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05/04/2024 | FRANCE | N°22/06470

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 05 avril 2024, 22/06470


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 05 Avril 2024



(n° , 14 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/06470 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGA6K



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Avril 2022 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 19/01892



APPELANTE

UNION DE RECOUVREMENT DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES [Localité 3]

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[Adresse 1]

représentée par Mme [R] [J], en vertu d'un pouvoir général



INTIME

Monsieur [C] [H]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Marc BORNHAUSER, avocat au barreau d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 05 Avril 2024

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/06470 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGA6K

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Avril 2022 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 19/01892

APPELANTE

UNION DE RECOUVREMENT DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Mme [R] [J], en vertu d'un pouvoir général

INTIME

Monsieur [C] [H]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Marc BORNHAUSER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1522 substitué par Me SUZANNE MASCARELL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2024, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre et Monsieur Gilles REVELLES, conseiller, chargés du rapport.

M. Raoul CARBONARO, Président de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

M. Philippe BLONDEAU, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre et Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par l'Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales du [Localité 3] (l'Urssaf) d'un jugement rendu le 21 avril 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à [C] [H] (l'assuré).

EXPOSÉ DU LITIGE

Les faits de la cause ayant été correctement rapportés par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que l'Urssaf a adressé le 15 décembre 2017 à l'assuré un appel de cotisations au titre de la cotisation subsidiaire maladie (CSM) d'un montant de 20 986 euros au titre de l'année 2016. L'assuré a contesté la CSM par lettre du 18 janvier 2018. L'Urssaf a adressé à l'assuré une décision le 4 mai 2018 lui ouvrant les voies et délais de recours devant la commission de recours amiable (CRA). L'assuré a saisi la CRA le 11 juin 2018, laquelle a rejeté sa requête par décision du 5 octobre 2018. L'assuré a alors porté le litige devant le pôle social du tribunal de grande instance de Paris le 7 janvier 2019. Par ailleurs, l'assuré a intégralement réglé la CSM 2016. Le tribunal de grande instance de Paris est devenu le tribunal judiciaire de Paris le 1er janvier 2020.

Le pôle social du tribunal judiciaire de Paris, par jugement du 21 avril 2022, a :

- Déclarer l'assuré recevable en son recours ;

- Dit que le seul caractère tardif de l'appel de cotisation subsidiaire maladie en date du 15 décembre 2017 n'entache pas ce dernier d'irrégularité ;

- Déclaré en revanche irrégulier l'appel de cotisations subsidiaires maladie en date du 15 décembre 2017 en raison de l'incompétence territoriale de l'Urssaf [Localité 3], du fait de l'absence de publicité antérieure à l'approbation de la convention de délégation entre l'Urssaf d'[Localité 4] et l'Urssaf [Localité 3] par le directeur de l'Acoss ;

- Annulé en conséquence l'appel de cotisations subsidiaires maladie en date du 15 décembre 2017 ;

- Prononcé le dégrèvement de la somme de 20 986 euros versée par l'assuré au titre de la cotisation subsidiaire maladie afférent à l'année 2016 ;

- Ordonné en tant que de besoin la restitution de cette somme à l'assuré par l'Urssaf ;

- Débouté l'Urssaf de l'ensemble de ses prétentions ;

- Condamné l'Urssaf à verser à l'assuré la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné l'Urssaf aux dépens ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionné par l'article R. 380-4, section I, du code de la sécurité sociale, a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible. Ensuite, il a relevé que l'Urssaf [Localité 4] a délégué à l'Urssaf [Localité 3] le calcul, l'appel et le recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale par une convention de délégation ayant été approuvée par décision du directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (l'Acoss) du 11 décembre 2017, ladite approbation ayant été publiée au Bulletin Officiel le 15 janvier 2018. Or, selon le tribunal, l'approbation du directeur de l'Acoss est une décision à caractère réglementaire d'un établissement public qui de surcroît est prescrite par les textes afin de valider les conventions de délégation. Par ailleurs, le tribunal a estimé que l'Urssaf ne démontrait pas qu'une publicité suffisante de la convention de délégation et de la décision d'approbation du directeur de l'Acoss avait été garantie avant l'émission de l'appel de cotisation du 15 décembre 2017. Le tribunal a ainsi jugé que l'appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 était entaché d'irrégularités ayant été émis par une Urssaf qui n'était pas encore compétente pour y procéder.

L'Urssaf a interjeté appel de ce jugement le 12 mai 2022, lequel lui avait été notifié le 29 avril 2022.

