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04/04/2024 | FRANCE | N°23/14689

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 04 avril 2024, 23/14689


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 04 AVRIL 2024



(n° 151, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14689 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIGAE



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Mars 2023 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris - RG n° 22/00642





APPELANT



M. [H] [S]

[Adresse 1]

[Lo

calité 4]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2023/011821 du 24/07/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)



Représenté par Me Cyril PERRIEZ, avocat...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 04 AVRIL 2024

(n° 151, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14689 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIGAE

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Mars 2023 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris - RG n° 22/00642

APPELANT

M. [H] [S]

[Adresse 1]

[Localité 4]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2023/011821 du 24/07/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Représenté par Me Cyril PERRIEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : R251, présent à l'audience

INTIMEE

S.A. PACIFICA, RCS de Paris sous le n°352 358 865, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Bérangère MONTAGNE, substituée à l'audience par Me Caroline CERCLÉ, de la SCP SCP GAUD MONTAGNE, avocats au barreau de PARIS, toque : P0430

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Février 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Laurent NAJEM, Conseiller, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Michèle CHOPIN, Conseillère

Laurent NAJEM, Conseiller

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

M. [S] est locataire d'un appartement sis [Adresse 1] à [Localité 4] (91) suivant contrat de bail en date du 30 janvier 2016, conclu avec M. [W].

Suivant acte sous seing privé en date du 21 août 2018, M. [S] a souscrit une assurance multirisque habitation pour le logement loué auprès de la société Pacifica. La société Axa France est l'assureur du syndicat des copropriétaires.

Suivant jugement d'adjudication sur saisie immobilière en date du 23 octobre 2019, cet appartement a été acquis par M. [K].

M. [S] a déclaré auprès de la société Pacifica un dégât des eaux survenu le 30 août 2019.

A la suite d'opérations d'expertise amiable réalisées par le cabinet Jean et François Morel, le sinistre a été déclaré consécutif à une fuite sur canalisation d'alimentation privative accessible réparée par soudure en provenance du logement de M. [S].

L'appartement loué par M. [S] a subi des détériorations notamment au niveau des revêtements de sol, du parquet.

Par acte du 29 juin 2022, M. [S] a assigné les sociétés Axa et Pacifica devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry aux fins de, notamment voir ordonner une expertise de son appartement et une expertise médicale.

Par ordonnance contradictoire du 17 mars 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry, a :

dit n'y avoir lieu à référé ;

débouté M. [S] de toutes ses prétentions ;

rejeté toute autre demande principale ou reconventionnelle plus ample ou contraire ;

condamné M. [S] à verser à la société Axa France Iard la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

condamné M. [S] aux entiers dépens.

Par déclaration du 22 août 2023, M. [S] a interjeté appel de cette décision de l'ensemble des chefs du dispositif.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 23 janvier 2024, il demande à la cour de :

infirmer l'ordonnance de référé rendue le 17 mars 2023 en toutes ses dispositions ;

désigner tel expert judiciaire qu'il lui plaira en lui confiant pour mission de :

* prendre connaissance de l'ensemble des pièces du dossier, et notamment l'ensemble des rapports d'expertise établis par les experts mandatés par les assureurs concernés ;

* convoquer les parties et se rendre sur place ;

* chiffrer tous les éléments de préjudice subis par ce dernier consécutifs aux dégâts des eaux survenus le 30 août 2019 ;

* évaluer l'ensemble des postes de préjudice corporels de ce dernier par référence à la nomenclature Dintilhac en relation avec les sinistres dégâts des eaux survenus le 30 août 2019 et sur les retards apportés quant à l'indemnisation du préjudice notamment les conséquences psychologiques ;

* donner son avis sur les chiffrages réalisés par le cabinet Actex aussi bien en ce qui concerne l'ensemble des éléments de poste de préjudices matériels, privation de jouissance, mobilier et embellissements ;

* fournir toutes indications permettant d'expliquer les retards apportés à son indemnisation ;

condamner la société Pacifica à lui payer une indemnité provisionnelle de 5.000 euros à valoir sur son préjudice matériel et les troubles de jouissance subis depuis le 30 août 2019 ;

condamner la société Pacifica à lui payer une indemnité provisionnelle de 6.500 euros à valoir sur son préjudice corporel ;

condamner la société Pacifica à lui payer une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Pacifica aux dépens d'appel et de première instance.

M. [S] fait valoir qu'il est nécessaire qu'une mesure d'expertise judiciaire se tienne de manière à procéder au chiffrage des éléments du préjudice ; qu'il existe un profond désaccord entre les parties sur l'évaluation des dommages qu'il a subis ; qu'il justifie d'un motif légitime.

Il allègue que la mise en cause du propriétaire du logement n'est pas une condition de recevabilité du recours contre son assureur.

