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04/04/2024 | FRANCE | N°23/14268

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 04 avril 2024, 23/14268


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 04 AVRIL 2024



(n° 144 , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14268 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIEZ5



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Juillet 2023 -Président du TC de PARIS - RG n° 2023020227





APPELANTE



S.A.S. NOO CORP, RCS de Paris sous le n°824 500 797

, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 3]



Ayant comme avocat postulant Me Nathalie LESENECHAL, avocat au...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 04 AVRIL 2024

(n° 144 , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14268 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIEZ5

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Juillet 2023 -Président du TC de PARIS - RG n° 2023020227

APPELANTE

S.A.S. NOO CORP, RCS de Paris sous le n°824 500 797, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant comme avocat postulant Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Représentée par Me Anne-Sophie TONIN à l'audience

INTIMÉE

S.A.S. GREEN FAMILY, RCS de Nanterre sous le n°529 777 583, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Vincent RAVION de la SELEURL VOLENS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1208, présent à l'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Michèle CHOPIN, Conseillère

Laurent NAJEM, Conseiller

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et parSaveria MAUREL, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société Noo Corp, fondée en 2016, est spécialisée dans la vente en ligne par abonnements d'articles pour les bébés et les mamans, et notamment des couches sous la marque « Joone » via son site internet www.joone.fr. Elle commercialise ainsi les couches "Iconiques" et "Origine", ces dernières depuis l'automne 2022.

La société Green family (anciennement Love & Green) est également spécialisée dans la vente de couches pour bébés sous la marque Love & Green.

En septembre 2018, le magazine 60 millions de consommateurs dans son numéro 540 a publié un classement des marques, ce, dans le cadre une enquête sur la composition des couches pour bébés menée par l'Institut national de consommation.

En janvier 2019, l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a rendu un avis sur la sécurité des couches pour bébés fixant notamment des seuils pour certaines substances. Ce rapport de l'ANSES, qui constitue aujourd'hui la référence en la matière, a été complété par une note technique du 9 mars 2020, rappelant les seuils sanitaires résultant de son rapport de janvier 2019, et définissant des sous-seuils pour tenir compte du risque associé à l'exposition cumulée.

Le 2 juillet 2020, la DGCCRF a publié un communiqué de presse intitulé "Substances chimiques dans les couches pour bébés" rendant compte de diverses analyses.

Le 23 février 2021, la DGCCRF a indiqué avoir mené une nouvelle enquête à la fin de l'année 2020 ayant pour objectif de vérifier si une amélioration a été apportée à la composition des couches pour bébés.

Par ordonnance du 9 juin 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, saisi à l'initiative de la société Green family, a :

- condamné la société Noo Corp, sous un délai de 7 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, sous peine d'une astreinte de 1 000 euros par infraction constatée et par jour de retard, et ce pendant un délai d'un mois au-delà duquel il sera à nouveau statué, à :

' supprimer ses publications des 02, 03 et 12 juillet 2020 sur sa page Facebook, ainsi que l'article intitulé "'Exclusif : l DGCCRF passe au crible 32 marques de couches pour bébé" accessible sur le site internet https://www.joone.frlblogs/joone ;

' supprimer, sur tous support, messages, publications, les allégations suivantes : "couches garanties 0% produits nocifs", " la seule marque française de couches sans aucun produit nocif ;

' cesser toute communication de quelque nature que ce soit reprenant les allégations suivantes "garanties 0% produits nocifs" et "'sans produits nocifs" ;

' s'abstenir à l'avenir de toute diffusion de ses publications et article de son blog ci-dessus identifiés, ainsi que des allégations susmentionnées et toutes allégations similaires, sur tous réseaux sociaux, médias et supports ;

- condamné la société Noo Corp, sous un délai de 7 jours à compter de la signification de l'ordonnance, sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour de retard, déboutant pour le surplus, et ce, pendant un délai d'un mois au-delà duquel il sera à nouveau statué à :

communiquer à la société Green Family le rapport d'analyse établi par la DGCCRF sur les couches Joone à l'occasion de l'étude objet du communiqué de presse du 02 juillet 2020 ;

supprimer la mention, sur le site de Joone et sa page Facebook, des tests réalisés par le laboratoire ATS Eurofins, ou, à son choix, la maintenir mais en l'assortissant de la réserve explicite suivante : « Les limites de quantification appliquées par le laboratoire ne sont pas assez sensibles pour attester de l'absence de tout produit nocif, ni même d'attester du respect des seuils sanitaires » ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande provisionnelle de la société Green Family en réparation des préjudices subis ;

