE | N°19/13226

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 24 avril 2024, 19/13226


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 24 AVRIL 2024



(n° /2024, 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/13226 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAHNA



Décision déférée à la Cour : jugement du 14 mai 2019 -tribunal de commerce de créteil - RG n° 2017F00962





APPELANTES



S.E.L.A.R.L. JSA en sa qualité d'administrateur judi

ciaire de la société ARMAT FRANCE, prise en la personne de Me [W] [U], domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 7]



Représentée et assistée à l'audience pa...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 24 AVRIL 2024

(n° /2024, 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/13226 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAHNA

Décision déférée à la Cour : jugement du 14 mai 2019 -tribunal de commerce de créteil - RG n° 2017F00962

APPELANTES

S.E.L.A.R.L. JSA en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société ARMAT FRANCE, prise en la personne de Me [W] [U], domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée et assistée à l'audience par Me Jacques MAZALTOV, avocat au barreau de PARIS, toque : E1021

INTIMEE

S.A.S. BOUYGUES BATIMENT ILE DE FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Jospeh BENILLOUCHE, avocat au barreau de PARIS, substitué à l'audience par Me Noemie RELIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Marie-Ange Sentucq, présidente de chambre

Mme Elise Thevenin-Scott, conseillère

Mme Anne Chaply, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre DARJ

ARRET :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 20 décembre 2023 et prorogé au 24 avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Ange Sentucq, Présidente de chambre et par Manon Caron greffière présente lors de la mise à disposition

FAITS ET PROCEDURE

La société SA Bouygues Bâtiment Île de France en qualité d'entreprise principale a confié à la société Sarl Armat France la sous-traitance du lot Gros-Oeuvre Armatures dans le cadre de trois opérations immobilières ayant donné lieu à des marchés distincts :

1- Selon dossier de commande signé par les parties le 21 mai 2015 et le 5 juin 2015, un marché privé de rénovation situé [Adresse 4], au prix forfaitaire de 229 937 euros hors taxe et son avenant n°1du 22 octobre 2015 par lequel les parties ont convenu de modifier l'objet du contrat au vu de la moins-value correspondant à la préfabrication en usine des poutres de l'une des façades, ramenant le prix du marché à 217 908,77 euros, le délai d'exécution étant fixé conformément au planning détaillé général joint à l'avenant et le sous-traitant acceptant le montant de 2 160 euros hors taxe au titre des déductions hors prorata prévues à l'article 5 des Conditions Spécifiques du contrat de sous-traitance outre les frais à venir jusqu'à la fin de la bonne exécution du contrat.

Par courrier recommandé envoyé le 15 décembre 2015 la société Bouygues Immobilier Île de France a mis en demeure la société Armat France, au vu de la constatation de l'abandon du chantier, de remettre en place les équipes nécessaires pour respecter les cadences du Gros-Oeuvre conformément à l'article 27 du planning.

Par courrier du 23 décembre 2015 la société Bouygues Immobilier Île de France a notifié à la société Armat France, au vu des demandes non satisfaites, la résiliation du contrat de sous-traitance l'invitant à un constat contradictoire le 4 janvier 2016 à 11 heures sur le chantier aux termes duquel Maître [N], huissier de Justice à [Localité 12], a constaté l'absence du personnel de la société Armat France au moment du constat entre 11 heures et 11 heures 10 minutes.

Une nouvelle convocation a été adressée par la société Bouygues Immobilier Île de France

à la société Armat France pour le 11 janvier 2016 à 11 heures aux fins d'établir le décompte définitif dans les conditions de l'article 27 des conditions spécifiques du contrat de sous-traitance.

Face à la carence de la société Armat France, la société Bouygues Immobilier Île de France a réitéré la notification de la résiliation du contrat de sous-traitance par courrier recommandé du 23 décembre 2015, invitant la société Armat France à un constat contradictoire de l'avancement des travaux afin d'établir le décompte définitif.

Un décompte non daté ni signé des parties a été établi par la société Bouygues Immobilier Île de France, au vu du marché de base et de l'avenant n°1, arrêtant le montant des travaux réalisés à la somme de 174 060,31 euros et imputant à la société sous-traitante des frais au titre du prorata (4 %), des prestations de cantonnement et "d'autres retenues" non spécifiées estimées à 151 914, 03 euros, portant, selon l'entreprise principale, le solde du décompte en faveur de la société Bouygues Bâtiment Île de France à la somme de :

- 189 152,10 euros .

2- Selon contrat de sous-traitance dont les Conditions Particulières ont été signées le 21 septembre 2015, un marché de construction d'un immeuble à usage de bureaux [Adresse 11] au prix estimé de 461 091 euros n'ayant qu'une valeur indicative, les quantités pouvant varier en plus ou en moins value sans que le sous-traitant puisse prétendre, selon la clause article 4 du contrat, à une indemnité en sus ou en moins.

Par un courrier recommandé envoyé le 16 décembre 2015 la société Bouygues Bâtiment Ile de France, au visa de l'article 27 des Conditions Spécifiques du contrat de sous-traitance, a mis en demeure la société Armat France de fournir les effectifs nécessaires au bon avancement du chantier suivant le planning de l'opération annexé au marché, à défaut de quoi la résiliation du contrat serait prononcée sous 8 jours.

La situation n'ayant pas évolué, la société Bouygues Bâtiment Ile de France a notifié à la société Armat France la résiliation du contrat de sous-traitance par courrier du 23 décembre 2015 l'invitant à se présenter le lundi 4 janvier 2016 sur le chantier pour constater contradictoirement l'avancement des travaux et établir un décompte définitif dans les conditions énoncées à l'article 27 du contrat de sous-traitance.

