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04/04/2024 | FRANCE | N°23/14517

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 04 avril 2024, 23/14517


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 04 AVRIL 2024



(n° 147 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14517 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIFOZ



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Juillet 2023 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 23/55444





APPELANTS



LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBL

E SITUE [Adresse 4] A [Localité 7] représenté par son Syndic, la Société Gérard SAFAR SAS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 04 AVRIL 2024

(n° 147 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14517 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIFOZ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Juillet 2023 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 23/55444

APPELANTS

LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SITUE [Adresse 4] A [Localité 7] représenté par son Syndic, la Société Gérard SAFAR SAS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 7]

S.A.S. GERARD SAFAR SAS, RCS de Paris sous le n°318 174 315, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentés par Me Ariane LAMI SOURZAC, avocat au barreau de PARIS, toque : C0380, présente à l'audience

INTIMÉES

Mme [T] [E]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Ayant comme avocat postulant Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Représentée par Me Laura OUANICHE à l'audience

S.A.S. LE 38 REPUBLIQUE SAS, RCS de Paris sous le n°889 360 467, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 7]

Ayant comme avocat postulant Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044,

Représentée par Me Elise AVNER à l'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Février 2024, en audience publique, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Mme [E] est propriétaire du lot n°2 correspondant à un local commercial situé au rez-de-chassée d'un immeuble situé [Adresse 4] à [Localité 7], soumis au statut de la copropriété.

Ce local est donné à bail commercial à la société Le 38 République, qui y exploite un restaurant.

Celle-ci a acquis le fonds de commerce du précédent locataire, la société Inaro, le 29 septembre 2020.

Se plaignant de ce qu'au prétexte de travaux de ravalement le syndicat des copropriétaires a déposé sans aucune autorisation l'installation d'extraction des fumées de son restaurant, la société Le 38 République a assigné le 7 juillet 2023 le syndicat des copropriétaires et son syndic, la société Gérard Safar SAS, devant le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins de les voir condamner solidairement à remettre en état ladite installation sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir.

Mme [E] est intervenue volontairement à l'instance et a formé la même demande.

Le syndicat des copropriétaires et la société Gérard Safar SAS ont conclu au débouté.

Par ordonnance du 21 juillet 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

dit Mme [E] recevable en son intervention volontaire ;

condamné le syndicat des copropriétaires à remettre en état l'installation d'extraction de la société le 38 république, afin de permettre à cette dernière l'exercice de son activité de restaurant, aux frais avancés du syndicat, et ce dans le délai maximal de trois mois à compter de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois ;

débouté la société Le 38 république et Mme [E] de leur demande aux fins de voir le juge des référés se réserver la liquidation de l'astreinte ;

dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Le 38 république et de Mme [E] à l'encontre du syndic ;

condamné le syndicat des copropriétaires à payer à la société Le 38 république et à Mme [E] la somme de 1.000 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté le syndicat des copropriétaires et le syndic de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 18 août 2023, le syndicat des copropriétaires et son syndic ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 1er février 2024, ils demandent à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile, 9, 18 et 42 de la loi du 10 juillet 1965, de :

confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté la société Le 38 république et Mme [E] de leur demande aux fins de voir le juge des référés se réserver la liquidation de l'astreinte et en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Le 38 république et Mme [E] à l'encontre du syndic ;

infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné le syndicat des copropriétaires à remettre en état l'installation d'extraction de la société Le 38 république dans le délai maximal de trois mois à compter de la signification de l'ordonnance sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

débouter la société Le 38 république et Mme [E] de l'ensemble de leurs demandes ;

les condamner solidairement ou en tout cas in solidum à payer :

* au syndicat des copropriétaires la somme de 5.000 euros ;

* au syndic la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner solidairement la société Le 38 république et Mme [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Kami Sourzac conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Les appelants font valoir :

- que le conduit d'extraction litigieux, qui n'avait pas été autorisé par l'assemblée générale des copropriétaires, n'était pas utilisé depuis fort longtemps par l'ancien locataire, la société Le 38 République l'ayant remis en service,