- condamné la société Noo Corp à payer à la société Green Family la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Par arrêt du 10 février 2022, la cour d'appel de Paris a :

- confirmé la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a ordonné à la société Noo Corps de s'abstenir à l'avenir de toute diffusion de ses publications et article de son blog ci-dessus identifiés, ainsi que des allégations susmentionnées et toutes allégations similaires, sur tous réseaux sociaux, médias et supports ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Green Family tendant à ordonner à la société Noo Corps de s'abstenir à l'avenir de toute diffusion de ses publications et article de son blog ci-dessus identifiés, ainsi que des allégations susmentionnées et toutes allégations similaires, sur tous réseaux sociaux, médias et supports ;

- déclaré irrecevable les demandes de la société Noo Corp relatives à l'article intitulé 'Joone condamnée pour pratiques commerciales trompeuses vis-à-vis du consommateur et pratiques commerciales déloyales vis-à-vis de ses concurrents' ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes des parties ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

Le 28 septembre 2022, la société Noo Corp a publié à nouveau sur son blog ("Joornal") un article commentant l'étude de la DGCCRF réalisée en septembre 2020 ainsi qu'un autre article faisant état de sa place n°1 au classement du magazine 60 millions de consommateurs.

Dans ce contexte, la société Green family a fait assigner la société Noo Corp devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l'article 873 alinéa 1 du code de procédure civile aux fins de voir :

ordonner à la société Noo Corp, sous un délai de sept jours à compter de la signification de la décision, sous peine d'une astreinte de 1 000 euros par infraction constatée et par jour de retard, à compter du septième jour :

a) à supprimer de son blog dénommée Joornal et plus généralement sur tous supports ou page internet qu'elle administre, l'article daté du 28 septembre 2022 intitulé «Exclusif : la DGCCRF passe au crible 32 marques de couches pour bébé» ;

b) d'avoir à supprimer de son blog intitulé Joornal et plus généralement sur tous supports ou page internet qu'elle administre, l'article daté du 29 septembre 2022 intitulé «La couche Joone classée numéro 1 en France par 60 millions de consommateurs», ainsi que tout contenu qui serait publié en reprenant cette allégation, sans précision de l'année de cette étude ;

c) d'avoir à supprimer, dans tous messages et publications et sur tous supports, les allégations suivantes «sans aucun produit nocif» «0% de produit nocif» et «100% clean», sauf circonstance nouvelle qui autoriserait la société Noo corp à se prévaloir valablement de telles allégations ;

d) d'avoir à supprimer, dans tous messages et publications et sur tous supports, les allégations suivantes en relation avec sa gamme de couches Origine «innovation mondiale», «fabriquée en France», sauf circonstance nouvelle qui autoriserait la société Noo Corp à se prévaloir valablement de telles allégations ;

e) d'avoir à supprimer, dans tous messages et publications et sur tous supports, l'allégation «créateur de transparence», sauf circonstance nouvelle qui autoriserait la société Noo Corp à se prévaloir valablement de telles allégations ;

f) d'avoir à cesser toute communication de quelque nature que ce soit reprenant les allégations mentionnées ci-dessus aux paragraphes (c), (d) et (e) ;

g) d'avoir à s'abstenir à l'avenir de toute diffusion des articles datés du 28 septembre 2022 identifiés au (a) et (b), ainsi que des allégations visées au (c), (d) et (e) et toutes allégations similaires, sur tous réseaux sociaux, médias et supports, sauf circonstance nouvelle qui autoriserait la société Noo Corp à se prévaloir valablement de l'une ou l'autre de ces allégations ;