Le décompte établi le 21 septembre 2015 par la société Bouygues Bâtiment Île de France non daté ni signé, au vu du marché de base, arrête le montant des travaux réalisés à la somme de 164 142,04 euros et impute à la société Armat France diverses prestations qualifiées de "coût de substitution" pour la somme de - 55 444,13 euros et de "prestations autres" (non détaillées) pour la somme de - 95 393,77 euros soit un solde restant dû en faveur de l'entreprise principale de :

- 158 317,88 euros.

3- Selon contrat de sous-traitance dont les Conditions Particulières ont été signées le 17 juillet 2015 un marché de construction de 71 chambres, 63 logements sociaux et 113 logements en accession, située à [Localité 13] 92 150, au prix de 521 000 euros dit " franco chantier" selon des quantités estimatives en tonnages exprimées à l'article 5 Quantités, ayant pour objet la fourniture et la pose des armatures en acier, des distanciers, des compteurs et des rupteurs et la pose ( hors fourniture) des treillis soudés et des boîtes d'attente.

Par courrier du 10 septembre 2015 la société Bouygues Bâtiment Ile de France a notifié à la société Armat France un retard de 7 jours sur le planning, la livraison de longrines du 4 août étant incomplète et celle des 7 et 9 septembre retardée d'une journée, étant en outre incomplète.

La société Bouygues Bâtiment Ile de France a mis en demeure la société Armat France par lettre recommandée du 15 décembre 2015, de remettre en place les équipes nécessaires sous huit jours afin d'assurer le respect des cadences du Gros-'uvre.

Elle a également missionné Maître [R] [Z], Huissier de justice, qui a constaté qu'à la date du 23 décembre 2015, il n'y avait plus qu'un seul ouvrier Armat France présent sur le chantier.

Au visa de l'absence d'effet de la mise en demeure, la société Bouygues Bâtiment Ile de France a notifié à la société Armat France la résiliation du contrat de sous-traitance par lettre recommandée en date du 23 décembre 2015.

La liquidation judiciaire de la société Armat France a été prononcée par jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 6 janvier 2016, qui a désigné la Selarl JSA, en la personne de Maître [W] [U], en qualité de mandataire liquidateur.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mars 2016 la société Bouygues Bâtiment Ile de France a déclaré sa créance globale au passif de la liquidation judiciaire à hauteur de la somme totale de 717 698,77 euros TTC.

Par lettre adressée à la société Bouygues Bâtiment Ile de France le 17 décembre 2016, Maître [W] [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Armat France a contesté la déclaration de créance aux motifs :

- pour le chantier [Adresse 4] et pour le chantier P19 [G] [X], que la rupture des contrats respectifs ne serait pas motivée et les fautes ne seraient pas démontrées,

- pour le chantier [Localité 13] ' Rothschild, que le marché initial aurait fait l'objet d'un avenant en date du 17 décembre 2015 mettant fin au contrat.

Par ordonnance du 27 septembre 2017 le Juge Commissaire s'est déclaré incompétent.

Par acte délivré le 11 octobre 2017 à la société Armat France prise en la personne de son mandataire liquidateur la Selarl JSA, Maître [W] [U], la société Bouygues Bâtiment Ile de France a sollicité du Tribunal de Commerce de Créteil l'admission de sa créance à hauteur d'une somme de 703.304,61 euros TTC.

Le jugement prononcé le 14 mai 2019 par le Tribunal de Commerce de CRETEIL a :

Fixé la créance de la société BOUYGUES BATIMENT IDF au passif de la liquidation judiciaire de la société ARMAT FRANCE à la somme totale de 69.669,00 euros et débouté la société BOUYGUES BATIMENT IDF du surplus de ses demandes ;

Débouté la SELARL JSA ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ARMAT FRANCE de sa demande de rejet intégral des demandes de la société BOUYGUES BATIMENT IDF ;

Dit qu'il appartiendra au mandataire liquidateur de la société ARMAT FRANCE, lorsque la présente décision sera passée en force de chose jugée, de demander au Greffier du Tribunal de porter sur l'état du passif la créance de la société ARMAT FRANCE ;

Rejeté la demande reconventionnelle de la SELARL JSA ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ARMAT FRANCE et l'en débouter ;

Dit mal fondée la SELARL JSA ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ARMAT FRANCE, de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive et l'en déboutée ;

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du CPC et débouté les parties de leurs demandes ;

Mis les dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société ARMAT FRANCE.

La Selarl JSA prise en la personne de Maître [W] [U], en qualité de mandataire liquidateur de la société Armat France, a interjeté appel selon déclaration reçue au greffe de la cour le 1er juillet 2019.

La Selarl JSA en cette même qualité a signifié des conclusions n° 3 le 18 février 2020 par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu l'article 1134 ancien du Code civil,

Infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Rejeter intégralement la créance de 703 304,61euros déclarée par la société BOUYGUES

BATIMENT ILE DE France à la liquidation judiciaire de la société ARMAT France,

Condamner la société BOUYGUES BATIMENT ILE DE France à verser la somme de

20 000 euros à la SELARL JSA pour procédure abusive,

Condamner la société BOUYGUES BATIMENT ILE DE France à verser la somme de

725 126,11 euros à la SELARL JSA, majoré des intérêts de 3 fois le taux d'intérêt légal,

Condamner la société BOUYGUES BATIMENT ILE DE France à verser la somme de

20 000 euros à la SELARL JSA au titre de l'article 700 du CPC,

Condamner la société BOUYGUES BATIMENT ILE DE France aux dépens.

