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04/04/2024 | FRANCE | N°23/16887

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 04 avril 2024, 23/16887


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 10



ARRET DU 04 AVRIL 2024



(n°198)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16887 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIMBR



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Octobre 2023 -Juge de l'exécution de BOBIGNY RG n° 23/03543





APPELANTE



ASSOCIATION [4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Yves CLAISSE de la SELAR

L CENTAURE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0500



INTIME



Monsieur [B] [C]

[Adresse 1]

[Localité 5]

n'a pas constitué avocat



COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispos...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRET DU 04 AVRIL 2024

(n°198)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16887 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIMBR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Octobre 2023 -Juge de l'exécution de BOBIGNY RG n° 23/03543

APPELANTE

ASSOCIATION [4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Yves CLAISSE de la SELARL CENTAURE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0500

INTIME

Monsieur [B] [C]

[Adresse 1]

[Localité 5]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine Lefort, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte Pruvost, président

Madame Catherine Lefort, conseiller

Madame Valérie Distinguin, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire Grospellier

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte Pruvost, président et par Monsieur Grégoire Grospellier, greffier, présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 20 février 2023, le tribunal de proximité d'Aubervilliers a notamment :

constaté l'acquisition de la clause résolutoire prévue au contrat de résidence conclu le 19 septembre 2020 entre l'association [4] et M. [B] [C],

ordonné l'expulsion de M. [C] et de tout occupant de son chef,

condamné M. [C] à payer à l'association [4] la somme de 3.584,69 euros au titre des redevances impayées au mois de décembre 2022 inclus,

condamné M. [C] à payer à l'association [4] une indemnité d'occupation égale au montant de la redevance actualisée et des charges à compter de janvier 2023 et jusqu'à complète libération des lieux.

Le jugement a été signifié à M. [C] le 21 mars 2023, et le 28 mars suivant, un commandement de quitter les lieux lui a été délivré.

Par requête déposée au greffe du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny, M. [C] a sollicité un sursis à expulsion de 36 mois.

Par jugement contradictoire en date du 4 octobre 2023, le juge de l'exécution a :

accordé à M. [C], et à tout occupant de son chef, un délai de 12 mois jusqu'au 4 octobre 2024 inclus pour se maintenir dans les lieux situés [Adresse 1], à [Localité 5],

dit qu'il devra, ainsi que tout occupant de son chef, quitter les lieux le 4 octobre 2024 au plus tard, faute de quoi la procédure d'expulsion, suspendue pendant ce délai, pourra être reprise,

dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [C] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge a retenu que le requérant justifiait avoir formulé une demande de renouvellement de sa carte de séjour en janvier 2022 et souffrir d'une pathologie grave pour laquelle il était traité par chimiothérapie, de sorte que sa thèse selon laquelle sa situation financière était obérée du fait de la suspension des prestations sociales dans l'attente du renouvellement de sa carte de séjour était vraisemblable ; que le bailleur social n'alléguait aucune difficulté en lien avec la non perception des loyers ; et qu'au regard de la situation financière du requérant, du lourd traitement médical qu'il devait suivre et en l'absence de solution de relogement, une mesure d'expulsion aurait des conséquences particulièrement graves.

Par déclaration du 16 octobre 2023, l'association [4] a fait appel de ce jugement.

Par conclusions en date du 7 décembre 2023, l'appelante demande à la cour de :

infirmer le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

rejeter la demande de délai de 36 mois pour quitter le logement,

débouter M. [C] de toute demande de délai pour quitter les lieux, et de ses demandes, fins et conclusions,

ordonner l'expulsion sans délai de M. [C] et de tous occupants de son chef à compter de la signification de l'arrêt,

dire qu'à défaut de paiement à son terme d'une indemnité d'occupation courante, M. [C] perdra le bénéfice du délai accordé et qu'elle pourra reprendre la mesure d'expulsion,

En tout état de cause,

condamner M. [C] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle invoque l'augmentation de la dette, l'absence de tout règlement, même modeste, depuis septembre 2022, l'absence d'effort de M. [C] pour réduire sa dette et sa mauvaise foi à ce titre. Elle se prévaut également de l'absence de justification par M. [C] de sa situation financière, professionnelle ou administrative, alors que sa demande de renouvellement de sa carte de séjour a été rejetée le 31 mars 2022. Elle reproche au juge de l'exécution de ne pas avoir subordonné le maintien de M. [C] au versement d'une indemnité d'occupation, ce qui lui cause un réel préjudice et estime qu'il ne peut lui être imposé une aggravation de la dette locative. Elle ajoute que M. [C] n'a fait état d'aucune recherche ou démarche en vue de se reloger, alors que l'octroi d'un délai pour quitter les lieux doit en tenir compte, et estime que cette absence de diligence s'assimile à une volonté de retarder sa libération des lieux. Elle conclut que, M. [C] ne justifiant pas de sa bonne foi dans l'exécution de ses obligations ni de démarches en vue de son relogement, les conditions d'octroi de délais pour quitter les lieux de l'article L.412-4 du code des procédures civiles d'exécution ne sont pas réunies.