ordonner à la société Noo Corp, au visa de l'article 873 alinéa 1 du code de commerce, sous un délai de sept jours à compter de la signification de la décision à interner, sous peine d'une astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard, à compter du septième jour, d'avoir à publier sur son site internet et sur les pages Joone paris des réseaux sociaux Facebook, Instagram, pendant une période qui ne pourra être inférieure à 90 jours, en caractère gras, rouge sur fond blanc, de façon à remplir un encadré sous un titre «Joone condamné à la demande de Love & Green» ce titre étant lui-même en caractère qui ne pourra être inférieur à 1cm, et cet encart judiciaire stipulant : «Suivant ordonnance du (...) le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a ordonné la cessation des pratiques commerciales déloyales et trompeuses de la société Noo corp, commercialisant la marque Joone, en exigeant notamment la suppression des allégations commerciales suivantes : «innovation mondiale» et «fabriquée en France», en relation avec sa gamme Origine d'une part et «O% de produit nocif», «sans produit nocif», «100% clean», «créateur de transparence» d'autre part, sauf circonstance nouvelle qui lui ouvrirait droit, dans l'avenir, à se prévaloir de l'une ou l'autre de ces allégations ;

condamner la société Noo Corp à devoir lui payer la somme de 150.000 euros, à titre provisionnel en réparation des préjudices subis par elle à raison des actes des actes de concurrence déloyale, en application:n de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile sous peine d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard, à compter du septième jour après la signification de la décision à intervenir.

Par ordonnance contradictoire du 5 juillet 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

ordonné à la société Noo Corp au visa de l'article 873 alinéa 1 du code de commerce, sous un délai de 8 jours après la signification de la décision, sous peine d'une astreinte de 500 euros pour chacune des allégations ci-après, par infraction constatée, par jour de retard et pendant un délai de 90 jours au terme duquel il sera à nouveau fait droit :

* d'avoir à supprimer, dans tous messages et publications et sur tous supports, les allégations suivantes en relation avec sa gamme de couches Origine «innovation mondiale», «fabriquée en France», sauf circonstance nouvelle qui autoriserait la société Noo corp à se prévaloir valablement de telles allégations ;

* d'avoir à supprimer, dans tous messages et publications et sur tous supports, l'allégation «créateur de transparence», sauf circonstance nouvelle qui autoriserait à la société Noo corp à se prévaloir valablement d'une telle allégation ;

* d'avoir à cesser toute communication de quelque nature que ce soit reprenant les allégations mentionnées ;

ordonné à la société Noo Corp de cesser toute communication de quelque nature que ce soit reprenant les allégations précitées sauf circonstance nouvelle qui autoriserait à la société Noo corp à se prévaloir valablement d'une telle allégation ;

ordonné à la société Noo Corp de supprimer toute référence à des labels de certification dont elle ne dispose pas (par exemple, hypoallergénique, respectueux de la peau, faible impact carbone, etc.) ;

fait à droit à la demande de publication dans les termes de la demande ;

dit n'y avoir lieu à statuer en référé sur la demande en réparation des préjudices subis par cette dernière à raison des actes de concurrence déloyale ;

dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes plus amples ou contraires formulées par les parties à l'instance ;

condamné la société Noo Corp à devoir payer à la société Green family la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné en outre la société Noo Corp aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,92 euros TTC dont 6,78 euros de TVA.

Par déclaration du 9 août 2023, la société Noo Corp a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 5 février 2024, la société Noo Corp demande à la cour de :

infirmer l'ordonnance de référé rendue le 5 juillet 2023 sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à statuer en référé sur la demande en réparation des préjudices subis par cette dernière à raison des actes de concurrence déloyale ;

Et statuant à nouveau :

dire qu'il n'y a pas lieu à référé ;

débouter la société Green family de l'intégralité de ses demandes, prétentions, fins et conclusions ;

Subsidiairement, pour le cas où la société Green family serait déclarée recevable et bien fondée en une ou plusieurs de ses demandes formées en référé et/ou de ses demandes d'infirmation partielle :

débouter la société Green family de ses demandes de suppression de tout ou partie des mentions reprochées, et en tout état de cause limiter l'éventuelle interdiction à ce que les logos ou labels soient accompagnés du terme «certification» ;

rejeter toutes mesures de publication, en particulier sur le site Internet et/ou les comptes de réseaux sociaux de la société Noo Corp ;

la débouter de sa demande de provision ou, à titre subsidiaire, allouer à la société Green family une provision purement symbolique ;