La SAS Bouygues Bâtiment Ile de France a signifié des conclusions le 9 mars 2023 demandant à la cour de :

Vu les articles 1217 et 1231-1 du Code civil

Infirmer le jugement :

En ce qu'il n'a admis au passif de la liquidation la créance de la société Bouygues Bâtiment IDF qu'à hauteur de la seule somme de 69 669 euros ;

En ce qu'il a débouté la société Bouygues Bâtiment Ile de France de sa demande d'admission de créance à hauteur d'une somme totale de 703 304,61 euros TTC ;

Déclarer la société Bouygues Bâtiment Ile de France recevable et fondée en sa déclaration de créance ;

En conséquence, en prononcer l'admission, à titre chirographaire, à hauteur de 703 304,61 euros TTC avec toutes les conséquences de droit ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Selarl JSA en qualité de mandataire judiciaire de la société Armat France de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Bouygues Bâtiment Ile de France ;

Débouter la Selarl JSA en qualité de mandataire judiciaire de la société Armat France de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Condamner Selarl JSA en qualité de mandataire judiciaire de la société Armat France à payer à la société Bouygues Bâtiment Ile de France la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance à la date du 14 mars 2023.

SUR QUOI,

LA COUR

Prolégomènes

1- La contestation des créances

Par l'effet des dispositions de l'article R 624-2 du Code de commerce, la liste des créances contenant les indications prévues à l'article L. 622-25 et à l'article R. 622-23 ainsi que les propositions du mandataire judiciaire et les observations du débiteur, avec indication de leur date, est déposée au greffe pour être sans délai remise au juge-commissaire. Après le dépôt au greffe de cette liste, celle-ci est complétée par le greffier agissant à la demande du mandataire judiciaire ou du créancier intéressé, par l'inscription des créances définitivement fixées, à l'issue d'une instance judiciaire intervenue après le dépôt de l'état des créances.

Ainsi il n'appartient ni au tribunal ni à la cour, saisis d'une contestation au fond ensuite de l'ordonnance du Juge Commissaire invitant les parties à mieux se pourvoir, d'admettre au passif de la procédure collective les créances litigieuses, cette admission étant dévolue au Juge Commissaire à l'issue de l'instance judiciaire engagée mais seulement d'en fixer le montant, si le bien fondé de la créance est reconnu.

2- Le droit applicable

Les contrats litigieux ayant été signés en 2015, seules les dispositions du Code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance du 10 février 2016 sont applicables.

1- Le solde du marché du chantier sis [Adresse 4]

Le tribunal a jugé que la défaillance de la société Armat France ayant abandonné le chantier le 15 décembre 2015 n'est pas sérieusement contestable, que les dispositions des conditions spécifiques du contrat de sous-traitance permettent à l'entreprise principale de réaliser ou faire réaliser une partie des travaux dévolus au sous-traitant en cas de défaillance de celui-ci et que les surcoûts invoqués par la société Bouygues Bâtiment Ile de France ne sont pas justifiés comme des charges supplémentaires dues à la défaillance de la société Armat France hormis la location de matériel à hauteur de 3 782,24 euros.

La société Armat France soutient que les frais de location invoqués ne sont nullement justifiés en l'absence de toute preuve de la durée du chantier donc d'un retard qui lui soit imputable alors que le chantier était achevé et qu'aucune location n'était nécessaire.

Elle fait valoir que les commandes dont se prévaut la société Bouygues Bâtiment Île de France sont antérieures à la fin des travaux ce qui démontre que celle-ci a anticipé la défaillance dont elle se prévaut. Elle soutient que la rupture du contrat est imputable à l'entreprise principale, que le chiffrage des travaux non réalisés est arbitraire en l'absence constat d'avancementdu chantier et son calcul inexact au regard de la facture du 31 janvier 2016, de la procédure de paiement direct mise en place au profit du fournisseur des armatures, la société Sabea, des déductions déjà opérées au titre du prorata et du cantonnement et surtout du plafonnement opéré par l'avenant n°1 pour la participation au cantonnement.

Elle observe que l'intimée se contredit en affirmant à hauteur d'appel avoir eu recours à des intérimaires pour achever le chantier alors qu'elle soutenait, à l'appui de sa déclaration de créance, avoir eu recours à ses propres ouvriers, et cherche à mettre à la charge du sous-traitant l'achat de prestations ne lui incombant pas, en se fondant sur des quantités irréalistes au regard des prestations accomplies et des travaux supplémentaires non contractualisés.

Elle conclut au débouté de la créance alléguée à hauteur de 189 152 euros.

La société Bouygues Bâtiment Île de France oppose que le contrat de sous-traitance a été conclu à un prix global et forfaitaire de 229 937 euros hors taxe, les délais non respectés et l'abandon du chantier constaté par huissier le 23 décembre 2015, la présence d'un seul ouvrier de la société Armat France ne pouvant sérieusement être considérée comme valant poursuite des travaux, le sous-traitant, invité à satisfaire à ses obligations, n'ayant donné aucune suite aux demandes de l'entreprise principale.

Elle soutient, au rappel des stipulations du contrat de sous-traitance dont elle précise qu'elles sont identiques pour les trois contrats, que la défaillance de la société Armat France qui n'a répondu ni à la demande de reprise du chantier ni participé au constat d'huissier est avérée et qu'il restait a minima 46 484 euros de travaux à réaliser soit presque 1/5ème de la valeur totale du marché lorsque le chantier a été abandonné.

Elle affirme qu'elle s'est approvisionnée auprès de la société Sabea dans le cadre d'un protocole de paiement tripartite pour compte pour la fourniture de l'acier, et justifie des commandes passées postérieurement à la résiliation du marché, motivées par l'urgence. Elle indique avoir missionné trois compagnons à double titre pour effectuer la transition et avoir fait appel à trois sociétés pour pallier la défaillance de la société Armat France.

Ces éléments établissent selon elle le bien fondé de sa créance à hauteur de 189 152,10 euros contrairement à ce qui a été jugé, le tribunal n'ayant retenu que 3 782,24 euros.