L'Urssaf a fait soutenir et déposer par son représentant des conclusions écrites demandant à la cour de :

- Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 21 avril 2022 notifié le 28 avril 2022 (RG n° 19/01892) ;

- Valider l'appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant de 20 986 euros ;

- Confirmer la décision de rejet rendue par la commission de recours amiable le 5 octobre 2018 ;

- Rejeter toutes les demandes de l'assuré.

L'assuré a fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites demandant à la cour de :

Au visa de la Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, des articles L. 380-2, D. 380-1, D. 380-5, R. 142-12 et R. 380-4 du code de la sécurité sociale, de la décision du Conseil constitutionnel du 27 septembre 2018, des articles 27, 39 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et à la liberté, de l'article 1er du décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017, de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire et de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 21 avril 2022 n° RG 19/01892 ;

À titre subsidiaire,

- Saisir la cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante : Le règlement n° 2016/679 et le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne doivent-ils être interprétés en ce sens que le juge national a l'obligation d'annuler un appel de cotisations établi sur la base de données traitées et transférées illégalement '

En tout état de cause,

- Condamner l'Urssaf à lui verser la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner l'Urssaf aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties et visées par le greffe à la date du 18 janvier 2024 pour un exposé complet des moyens et arguments développés oralement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la compétence de l'Urssaf ayant émis l'appel de cotisations

Moyen des parties

L'Urssaf fait valoir qu'il résulte de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale que la convention de délégation prend effet après approbation par le directeur de l'Acoss et qu'en l'espèce, par décision du 11 décembre 2017 du directeur de l'Acoss publiée au Bulletin Officiel Santé-Protection sociale-Solidarité n° 2017/12 du 15 janvier 2018, la convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale datée du 1er décembre 2017 entre l'Urssaf d'[Localité 4] et l'Urssaf [Localité 3] a été approuvée. La convention de mutualisation est donc devenue applicable et opposable au cotisant à compter de cette date conformément aux dispositions de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et de la convention elle-même.

L'assuré réplique que cette convention non encore publiée à la date de l'appel de cotisations ne lui était pas opposable et ne pouvait pas justifier la compétence de l'Urssaf [Localité 3]. L'assuré rappelle que les Urssaf ont une compétence territoriale et ne peuvent recouvrer les cotisations que des redevables résidents dans leurs ressorts territoriaux respectifs. L'assuré observe qu'en l'espèce les actes établis par l'Urssaf [Localité 3] en 2017 ont été réalisés avant le 16 janvier 2018, date d'entrée en vigueur de la délégation invoquée, de sorte qu'elle ne lui est pas opposable. L'assuré relève qu'en 2017 l'Urssaf a sollicité, à une date inconnue, des informations de l'administration fiscale d'[Localité 4], calculé la cotisation à une date également ignorée mais nécessairement antérieure au 15 décembre 2017, à l'appel de cotisations du 15 décembre 2017 et au recouvrement de la cotisation à compter du 19 janvier 2018. Or la convention de délégation invoquée par l'Urssaf n'est devenue opposable que le 16 janvier 2018. La décision du directeur de l'Acoss ne pouvait être opposable aux tiers qu'à compter du lendemain de sa publication. En effet, en application de l'article L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration l'Acoss est une administration et l'article L. 221-2 du même code prévoit que l'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité. L'assuré observe que le Conseil d'État sanctionne d'inopposabilité toute décision à caractère réglementaire prise par un directeur d'établissement public n'ayant pas fait l'objet d'une publicité suffisante. Enfin, la délégation tardive contrevient à la recommandation de la CNIL et donc au décret pris au vu de cette recommandation.

Réponse de la cour

L'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable du 25 décembre 2016 au 23 décembre 2018, disposait que :

Le directeur d'un organisme local ou régional peut déléguer à un organisme local ou régional la réalisation des missions ou activités liées à la gestion des organismes, au service des prestations, au recouvrement et à la gestion des activités de trésorerie, par une convention qui prend effet après approbation par le directeur de l'organisme national de chaque branche concernée.

Lorsque la mutualisation inclut des activités comptables, financières ou de contrôle relevant de l'agent comptable, la convention est également signée par les agents comptables des organismes concernés.

Il résulte du premier alinéa de ce texte que la convention de délégation prend effet dès son approbation par le directeur de l'organisme national de la branche concernée. En conséquence, l'organisme délégataire est habilité à exercer les pouvoirs résultants de cette délégation à compter de la décision d'approbation (Cass., Civ. 2, 16 novembre 2023, n° 21-25.534).