Il soutient qu'il est contraint depuis de nombreuses années de vivre dans un environnement totalement dégradé qui a eu pour effet de porter gravement atteinte à sa santé ; qu'il a été victime d'une chute ; que s'il l'estime nécessaire, l'expert pourra demander que les opérations soient étendues à la CPAM.

Il souligne qu'il a toujours contesté le montant des indemnisations qui lui étaient proposées.

Il fait valoir qu'il a fourni des évaluations complémentaires ; qu'en raison du retard dans le traitement de son dossier, il a subi un trouble de jouissance important ; que compte tenu de l'état de son appartement, il a chuté à plusieurs reprises, subissant alors un traumatisme dentaire majeur.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 24 novembre 2023, la société Pacifica demande à la cour, au visa des articles 9, 145, 835 du code de procédure civile, de :

confirmer l'ordonnance rendue le 17 mars 2023 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

condamner M. [S] à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

En tant que de besoin :

débouter M. [S] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Subsidiairement, sur la demande d'expertise matérielle :

juger qu'elle formule des protestations et réserves sur la mesure d'expertise sollicitée par M. [S] ;

juger que les frais d'expertise seront mis à la charge de M. [S] ;

compléter la mission de l'expert technique comme suit :

* solliciter la communication contradictoire de l'ensemble des pièces n°1 à 33 annexées au rapport d'expertise du cabinet Actex produit en pièce n°31 par M. [S] ;

* évaluer les préjudices de M. [S] résultant du dégât des eaux du 31 août 2019 conformément aux termes et conditions de la police d'assurance de la compagnie Pacifica étant rappelé que :

- ne sont jamais pris en charge les dommages ou aggravation de dommages résultant de l'inaction de l'assuré face à une situation les rendant prévisibles au regard des circonstances ;

- l'évaluation des dommages aux mobiliers est effectuée vétusté déduite de sorte que l'indemnisation est effectuée d'après la valeur de remplacement, au jour du sinistre, vétusté déduite ;

- la garantie privation de jouissance est stipulée comme suit : "en cas d'impossibilité d'utiliser une partie de l'habitation et que le sinistre ne nécessite pas de déménagement, une indemnité vous est versée. Cette indemnité est calculée à dire d'expert selon les critères cumulatifs suivants :

$gt; sur la base du montant du loyer payé des locaux sinistrés

$gt; proportionnellement à la durée nécessaire à la remise en état des locaux et au nombre de pièces sinistrées ;

Subsidiairement, sur la demande d'expertise médicale,

juger qu'elle formule des protestations et réserves sur la mesure d'expertise sollicitée par M. [S] ;

juger que les frais d'expertise seront mis à la charge de M. [S] ;

compléter la mission de l'expert médical comme suit :

* évaluer les préjudices de M. [S] résultant des chutes qui seraient intervenues dans son appartement à la suite du dégât des eaux du 31 août 2019 eu égard à l'état du sol conformément aux termes et conditions de la police d'assurance de la compagnie Pacifica étant rappelé que :

* ne sont jamais pris en charge les dommages ou aggravation de dommages résultant de l'inaction de l'assuré face à une situation les rendant prévisibles au regard des circonstances ;

* la garantie protection corporelle de l'assuré exclut l'indemnisation des dépenses de santé (actuelles et futures) et la perte de gains professionnels (actuels et futurs) ;

* seuls les postes de préjudices suivants sont garantis par la police au titre de la garantie protection corporelle de l'assuré : assistance par tierce personne, frais de logement adapté, frais de véhicule adapté, déficit fonctionnel permanent, souffrances endurées, préjudice esthétique permanent, préjudice d'agrément ;

débouter M. [S] de toutes autres demandes, fins et conclusions,

condamner M. [S] à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [S] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Montagne conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Pacifica fait valoir, s'agissant de la demande d'expertise matérielle, que compte tenu du temps écoulé depuis la survenance alléguée du dégât des eaux, M. [S] a déjà été indemnisé au titre des dommages mobiliers et de son préjudice de jouissance et qu'il ne dispose donc pas de motif légitime ; qu'il ne saurait être justifié que l'état actuel de l'appartement est le même que le 30 août 2019.

A titre subsidiaire, elle émet protestations et réserves et détaille les chefs de mission qu'elle souhaite voir ajoutés.

S'agissant de l'expertise médicale, elle soutient que M. [S] ne produit aucun élément permettant de justifier ni de l'existence d'une chute, ni du lieu de sa survenance. Elle relève que le certificat médical en date du 3 septembre 2019 évoque une fracture survenue en février 2019 et donc sans lien avec le dégât des eaux du 30 août ou la chute du 9 septembre de la même année.

Elle fait valoir que la demande provisionnelle au titre du préjudice matériel est très peu explicitée et elle estime que la durée de la perte de jouissance est imputable à M. [S] qui a refusé l'intervention d'une entreprise ; que l'appelant ne justifie d'aucun frais de relogement.