- que la question de la prescription de l'action du syndicat des copropriétaires en dépose de l'installation est sans rapport avec l'objet du litige, qui porte exclusivement sur la nécessité pour le syndicat des copropriétaires de faire déposer en urgence le conduit d'extraction afin de faire réaliser les travaux de réfection des pans de bois et de ravalement du mur de l'immeuble,

- qu'au demeurant, en se prononçant sur la prescription, le juge des référés a outrepassé ses pouvoirs et a commis une erreur d'appréciation en considérant l'action prescrite par application de l'article 42 de la loi de 1965 alors que s'agissant d'une action réelle, le délai de prescription est trentenaire,

- que le syndicat des copropriétaires et son syndic ont obtenu de Mme [E] l'autorisation d'effectuer la dépose du conduit, Mme [E] l'ayant toutefois subordonnée à l'installation après les travaux d'un nouveau conduit, projet qu'elle a soumis au vote de l'assemblée générale des copropriétaires du 11 mai 2023, qui l'a refusé,

- que le syndic a dû ainsi procéder à la dépose définitive du conduit pour finaliser les travaux de ravalement, après avoir prévenu Mme [E] par mail du 9 juin 2023,

- que le trouble manifestement illicite allégué n'est pas caractérisé dès lors que la dépose a été effectuée après l'accord de la propriétaire, une demande d'autorisation judiciaire n'étant donc pas nécessaire, et dans le respect de la décision de l'assemblée générale des copropriétaires,

- que la remise en état ordonnée par le premier juge est impossible dans la mesure où l'immeuble voisin du [Adresse 3], sur le pignon duquel était fixé l'ancien conduit, a refusé que la gaine d'un nouveau conduit soit fixée sur son mur,

- que la responsabilité délictuelle du syndic, recherchée par Mme [E] et son locataire, ne peut être tranchée en référé car elle se heurte à contestation sérieuse,

- qu'il en est de même pour leur demande de dommages et intérêts.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 11 janvier 2024, Mme [E] demande à la cour, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, de :

confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur ses demandes à l'encontre du syndic ;

la déclarer recevable dans ses demandes à l'encontre du syndic ;

Statuant à nouveau de ce chef critiqué :

condamner in solidum le syndicat des copropriétaires et le syndic à lui payer, par provision, une somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi ;

Y ajoutant :

condamner le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic et le syndic à lui payer chacun une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Elle fait valoir :

- que c'est sans aucun accord de sa part et sans autorisation judiciaire que le syndicat des copropriétaires a procédé à la dépose du conduit, commettant ainsi une voie de fait,

- que la véritable motivation du syndicat des copropriétaires est de refuser purement et simplement la présence d'un restaurant dans l'immeuble,

- que pourtant l'exploitation d'un restaurant est parfaitement conforme au règlement de copropriété,

- que le syndicat des copropriétaires est tenu d'exécuter la décision de première instance malgré l'opposition du syndicat voisin,

- que la suppression suivie de la destruction du conduit d'extraction ont été effectuées sur l'ordre du syndic qui a ainsi commis une faute professionnelle et engage sa responsabilité aux côtés de celle du syndicat des copropriétaires,

- qu'elle subit un préjudice indemnisable par provision, sa locataire, envers laquelle elle est tenue d'une obligation de délivrance, étant privée du conduit depuis juin 2023 et ne pouvant plus correctement exercer son activité de restaurant.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 2 février 2024, la société Le 38 République demande à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile et 544 du code civil, de :

confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur ses demandes à l'encontre du syndic, le cabinet Gérard Safar ;

Statuant à nouveau :

condamner le syndic solidairement avec le syndicat des copropriétaires à remettre en état son installation d'extraction afin de lui permettre l'exercice de son activité de restaurant, aux frais avancés du syndicat et ce, dans le délai maximal de trois mois à compter de la signification de l'ordonnance sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai, astreinte courant pendant un délai de trois mois ;

condamner solidairement le syndicat des copropriétaires et son syndic à lui payer une somme provisionnelle de 5.000 euros au titre de la réparation de son préjudice ;

En tout état de cause :

débouter le syndicat des copropriétaires et son syndic de l'ensemble de leurs demandes ;

condamner le syndicat des copropriétaires et son syndic au paiement d'une somme de 2.500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel et au remboursement des frais liés à l'établissement des deux constats d'huissier soit la somme de totale de 786 euros (384x2).