Au cas d'espèce, il est constant que la convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale signée le 1er décembre 2017 entre l'Urssaf d'[Localité 4] et l'Urssaf [Localité 3] a été approuvée par décision du directeur de l'Acoss le 11 décembre 2017, de sorte que l'appel de cotisations intervenu le 15 décembre 2017 opéré par l'Urssaf [Localité 3] n'est entaché d'aucune irrégularité, peu important que la décision approuvant la convention de délégation n'ait été publiée au Bulletin Officiel que le 15 janvier 2018.

Cette décision du 11 décembre 2017 n'est ni une loi ni un acte administratif publié au Journal officiel. Elle a été publiée au Bulletin Officiel Santé-Protection sociale-Solidarité le 15 janvier 2018. Elle concerne les relations entre deux organismes publics, est destinée à la mise en 'uvre de leurs prérogatives de puissance publique et est donc d'application immédiate.

L'Urssaf du [Localité 3] est donc territorialement compétente et a été régulièrement désignée pour le recouvrement de la cotisation en cause.

Par ailleurs, l'assuré n'établit pas que l'exploitation de données personnelles par l'Urssaf est intervenue avant la décision du 11 décembre 2017.

Il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence de compétence de l'Urssaf ayant émis l'appel de cotisations est inopérant.

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur le caractère tardif de l'appel de cotisation

Moyens des parties

Le cotisant soutient que l'appel de cotisation pour l'année 2016, daté du 15 décembre 2017, est nul pour être postérieur à la date du 30 novembre 2017, qui était celle à laquelle elle devait être appelée au plus tard en application du texte susvisé.

Pour s'opposer à ce moyen, l'Urssaf soutient que ce texte ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect de la date limite qu'il énonce et que de surcroît, le cotisant n'a subi aucune conséquence puisque la date d'exigibilité de la cotisation a été logiquement décalée.

Réponse de la cour

Selon l'article R. 380-4, I, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2017-736 du 3 mai 2017, applicable au recouvrement de la cotisation litigieuse, la cotisation assise sur les revenus non professionnels, mentionnée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due et est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.

Il résulte de ces textes que le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite d'appel à cotisation fixée par l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (Cass., Civ. 2, 6 janvier 2022, n°20-16.379 ; Cass., Civ. 2, 7 avril 2022, n°20-17.872).

Il s'ensuit que la circonstance selon laquelle l'appel de la cotisation en cause soit intervenu le 15 décembre 2017 ne saurait faire obstacle à son recouvrement selon les modalités prévues à l'article R. 380-4.

Cette solution ne saurait porter atteinte aux principes constitutionnels de sécurité juridique et d'égalité dans l'application de la loi qui, selon les conclusions de l'assuré, exigent précision et prévisibilité de la loi d'une part et respect des délais par les parties d'autre part, aucune sanction de nullité n'étant prévue au délai indicatif prévu par les textes qui, en lui-même, ne constitue pas une garantie des droits de l'assuré mais une simple indication pour l'organisme de recouvrement, les délais de prescription du recouvrement des cotisations à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues constituant en revanche cette garantie établissant la sécurité juridique et l'égalité dans l'application de la loi.

Au surplus, aucun préjudice n'est démontré par l'assuré du seul fait de l'appel tardif de cotisations auxquelles il était tenu par la loi.

Sur la violation de la réglementation en matière de protection des données personnelles

Moyens des parties

L'assuré soutient en substance que le droit européen ainsi que le droit interne ont mis en place des règles afin de garantir la protection des données personnelles des individus et que ce corpus de normes octroie des droits et garanties aux personnes concernées en prévoyant des obligations à la charge du responsable de traitement de ces données. Ainsi, le traitement de données personnelles suppose notamment une autorisation par décret après avis de la CNIL conformément à l'article 27 de la loi Informatique et Liberté. Or, au cas d'espèce le traitement relatif au transfert des données personnelles des cotisants entre l'administration et l'Urssaf n'a été autorisé qu'à compter de mai 2018, soit postérieurement à l'appel de cotisations contesté. Par ailleurs, cette obligation de consultation et d'autorisation préalable suppose que le traitement autorisé ne soit pas modifié a posteriori. Le traitement de données personnelles suppose également l'information préalable des personnes concernées par ce traitement. Enfin, d'une part, le juge judiciaire peut se prononcer sur les atteintes à la loi Informatique et Libertés et au RGPD (Règlement UE 2016/679) et, d'autre part, les actes pris en méconnaissance des dispositions relatives au traitement des données personnelles sont illégaux et doivent être annulés.

