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16/04/2024 | FRANCE | N°24/00226

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 12, 16 avril 2024, 24/00226


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 1 - Chambre 12



SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

MESURE D'ISOLEMENT ET DE CONTENTION





ORDONNANCE DU 16 AVRIL 2024



(n°226, 5 pages)





N° du répertoire général : N° RG 24/00226 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJHZT



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Avril 2024 - Tribunal Judiciaire d'EVRY (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/01088<

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COMPOSITION



Marie-Andrée BAUMANN, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,



assisté de Roxane AUBIN, greffie...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 12

SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

MESURE D'ISOLEMENT ET DE CONTENTION

ORDONNANCE DU 16 AVRIL 2024

(n°226, 5 pages)

N° du répertoire général : N° RG 24/00226 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJHZT

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Avril 2024 - Tribunal Judiciaire d'EVRY (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/01088

COMPOSITION

Marie-Andrée BAUMANN, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,

assisté de Roxane AUBIN, greffier lors du prononcé de la décision

APPELANT

M. [R] [T]

demeurant DIRP

Informé le 16/04/2024 à 09h32, de la possibilité de faire valoir ses observations, en application des dispositions de l'article R3211-38 du code de la santé publique et son conseil Me Edem FIAWOO, avocat commis d'office au barreau de l'Essonne, informé le 16/04/2024 à 09h35 ;

INTIMÉ

M. LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER BARTHELEMY DURAND

demeurant [Adresse 2] - [Localité 1]

Informé le 16 avril 2024 à 09h32, de la possibilité de faire valoir ses observations, en application des dispositions de l'article R3211-38 du code de la santé publique ;

LE MINISTERE PUBLIC

Représenté par Mme M.-D. PERRIN, avocat général,

Informé le 16 avril 2024 à 09h42, de la possibilité de faire connaître son avis, en application des dispositions de l'article 431al2 du code de procédure civile, et ayant transmis son avis au greffe par courriel le 16/04/2024 à 10h29 ;

DÉCISION

FAITS ET PROCÉDURE,

M. [R] [T] a été admis en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète sur décision du préfet de l'Essonne du 10 avril 2024, suite à son hospitalisation provisoire en urgence prise par arrêté du maire de [Localité 3] en date du 8 avril 2024 ; il a été soumis à une mesure d'isolement sur le fondement de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique depuis le 9 avril 2024 à 1 heure 20, selon décision initiale du docteur [P] [E].

Saisi par une première requête du directeur de l'établissement en date du 11 avril 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Evry, par ordonnance du 11 avril 2024 dont il n'a pas été relevé appel, a rejeté les moyens d'irrégularité ou de nullité et autorisé la prolongation de la mesure d'isolement de M. [R] [T].

Selon requêté enregistrée le 14 avril 2024, le directeur de l'établissement a sollicité du juge des libertés et de la détention l'autorisation de poursuivre la mesure d'isolement.

Par ordonnance du 14 avril 2024 à 19 heures 55, le juge des libertés et de la détention a rejeté les moyens d'irrégularité ou de nullité et autorisé la prolongation de la mesure.

Le 15 avril 2024 à 16 heures 51, M. [R] [T], par l'intermédiaire de son avocat, a interjeté appel de cette décision en sollicitant l'infirmation de l'ordonnance attaquée ; il demande que la demande de prolongation de la mesure d'isolement soit déclarée irrecevable et qu'il soit prononcé la main-levée de la mesure d'isolement, en faisant valoir que :

- l'appel a été interjeté dans le délai imparti,

- la requête qui est insuffisamment motivée, est signée par un cadre de santé ne justifiant pas d'une délégation de compétence régulièrement publiée ; l'information donnée au patient est parcellaire ;

- il n'est pas caractérisé de risque grave de dommage immédiat et imminent, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ne répondant pas aux arguments des conclusions relatifs à la proportionnalité de la mesure ;

- si les décisions de prolongation ont été prises dans les délais impartis, la requête de prolongation du 12 avril n'a été communiquée et enregistrée que le 14 avril à 12 heures 45 ; par ailleurs 'de nombreuses décisions de prolongation' ne sont pas jointes au dossier ;

- il n'est pas justifié, suite à la saisine du juge des libertés et de la détention, d'une information du patient conforme aux dispositions de l'article R321-33-1 du code de la santé publique ;

Par observations transmises le 16 avril 2024, le ministère public a conclu à la confirmation de l'ordonnance du 14 avril 2024 en relevant que :

- il a été justifié de la délégation de signature du signataire de la requête,

- la requête est motivée de façon suffisante en ce qu'elle renvoie à la décision du médecin, - l'information écrite de l'intéressé apparaît difficile compte tenu de son impossibilité de lire et écrite mais également de ce qu'il n'est pas en mesure de comprendre la mesure et que l'information de la famille n'est possible que dans le respect de la volonté du patient et du secret médical ; la décision du juge des libertés et de la détention du 11 avril 2024 validant le déroulement antérieur de la mesure, il n'est pas possible de soutenir des moyens relatifs à la régularité de la mesure antérieurement à cette ordonnance ;

- la décision d'isolement est motivée et justifiée médicalement notamment par le risque de passage à l'acte hétéro-agressif.

MOTIFS,

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel formé dans les conditions fixées par l'article R3211-42 du code de la santé publique est recevable.

Sur le fond

Il est relevé en premier lieu qu'une décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Evry, non frappée d'appel, rejetant les moyens d'irrégularité ou de nullité et autorisant la prolongation de la mesure d'isolement de l'intéressé est intervenue le 11 avril 2024 à 16 heures 20 ; le juge a ainsi contrôlé la régularité et le bien-fondé de la mesure d'isolement jusqu'à cette date de sorte que les moyens d'irrégularité évoqués ne doivent être examinés que pour la période postérieure à cette ordonnance.