En tout état de cause :

confirmer l'ordonnance de référé du 5 juillet 2023 en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à statuer en référé sur la demande en réparation des préjudices subis par la société Green family à raison des prétendus actes de concurrence déloyale ;

condamner la société Green family à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'engagement de sa responsabilité sans faute au sens de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, ou subsidiairement sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

condamner la société Green family à lui verser la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Green family aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 13 novembre 2023, la société Green family demande à la cour, au visa des articles 872, 873, 142, 145 du code de procédure civile et L. 121-1, L. 121-2, L. 121-3 et L. 121-4 du code de la consommation, de :

confirmer l'ordonnance du 5 juillet 2023 sauf en ce qu'elle a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices subis par elle à raison des actes de concurrence déloyale et condamner la société Noo corp à lui payer la somme de 110.000 euros à titre provisionnel, en application de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, sous peine d'astreinte de1 000 euros par jour de retard, à compter du septième jour après la signification de la décision à intervenir ;

condamner la société Noo corp à la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et la condamner aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE,

Selon l'article 873 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal peut, dans les limites de sa compétence, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite visé s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

En outre, l'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Enfin, l'article L.121-2 du code de la consommation indique qu'une pratique commerciale est trompeuse lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire une erreur et portant notamment sur les caractéristiques essentielles du bien, à savoir sur ses qualités substantielles ou sa composition ou encore sur les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien.

En l'espèce, la société Green Family reproche tout d'abord à la société Noo Corp deux publications en date du 28 septembre 2022 sur son blog "Joornal", à savoir la publication à nouveau d'un article intitulé "Exclusif : la DGCCRF passe au crible 32 marques de couches pour bébé" et celle d'un second article faisant état de sa place de n°1 au classement de 60 millions de consommateurs. Elle lui reproche ensuite l'utilisation d'allégations et de logos qu'elle estime trompeuses au sens de l'article L 121-2 du code de la consommation.

Sur ce, il y a lieu pour la cour de relever que :

- il n'est en effet pas contesté que la société Green Family commercialise aussi, tout comme la société Noo Corp, des couches pour bébé, se voulant au surplus "naturelles" et "écologiques"', de sorte que les deux sociétés se trouvent en situation de concurrence,

- certes, une information sur un sujet d'intérêt général, reposant sur une base factuelle suffisante, exprimée avec une certaine mesure, ne saurait être fautive, y compris entre concurrents et qu'au cas d'espèce la qualité des couches pour bébés vendues est à l'évidence un sujet d'intérêt général, qui touche la santé des enfants ;

- ceci étant posé, concernant les actes supposés de pratiques commerciales trompeuses, le constat sur internet du 17 octobre 2022 (pièce 17 de l'intimée) détaille comment l'huissier de justice a pu accéder aux deux articles litigieux par le site " Joone" qui affiche sur sa page d'accueil "la couche jetable la plus éco-responsable jamais fabriquée" et l'amène, après qu'il a tapé dans la barre de recherches "sans produits nocifs" à l'article intitulé "Exclusif : la DGCCRF passe au crible 32 marques de couches pou bébé", de sorte que la publication est factuellement établie,

- la société Noo Corp y fait état dans les publications qu'elle serait "la seule marque française'" garantie sans aucun produit nocif ou sans composant toxique, et précise que la DGCCRF a relevé la présence de produits nocifs dans 28 des 32 marques analysées, et notamment du formaldéhyde, d'hydrocarbures aromatiques polycliniques, classés cancérogènes, de dioxines, le tout avec un risque "d'effet cocktail",

- elle précise encore que "60 millions de consommateurs a d'ores et déjà salué notre travail en 2018 et la publication du nouveau rapport de la DGCCRF nous encourage à maintenir nos efforts en termes d'approvisionnement, de distribution et de pédagogie",

- or, s'agissant de cette nouvelle publication, alors que le rapport d'analyse de la DGCCRF a mis en évidence dans les couches Joone des dioxines, furanes et PCB, de sorte que la société Noo Corp ne peut prétendre que ses produits seraient « garantis 0% » de produits nocifs" ou « composés toxiques », a d'ores et déjà fait l'objet d'une procédure devant le tribunal de commerce de Paris puis devant la cour d'appel qui a rendu le 10 février 2022 estimant que les propos tenus par la société Noo Corp étaient dénigrants, même dans un contexte de concurrence, les publications n'étant assorties d'aucune prudence ni réserve et ne correspondant pas à la réalité, et qu'ils étaient également constitutifs de pratiques commerciales trompeuses au sens de l'article L 121-2 du code de la consommation,