Elle soutient que la demande au titre du préjudice corporel est elle-aussi très peu détaillée ; que les circonstances de la chute ne sont démontrées par aucun élément ; que la garantie requiert un déficit fonctionnel permanent imputable directement à l'accident au moins égal à 5 %.

Elle rappelle qu'il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer sur l'applicabilité du contrat d'assurance ni d'interpréter le contrat.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2024. L'affaire a été mise en délibéré lors de l'audience du 28 février 2024.

Par message électronique du 7 mars 2024, la cour a adressé le message suivant :

« M. [S] est invité à fournir toutes les observations utiles, par une note en délibéré succincte, sur la recevabilité de sa demande d'infirmation de la condamnation à payer à la société Axa la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles, alors qu'aux termes de sa déclaration d'appel, il n'a pas intimé cette société et qu'elle n'est donc pas partie devant la présente cour.

Réponse attendue pour le 12 mars 2024, dernier délai par voie électronique (RPVA) au-delà il n'en sera plus tenu compte ».

Par message en date du 12 mars 2024, M. [S] a indiqué que la société Axa n'étant pas partie à l'instance d'appel, il renonce à demander l'infirmation du chef de l'ordonnance qui l'a condamné à payer une somme de 1.500 euros à cette société.

SUR CE,

Sur le périmètre de l'appel

M. [S] avait assigné les sociétés Pacifica, son assureur habitation, et Axa, assureur du syndicat des copropriétaires, devant le premier juge. Ses demandes aux fins d'expertise et de provision ont été rejetées.

Il a en outre été condamné à payer à la société Axa la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.

M. [S] aux termes de sa déclaration d'appel du 22 août 2023 n'a intimé que la société Pacifica. Il n'est donc pas fondé à solliciter l'infirmation d'une condamnation au titre des frais irrépétibles au bénéfice d'une partie absente à hauteur d'appel.

Cette demande est irrecevable, ce que M. [S] ne conteste d'ailleurs pas.

Sur la demande d'expertise

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime c'est à dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

La faculté prévue à l'article 145 du code de procédure civile ne saurait, en outre, être exercée à l'encontre d'un défendeur qui, manifestement, et en dehors même de toute discussion au fond, ne serait pas susceptible d'être mis en cause dans une action principale.

De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.

A titre liminaire, il est observé que si M. [S] sollicite la désignation d'un seul expert, l'examen de ses griefs qui porte d'une part sur les conséquences matérielles d'un dégât des eaux et d'autre part sur un préjudice corporel, requiert nécessairement la désignation de deux experts de spécialité distincte si le motif légitime est établi.

La société Pacifica s'en était rapportée en première instance sur ce point. Elle conclut au rejet de l'ensemble des demandes de M. [S] à hauteur d'appel.

Sur l'expertise matérielle

Le premier juge a retenu que M. [S], simple locataire, avait déjà été indemnisé de son préjudice matériel et de son trouble de jouissance et qu'une expertise immobilière pour évaluer notamment le coût de la réparation du parquet ne saurait être ordonnée sans que le propriétaire ne soit appelé à la cause.

M. [S] ne sollicite cependant pas la prise en charge au titre du parquet mais il se fonde sur une expertise amiable du Cabinet Actex qui retient un préjudice de 39.738,10 euros se décomposant de la manière suivante : 910,80 euros au titre des mesures conservatoires, 26.100 euros au titre de la perte de jouissance, 7.639,09 euros et 2.988 euros au titre du mobilier et 2 100 euros au titre du relogement.

La société Pacifica sur la base d'un rapport du cabinet Jean & François Morel a retenu la somme de 4.519, 70 euros, déduction faite de la franchise, qu'elle a payé en quatre versements (ses pièces 12 et 13), M. [S] contestant le caractère satisfactoire des versements.

Le fait que le dégât des eaux soit survenu en 2019 mais que M. [S] n'ait assigné la société Pacifica que près de trois ans plus tard, fait perdre à la mesure sa pertinence puisque l'état actuel de l'appartement n'est pas connu, le propriétaire n'est pas dans la cause, s'agissant notamment des préjudices de jouissance et de relogement tels qu'allégués.

Pour le surplus :

- il n'appartient pas à un expert de procéder à l'analyse des clauses contractuelles s'agissant notamment de la vétusté opposée par l'assureur ;

- le cabinet d'expertise Jean & François Morel a exposé par courrier du 18 septembre 2019 qu'elle avait proposé de faire intervenir la société Eos pour réalisation de mesures conservatoires (dépose du parquet et assèchement mécanisé) mais que M. [S] aurait refusé toute intervention en l'absence de proposition de relogement, de sorte qu'il existe un débat préalable sur le préjudice de relogement comme le préjudice de jouissance.

