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22/04/2024 | FRANCE | N°21/19845

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 22 avril 2024, 21/19845


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 13



RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES



DÉCISION DU 22 Avril 2024



(n° , 5 pages)



N°de répertoire général : N° RG 21/19845 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEVJR



Décision contradictoire en premier ressort ;



Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la Cour d'appel, agissant par délégation du Premier Président, assisté de Victoria RENARD, Greffière,

lors des débats et de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :



Statuant sur la requête déposée le 13 Octobre 2021 par M. [L] [K], né le [Date naissance 1] 19...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 22 Avril 2024

(n° , 5 pages)

N°de répertoire général : N° RG 21/19845 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEVJR

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la Cour d'appel, agissant par délégation du Premier Président, assisté de Victoria RENARD, Greffière, lors des débats et de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 13 Octobre 2021 par M. [L] [K], né le [Date naissance 1] 1993 à [Localité 6], élisant domicile chez Me Raphaël CHICHE - [Adresse 2] ;

Non comparant ;

Représenté par Me Raphael CHICHE, avocat au barreau de Paris substitué par Me Marine RULA, avocat au barreau de Paris,

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 19 Février 2024 ;

Entendu Me Marine RULA représentant M. [L] [K],

Entendu Me Ali SAIDJI, avocat au barreau de Paris substitué par Me Alexandre SOMMER, avocat au barreau de Paris, avocat représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat,

Entendue Madame Martine TRAPERO, Avocate Générale,

Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * *

M. [L] [K], né le [Date naissance 1] 1993, de nationalité française, a été traduit devant le Procureur de la République dans le cadre d'un comparution préalable du chef de refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, puis placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny à la maison d'arrêt de [Localité 4]-[Localité 3] le 21 mars 2021 et ce, jusqu'au 23 mars 2021, date à laquelle il a été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire par la 17e chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Bobigny.

Le 13 avril 2021, la 17e chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Bobigny a renvoyé M. [K] des fins de la poursuite et cette décision est définitive à l'égard du requérant à la suite de la production d'un certificat de non appel.

Le 27 mai 2022, M. [K] a adressé une requête au Premier Président de la Cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.

Il sollicite dans celle-ci, soutenue oralement,

- que sa requête soit déclarée recevable,

- le paiement des sommes suivantes :

* 2 000 euros au titre de son préjudice moral,

* 4 800 euros au titre de son préjudice matériel dont 200 euros au titre de sa perte de revenus et 4 600 euros au titre de ses frais d'avocat,

* 3 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernière écritures, intitulées conclusions en réplique n°3, déposées le 30 janvier 2024 et développées oralement, M. [K] a maintenu ses demandes pour un montant total de 10 400 euros.

Dans ses dernières écritures, intitulées conclusions récapitulatives et déposées le 23 août 2023, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président d'allouer à M. [K] la somme de 76,52 euros au titre de sa perte de revenus, la somme de 1 000 euros au titre des frais e défense en lien avec le contentieux de la détention, la somme de 810 euros au titre de son préjudice moral et de réduire à de plus justes proportions la somme sollicitée au titre des frais irrépétibles.

Le Procureur Général, reprenant oralement à l'audience les termes de ses conclusions déposées le 12 janvier 2024, conclut à la recevabilité de la requête pour une détention de trois-jours, à la réparation du préjudice moral et du préjudice matériel dans les conditions indiquées.

Le requérant a eu la parole en dernier.

SUR CE,

Sur la recevabilité

Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel.

Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R.26 du même code.

Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1,149-2 et 149-3 du code précité.

M. [L] [K] a présenté sa requête aux fins d'indemnisation le 13 octobre 2021, dans le délai de six mois suivant le jour où la décision de relaxe est devenue définitive, et justifie du caractère définitif de cette décision par la production du certificat de non appel du jugement de relaxe du Tribunal judiciaire de Bobigny.

C'est ainsi que la requête présentée par M. [K] est recevable pour une détention d'une durée de 3 jours.

Sur l'indemnisation

- Sur le préjudice moral

M. [K] considère qu'il a subi un choc carcéral important car il s'agissait de la première incarcération alors qu'il était âgé de 27 ans seulement. Il expose également avoir eu un sentiment d' injustice de ne pas être cru et d'angoisse d'être condamné à tort.

L'agent judiciaire de l'Etat considère que pour apprécier l'importance du choc carcéral, il convient de tenir compte du passé carcéral du requérant afin de minorer son préjudice moral car son casier judiciaire porte trace de deux condamnations dont une à une peine d'emprisonnement ferme prononcée antérieurement au placement en détention provisoire litigieux. Par ailleurs, la durée de cette détention n'a été que de trois jours. C'est pourquoi, il propose d'allouer au requérant une somme de 810 euros.

Le Procureur Général indique qu'il s'agit en fait d'une première incarcération car la peine d'emprisonnement ferme figurant au casier judiciaire du requérant a été convertie par le juge d'application des peines et qu'il n'y a pas lieu de tenir compte du sentiment d'injustice du requérant qui ne constitue pas un facteur d'aggravation du préjudice moral.

Il ressort des pièces produites aux débats que M. [K] était âgé de 27 ans au moment de son incarcération et était célibataire, sans enfant. Le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire porte trace de 2 condamnations entre novembre 2014 et mai 2015 dont 1 condamnation à une peine d'emprisonnement ferme, mais qui a été convertie en jours amendes par le juge d'application des peines le 26 février 2016. C'est ainsi que le choc carcéral initial a été important.

Pour autant, la durée de la détention provisoire, 3 jours en l'espèce, constitue un élément d'appréciation de ce choc carcéral.