Réponse de la cour

1- 1 La résiliation du contrat

Les dispositions de l'article 26 des Conditions Spécifiques du contrat de sous-traitance Substitution, prévoient que :

« L'entreprise principale peut, après mise en demeure adressée dans les formes et délais prévus à l'article 27, réaliser elle-même ou faire réaliser une partie des travaux du sous-traitant en cas de défaillance de ce dernier dans l'exécution de ses obligations telles que définies à l'article 27. Tous les coûts, retards, et conséquences dommageables dues à cette intervention sont supportés par le sous-traitant, qui conserve l'entière responsabilité des travaux concernés ».

Selon les dispositions de l'article 27 :

"Le non-respect par le sous-traitant de l'une quelconque des obligations du contrat, carence, retard, inexécution ou mauvaise exécution' Constitue la défaillance au sens du présent article. Cette défaillance peut entraîner de plein droit la résiliation du contrat, après mise en demeure adressée par lettre ou télécopie, confirmée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Cette mise en demeure comporte : l'indication des manquements auxquels il doit être mis fin, la référence aux dispositions du présent article ou le cas échéant de l'article 26, éventuellement les dispositions qui doivent être mise en 'uvre par le sous-traitant.

Lorsque la mise en demeure est restée infructueuse, à l'expiration d'un délai de huit jours calendaire, l'entreprise principale notifie au sous-traitant par lettre recommandée avec accusé de réception, la décision de résiliation et la date à laquelle il sera procédé à un constat contradictoire d'état des lieux et d'avancement des travaux.

En l'absence d'un représentant du sous-traitant, le constat d'état des lieux et d'avancement des travaux est réputé contradictoire et opposable à celui-ci.

Cette résiliation s'effectue sans préjudice de la mise à la charge du sous-traitant de tous les coûts, retard et conséquences dommageables dû à sa défaillance. En cas de résiliation du contrat, l'entreprise principale peut procéder au remplacement du sous-traitant.

Les charges supplémentaires, y compris les incidences du retard résultant de ce remplacement sont à la charge du sous-traitant.

Les matériaux en usine et sur le chantier affectés à l'objet du contrat et non encore propriété de l'entreprise principale, deviennent, si celle-ci en fait la demande, sa propriété, à charge pour elle d'intégrer le droit à paiement dans le cadre du décompte définitif.

Le matériel indispensable à la poursuite des travaux et laissé ou mis à disposition de l'entreprise principale jusqu'au bon achèvement de l'ouvrage."

Bien qu'invitée à participer au constat dressé par Maître [T] [N] le 11 janvier 2016, sur le chantier du 121 avenue Malafoff, par courriers recommandés du 4 janvier 2016 et du 7 janvier 2016, la société Armat France qui n'a pas comparu et ne conteste pas avoir été régulièrement avisée de ce constat, ne produit aucun élément au soutien d'une reprise effective du chantier par ses équipes au-delà du 23 décembre 2015.

La société Armat France n'invoque aucune cause exonératoire de responsabilité au sens des dispositions de l'article 1147 ancien du Code civil alors qu'elle est débitrice à l'égard de l'entreprise principale de l'obligation de livrer les prestations commandées dans les délais requis et n'élève aucune contestation utile à l'encontre du tableau des des commandes exécutées et du planning produit par la société Bouygues Bâtiment Île de France qui démontre que le chantier était en cours d'exécution à la date de la résiliation.

La société Armat France est donc seule à l'origine de la rupture du contrat de sous-traitance dont la résiliation a été prononcée à bon droit par la société Bouygues Immobilier Île de France au vu de l'abandon du chantier à effet au 23 décembre 2015.

1-2 Les sommes dues

Le tableau de commandes annexé au contat d'huissier valorise le montant des travaux réalisés à la date du 23 décembre 2015 par la société Armat France à la somme de :

- 174 060 euros hors taxe, sur un marché de base forfaitaire et non actualisable de 229 937 euros ramené à 217 908,77 euros hors taxe, après déduction de la somme de 9 392,69 euros correspondant à la moins-value contractualisée par l'Avenant de Modification n°1 du 22 octobre 2015 au vu de la quantité estimative de fourniture d'acier correspondant à la préfabrication en usine des poutres d'une façade et des travaux modificatifs y afférents.

La nature des prestations confiées à la société Armat France est définie par les dispositions de l'Additif aux Cahier des Clauses Techniques Particulières Structure qui décrit les prestations respectives incombant au sous-traitant soit :

- fourniture, assemblage et pose des aciers,

- pose de treillis soudés horizontaux et verticaux, (hors fournitures), avec coupe de panneaux si nécessaire,

- fourniture et pose de tous types de boîtes d'attente.

Hormis les treillis soudés dont seule la pose incombait à la société Armat France, la fourniture des autres matériaux dont les ronds de béton était assurée par le fournisseur de la société Armat France, la société Sabea, et réglée directement par Bouygues Bâtiment Île de France à celle-ci, dans le cadre d'une convention tripartite, le prix des fourniture étant calculé sur la base de quantités estimatives, le paiement se faisant suivant les prix unitaires fixés, définis par zone ou type, multiplié par le poids des aciers défini sur le plan d'armature du bureau d'étude structure et intégrant l'ensemble des fournitures d'armature, le façonnage, les aciers de calage (distancier, chaise), la pose et toutes les sujétions ( coffrages, méthodes, plannings) inhérentes l'ouvrage ainsi que les contraintes d'approvisionnement.

A ce stade il convient de constater que la société Bouygues Bâtiment Île de France, contrairement à l'obligation lui incombant énoncée à l'article 27 précité, n'a pas fait constater l'état d'avancement des travaux par l'huissier qu'elle a mandaté pour établir l'abandon du chantier. Partant, le tableau de commandes annexé au contat d'huissier qui valorise le montant des travaux réalisés à la date du 23 décembre 2015 par la société Armat France à la somme de 174 060 euros hors taxe, sur le marché ramené à 217 908,77 euros ensuite de l'avenant n°1 contractualisé, doit être retenu comme seule preuve de l'état d'avancement du chantier à la date de la résiliation du contrat.