Elle expose :

- que l'objet du litige porte bien sur la dépose sauvage du conduit hors de toute autorisation du propriétaire et de toute autorisation judiciaire, qui constitue un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 du code de procédure civile,

- que la dépose du conduit ne pouvait être que provisoire et en aucun cas la propriétaire n'a donné son accord pour une dépose définitive,

- que le simple courrier émanant du syndic de la copropriété voisine refusant l'installation de la gaine avec emprise sur son pignon est d'évidence rédigé et produit pour les besoins de la procédure et il ne saurait avoir une quelconque valeur dès lors qu'aucun procès-verbal d'assemblée générale n'y est joint, et qu'en tout état de cause il existe toujours des solutions techniques et le syndicat des copropriétaires démontre n'en avoir recherché aucune,

- que le syndic Gérard Safar engage incontestablement sa responsabilité, ayant participé à la voie de fait avec le syndicat des copropriétaires, ce qui constitue une faute professionnelle qu'il ne pouvait ignorer en sa qualité de professionnel,

- que privée d'un équipement privatif, composante de son fonds de commerce et nécessaire à son activité de restauration, la société Le 38 République subit un préjudice.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2024.

SUR CE, LA COUR

En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

En application du même texte, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En l'espèce, il est constant que le syndicat des copropriétaires et son syndic ont fait procédé eux-même, le 16 juin 2023, à l'enlèvement du conduit qui cheminait le long d'un mur de l'immeuble et servant à l'extraction des fumées du restaurant exploité par la société Le 38 République dans le local commercial qui lui est donné à bail par Mme [E]. Un procès-verbal de constat établi le 23 juin 2023 par un commissaire de justice, à la requête de la locataire, confirme que ce conduit a été scié à la base.

Il n'est pas non plus discuté et résulte des pièces produites par le syndicat des copropriétaires, notamment des compte-rendus de chantier et d'une note de l'architecte de la copropriété en date du 15 juin 2023, que la dépose de cette gaine d'extraction était indispensable à la réalisation des travaux de ravalement des façades de l'immeuble et de réfection de la toiture, votés par l'assemblée générale des copropriétaires du 29 juin 2020.

Selon l'article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 :

« I - Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter attente ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.

Les travaux supposant un accès aux parties privatives doivent être notifiés aux copropriétaires concernés au moins huit jours avant le début de leur réalisation, sauf impératif de sécurité ou de conservation des biens.

II - Un copropriétaire ne peut faire obstacle à l'exécution, même sur ses parties privatives, de travaux d'intérêt collectif régulièrement décidés par l'assemblée générale des copropriétaires, dès lors que l'affectation, la consistance ou la jouissance des parties privatives n'en sont pas altérées de manière durable. »

Il résulte de la correspondance échangée entre le syndic de la copropriété et Mme [E] que le syndicat des copropriétaires, avant de procéder lui-même à la dépose du conduit, partie privative de son lot, a demandé à Mme [E] de faire procéder elle-même ou par son locataire à cette dépose. Il en résulte aussi très clairement que le syndicat des copropriétaires n'a pas entendu faire effectuer cette dépose de manière provisoire mais définitive, se prévalant non seulement des travaux de ravalement et de réfection de la toiture à réaliser mais aussi de ce que ce conduit avait à l'origine été installé sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires.

Or, s'il ressort de cette même correspondance que Mme [E] a accepté la dépose provisoire du conduit d'extraction, elle ne l'a pas autorisée de manière définitive, devant en effet garantir à son locataire la jouissance de son local commercial à des fins de restaurant. Elle a subordonné la dépose du conduit, qui n'était plus aux normes, à son remplacement à ses frais par une autre gaine, faisant établir par un architecte un projet qu'elle a soumis au vote de l'assemblée générale des copropriétaires, qui a cependant été refusé par l'assemblée générale du 11 mai 2023.