- en conséquence, les mesures conservatoires de nature à faire cesser le trouble manifestement illicite s'imposaient aux parties, et à ce titre, la suppression des publications, la suppression sur tout support, messages et publications des allégations couches garanties 0% produits nocifs, "seule marque française de couches sans aucun produit nocif",

- dans ces conditions la publication à nouveau, laquelle n'est pas réellement contestée, de cet article sur un autre support que le précédent constitue nécessairement un trouble manifestement illicite, étant précisé que la cour d'appel dans son arrêt du 10 février 2022 a rejeté l'interdiction de toute publication à l'avenir dès lors qu'il n'était pas établi que la société Noo Corp serait amenée à communiquer à nouveau sur les mêmes allégations et que celle-ci engagerait sa responsabilité en cas de nouvelle publication,

- toutefois, il est constant que cette publication a été supprimée ainsi qu'il résulte du procès- verbal de constat des 21 et 22 février 2023 (pièce n°17 de l'appelante), de sorte que le trouble manifestement illicite a cessé, la société Green family, admettant elle-même que sa demande de suppression est devenue sans objet, mais maintenant sa demande de provision en réparation, dont la cour reste saisie,

- de la même façon, le procès-verbal de constat du 1er octobre 2022 (pièce n°23 de l'intimée) atteste aussi de la publication le 28 septembre 2022 d'un article intitulé "la couche Joone classée n°1 par 60 millions de consommateurs", accessible par le site internet Joone, et qui renvoie à un article intitulé "le rapport très alarmiste de l'ANSES sur la qualité des couches pour bébés",

- or, il s'avère que cet article a été incontestablement publié en 2018, alors qu'une étude plus récente, publiée depuis, précisément en octobre 2020, par ce même magazine (pièce n°4 de l'intimée) classe les couches Love & Green de la société Green family en première position avec une note de 16,5/20,

- de la sorte, une telle publication induit bien les consommateurs en erreur sur les caractéristiques essentielles du bien, et constitue une allégation trompeuse au sens de l'article L 121-2 du code de la consommation, mais il s'avère, ce qui n'est pas non plus discuté, que cet article a fait également l'objet d'une suppression ainsi qu'il résulte du procès-verbal de constat cité plus haut, de sorte que le trouble manifestement illicite a cessé, la société Green family admettant dans ces circonstances aussi que sa demande de suppression est devenue sans objet, mais maintenant sa demande de provision en réparation, dont la cour reste saisie,

- s'agissant des allégations "innovation mondiale" et "fabriquée en France", le procès-verbal de constat (pièce n°8 de l'intimée) du 12 janvier 2023 établit que le nouveau produit de la société Noo Corp, la couche "Origine", est présentée sous les termes suivants : "innovation mondiale" et "la couche clean et fabriquée en France", cette présentation étant fait principalement par voix de publicités sponsorisées sur les réseaux sociaux du groupe Meta, Facebook et Instagram,

- s'agissant de l'allégation "innovation mondiale", la société Noo Corp expose qu'il s'agirait d'une allégation purement laudative, et non trompeuse et elle indique que la couche Origine serait un concentré d'innovation (taux de naturalité, fabriquée au sein d'une usine éco-labellisée, à partir de matériaux ou matières premières issues de pays européens),

- elle précise en outre que la couche Origine dispose de sept certifications et labels, étant précisé qu'elle ne conteste pas que trois de ces sept labels n'existent pas et ne correspondent pas à une réelle certification,

- si la société Noo Corp établit qu'elle a cherché à mettre en place des spécifications particulières pour sa nouvelle gamme de couches pour bébés (couches non traitées au chlore, voile, barrières antifuites, emballage biodégradable, énergies renouvelables, notamment), elle ne démontre pas en quoi ces spécifications constitueraient une innovation mondiale et ne serait pas déjà utilisées par d'autres marques de couches pour bébé,