Au soutien des coûts de substitution qu'elle invoque, la société Bouygues Bâtiment Île de France produit :

- des factures d'achats de fourniture d'acier émises entre le mois de janvier 2016 et le mois de juin 2016 pour le chantier 121 avenue Malafoff mais également pour un autre chantier situé [Adresse 3], manifestement étranger au litige,

- une liste du personnel que la société Armat France s'est engagée à mettre sur le chantier au mois de novembre 2015 soit 15 salariés,

- les factures adressées par trois sociétés pour la mise à disposition de personnel intérimaire pour la période du 1er semestre 2016,

- les factures de matériel émises par la société Bouygues Matériel pour la société Bouygues Bâtiment Île de France pour cette même période.

Cependant il appartient à l'entreprise principale de se conformer aux termes des clauses spécifiques du marché qu'elle invoque, en particulier aux dispositions de l'article 27 des Conditions Spécifiques précitées,qui lui imposent d'établir tous les coûts, retard et conséquences dommageables dûs à la défaillance du sous-traitant qu'elle remplace et des charges supplémentaires qui en sont la conséquence.

Ainsi la société Bouygues Bâtiment Île de France doit rapporter la preuve au regard de la nature des prestations restant à réaliser au jour de la résiliation du contrat, des surcoûts directs et /ou indirects qu'elle a supportés en lien avec l'arrêt du chantier.

Cette preuve ne saurait s'évincer des factures d'achat des fournitures d'acier de treillis soudés dont elle aurait dû exposer la charge si le marché avait été poursuivi dans le cadre de la procédure de paiement direct du fournisseur, la société Sabea, mise en place avec la société Armat France, la fourniture de treillis soudés, qui fonde une partie de sa créance, étant hors marché, seule la pose étant assurée par la société Armat France.

Elle ne peut en tout état de cause s'évincer des autres factures d'achat de matériel sauf à établir un comparatif entre les prix unitaires et les quantités estimatives qui auraient été pratiquées si le marché d'armatures avait été poursuivi avec la société Armat France et les coûts effectivement réglés à l'entreprise de substitution pour la réalisation des prestations inachevées or, le descriptif de ces prestations n'est pas produit et les factures d'achat de fournitures ne sont donc pas rattachables aux prestations restant à charge de la société Armat France cependant que la société Bouygues Immobilier Île de France ne soulève aucune contestation concernant les quantitatifs d'acier posés par la société Armat France au vu des bons d'acompte émis sur les situations présentées et acquittées.

Il en de même pour les surcoûts de main d'oeuvre qui ne peuvent se déduire des seuls règlements opérés auprès des sociétés intérimaires, en l'absence d'un comparatif entre la liste du personnel affecté sur le chantier par la société Armat France soit 15 salariés au vu de l'engagement notifié par le sous-traitant pour le mois de novembre 2015 et le personnel de substitution ayant dû être affecté ensuite de la résiliation du contrat, étant observé qu'aucune justification ne vient au soutien de l'exposition, par la société Bouygues Bâtiment Île de France, de coûts de reprise et de conduite du chantier d'acier ensuite de la résiliation.

En outre, la facture de location du matériel de terrassement, levage, base de vie, air comprimé, bungalows, grue, émise au mois de janvier 2016 par la société Bouygues Immobilier Matériel à l'égard de la société Bouygues Bâtiment Île de France, fait manifestement double emploi avec les frais généraux formant l'assiette du compte prorata facturé sur un taux de 4 % à hauteur de 6 962,41 euros, pour lequel aucun décompte validé par l'entreprise gestionnaire de ce compte n'est produit, tandis que les frais de cantonnement ( également appelés "base de vie") sont doublement facturés à la société Armat France d'une part dans le cadre de la facture de location de matériel et d'autre part au titre des frais de cantonnement réclamés dans le cadre de la déclaration de créance à hauteur de 3 940 euros sans aucune justification de ce montant.

Il en résulte que la créance invoquée par la société Bouygues Bâtiment Île de France à hauteur de 189 152,10 euros incluant la retenue de garantie de 5 %, certes contractualisée par les Conditions Spécifiques du contrat de sous-traitance mais inapplicable aux travaux inachevés et non réceptionnés, l'article 1 de la loi du 16 juillet 1971 réservant la retenue opérée par le maître d'ouvrage sur les acomptes, à la garantie de l'exécution des travaux réceptionnés, n'est pas fondée, le jugement qui l'a retenue à hauteur de de 3 782,24 euros étant de ce chef infirmé.

2- Le solde du marché du chantier dit [Adresse 11] à [Localité 12] du 21 septembre 2015

Le tribunal a constaté la résiliation du contrat ensuite de la défaillance non contestable de la société Armat France, a retenu la créance au titre des coûts de fournitures, de main d'oeuvre et d'encadrement durant la période transitoire et l'a fixée à la somme de 65 886,76 euros puis a écarté les coûts de productivité restreinte ceux-ci relevant de "justifications fantaisistes sans lien avec la réalité."

La société Armat France prise en la personne de son mandataire liquidateur soulève le caractère abusif de la résiliation du contrat dont la société Bouygues Bâtiment Île de France doit supporter toutes les conséquences.

Au rappel que toutes les aciers étaient fournis par la société Sabea dans le cadre d'une convention de paiement pour compte et payés directement au fournisseur par l'entreprise principale, elle soutient que la société de substitution B&G n'a pas fourni les armatures cependant qu'il ressort des pièces produites par l'intimée que le prix de pose de ces mêmes armatures facturé par B&G, est inférieur au prix pratiqué par la société Armat France ce qui caractérise donc une économie et non un surcoût. Elle conteste la demande au titre de la productivité restreinte, non étayée, cependant qu'elle concerne la période entre Noël et le jour de l'an pour laquelle l'intimée ne justifie pas des cadences de travaux prévues. Elle conteste également les factures de main d'oeuvre au vu des dates de facturation antérieures à la rupture du 23 décembre 2015, dès lors qu'aucune substitution ne pouvait valablement être opérée avant la rupture du contrat cependant que rien ne vient étayer une prétendue augmentation des coûts des matières premières, les prix étant restés fermes dans le cadre de la convention passée avec la société Sabea, quand par ailleurs ni la masse ni le prix des travaux confiés à la société de substitution ne sont établis. Elle conclut au débouté de la créance alléguée à hauteur de 158 317,88 euros.