S'agissant de ses conditions de détention, la surpopulation de la maison d'arrêt de [Localité 7] est évoquée par des articles de presse et par un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté qui sont tous antérieurs de plus de deux ans à son incarcération et le rapport de l'observatoire international des prisons a été publié plus de deux ans après son incarcération. C'est ainsi que le requérant échoue à démontrer l'existence de conditions particulières de détention qui lui sont propres.

Par contre, selon la jurisprudence de la Commission Nationale de la Réparation des Détentions, le sentiment d'injustice ne peut être retenu comme un facteur aggravant du préjudice moral.

C'est ainsi qu'au vu de ces différents éléments, il sera alloué à M. [K] une somme de 900 euros en réparation de son préjudice moral.

- Sur le préjudice matériel

M. [K] considère qu'il a perdu des revenus car il n'a pas été payé par son employeur pendant les trois jours où il a été incarcéré et qu'il a perdu des droits à congés payés. C'est pourquoi, il sollicite une somme de 200 euros de ce chef de préjudice.

Selon l'agent judiciaire de l'Etat, le requérant ne démontre pas avoir perdu des revenus car sur son bulletin de paie du mois 2021, mois où il a été détenu, figure bien l'intégralité de son salaire mensuel. Par contre, sur la perte de droits à congés payés, l'AJE propose la somme de 76,52 euros.

Le ministère public conclut au rejet de la demande car le bulletin de paie du requérant du mois de mars 2021 ne comporte aucune retenue et M. [K] a bien perçu l'intégralité de son salaire, malgré son absence de trois jours correspondant à son placement en détention provisoire.

En l'espèce, est produits aux débats un contrat de travail conclu entre M. [K] et la société [5] pour un travail d'employé polyvalent moyennant un salaire brut de 1 521,25 euros à compter du 1er octobre 2019. Les bulletins de paie des mois de décembre 2020, janvier février et mars 2021sont également versés et il en ressort que M. [K] a bien perçu l'intégralité de son salaire au cours du mois de mars 2021 et qu'ainsi les trois jours de détention n'ont pas été déduits de son salaire. Pour autant, il a perdu des droits à congés payés pendant ces trois jours et une somme de 76,52 euros lui sera alloué en réparation de ce préjudice.

Enfin, s'agissant des frais de défense, M. [K] sollicite l'allocation d'une somme de 4 600 euros au titre des frais conséquents qu'il a engagés, corrélatifs à sa défense et exclusivement liés à son incarcération .

Selon l'agent judiciaire de l'Etat, sur les deux factures produites aux débats, seule la première est bien relative au contentieux de la détention provisoire mais pas la deuxième qu'il convient de rejeter. C'est pourquoi, il propose l'allocation d'une somme de 1 000 euros au titre des frais de défense au requérant.

Pour le Ministère public, seule la première facture du 23 mars 2021 peut être prise en considération en partie. La demande d'indemnisation au titre des frais de défense ne pourra en conséquence être accordée que partiellement.

Selon la jurisprudence de la Commission Nationale de la Réparation des Détentions, les frais d'avocat ne sont pris en compte au titre du préjudice causé par la détention que s'ils rémunèrent des prestations directement liées à la privation de liberté et aux procédures engagées pour y mettre fin.

En l'espèce, deux factures d'honoraires d'avocat sont produites aux débats : une du 23 mars 2021 d'un montant de 3 600 euros et une du 5 octobre 2021 d'un montant de 3 600 euros.

La facture du 23 mars 2021 est relative à l'étude des pièces de la procédure et de la personnalité, ainsi que la préparation à la plaidoirie aux fins de placement sous contrôle judiciaire et l'assistance à l'audience du 23 mars 2021 devant la 17e chambre du Tribunal correctionnel de Bobigny aux fins de remise en liberté et placement sous contrôle judiciaire. Il ressort des notes d'audience que M. [K] n'était pas demandeur au renvoi de l'évocation de cette affaire, mais il s'agissait d'une demande de son co-prévenu M. [U] et qu'à la demande du président de la juridiction, M. [K] avait indiqué qu'il souhaitait être jugé immédiatement. Le Tribunal a d'ailleurs ordonné le renvoi de cette affaire dans le cadre d'une bonne administration de la justice et non à la demande du requérant. C'est ainsi que la facture du 23 mars 2021 ne pourra qu'être partiellement retenue à hauteur de 1 000 euros en lien exclusif avec le contentieux de la détention.

La facture du 5 octobre 2021 est relative à la réception, écoute, correspondance, conseils, assistance, rédaction d'une requête et indemnisation de la détention provisoire injustifiée, examen des conclusions de la partie civile adverse et du ministère public, compte-rendu client, audience, suivi. Ces diligences ne sont absolument en lien direct avec le contentieux de la détention provisoire lors de la procédure pénale initiale. Cette facture ne sera donc pas retenue.

C'est ainsi qu'il sera alloué une somme de 1 000 euros au titre des frais de défense.

Au total, il sera alloué un montant de 1 076,52 euros à M. [K] en réparation de son préjudice matériel.

Il est inéquitable de laisser à la charge de M. [K] ses frais irrépétibles et une somme de 2 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Déclarons la requête de M. [L] [K] recevable,

Lui allouons les sommes suivantes :

- 900 euros en réparation de son préjudice moral,

- 1 076,52 euros en réparation de son préjudice matériel

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboutons M. [L] [K] du surplus de ses demandes ;

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Décision rendue le 22 Avril 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFI'RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 21/19845
Date de la décision : 22/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-22;21.19845 ?
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