Bien qu'ayant reçu signification de la déclaration d'appel et des conclusions d'appelante à sa personne, M. [B] [C] n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article L.412-3 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution (dans sa version en vigueur issue de la loi du 27 juillet 2023), le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

L'article L.412-4 du même code, dans sa version en vigueur issue de la loi du 27 juillet 2023, dispose : 'La durée des délais prévus à l'article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L.441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés'.

L'association [4] produit un décompte locatif établissant que M. [C] est redevable, au 30 novembre 2023, de la somme de 8.955,02 euros (échéance de novembre 2023 incluse) et qu'il n'a effectué aucun règlement depuis septembre 2022, ce qui explique une telle augmentation de la dette depuis le jugement du 20 février 2023.

Il ressort du jugement dont appel que M. [C] n'a pas justifié de sa situation financière, se bornant à invoquer la suspension des prestations sociales dans l'attente du renouvellement de sa carte de séjour sollicité en janvier 2022.

Or l'association [4] apporte la preuve, par la production de la décision du préfet de Seine-Saint-Denis, de ce que cette demande a été rejetée par arrêté du 31 mars 2022 portant également obligation de quitter le territoire français. Le préfet a estimé notamment que l'état de santé de M. [C] nécessitait une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'avait pas allégué de circonstances exceptionnelles empêchant son accès aux soins dans son pays et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque à destination de la Mauritanie. M. [C] n'ayant pas constitué avocat dans la présente instance, il n'est pas précisé à la cour si un recours a été exercé contre cet arrêté préfectoral. En tout état de cause, force est de constater qu'il n'a pas fait état de cette décision devant le juge de l'exécution et qu'il n'a pas justifié être toujours dans l'attente d'une décision sur sa situation administrative alors que la demande de renouvellement de carte de séjour qu'il a alléguée a été faite il y a plus de deux ans.

En outre, il ressort du jugement dont appel que M. [C] n'a fait état d'aucune recherche ou démarche en vue de se reloger, alors qu'il s'agit d'un critère essentiel pour l'octroi de délais pour quitter les lieux, ces délais n'étant accordés que pour permettre à l'occupant d'organiser son départ dans de bonnes conditions, et non pour se maintenir passivement dans le logement.

Enfin, cette situation crée nécessairement un préjudice à l'association [4] qui subit l'augmentation de la dette, avec peu d'espoir de recouvrement, et est empêchée de loger d'autres personnes en situation précaire.

Au vu de l'absence de bonne volonté manifestée par M. [C] pour exécuter ses obligations (paiement de l'indemnité d'occupation courante, paiement de la dette) et de l'absence de diligences en vue de son relogement, et en dépit de ses problèmes de santé, il n'y a pas lieu de permettre à ce dernier de se maintenir dans le logement.

Dans ces conditions, il convient d'infirmer le jugement et de dire n'y avoir lieu à octroi d'un délai pour quitter les lieux.

Il n'y a pas lieu d'ordonner l'expulsion de M. [C], laquelle a déjà été ordonnée par jugement du tribunal de proximité d'Aubervilliers du 20 février 2023.

M. [C] sera condamné aux dépens d'appel.

En revanche, au regard des situations économiques respectives des parties, il y a lieu de débouter l'appelante de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement rendu le 4 octobre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny, en ce qu'il a :

accordé à M. [B] [C], et à tout occupant de son chef, un délai de 12 mois jusqu'au 4 octobre 2024 inclus pour se maintenir dans les lieux situés [Adresse 1], à [Localité 5],

dit qu'il devra, ainsi que tout occupant de son chef, quitter les lieux le 4 octobre 2024 au plus tard, faute de quoi la procédure d'expulsion, suspendue pendant ce délai, pourra être reprise,

Statuant à nouveau,

DIT n'y avoir lieu à octroi d'un délai pour quitter les lieux,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu d'ordonner de nouveau l'expulsion de M. [B] [C],

DEBOUTE l'association [4] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [B] [C] aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 23/16887
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.16887 ?
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