L'Urssaf réplique en substance que les dispositions de l'article 27 de la loi Informatique et Libertés ont été respectées puisque le traitement des données à caractère personnel destiné au calcul de la CSM a été autorisé par décret du 3 novembre 2017 pris après avis motivé et publié de la CNIL du 26 octobre 2017. Les dispositions légales et réglementaires ont prévu que l'administration fiscale communique aux Urssaf les données et éléments nécessaires au calcul de la CSM. La CNIL a ainsi autorisé la mise en 'uvre le traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ainsi que le traitement de données à caractère personnel destiné au contrôle de la résidence. L'Acoss et les Urssaf sont donc autorisées à traiter des informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser la CSM. De même, le dispositif de transfert de données entre la DGFIP et l'Acoss, et le traitement de ces données par l'Acoss, a été prévu par le décret du 3 novembre 2017. L'Urssaf poursuit, en relevant qu'elle n'a pas à prendre l'initiative d'une information individuelle d'un cotisant alors que les droits auxquels celui-ci peut prétendre et qu'il allègue ignorer se déduisent de la mise en application d'une nouvelle loi, qu'elle a respecté son obligation d'information générale, conformément à l'article R. 112-2 du code de la sécurité sociale, dès lors qu'une campagne d'information a été menée auprès des personnes concernées au mois de novembre 2017, ce que plusieurs cours d'appel ont pu reconnaître y compris la cour de Paris. L'Urssaf rappelle que l'appel de cotisations du 15 décembre 2017 mentionnait toutes les informations nécessaires sur la transmission des données et il était possible à l'assuré de solliciter les informations relatives au calcul et au montant établi de la cotisation avant que l'Urssaf ne procède au recouvrement, ce qu'il a fait le 18 janvier 2018. En tout état de cause, si une atteinte à la loi Informatique et Liberté était avérée, seule la CNIL pourrait en faire le constat et prononcer une éventuelle sanction, laquelle ne saurait consister en une annulation de l'appel de cotisations. Sur l'article 14 du RGPD, l'Urssaf fait valoir qu'elle ne pouvait communiquer à chaque cotisant une information personnelle sans avoir été invitée à le faire conformément à l'article 15 du RGPD.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa version applicable au litige, « sont autorisés par décret en Conseil d'État, pris après avis motivé et publié de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en 'uvre pour le compte de l'État, agissant dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique, qui portent sur des données génétiques ou sur des données biométriques nécessaires à l'authentification ou au contrôle de l'identité des personnes... »

La Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) a été saisie et s'est prononcée sur le fondement de cet article.

Par délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 portant avis sur un projet de décret, publié le 4 novembre 2017, la CNIL a autorisé la mise en 'uvre du traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.

La CNIL a notamment observé que l'article 1er-IV du projet de décret prévoyait que seront destinataires des données à caractère personnel, à raison de leurs attributions et du besoin d'en connaître :

- les agents habilités de l'Acoss ;

- les agents habilités des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale en charge du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation. S'agissant de ces organismes, la commission prend acte de ce qu'ils ne seront destinataires que des données concernant les cotisants pour lesquels ils sont territorialement compétents.

Un tel accès aux données apparaît justifié au regard des finalités du traitement.

La CNIL a également observé, sur « l'information et les droits des personnes », que :

Le projet demeure silencieux sur les modalités d'information des personnes concernées.

La commission observe dans le dossier joint à la saisine que le ministère renvoie au décret visant à autoriser le traitement mis en 'uvre par la DGFIP [Direction générale des finances publiques] relatif au transfert de données fiscales concernant les redevables de la cotisation annuelle subsidiaire.

Elle rappelle toutefois que, si la DGFIP a pour obligation d'informer les personnes en ce qui concerne le traitement automatisé de transfert de données fiscales dont elle est responsable de traitement, l'Acoss devra également assurer l'information des personnes concernées pour le traitement qu'elle met en 'uvre.

Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 est venu ainsi autoriser le traitement par l'Acoss et les Urssaf des informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser la CSM et a mis à la charge de l'Acoss l'obligation d'informer les personnes concernées du traitement mis en 'uvre.

Suivant l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, notamment, « les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales ».

L'article R. 380-3 du code de la sécurité sociale dispose, notamment, que la CSM est « calculée, appelée et recouvrée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l'administration fiscale ou par les personnes redevables de ces cotisations ».

L'article D. 380-5 I du code de la sécurité sociale prévoit que « les éléments nécessaires à la détermination des revenus mentionnés aux articles D. 380-1 et D. 380-2 sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations mentionnées à l'article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1 ».