Selon l'article L 3222-5-1 du code précité, l'isolement, comme la contention, est une pratique de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée. Sa mise en oeuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin.

La mesure d'isolement est prise pour une durée de douze heures, renouvelables dans la limite d'une durée totale de quarante huit heures et fait l'objet de deux évaluation par vingt-quatre heures.

II. - A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d'isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d'office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le directeur de l'établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l'expiration de la soixante-douzième heure d'isolement, si l'état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées. L'ordonnance est rendue dans un délai de 24 heures à compter de l'enregistrement de la requête au greffe.

Le juge des libertés et de la détention opère un contrôle de la régularité de la mesure et de son bien fondé, ce qui emporte, non pas une appréciation de l'opportunité médicale de la mesure mais un contrôle de sa motivation précise et circonstanciée au regard des critères énoncés à l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique.

Il a été justifié par l'établissement de santé que son directeur, le 4 mars 2024, a donné délégation permanente de signature à M. [W] [N], directeur adjoint par intérim, signataire de la requête adressée au juge des libertés et de la détention, préalablement à la décision dont appel.

Cette requête, en ce qu'elle se réfère et vise 'la décision médicale jointe au dossier du docteur [C] [Z] ' en date du 12 avril 2024, en précisant que 'cette décision indique que les troubles mentaux de cette personne et son état actuel imposent des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une mesure d'isolement', est suffisamment motivée ;

La requête est par conséquent recevable.

Il est indiqué sur les décisions de prolongations du placement à l'isolement de M. [R] [T] que l'information du patient a été assurée, étant observé par la cour que cette information a dû être adaptée par l'établissement qui a précisé, dans un mail adressé dans le cadre de l'appel, que le patient, s'il parlait couramment le français, ne savait ni lire ni écrire.

S'agissant de l'information portant sur la saisine du juge des libertés prévue dans les termes de l'article R. 3211-33-1 II du code de la santé publique, il est justifié, selon le document daté du 12 avril 2024, que si M. [R] [T] n'a effectivement pas signé le document qui en justifie, il a été cependant précisé, par une infirmière de l'établissement, que le patient n'était pas en mesure de comprendre la notification qui lui été faite de la procédure de prolongation de la mesure.

Les moyens liés à un défaut d'information du patient sont donc rejetés, étant observé que les droits de M. [R] [T] ont été préservés dans la mesure où il a été représenté par un avocat en première instance, lequel a interjeté appel de la décision du juge des libertés et de la détention.

Le fait que la requête ait été enregistrée le 14 avril 2024 ne saurait entraîner l'irrégularité de la procédure.

L'appelant ne peut tout à la fois soutenir que de nombreuses décisions de prolongations ne sont pas jointes au dossier tout en indiquant que 'les décisions de prolongation ont été (prises) dans les temps impartis', de tels motifs étant contradictoires de sorte qu'il n'y a pas à y répondre.

S'agissant du bien fondé du renouvellement de la mesure d'isolement, décidée initialement le 9 avril 2024 pour 'agitation, irritabilité avec risque de passage à l'acte', il a été relevé par le docteur [C] [Z], le 12 avril à 8 heures 51 , que la prolongation de la mesure d'isolement était nécessitée pour les motifs suivants ' patient de contact superficiel, délire de persécution à mécanisme hallucinatoire auditif, mal systématisé avec adhésion totale, dans le déni des troubles. Opposition aux soins avec refus du traitement oral et de s'alimenter. On note une imprévisibilité du comportement avec risque de passage à l'acte hétéro-agressif'.

S'il ressort du registre communiqué en appel que la mesure d'isolement a 'pris fin' le 13 avril 2024 à 13 heures 20, elle a été reconduite le 14 avril à 12 heures 02 ; une nouvelle décision médicale, qui s'analyse en une décision de prolongation dès lors qu'elle est intervenue , moins de quarante-huit heures après la levée de la précédente, a relevé la nécessité de la mesure d'isolement pour les motifs suivants précisés par le docteur [P] [E] ' agitation, irritabilité avec tendance de passage à l'acte hétéro-agressif' .

Il est enfin communiqué en appel, une décision médicale de prolongation de l'isolement en date du 15 avril 2024 à 10 heures 36, prolongeant la mesure d'isolement à compter du même jour à 12 heures, dans laquelle le docteur [C] [Z] relève notamment la persistance d' 'une imprévisibilité du comportement avec risque de passage à l'acte hétéro-agressif'.

Ainsi, le risque de dommage grave et imminent est suffisamment caractérisé au regard du caractère imprévisible du comportement de l'intéressé et du risque de passage à l'acte héréro-agressif, justement relevé par le premier juge et la mesure d'isolement apparaît être proportionnée.

Il convient par conséquent de confirmer la décision dont appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant en dernier ressort, publiquement, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe,

CONFIRME l'ordonnance critiquée,

Y ajoutant,

DIT la requête recevable,

LAISSE les dépens à la charge du Trésor Public.

Le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel, statuant sans débat.

Ainsi fait, jugé et prononcé par le magistrat délégué soussigné, le 16 AVRIL 2024 à 15h30, où étaient présents : Marie-Andrée BAUMANN, président de chambre, Marie-Daphnée PERRIN, avocat général et Roxane AUBIN, greffier.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE

Une copie certifiée conforme notifiée le 16 avril 2024 par fax / courriel à :

X patient à l'hôpital

ou/et ' par LRAR à son domicile

X avocat du patient

X directeur de l'hôpital

' tiers par LS

' préfet de police

' avocat du préfet

' tuteur / curateur par LRAR

X Parquet près la cour d'appel de Paris


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 24/00226
Date de la décision : 16/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-16;24.00226 ?
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