COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
N° RG 23/18836 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CISKB
Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle
Date de l'acte de saisine : 23 Novembre 2023
Date de saisine : 11 Décembre 2023
Nature de l'affaire : Demande tendant à la communication des documents sociaux
Décision attaquée : n° 23/00047 rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MEAUX le 06 Septembre 2023
Appelants :
Monsieur [G] [K], représenté par Me Dikpeu-eric BALE de la SELARL BALE & KOUDOYOR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1635 - N° du dossier 10202015
S.C.I. LES 2 ANGES, représentée par Me Dikpeu-eric BALE de la SELARL BALE & KOUDOYOR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1635 - N° du dossier 10202015
Intimée :
Madame [R] [B] épouse [K], représentée par Me Clémentine DELMAS, avocat au barreau de MEAUX, toque : 97
ORDONNANCE SUR INCIDENT
DEVANT LE MAGISTRAT DELEGUE PAR LE PREMIER PRESIDENT
(n° , 5 pages)
Nous, Estelle MOREAU, magistrat délégué par le premier président,
Assistée de Victoria RENARD, Greffière,
Par jugement du 6 septembre 2023 rendu selon la procédure accélérée au fond sur assignation de Mme [R] [B] épouse [K] à l'encontre de son époux M. [G] [K] et de la Sci Les 2 anges, non comparants, le tribunal judicaire de Bobigny a ordonné une expertise aux fins d'évaluer la valeur des droits sociaux de Mme [B] dans la Sci les 2 anges et désigné un mandataire ad hoc de ladite société aux fins notamment de réunir une assemblée générale sur les exercices 2008 à 2022 et faire les comptes entre les associés.
Ce jugement a été signifié à la requête de Mme [B] à M. [K] et à la Sci Les 2 anges par procès verbaux du 3 octobre 2023 selon les modalités de l'article 658 du code de procédure civile.
M. [K] agissant à titre personnel et en qualité de représentant de la Sci Les 2 anges a interjeté appel de ce jugement selon déclaration du 23 novembre 2023 et déclaration rectificative du 2 février 2024.
Les procédures enregistrées sous les numéros RG 23-18836 et 24-03009 ont été jointes sous le numéro le plus ancien par ordonnance du 12 mars 2024.
Par dernières conclusions d'incident notifiées et déposées le 5 mars 2024, Mme [R] [B] épouse [K] demande au magistrat délégué par le premier président de :
à titre principal,
- juger M. [K] et la Sci Les 2 anges irrecevables et mal fondés en leur appel pour défaut de capacité à agir,
à titre subsidiaire,
- juger M. [K] et la Sci Les 2 anges irrecevables en leur appel en raison de la tardivité de leur recours,
en conséquence,
- prononcer l'irrecevabilité de l'appel interjeté par M. [K] et la Sci Les 2 anges,
à titre infiniment subsidiaire,
- constater que M. [K] ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel rendue le tribunal judiciaire de Meaux le 6 septembre 2023
- prononcer la radiation de l'instance d'appel enrôlée sous le numéro RG 23/18836,
en tout état de cause,
- condamner M. [K] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [K] aux dépens.
Par dernières conclusions d'incident notifiées et déposées le 18 mars 2024, M. [G] [K] et la Sci Les 2 anges demandent au magistrat délégué par le premier président de:
- débouter Mme [B] de sa demande d'irrecevabilité de l'appel pour défaut de capacité,
- prononcer l'annulation du procès-verbal de signification du 3 octobre 2023 et y faisant droit, déclarer M. [K] recevable en son appel contre le jugement du 6 septembre 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Meaux,
- constater que le délai d'appel n'a pas couru régulièrement à l'encontre de la Sci Les 2 anges qui a été empêchée d'agir, annuler le procès-verbal de signification du 3 octobre 2023 et déclarer la Sci Les 2 anges recevable en son appel,
- débouter Mme [B] de ses demandes contraires,
- débouter Mme [B] de sa demande infiniment subsidiaire de radiation de l'appel qui est sans objet,
- débouter Mme [B] de sa demande 3 000 euros formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
en tout état de cause,
- condamner Mme [B] à leur verser la somme de 2 500 euros chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [B] aux entiers dépens de l'instance d'incident.
Le magistrat délégué par le premier président, soulevant d'office la question de savoir si le défaut de capacité ou de pouvoir constitue une cause de nullité de la déclaration d'appel et non pas d'irrecevabilité de l'appel, invite les parties à former leurs observations sur ce point et sur le fait qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat délégué par le premier président de se prononcer sur la validité de la déclaration d'appel ainsi que sur le bien fondé de l'appel, ce par note en délibéré devant être rendue au plus tard le 15 avril 2024. Les parties ont chacune déposé une note en délibéré dans les délais impartis.