Il résulte de la combinaison de ces textes, à la lumière de la délibération de la CNIL, que sont autorisés le transfert de données entre la DGFIP et l'Acoss, ainsi qu'un traitement de ces données par l'Acoss et les Urssaf pour le calcul de la CSM, de sorte que les dispositions de l'article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ont bien été respectées.

Le décret n° 2018-392 du 24 mai 2018 portant création d'un traitement automatisé de transfert de données relatives aux redevables de la cotisation annuelle prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale est venu compléter le dispositif existant et seul applicable au litige de transfert de données entre la DGFIP et l'Acoss et de traitement de ces données par l'Acoss tel qu'autorisé par le décret du 3 novembre 2017, le décret ayant pour objet de créer un traitement automatisé permettant de transférer à l'Acoss les données fiscales nécessaires à la détermination de l'assiette sociale et au calcul de la cotisation subsidiaire maladie des personnes. Ce traitement autorisé permettant le transfert de données fiscales ne saurait en aucun cas constituer, comme le soutient l'assuré, la création et constitution d'un fichier illicite. Il ne peut donc pas être utilement soutenu par l'assuré que l'Urssaf s'est appropriée en toute illégalité le traitement de ses données personnelles.

Quant à l'obligation d'informer les personnes concernées du traitement automatisé de transfert de leurs données fiscales résultant de l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 et de l'avis de la CNIL du 26 octobre 2017, il y a lieu de relever, que le site internet Urssaf.fr contient une telle information puisqu'il y est indiqué que les redevables sont identifiés « à partir des données transmises par l'administration fiscale sur la base des éléments de revenus pris en compte pour l'impôt sur le revenu ».

Outre le fait que la transmission des données a été portée à la connaissance de l'assuré, en sa qualité de cotisant, par la publication de la loi ayant institué la CSM au Journal Officiel, loi que nul n'est censé dès lors ignorer, l'obligation d'information individuelle a été mise à la charge de l'Acoss et de la DGFIP, selon la CNIL, lesquelles ne sont pas parties à la présente instance, et non à la charge de l'Urssaf.

Ensuite, si l'article 14 du RGPD soumet le responsable du traitement des données personnelles à l'obligation de fournir un certain nombre d'informations à la personne concernée lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été collectées auprès d'elle, il résulte bien du paragraphe 5 de ce texte que cette obligation ne s'applique pas lorsque la personne concernée dispose déjà de ces informations ou que la fourniture de telles informations se révélerait impossible ou exigerait des efforts disproportionnés, ou encore quand l'obtention ou la communication des informations sont prévues par le droit de l'État membre, de sorte que conformément à l'article 15 du RGPD, s'il désirait des informations complémentaires, il appartenait à l'assuré de solliciter de l'Urssaf ces informations individuelles, ce qu'il n'établit pas avoir fait en l'espèce.

Il s'ensuit que les critiques de l'assuré relatives à l'information alléguée d'insuffisante, ou de non conforme, notamment, à l'article 14 du RGPD, reçue de l'Urssaf sont inopérantes.

Par ailleurs l'appel à cotisation du 15 décembre 2017 mentionne que les revenus du patrimoine ont été transmis par la DGFIP et prévoit une procédure contradictoire en cas de contestation de la prise en compte des revenus par le cotisant. Dès lors, l'absence d'information personnalisée préalable ne saurait être sanctionnée par la nullité de l'appel à cotisation régulièrement notifié, l'assuré ayant eu la possibilité de contester cette décision, ce qu'il a fait en l'espèce.

Il s'ensuit que la nullité de la cotisation subsidiaire maladie pour manquement à l'obligation d'information et pour transmission des données ne saurait donc être encourue.

Enfin, l'assuré demande à la cour, à titre subsidiaire, de saisir la cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante : Le règlement n° 2016/679 et le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne doivent-ils être interprétés en ce sens que le juge national a l'obligation d'annuler un appel de cotisations établi sur la base de données traitées et transférées illégalement '

Il suffit de répondre que, d'une part, le juge national est compétent pour tirer toutes les conséquences de droit d'un appel de cotisations établi sur la base de données traitées et transférées illégalement sans qu'il soit nécessaire de demander à une juridiction supranationale ce qu'elle en pense, et d'autre part que la seule vraie question est de savoir si l'appel de cotisations a été établi sur la base de données illégalement obtenues et traitées. Or sur ce seul point sérieux, il a été répondu qu'aucune règle n'a été violée et que les données nécessaires à l'établissement de l'assiette de la cotisation en cause ont été obtenues légalement, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'annuler l'appel de cotisations, pas plus que de saisir la CJUE de la question proposée par l'assuré.