Le syndicat des copropriétaires et son syndic sont donc mal fondés à soutenir avoir régulièrement déposé le conduit sur autorisation de Mme [E]. En application de l'article 9 précité, ils ne pouvaient procéder à cette dépose que de manière temporaire, en s'engageant par conséquent à une repose, Mme [E] étant en effet en droit de refuser une dépose définitive qui altérait de manière durable la jouissance d'une partie privative.

La dépose définitive du conduit devait être nécessairement autorisée en justice, le vote négatif opposé par l'assemblée générale des copropriétaires au remplacement dudit conduit par Mme [E] ne pouvant suppléer une autorisation judiciaire exigeant un débat sur le droit acquis ou non par la propriétaire et son locataire au maintien de l'installation litigieuse.

Procédant sans autorisation judiciaire à la dépose définitive du conduit, le syndicat des copropriétaires et son syndic ont manifestement violé la règle de droit, causant à Mme [E] et sa locataire un trouble manifestement illicite caractérisé par la privation de jouissance d'un élément d'équipement privatif nécessaire à l'activité de restauration exercée dans les lieux donnés à bail.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné le syndicat des copropriétaires à remettre en état l'installation d'extraction sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de trois mois à compter de la signification de l'ordonnance.

La remise en l'état antérieur n'apparaît pas impossible du fait que le syndic de l'immeuble voisin s'y est opposé par simple lettre, alors que dans son état antérieur le conduit était fixé dans sa partie haute sur le mur pignon de cet immeuble. Il n'est au demeurant pas démontré par le syndicat appelant qu'une autre solution technique serait impossible.

La responsabilité délictuelle du syndic envers Mme [E] et sa locataire apparaît d'évidence acquise, dès lors qu'il appartient au syndic de mettre en oeuvre les procédures adéquates, à défaut de quoi il engage sa responsabilité (Civ.3e, 27 avril 2017, n° 14-24.518). Or la société Gérard Safar SAS s'est abstenue de toute démarche judiciaire, accompagnant le syndicat des copropriétaires dans la dépose définitive du conduit litigieux sans autorisation judiciaire. La société Gérard Safar SAS sera donc condamnée à la remise en état prononcée, in solidum avec le syndicat des copropriétaires, l'ordonnance entreprise étant infirmée sur ce point.

Mme [E] et la société Le 38 République seront accueillies en leurs demandes provisionnelles de dommages et intérêts formées en appel, leur préjudice n'étant pas sérieusement contestable, caractérisé par la privation de jouissance depuis la mi-juin 2023, par la faute du syndicat et du syndic, d'un élément d'équipement privatif nécessaire au respect par la bailleresse de son obligation de délivrance et à l'exploitation par la locataire de son activité de restauration. Il sera alloué à chacune une provision de 2000 euros au paiement de laquelle seront condamnés in solidum le syndicat des copropriétaires et le syndic.

Le sort des frais et dépens de première instance été justement réglé par le premier juge.

Perdant en appel, le syndicat des copropriétaires et son syndic seront condamnés in solidum aux entiers dépens de cette instance et à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à Mme [E] la somme de 2.000 euros, à la société Le 38 République la somme de 2.800 euros incluant le coût des deux constats de commissaire de justice qu'elle a dû faire établir.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé à l'encontre de la société Gérard Safar SAS,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Condamne la société Gérard Safar SAS, in solidum avec le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], à remettre en état l'installation d'extraction de la société Le 38 République selon les modalités fixées par la décision de première instance,

Condamne in solidum la société Gérard Safar SAS et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] à payer à chacun des intimés la somme provisionnelle de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne in solidum la société Gérard Safar SAS et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] aux dépens de l'instance d'appel et à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à Mme [E] la somme de 2.000 euros, à la société Le 38 République la somme de 2.800 euros,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/14517
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.14517 ?
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