- à cet égard, il est établi par la société Green family que les marques Love & Green, Lotus, Biolane, les petits culottés ont chacune commercialisé des couches pour bébés avec ces mêmes spécifications, devenus communes sur ce segment de marché, ce que la société Noo Corp reconnaît elle-même au sein de ses écritures,

- par ailleurs, s'agissant de l'allégation " fabriquée en France", celle-ci est en contradiction avec les dires de la société Noo Corp qui précise que la couche Origine est fabriquée au Danemark, alors qu'il apparaît sur la publicité reproduite dans le procès-verbal de constat cité plus haut la mention "couche clean et fabriquée en France" au bas d'une photo d'un enfant tenant entre ses mains un paquet de couches "Joone", avec le dessin d'un tigre caractéristique de la couche Origine,

- la société Green family reproche encore à la société Noo Corp de présenter ses produits comme dépourvus de composés toxiques, disposant d'un faible impact carbone et de logos et certifications qu'elle reproduit au sein de leur présentation,

- la société Noo Corp produit pour corroborer les allégations "dépourvus de composés toxiques" les analyses faites par le laboratoire Beta Analytics (pièces 19, 35 et 36 de l'appelante), ce qui n'est toutefois pas de nature à empêcher de caractériser la pratique commerciale trompeuse, s'agissant là encore, comme le relève à juste titre l'intimée, d'une détection par seuils, alors que l'absence de substances toxiques ne saurait s'inférer des analyses réalisées et que les tests présentés sont insuffisants pour les dioxines et furanes et pour les HAP, nonobstant les affirmations de l'appelante faisant état d'une pièce au caractère non probant ;

- la société Noo Corp ajoute au surplus qu'elle disposerait du "plus faible impact carbone" mais ne produit aucune analyse sur ce point, faisant valoir une qualité environnementale de son produit qu'elle ne justifie pas,

- enfin, le procès verbal de constat du 13 octobre 2019 (pièce n°25 de l'intimée) établit que la société Noo Corp sur son site et sur sa page Facebook se décrit comme "créateur de transparence",

- or, il résulte de ce qui précède que les qualités de ses produits sont présentées de manière trompeuse (0% de produits nocifs, innovation mondiale, fabriqué en France),

- ces dernières allégations sont donc trompeuses au sens de l'article L 121-2 du code de la consommation, tandis que la condition d'altération du comportement du consommateur est par ailleurs remplie, comme l'indique l'intimée, dans la mesure où la présence de produits toxiques dans des couches pour bébés est à l'évidence de nature à faire changer la décision du consommateur dans le choix d'une marque, l'impact carbone et la création de transparence étant des arguments de ventes forts, ce, d'autant plus pour le secteur des couches se voulant naturelles ou écologiques, secteur par ailleurs non réglementé ;

- ainsi, les pratiques commerciales trompeuses sont à l'évidence caractérisées pour les motifs évoqués et constituent un trouble manifestement illicite, commandant les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent ;

- s'agissant de ces mesures, le trouble manifestement illicite, ainsi a retenu le premier juge, commande bien d'ordonner la suppression des publications, la suppression, sur tous support, messages, publications, des allégations en lien avec la gamme de couches "Origine", ainsi que la cessation de toute communication de quelque nature que ce soit reprenant les allégations suivantes : "innovation mondiale", "fabriquée en France", "créateur de transparence", ces mesures étant nécessaires pour empêcher la persistance du trouble manifestement illicite et en rapport avec les faits reprochés, alors qu'il ressort des faits que la société Noo Corp a communiqué à plusieurs reprises sur ces allégations ;

- de même, s'agissant des mesures conservatoires et de remise en état, le premier juge a, à juste titre, ordonné à la société Noo Corp de supprimer la mention, sur le site de Joone et sa page Facebook, de toute référence à des labels de certification inexistants (hypoallergénique, respectueux de la peau, faible impact carbone) cette mesure étant aussi de nature à faire cesser le trouble manifestement illicite par pratique commerciale trompeuse, au regard des éléments rappelés ci-avant,

- il s'infère de ce qui précède que la demande subsidiaire de la société Noo Corp tendant à voir débouter la société Green family de ses demandes de suppression de tout ou partie des mentions reprochées, et en tout état de cause limiter l'éventuelle interdiction à ce que les logos ou labels soient accompagnés du terme « certification » est rejetée,