Sur la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel le 27 septembre 2018 et la violation du principe d'égalité

Moyens des parties

L'assuré soutient que les textes ont fixé un taux élevé de cotisation et omis son plafonnement, de sorte que la cotisation peut atteindre des montants stratosphériques. Il argue que cette situation anormale a été corrigée par les tribunaux, le législateur et le pouvoir réglementaire. L'assuré soutient que, dans sa décision sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) n°2018-735 du 27 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a sanctionné cette irrégularité mais que pour des raisons techniques a refusé de censurer les dispositions légales de la cotisation. Il soutient ainsi que le prélèvement en cause étant une cotisation sociale et non un impôt c'est au règlement et non à la loi d'en déterminer les modalités et donc le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, sous une réserve d'interprétation, en précisant que, si l'absence de plafonnement n'est pas constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas une telle rupture. Cette décision est d'effet immédiat et vise nécessairement les dispositions réglementaires concernées en vigueur depuis 2016 qui doivent être dès lors considérées comme dépourvues de tout effet juridique puisque dans sa rédaction le Conseil a utilisé le présent et non le futur, ne s'adressant pas au pouvoir réglementaire pour la rédaction future des décrets mais visant les textes déjà écrits. L'assuré soutient que si la réserve n'annule pas la norme visée elle en paralyse pour autant l'exécution. L'assuré soutient que le pouvoir réglementaire en a pris acte puisque, modifiant les modalités d'application de la cotisation au regard de la décision du Conseil constitutionnel, le système de plafonnement a été introduit par la loi de financement de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, de sorte qu'il est de fait privé du bénéfice de ces dispositions correctrices au titre des années 2016, 2017 et 2018. La réserve du Conseil constitutionnel ne porte pas sur un texte mais sur une absence de texte il appartient donc au juge judiciaire de faire respecter la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel. L'inapplication de la réserve d'interprétation constitue une violation de l'article 62 de la Constitution qui prévoit que les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, étant rappelé qu'une réserve a une autorité équivalente à une loi. Si le Conseil constitutionnel n'a pas censuré la loi puisqu'il revient à l'autorité administrative de fixer les modalités de la cotisation, il ne pouvait pas non plus annuler les dispositions réglementaires qui échappent à sa compétence, mais sa réserve, dite directive, paralyse l'exécution de la norme qui lui est antérieure aussi longtemps que les pouvoirs publics n'ont pas adopté les mesures correctrices nécessaires en matière réglementaire pour s'y conformer. Dès lors, l'appel de cotisations intervenu selon les textes d'application antérieurs est inconstitutionnel et il appartient en juridiction de sanctionner ce texte illégal et d'appliquer la réserve d'interprétation constitutionnelle. Il n'est pas demandé à la cour d'annuler une disposition réglementaire mais de constater que le pouvoir réglementaire n'a pas adopté en faveur du cotisant les mesures requises par le Conseil constitutionnel et d'en déduire que la cotisation est dépourvue de modalités de détermination conformes à la constitution. Le juge judiciaire doit s'assurer du respect des réserves d'interprétation constitutionnelle par le pouvoir réglementaire. Il est donc compétent pour écarter l'application des dispositions réglementaires qui, en raison de leurs lacunes, sont contraires à la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel. Par ailleurs les réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel ont un caractère rétroactif et s'appliquent dès la date d'entrée en vigueur du texte qui en est frappé. Enfin, le taux de 8 % et l'absence de plafonnement, appliqués à l'appel de cotisation au titre de l'année 2016 entraînent une rupture d'égalité devant les charges sociales et une atteinte au droit de propriété en violation des articles 6, 13 et 16 de la Déclaration de 1789 et des dispositions combinées des articles 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et de l'article premier du Premier Protocole additionnel à cette Convention.