SUR CE
Sur le défaut de capacité à agir :
Mme [B] fait valoir l'irrecevabilité et le mal fondé de l'appel formé le 23 novembre 2023 par M. [K] en sa double qualité d'associé et de gérant de la Sci Les 2 anges pour défaut de capacité à agir, soit à interjeter appel, M. [K] faisant l'objet d'une interdiction de gérer d'une durée de trois ans prononcée par le tribunal de commerce de Bobigny le 19 janvier 2021 et une déclaration d'appel étant un acte de gestion requérant la capacité de représenter la société.
Elle précise par note en délibéré que constitue une irrégularité au fond affectant la validité de l'acte, le défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale, que le conseiller de la mise en état a seul compétence pour connaître de l'irrecevabilité de l'appel fondée sur l'article 117 du code de procédure civile et qu'en l'absence de conseiller de la mise en état s'agissant d'un circuit court, le magistrat délégué par le premier président est compétent pour en connaître.
M. [K] et la Sci Les 2 anges répliquent que :
- il n'est justifié d'aucun défaut de capacité à agir qui s'analyse comme l'aptitude à être titulaire d'un droit tel que prévu par les dispositions des articles 30 et 31 du code de procédure civile, dès lors que tant M. [K] en sa qualité d'associé de la Sci Les 2 anges que ladite société elle-même qui n'a fait l'objet d'une procédure collective, sont titulaires d'un droit et habiles à défendre à ce titre,
- à considérer que le pouvoir de M. [K] pour représenter la société au moment de la déclaration d'appel pouvait être remis en cause en raison de l'interdiction de gérer dont il faisait l'objet, la cause de nullité de la déclaration d'appel a disparu au moment où le juge statue,
- sur la demande de note en délibéré, ils s'en rapportent à justice.
En application de l'article 905-2 du code de procédure civile définissant l'étendue de ses pouvoirs, le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président de la chambre saisie connait des incidents relatifs à l'irrecevabilité de l'appel, à la caducité de celui-ci, ou à l'irrecevabilité des conclusions ou des actes de procédure.
Selon l'article 117 du code de procédure civile,
'Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
Le défaut de capacité d'ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice'.
L'article 121 du code de procédure civile prévoit que :
'Dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue'.
L'interdiction de gérer d'une durée de trois ans prononcée à l'encontre de M. [K] par décision du tribunal de commerce de Bobigny, qu'elle constitue un défaut de capacité ou de pouvoir de M. [K] à assurer la représentation de la Sci en justice, n'est pas de nature à affecter la recevabilité de l'appel mais la validité de la déclaration d'appel.
Il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat désigné par le premier président de connaître des incidents relatifs à la validité de la déclaration d'appel, ni de se prononcer sur le bien fondé de l'appel.
Sur la tardivité de l'appel :
Mme [B] soulève l'irrecevabilité de l'appel comme étant tardif, la déclaration d'appel ayant été formée le 23 novembre 2023 alors que le jugement a été régulièrement signifié le 3 octobre 2023 selon les modalités de l'article 658 du code de procédure civile, à la dernière adresse connue de M. [K] qui n'a jamais communiqué sa nouvelle adresse et au siège social de la Sci Les 2 anges, et que le délai d'appel était de 15 jours en application de l'article 481-1 du code de procédure civile.
M. [K] et la Sci Les 2 anges répliquent que :
- Mme [B] ne pouvait ignorer que M. [K] n'était plus domicilié depuis début mai 2023 au domicile conjugal situé [Adresse 1], et connaissait l'adresse de son lieu de travail, dont les murs appartiennent à la Sci, situé au [Adresse 2],
- les mentions du procès-verbal de signification du jugement à M. [K] sont erronées en ce que le commissaire de justice indique que M. [K] était 'momentanément' absent du domicile conjugal et qu'il n'aurait pu le rencontrer sur son lieu de travail, lequel n'est pas précisé,
- ce procès verbal qui n'est pas conforme aux dispositions combinées des articles 655, 656, 657 et 658 du code de procédure civile et qui cause grief à M. [K] qui risque d'être privé d'une voie de recours sans avoir eu connaissance des délais d'appel du jugement rendu à son insu, doit être annulé,
- le délai d'appel n'ayant pas couru à l'égard de M. [K], son appel est recevable,
- le siège social de la Sci Les 2 anges est situé au domicile conjugal des époux, mais seul M. [K] en sa qualité de gérant est apte à recevoir les actes de signification destinés à ladite société,
- le jugement ayant été signifié à la Sci Les 2 anges au domicile conjugal, son gérant, qui n'a pas été destinataire du pli prévu à l'article 658 du code de procédure civile adressé par le commissaire de justice, a été dans l'impossibilité de retirer le procès-verbal de signification et le jugement à l'étude du commissaire de justice à défaut d'en avoir été informé,
- le représentant légal de la Sci étant privé de la représenter, la Sci Les 2 anges était dans l'impossibilité d'agir conformément aux dispositions de l'article1234 du code civil, en sorte que le délai d'appel n'a pas couru à son égard,
- le procès-verbal de signification du jugement à la Sci Les 2 anges, qui est irrégulier et lui cause grief, doit être annulé.