La société Bouygues Bâtiment Île de France au soutien de son appel incident rappelle que nonobstant la mise en demeure qu'elle a adressée à la société Armat France le 16 décembre 2015 de fournir les effectifs nécessaires au chantier sous 8 jours, à défaut de quoi le contrat serait résilié, la résiliation a été effective par la faute de la société sous-traitante qui n'a donné aucune suite à la mise en demeure, en application de l'article 27 des Conditions Spécifiques du contrat de sous-traitance. Elle impute à la société Armat France des coûts de substitution liés à la productivité restreinte pendant trois jours, aux commandes d'armatures passées auprès d'une autre entreprise pendant la période de transition et aux travailleurs intérimaires missionnés en remplacement de la société défaillante qui justifient selon elle sa créance à hauteur de 189 152,10 euros et non 3 782,24 euros comme l'a jugé le tribunal.

Réponse de la cour

2-1 La résiliation du contrat

Il sera liminairement observé que les clauses précitées des articles 26 et 27 des Conditions Spécifiques du contrat de sous-traitance sont également applicables à ce marché.

Selon les dispositions de l'article 1315 du Code civil ancien : " Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation."

L'exécution des obligations contractuelles de la société Armat France est établie à hauteur de la somme de 186 829,64 euros, sur un marché porté à la somme de 625 233,04 euros ensuite des travaux modificatifs contractualisés, valorisation non contredite par l'appelante qui ne conteste pas avoir été destinataire de la mise en demeure de fournir les moyens nécessaires à la réalisation des prestations commandées délivrée le 16 décembre 2015 et n'apporte aucun élément au soutien de la poursuite du chantier au-delà de cette date.

C'est donc à bon droit que la société Bouygues Bâtiment île de France a prononcé la résiliation du contrat de sous-traitance à effet au 23 décembre 2015 ensuite de la défaillance de la société Armat France en application des articles 26 et 27 des Conditions Spécifiques précitées.

2-2 Les sommes dues

Il a été vu qu'il appartient à la société Bouygues Bâtiment Île de France de rapporter la preuve, au regard de la nature des prestations restant à réaliser au jour de la résiliation du contrat, des surcoûts directs et /ou indirects qu'elle a supportés en lien avec l'arrêt du chantier, au rappel la convention d'achat des fournitures auprès du fournisseur de la société Armat France, la société Sabea, directement réglée par l'entreprise principale vaut également pour ce contrat.

Ces surcoûts, en l'absence d'un constat établissant le détail des travaux restant à réaliser, ne peuvent là encore s'évincer des factures d'achat de matériel sauf à établir un comparatif, à partir du descriptif des prestations non réalisées par la société Armat France, entre les prix unitaires et les quantités estimatives applicables si le marché avait été poursuivi avec la société Armat France et les coûts effectivement réglés à l'entreprise de substitution pour la réalisation des prestations inachevées.

Les surcoûts de main d'oeuvre ne peuvent non plus se déduire des seuls règlements opérés auprès des sociétés intérimaires, en l'absence d'un comparatif entre la liste du personnel affecté sur le chantier par la société Armat France dans le mois précédent la résiliation et le personnel effectivement affecté en remplacement.

Les coûts de substitution liés à la productivité restreinte invoqués par la société Bouygues Bâtiment Île de France pendant trois jours, durant la période dite de transition, ne sont étayés par aucun élément hormis un tableau de 4 lignes intitulé "Détail de productivité restreinte" produit par l'intimée, non certifié par un expert comptable agréé, non daté, ne comportant aucune source, qui chiffre sans aucune explication le matériel immobilisé, les heures, la maîtrise et l'encadrement à une somme globale de 84 951,14 euros, inexploitable par voie de conséquence en l'absence d'une comptabilité certifiant la réalité et l'impact de cette période transitoire sur le chantier.

De même la retenue de garantie, inapplicable en l'absence de réception des travaux, ne saurait être retenue à hauteur de la somme de 35 991,76 euros réclamée.

Par conséquent la société Bouygues Bâtiment Île de France qui ne justifie pas du bien fondé des créances invoquées au titre des coûts de substitution, prestations et retenue de garantie sera déboutée de sa demande tendant à la fixation de sa créance à hauteur de 158 317,88 euros et le jugement qui l'a retenue à hauteur de 65 886,76 euros sera de ce chef infirmé.

3- Le marché situé [Adresse 2] du 17 juillet 2015

La société Armat France prise en la personne de son mandataire liquidateur soutient que l'avenant du 17 décembre 2015 a mis fin au marché initial en soldant définitivement les sommes dues au titre des travaux à hauteur de 259 720 euros hors taxe, d'ores et déjà exécutées par Armat France. Elle souligne que la société Bouygues Bâtiment Île de France n'établit pas la masse et le prix des travaux dont elle réclame le règlement, fournit des factures d'armatures alors qu'elle avait une convention de paiement direct avec la société Armaplan, a donc profité des armatures livrées et n'a exposé aucun surcoût, qu'aucun retard n'est établi ni la liste des prétendus 30 salariés mobilisés pendant trois semaines ni les coûts de suivi du dossier et de reprise de main d'oeuvre.