- devant le juge des référés, juge du provisoire, la mesure de publication judiciaire, en revanche, ne s'impose pas, alors que les mesures ordonnées sont de nature à faire cesser le trouble manifestement illicite, ce, sans préjudice d'une éventuelle action au fond, de sorte que la décision rendue sera infirmée sur ce point,

- concernant la condamnation provisionnelle rejetée par le premier juge, il appartient à la société Green Family d'établir le caractère non sérieusement contestable de l'obligation de paiement de la société Noo Corp ;

- à ce titre, la société Noo Corp a incontestablement commis une faute en publiant à nouveau les articles dont la suppression avait été judiciairement ordonnée en ce qu'ils étaient dénigrants et constitutifs d'allégation mensongère, de sorte que la société Green family en a nécessairement subi un préjudice d'image, qui sera réparé par l'allocation d'une somme provisionnelle de 40.000 euros,

- sur les autres chefs de demandes provisionnelles (dommages-intérêts par allégations mensongères) la société Green family fait état de son chiffre d'affaires (27.830.487 euros en 2021) comparé à celui de la société Noo Corp (20.487.091 euros en 2021) mais indique que les comptes sociaux de l'exercice 2021 mettent en lumière que la société Noo Corp mobilise une somme de plus de 2 millions d'euros pour sponsoriser ses publications sur les réseaux sociaux,

- toutefois, les autres mesures rappelées ci-avant étant de nature à faire cesser les agissements reprochés à la société Noo Corp, la société Green family n'établit pas précisément un lien entre les publications litigieuses et le préjudice qu'elle prétend avoir subi, de sorte qu'il y a lieu de confirmer la décision du premier juge, faute de tout élément probant sur ce point,

- enfin, la société Noocorp estime que la société Green family doit être condamnée à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'engagement de sa responsabilité sans faute au sens de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, ou subsidiairement, sur le fondement de l'article 1240 du code civil ; elle expose pour ce faire que la société Green family a poursuivi l'exécution de l'ordonnance rendue le 5 juillet 2023, de sorte que l'appelante a été contrainte de publier l'encart ordonné sur son site internet et également sur les réseaux sociaux, ce qui a entrainé un préjudice moral et de réputation,

- aux termes de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, sous réserve des dispositions de l'article L. 311-4, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire ; l'exécution est poursuivie aux risques du créancier ; celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié,

- il résulte de ce texte que lorsqu'une décision, revêtue de l'exécution provisoire, a été exécutée, le créancier doit, en cas d'infirmation de celui-ci, par la cour d'appel, rétablir le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent,

- le droit à réparation du débiteur n'est pas subordonné à une faute dans l'exécution de la décision de justice, la seule signification de la décision à la requête du créancier obligeant celui-ci à en réparer les conséquences dommageables peu important que la condamnation ait été volontairement exécutée, mais il apparaît au cas présent que la société Noo Corp en a nécessairement subi des conséquences dommageables par une atteinte à son image et sa réputation qu'elle invoque du fait de l'exécution de l'ordonnance rendue, ce qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, la décision sera confirmée en tous ses éléments, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance, à l'exception du chef de l'ordonnance ayant ordonné la publication sur le site internet et sur la page Joone [Localité 5] des réseaux Facebook et Instagram, ce, dans les termes demandés à la société Green family.

Ce qui est jugé en appel commande qu'il ne soit pas application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, chacune des parties conservant la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a ordonné sur son site internet et sur la page Joone [Localité 5] des réseaux Facebook et Instagram, ce, dans les termes demandés à la société Green family d'un encadré sous un titre "Joone condamné à la demande de Love & Green" ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Green family tenant à voir ordonner la publication sur son site internet et sur la page Joone [Localité 5] des réseaux Facebook et Instagram, ce, dans les termes demandés à la société Green family d'un encadré sous un titre "Joone condamné à la demande de Love& Green" ;

Condamne la société Noo Corp à payer à la société Green family la somme de 40.000 euros de dommages-intérêts à titre provisionnel ;

Condamne la société Green family à payer à la société Noo Corp la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts à titre provisionnel ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes des parties ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/14268
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.14268 ?
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