Selon l'article 654 du code de procédure civile,
'La signification doit être faite à personne.
La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet'.
L'article 655 du code de procédure civile énonce que :
'Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.
La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.
La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.
L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise'.
L'article 657 du code de procédure civile précise que :
'Lorsque l'acte n'est pas délivré à personne, l'huissier de justice mentionne sur la copie les conditions dans lesquelles la remise a été effectuée.
La copie de l'acte signifié doit être placée sous enveloppe fermée ne portant que l'indication des nom et adresse du destinataire de l'acte et le cachet de l'huissier apposé sur la fermeture du pli'.
Aux termes de ces articles, la signification des actes doit être faite à personne et lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile ni résidence ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
Le jugement a été signifié à M. [K] par acte du 3 octobre 2023 délivré au [Adresse 1], le commissaire de justice mentionnant qu'il s'agit de son domicile dont la certitude est caractérisée par le nom du destinataire sur la boîte aux lettres et par la confirmation du voisinage, que la signification à la personne du destinataire s'est avérée impossible en raison de son absence momentannée, et que n'ayant trouvé au domicile du signifié aucune personne susceptible de recevoir la copie de l'acte ou de le renseigner et ne l'ayant pas rencontré sur son lieu de travail, l'acte a été déposé à l'étude.
Quand bien même Mme [B] ignorait le domicile actuel de M. [K] ayant quitté le domicile conjugal à la suite de leur séparation, il n'est pas discuté qu'elle connaissait son domicile professionnel.
L'acte ne précise pas à quel lieu de travail l'huissier de justice a vainement tenté de signifier l'acte ni les vaines diligences accomplies aux fins de rechercher la résidence ou le lieu de travail de M. [K] pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.
Le défaut de diligences suffisantes du commissaire de justice pour permettre la signification de l'acte à personne cause un grief à M. [K] privé de l'exercice d'une voie de recours dans les délais légaux.
Au vu de ces éléments, l'acte de signification du jugement à M. [K] doit être annulé.
Le délai d'appel n'ayant pas couru à l'égard de M. [K], son appel est recevable.
Le jugement a été signifié à la Sci Les 2 anges au siège social de celle-ci, situé au domicile conjugal des époux [K] selon les modalités de l'article 658 du code de procédure civile tenant l'impossibilité de signifier l'acte à la personne de son destinataire en raison de son 'absence momentanée'.
La signification à personne morale devant être faite à personne, soit à son représentant légal, le procès-verbal qui ne mentionne pas les diligences entreprises pour permettre cette signification à M. [K] en sa qualité de gérant de la Sci alors que Mme [B] savait qu'il avait quitté le domicile conjugal et connaissait son lieu de travail; est entâché d'irrégularités, lesquelles causent grief à la Sci privée de l'exercice d'une voie de recours par son gérant dans les délais légaux impartis.
L'acte de signification du jugement à la Sci Les 2 anges doit donc être également annulé et l'appel de celle-ci est recevable.
Sur le défaut d'exécution du jugement :
Mme [B] sollicite enfin la radiation de l'affaire du rôle des affaires en cours à défaut d'exécution du jugement.
Le jugement ayant été exécuté depuis lors, cette demande est devenue sans objet.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les dépens et frais exposés au titre de l'article 700 sont réservés et suivront le sort de ceux au fond.
PAR CES MOTIFS :
Nous, magistrat délégué par le premier président,
Disons que le défaut de capacité ou de pouvoir constitue une cause de nullité de la déclaration d'appel et non pas d'irrecevabilité de l'appel,
Disons qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat délégué par le premier président de se prononcer sur la validité de la déclaration d'appel et sur le bien fondé de l'appel,
Disons recevable l'appel interjeté par M. [G] [K] à titre personnel et en sa qualité de représentant de la Sci Les 2 anges,
Disons que la demande de radiation de l'affaire du rôle des affaires en cours fondée sur l'article 524 du code de procédure civile est devenue sans objet,
Réservons les dépens d'incident et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et disons qu'ils suivront le sort de ceux au fond.
Ordonnance rendue par Estelle MOREAU, Magistrat délégué par le Premier Président assistée de Victoria RENARD, Greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Paris, le 23 avril 2024
La Greffière, Le Magistrat délégué par le Premier Président,
Copie au dossier
Copie aux avocats