La société Bouygues Bâtiment Île de France fait valoir que le chantier a dû être arrêté à la suite des livraisons d'armatures retardées et incomplètes du mois de septembre 2015, que sept jours de retard sur le planning ont été comptabilisés à compter de la mise en demeure du 10 septembre 2015, que Maître [I] huissier de justice a constaté qu'à la date du 15 décembre 2015 il n'y avait qu'un seul ouvrier présent sur le chantier à la date du 15 décembre 2015, raison pour laquelle un avenant de moins-value de 261 280 euros hors taxe a été signé sur le marché de base de 521 000 euros ramenant le montant des prestations exécutées à 259 720 euros. Elle impute à la société sous-traitante le montant des armatures coupées, façonnées, assemblées, commandées à la société Armat Plan, les frais d'immobilisation dus au retard de trois semaines et affirme que l'avenant modificatif n'est pas constitutif d'une transaction faute de concessions réciproques et faute pour l'entreprise principale d'avoir renoncé à la créance issue de la substitution.

Réponse de la cour

Il sera également liminairement observé que les clauses précitées des articles 26 et 27 des Conditions Spécifiques du contrat de sous-traitance sont applicables à ce marché.

La société Bouygues Bâtiment Île de France produit des factures de commandes d'armatures à la société Armaplan, correspondant à des livraisons intervenues à partir du mois de septembre 2015, antérieurement à l'Avenant n°1 signé entre les parties le 17 décembre 2015 par lequel il a été convenu d'une moins-value sur ces mêmes armatures dites CFA (coupées, façonnées, assemblées) valorisée à la somme de - 108 680 euros outre d'autres fournitures : stabox, distanciers, coupleurs, rupteurs, élingues et l'achat des armatures à la société Armaplan au mois de décembre 2015 portant ainsi le montant global de la moins value à - 261 280 euros déduite du marché de base s'élevant à 521 000 euros.

Cet avenant, hormis les délais modifiés ensuite de la moins-value, fait expressément référence pour le surplus des dispositions contractuelles aux autres clauses du marché, et ne saurait donc valoir transaction entre les parties ni renonciation aux clauses auxquelles il renvoie expressément.

Cependant l'entreprise principale ne peut valablement imputer sur le montant de la créance de la société Armat France au titre des travaux réalisés à la date de la résiliation du contrat, qui s'élève à 259 720 euros, les sommes déjà déduites au titre de la moins-value détaillée dans l'avenant n°1, cependant qu'aucune justification comptable n'est apportée à l'appui des frais d'immobilisation et de personnel invoqués à hauteur de 303 369,69 euros au vu du seul devis établi par la société Bouygues Bâtiment Île de France le 9 janvier 2016 intitulé "Devis incidence planning" qui n'est étayé par aucun élément.

Il en résulte que la société Bouygues Bâtiment Île de France échoue à rapporter la preuve de sa créance à hauteur de 355 834,63 euros, au rappel que la retenue de garantie déduite à hauteur de 5 % du marché réalisé, n'est pas applicable en l'absence de réception des travaux.

La société Bouygues Bâtiment Île de France sera déboutée de sa demande et le jugement qui a rejeté la totalité de sa créance sera confirmé.

4- La demande en paiement de la société Armat France prise ne la personne de son mandataire liquidateur

Le tribunal a débouté la société Armat France prise en la personne de son mandataire liquidateur de sa demande en paiement au motif que les autofacturations invoquées sont des autofactures internes ne démontrant pas la réalité des sommes dues et qu'aucune réclamation antérieure n' a été élevée par la société Armat France.

La société Armat France prise en la personne de son mandataire liquidateur soutient que la preuve de sa créance à hauteur de 725 126,11 euros est rapportée par les factures d'acompte qualifiées autofactures selon les Conditions Spécifiques du marché, émises par l'entreprise principale au nom et pour le compte du sous-traitant. Ainsi pour le chantier [G] [X] les factures d'acompte conduisent à un total de 164 142,04 euros dû au 31 janvier 2016, pour le chantier Zac Batignolles : 215 543 euros, pour le chantier [Adresse 4] : 93 929,67, pour le chantier [Localité 13] : 251 511 euros, sommes non réglées à la société sous-traitante alors qu'elles constituent des créances certaines, liquides et exigibles.

La société Bouygues Bâtiment Île de France oppose que la prétendue situation créditrice de la société Armat France n'a jamais été évoquée ultérieurement, que les autofactures internes alléguées ne font pas la preuve des sommes réellement dues à la société Armat France, mais corespondent à des dates antérieures à la résiliation des chantiers et par définition au solde des comptes entre les parties dans lesquels les coûts de substitution ont été intégrés. Elle rappelle que les parties aux termes de l'article 23 des Conditions Spécifiques du contrat de sous-traitance ont convenu d'une convention de compte courant qui leur permet de compenser les dettes et les créances des parties.Elle souligne en tout état de cause la présentation trompeuse qui est faite de ces factures par l'appelante qui ne s'additionnent pas mais prennent en compte la situation antérieure.

Réponse de la cour

Selon les dispositions de l'article 22, des Conditions Spécifiques du contrat de sous-traitance Règlement des travaux :

Situation de travaux

"Le sous-traitant remet à l'entreprise principale à la date fixée aux conditions particulières ou à défaut, au plus tard le 20 de chaque mois, une situation de travaux cumulatives en trois exemplaires(') La situation mensuelle comporte : un arrêté estimatif des travaux exécutés depuis le début du chantier et évalué au dernier jour du mois, selon la décomposition du prix forfaitaire pour les contrats à prix forfaitaire(')

S'il y a lieu, un arrêt estimatif, des travaux travaux, exécuté, évalué au prix figurant dans l'avenant(')S'il y a lieu la proposition de révision du prix.

S'il y a lieu, les demandes d'acompte sur approvisionnement

Si il y a lieu, les déductions relatives aux frais de prorata et de pilotage, aux frais d'assurance éventuel, au paiement ou prestation effectuées pour le compte du sous-traitant, au remboursement des acomptes sur approvisionnement, à la retenue de garantie.