La société Pacifica a par ailleurs relevé légitimement l'absence de factures.

Ces questions tenant toutes à l'application de clauses contractuelles ou aux conditions dans lesquelles des propositions de mesures conservatoires ont été faites, doivent faire l'objet d'un débat devant le juge du fond et ne sauraient être examinées par un expert.

Il en résulte que M. [S] ne justifie pas d'un motif légitime pour la désignation d'un expert.

La décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise matérielle.

Sur l'expertise médicale

Le premier juge a rejeté cette demande retenant que rien n'établissait que la chute soit intervenue dans l'appartement litigieux et que la CPAM n'était pas en la cause.

M. [S] expose à ce titre que si l'expert l'estime nécessaire, il pourra demander les mesures d'expertise soient étendues à la CPAM ou à tout autre partie.

S'il n'appartient nullement à l'expert d'attraire au litige les organismes de sécurité sociale, s'agissant d'une diligence qui incombe à la partie qui y a intérêt, il résulte de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale que la mise en cause de la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas une condition de recevabilité de la demande d'expertise et de provision devant le juge des référés. (CA, Douai, 3e chambre, 7 Juillet 2016 - n° 15/05862).

Il doit cependant être relevé qu'à défaut d'être appelé à la cause d'une décision allouant un préjudice au titre duquel des prestations ont été versées, le jugement de fond n'est pas opposable à l'organisme social qui peut en demander l'annulation.

M. [S] fait valoir qu'en raison de l'insalubrité de son logement, il a chuté, ce qui aurait occasionné des problèmes au niveau du coude gauche, de son dos mais également de ses dents (p. 5 de ses conclusions), avant de faire état de ce qu'il aurait chuté à plusieurs reprises, subissant un traumatisme dentaire majeur (p. 7).

S'il ne donne aucune précision dans ses conclusions sur la date de ces différentes chutes, il résulte d'un rapport d'expertise amiable (pièce 27) qu'il a indiqué que la chute serait intervenue le 9 septembre 2019 à la suite du dégât des eaux du 30 août 2019 qui a endommagé le parquet de l'appartement.

Aucune pièce, telles des attestations, n'établit de quelconques circonstances matérielles de ces (ou cet) événements au-delà de ses seules allégations. Dès lors, le fait même que la chute (ou les chutes) ait eu lieu dans l'appartement n'est pas étayé.

Les faits invoqués relèvent donc d'une simple hypothèse et ne revêtent pas le caractère de crédibilité suffisant pour rendre légitime la mesure d'expertise.

Surtout, la société Pacifica observe légitimement qu'un certificat médical en date du 3 septembre 2019 (pièce 4- M. [S]) fait état d'une fracture du coude gauche au niveau de l'olécrane qui n'a pas « été immobilisée en février 2019 » et qui occasionnent des « douleurs séquellaires », c'est-à-dire des manifestement résiduelles qui perdurent après une guérison. Or, le dégât des eaux litigieux est survenu le 30 août 2019 soit postérieurement à la fracture, de sorte que tout lien de causalité crédible entre les deux évènements se trouve démenti.

La décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise médicale, les motifs de la cour se substituant à ceux du premier juge.

Sur les demandes provisionnelles

L'article 835 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peut accorder une provision au créancier.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

L'absence du bailleur ne rend pas la demande irrecevable, M. [S] ne dirigeant ses demandes que contre son assureur habitation.

Il existe cependant une contestation sérieuse sur le quantum du préjudice, au-delà du montant déjà alloué par l'assureur étant relevé que ce dernier oppose légitimement la vétusté prévue par les conditions générales du contrat, en l'absence de production de factures et il existe par ailleurs un débat de fond sur le préjudice de jouissance. La société Pacifica fait en effet valoir que M. [S] aurait refusé l'accès à l'entreprise Eos pour qu'il soit remédié aux désordres, comme relevé précédemment.

Dès lors, l'existence de contestations sérieuses s'oppose à ce qu'il soit fait droit à la demande provisionnelle au titre d'un préjudice matériel, ainsi que le premier juge l'a retenu.

Enfin, en l'absence de tout lien suffisamment établi entre les chutes que M. [S] allègue avoir subies et l'état de l'appartement, la demande de provision au titre d'un préjudice corporel se heurte nécessairement à une contestation sérieuse.

La décision sera également confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes provisionnelles formées par M. [S].

Sur les demandes accessoires

La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a condamné M. [S] aux dépens.

Les dépens d'appel seront également mis à la charge de M. [S].

Les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l'appel,

La cour,

Déclare M. [S] irrecevable en sa demande d'infirmation de la condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Axa ;

Confirme la décision déférée ;

Condamne M. [S] aux dépens d'appel ;

Dit que les dépens seront recouvrés conformément aux règles relatives à l'aide juridictionnelle ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/14689
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.14689 ?
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