L'Urssaf réplique que le Conseil constitutionnel a validé la conformité à la Constitution de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015, et que les articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale fixant les taux, assiette et modalités de calcul de la cotisation sont issus du décret n°2016-979 du 19 juillet 2016. Elle précise que la réserve du Conseil constitutionnel est d'interprétation « directive » sans rétroactivité et ne peut conduire à déclarer rétroactivement non conforme le décret susvisé. Elle soutient que la réserve s'adresse exclusivement à l'autorité réglementaire chargée de l'application de la loi et ne peut donc être invoquée par les justiciables. Elle ajoute que le Conseil d'État a déclaré légale la circulaire interministérielle DSS/5B/2017/322 du 15 novembre 2017 et donc conformes les dispositions réglementaires relatives à la CSM le 10 juillet 2019, ces dernières n'ayant d'ailleurs pas été prises uniquement en application de la réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel en 2018. Les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale 2019 ne sont pas applicables à la cotisation 2016. Le Conseil d'État a validé les dispositions réglementaires relatives à la CSM par décision du 10 juillet 2019. Enfin, il n'y a pas de rupture d'égalité dès lors que le Conseil constitutionnel lui-même a décidé que l'absence de plafonnement de la CSM n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Le Conseil constitutionnel a validé ainsi la conformité de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale à la Constitution en dépit de l'absence de plafonnement de la cotisation. En outre le taux de 8 % n'a rien de disproportionné ni d'exceptionnel par rapport aux autres cotisations d'assurance maladie. Pour qu'il y ait discrimination il faut que des personnes placées dans une situation analogue soient distinguées sans justification objective et raisonnable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Réponse de la cour

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 n°2015-1702 du 21 décembre 2015 a instauré la protection universelle maladie (PUMa) en remplacement, à compter du 1er janvier 2016, de la couverture maladie universelle de base (CMU). Les personnes inactives ou dont les revenus professionnels étaient trop faibles pour être assujetties à un régime de sécurité sociale obligatoire étaient bénéficiaires de la PUMa et par voie de conséquence assujetties, dès l'année 2016, et pour les années suivantes, à une nouvelle cotisation dénommée « cotisation subsidiaire maladie » (CSM).

Le premier alinéa de l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, disposait que toute personne travaillant ou lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière, bénéficie en cas de maladie ou de maternité de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées au présent livre.

L'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, disposait que :

Les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes :

1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;

2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée. Il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple.

Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'État. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.

Lorsque les revenus d'activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d'activité, pour atteindre 100 % à hauteur du seuil défini audit 1°.

La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'État.

Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales.

Dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 portant sur la constitutionnalité de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale instituant la CSM, le Conseil constitutionnel a pris la décision suivante :

En ce qui concerne la première phrase du 1° et les premières et dernières phrases du quatrième alinéa de l'article L. 380-2 :

14. En premier lieu, les dispositions contestées créent une différence de traitement entre les assurés sociaux redevables de cotisations sociales sur leurs seuls revenus professionnels et ceux qui, dès lors que leur revenu d'activité professionnelle est inférieur au seuil fixé par le pouvoir réglementaire en application du 1° de l'article L. 380-2 et qu'ils n'ont perçu aucun revenu de remplacement, sont redevables d'une cotisation assise sur l'ensemble de leurs revenus du patrimoine.

15. Toutefois, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu faire contribuer à la prise en charge des frais de santé les personnes ne percevant pas de revenus professionnels ou percevant des revenus professionnels insuffisants pour que les cotisations assises sur ces revenus constituent une participation effective à cette prise en charge.

16. Dès lors, en créant une différence de traitement entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l'assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se proposait.

17. En deuxième lieu, d'une part, s'il résulte des dispositions contestées une différence de traitement entre deux assurés sociaux disposant d'un revenu d'activité professionnelle d'un montant proche, selon que ce revenu est inférieur ou supérieur au plafond prévu par le quatrième alinéa de l'article L. 380-2, cette différence est inhérente à l'existence d'un seuil. En outre, en application du cinquième alinéa de l'article L. 380-2, lorsque les revenus d'activité sont inférieurs au seuil en deçà duquel une personne est soumise à la cotisation prévue par l'article L. 380-2 mais supérieure à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation assise sur les revenus du patrimoine fait l'objet d'un abattement croissant à proportion des revenus d'activité.

18. D'autre part, la cotisation n'est assise que sur la fraction des revenus du patrimoine dépassant un plafond fixé par décret.

19. Enfin, la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

20. En troisième lieu, la cotisation contestée n'entrant pas dans la catégorie des impositions de toutes natures, le grief tiré de ce que son cumul avec des impositions de toutes natures présenterait un caractère confiscatoire prohibé par l'article 13 de la Déclaration de 1789 est inopérant.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la première phrase du 1° et, sous la réserve énoncée au paragraphe 19, les premières et dernières phrases du quatrième alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant les charges publiques, ni celui d'égalité devant la loi.

Il en ressort que le Conseil constitutionnel a validé l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce.

Les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel assortit la déclaration de conformité à la Constitution d'une disposition législative sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée et lient tant les autorités administratives que le juge pour l'application et l'interprétation de cette disposition.

Or, les articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale, modifiés par le décret 2016-979 du 19 juillet 2016, fixent le taux de la cotisation et ses modalités, y compris des plafonds, même si est omis un plafond du montant total de la cotisation.