Vérification de la situation

L'entreprise principale procède à la vérification de la situation (...)

Établissement du bon d'acompte mensuel

L'entreprise principale établit un bon d'acompte qui est envoyé aux sous-traitants en deux exemplaires sur le lequel figurent la somme devant être versée à ce dernier. Le paiement correspondant n'est adressé aux sous-traitants que lorsque celui-ci fait retour à l'entreprise principale d'un exemplaire du bon d'acompte et de l'attestation pour récupération de TVA du mandaté et signé. À défaut ou l'absence dans un délai de 10 jours de contestation motivée formulé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le bon d'acompte mensuel vaut facture est réputé accepté sans réserve. Les somme versées en fonction de l'avancement des travaux sont réputées provisoire, elles peuvent être modifiées postérieurement en application du contrat. Elles ne deviennent certaines liquide et exigible pour le bénéficiaire que sous réserve du respect par le sous-traitant des obligations mise à sa charge en vertu du contrat et notamment de l'article 23."

Les bons d'acompte mensuels émis par l'entreprise principale au vu des situations de travaux cumulatives présentées par le sous-traitant valent donc facture au sens des Conditions Spécifiques du contrat de sous-traitance et font la preuve du paiement dû à ce dernier à défaut de contestation émise par lui, dans les formes énoncées par les dispositions précitées.

La contestation élevée par le mandataire liquidateur dans le cadre de la procédure de vérification des créances vaut réclamation du paiement des sommes dues au titre des marchés passés par la société en liquidation judiciaire.

Les factures dont le paiement est réclamé ont été émises antérieurement à la résiliation du marché du 23 décembre 2015 et la société Bouygues Bâtiment Île de France ne fait pas la preuve du règlement qui lui incombe alors que les prestations ont été exécutées et valorisées par elle aux montants qui viennent d'être vus, cependant qu'elle ne conteste pas l'effectivité de la réalisation du marché des Batignolles par la société Armat France, ne soulève aucune inexécution imputable à cette dernière pour ce marché et ne peut exciper d'aucune compensation sur l'ensemble des marchés dès lors qu'elle a été déboutée de ses demandes en paiement au titre des surcoûts invoqués à l'encontre de la société sous-traitante.

Par conséquent la créance de la société Armat France s'établit ainsi qu'il suit au vu des factures émises par la société Bouygues Bâtiment Île de France conformément aux stipulations précitées lesquelles tiennent compte de situations cumulées, ainsi que le rappelle avec raison la société Bouygues Bâtiement Île de France et non additionnées :

[Adresse 8] :

Facture du 31 octobre 2015:33 613,27 euros.

Facture du 30 novembre 2015:42 000 zéro 20,66 euros

Facture du 31 janvier 2016:18 295,74 euros

Soit un total de 93 929,67 euros.

[Adresse 10] :

Facture du 30 septembre 2015:84 864,45 euros

Facture du 31 octobre 2015:84 984,55 euros.

Facture du 30 novembre 2015:81 662 euros

Soit un total de 251 511 euros.

Chantier Zac Batignolles :

Facture du 30 septembre 2015:35 1000 1112 euros

Facture du 31 octobre 2015:57 458 euros

Facture du 30 novembre 2015:98 830 euros

Facture du 30 novembre 2015:20 500,42 euros

Facture du 31 janvier 2016:3642,98 euros

Soit un total de 215 543,40 euros.

[Adresse 9]

Facture du 31 octobre 2015:59 941,83 euros

Facture du 30 novembre 2015:41 498,19 euros

Facture du 31 décembre 2015:55 330,92 euros

Facture du 31 janvier 2016:7371, dix euros

Soit un total de 164 142,4 euros.

La société Bouygues Immobilier Bâtiment Île de France sera donc condamnée à régler à la Selarl JSA prise en la personne de Maître [W] [U], en qualité de mandataire liquidateur de la société Armat France la somme totale de 725 126,11 euros dus à la société Armat France pour les prestations réalisées antérieurement à la résiliation ds contrats de sous-traitance.

Les intérêts majorés réclamés par le mandataire liquidateur à un taux de trois fois l'intérêt légal sont dus selon les dispositions de l'article L 441-10 du Code de commerce issues de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 applicables aux contrats en cours au jour de son entrée en vigueur. Il sera donc fait droit à la demande de ce chef.

La société Bouygues Bâtiment Île de France ensuite de la présente motivation, doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive quand le bien fondé de l'appel vient d'être démontré.

5- les frais irrépétibles et les dépens

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement qui n'a pas fait application des frais irrépétibles et a fixé les dépens en frais privilégiés de liquidation judicaire.

Statuant à nouveau de ces chefs, la société Bouygues Bâtiment Île de France sera condamnée à régler à la Selarl JSA prise en la personne de Maître [W] [U], en qualité de mandataire liquidateur de la société Armat France une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi que ls entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement en toutes ces dispositions excepté en ce qu'il a statué sur la demande de la société Bouygues Bâtiment Île de France au titre du chantier [Adresse 2] ;

Statuant à nouveau du chef des autres dispositions du jugement,

DEBOUTE la société Bouygues Bâtiment Île de France de l'intégralité de ses demandes ;

CONDAMNE la société Bouygues Bâtiment Île de France à régler à la Selarl JSA prise en la personne de Maître [W] [U], en qualité de mandataire liquidateur de la société Armat France la somme totale de 725 126,11 euros augmentée des intérêts majorés en application des dispositions de l'article L 441-10 du Code de commerce ;

CONFIRME le jugement pour le surplus de ces dispositions ;

CONDAMNE la société Bouygues Bâtiment Île de France à régler à la Selarl JSA prise en la personne de Maître [W] [U], en qualité de mandataire liquidateur de la société Armat France, une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la société Bouygues Bâtiment Île de France aux entiers dépens.

La greffière, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/13226
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;19.13226 ?
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