En effet, aux termes de l'article D. 380-1 :

I.- Le montant de la cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 due par les assurés dont les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à un seuil fixé à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale est déterminé selon les formules suivantes :

1° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale :

Montant de la cotisation = 8 % × (A D)

Où :

A est l'assiette des revenus définie au quatrième alinéa de l'article L. 380-2 ;

D, qui correspond au plafond mentionné au quatrième alinéa du même article, est égal à 25 % du plafond annuel de la sécurité sociale ;

2° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont compris entre 5 % et 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale :

Montant de la cotisation = 8 % × (A D) × 2 × (1 - R / S)

Où :

R est le montant des revenus tirés d'activités professionnelles ;

S, qui correspond au seuil des revenus tirés d'activités professionnelles mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 380-2, est égal à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

II.- Lorsque le redevable de cette cotisation ne remplit les conditions mentionnées à l'article L. 160-1 que pour une partie de l'année civile, le montant de la cotisation due est calculé au prorata de cette partie de l'année.

III.- Si, au titre d'une période donnée, l'assuré est redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-3-1, il ne peut être redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 pour la même période. Le montant de celle-ci est alors calculé dans les conditions prévues au II.

Et selon l'article D. 380-2, dans la même version applicable aux cotisations pour les revenus de l'année 2016 :

I.- La cotisation due par les personnes mentionnées à l'article L. 380-3-1 au titre d'une année civile est calculée selon la formule définie au 1° du I de l'article D. 380-1, la valeur A correspondant alors à l'assiette des revenus définis au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1 perçus au cours de la dernière année civile pour laquelle ces revenus sont connus.

II.- Cette cotisation est due à compter de la date à laquelle la personne remplit les conditions énoncées au premier alinéa de l'article L. 380-3-1 et cesse d'être due à compter du lendemain de la date à laquelle elles ne sont plus remplies. Lorsque la période entre ces deux dates est inférieure à une année, le montant de la cotisation est calculé au prorata de la durée de cette période.

III.- Les caisses primaires d'assurance maladie communiquent aux organismes chargés du recouvrement la liste des personnes redevables de la cotisation prévue à l'article L. 380-3-1.

En conséquence, il résulte de ces modalités de calcul de la cotisation qu'elles tiennent compte des revenus tirés des activités professionnelles et ceux du patrimoine, de sorte qu'elles ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant les charges publiques, ni celui d'égalité devant la loi, peu important que ces modalités soient fixées par décret et non dans la loi.

Contrairement à ce que soutient l'assuré, des plafonds sont prévus dans le calcul de la cotisation par les dispositions réglementaires, lesquelles ne sont pas intervenues seulement en 2019 en application de la réserve constitutionnelle mais ont été prises dès le 19 juillet 2016 en application de l'article jugé conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel, peu important que ces plafonds ne soient pas prévus par la loi et qu'ils ne comportent pas un plafond du montant total de la cotisation.

Conformément à la décision du Conseil constitutionnel, la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette et du taux sont fixées par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. En outre, il n'est pas démontré que le taux de 8 % serait inconstitutionnel au seul motif qu'à compter de 2019 ce taux a été ramené à 6,5 %. Il appartient au cotisant de démontrer que, dans le cas particulier de l'assuré, l'application des modalités réglementaires prévues en 2016 rompt l'égalité des contribuables devant les charges publiques, tant en raison du taux appliqué que de l'absence de plafonnement de la cotisation totale due.

Par ailleurs, ainsi que l'observe l'Urssaf, la réserve d'interprétation directive pour l'avenir formulée par le Conseil constitutionnel en 2018 ne permet pas de considérer que cette juridiction a entendu déclarer rétroactivement non conformes à la Constitution les dispositions réglementaires portées dans le décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016.

Les moyens de l'assuré visant l'annulation de l'appel de cotisation en raison de son inconstitutionnalité ou de la violation du principe d'égalité sont inopérants.

Sur les mesures annexes

L'assuré succombant en appel sera condamné aux dépens et sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

VALIDE l'appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant de 20 986 euros ;

DÉBOUTE [C] [H] de sa demande de saisine de la cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante : Le règlement n° 2016/679 et le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne doivent-ils être interprétés en ce sens que le juge national a l'obligation d'annuler un appel de cotisations établi sur la base de données traitées et transférées illégalement ' ;

DÉBOUTE [C] [H] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [C] [H] aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 22/06470
Date de la décision : 05/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-05;22.06470 ?
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