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04/04/2024 | FRANCE | N°23/14225

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 04 avril 2024, 23/14225


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 21 MARS 2024



(n° 142 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14225 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIEXC



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Juillet 2023 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2023R00096





APPELANTE



S.A.S. SARDELLI, RCS de Paris sous le n°316 388

719, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Yannick GONTIER, avocat au barreau de ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 21 MARS 2024

(n° 142 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14225 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIEXC

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Juillet 2023 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2023R00096

APPELANTE

S.A.S. SARDELLI, RCS de Paris sous le n°316 388 719, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Yannick GONTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2345, présent à l'audience

INTIMÉE

S.A.S.U. ALGECO, RCS de Macon sous le n°685 550 659, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Victor RIOTTE de l'AARPI EVEY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1521

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère et Laurent NAJEM, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Michèle CHOPIN, Conseillère

Laurent NAJEM, Conseiller

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 19 mai 2020, la société Sardelli et la société Algeco ont conclu un contrat de location, pour les besoins d'un chantier à [Localité 6] (93), aux termes duquel la société Algeco, spécialisée dans la location de machines et équipements BTP, a loué à la société Sardelli des « modules base vie » (réfectoire vestiaire, bureau, sanitaires...).

Par jugement rendu le 15 décembre 2021, la société Sardelli a été placée en redressement judiciaire.

Par exploit du 24 janvier 2023, la société Algeco a entendu résilier le contrat de location conclu avec la société Sardelli.

Par acte du 17 février 2023, la société Algeco a fait assigner la société Sardelli devant le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil aux fins de voir :

constater la résiliation du contrat de location en date du 19 mai 2020 ;

ordonner la restitution des modules listés dans l'assignation, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par module à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

l'autoriser, à défaut de restitution sous quinzaine, à compter de la signification, à appréhender les modules précités en tout lieu et en toutes mains de tiers détenteur ;

condamner la société Sardelli à lui payer, par provision, les sommes de :

* 32.424,93 euros en principal, par provision, au titre des loyers échus, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ;

* 4.827,19 euros par mois, au titre de l'indemnité d'immobilisation mensuelle ;

* 280 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement.

Par ordonnance contradictoire du 5 juillet 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil a :

retenu sa compétence territoriale ;

dit la société Sardelli mal fondée en sa demande de sursis à statuer et l'en a déboutée ;

ordonné le paiement, par provision, par la société Sardelli à la société Algeco de la somme de 52.799, 37 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2023 ;

ordonné le paiement par provision par la société Sardelli à la société Algeco de la somme de 4.827,19 euros par mois, au titre de l'indemnité d'immobilisation mensuelle à compter du 1er juin 2023 jusqu'à la restitution effective des modules ;

débouté la société Algeco de sa demande de condamnation de la société Sardelli à la somme de 7.919,90 euros au titre de la clause pénale ;

ordonné le paiement par provision par la société Sardelli à la société Algeco de la somme de 440 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;

dit la société Sardelli mal fondée en sa demande de délais de paiement et l'en a déboutée ;

ordonné à la société Sardelli de restituer à la société Algeco sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par module à compter de 15ème jour suivant la signification de l'ordonnance, et ce, pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera fait à nouveau droit si besoin est les modules suivants :

*Module numéro 5558 S B50 34-61 PARIS OUEST ;

*Module numéro 6080 J J37 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 78077 S 425 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 78621 H 621 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 107289 U 619 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 108682 H 609 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 112871 L 609 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 114617 J B50 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 121129 M 425 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 140226 V 621 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 159621 B B50 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 160040 G 619 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 161132 U 609 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 164123 V B50 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 249975 M F05 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 251882 K 797 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 258390 J F05 34-61 PARIS OUEST ;

* Module numéro 259582 E J49 34-61 PARIS OUEST ;

réservé à son profit la faculté de liquider l'astreinte ;

autorisé la société Algeco, à défaut de restitution des modules sous quinzaine à compter de la signification de l'ordonnance, à appréhender les modules précités en tout lieu et en toutes mains de tiers détenteur ;

condamné la partie défenderesse au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

rejeté les autres demandes ;

rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 40,66 euros dont TVA 20%.

Par déclaration du 9 août 2023, la société Sardelli a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 14 décembre 2023, la société Sardelli demande à la cour, au visa des articles 30, 48, 73, 378, 872, 873, 873-1 du code de procédure civile, 1231-5 et 1343-5 du code civil de :

la recevoir en son appel ;

la déclarer bien fondée ;

réformer la décision déférée ;

En conséquence :

déclarer le tribunal de commerce de Créteil territorialement incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris en application de la clause attributive de compétence du contrat de location ;

Subsidiairement :

surseoir à statuer dans l'attente d'une décision du tribunal de commerce de Paris dans l'affaire RG 2023028645 et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;

Plus subsidiairement :

lui ordonner l'octroi d'un délai de paiement au titre des loyers échus en six mensualités à compter du mois d'avril 2024 ;

Encore subsidiairement :

autoriser la société Algeco à appréhender les modules en tout lieu et en toutes mains de tiers détenteur ;

rejeter les demandes formulées par Algeco ;

En toute hypothèse :

condamner la société Algeco à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Algeco aux entiers dépens.

Elle expose notamment que :

- les conditions générales du contrat signé comportent une clause attributive de compétence, au profit des tribunaux de commerce de Mâcon ou de Paris, ce contrat ayant force obligatoire et étant pleinement efficace, de sorte que le tribunal de comemrce de Créteil n'était pas compétent pour statuer sur le litige,

- le contrat ayant été résilié, elle n'a plus la maîtrise des modules loués, lesquels ont d'ailleurs été restitués à la société Algeco,

- la demande de délais est fondée et justifiée par le jugement du tribunal de commerce de Créteil qui a homologué le protocole de conciliation le 29 mars 2023,

- les sommes qui sont dues par le maître de l'ouvrage sont séquestrées, ce qui l'empêche de régler ses sous-traitants,

- le tribunal de comemrce de Créteil devant se prononcer sur la mainlevée de ce séquestre, il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente de sa décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 14 décembre 2023, la société Algeco demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1193 du code civil et L. 441-10 du code de commerce, de :

débouter la société Sardelli de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception d'une disposition en ce que le tribunal l'a débouté de sa demande de clause pénale ;

Statuant à nouveau de ce chef :

condamner la société Sardelli à lui payer la somme de 10.840 euros à titre de clause pénale En tout état de cause :

condamner la société Sardelli à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Sardelli aux entiers dépens de l'instance.

Elle expose notamment que :

- la clause attributive de compétence était rédigée dans son intérêt exclusif, de sorte qu'elle a la possibilité d'y renoncer, le fait que la société Sardelli ait changé de siège social a posteriori étant indifférent,

- il n'est fait état d'aucune contestation sur le principe de la créance, étant précisé que les modules ont depuis été restitués, de sorte qu'elle renonce à sa demande d'appréhension et restitution des modules,

- la liquidation de l'astreinte en revanche s'impose, ainsi que l'application de la clause pénale,

- aucun élément financier n'étant produit, il n'y a pas lieu d'accorder des délais de paiement à la société Sardelli,

- elle est étrangère au litige de la société Sardelli avec le maître de l'ouvrage, de sorte qu'il ne sera pas fait droit à la demande de sursis à statuer.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE,

Sur l'exception d'incompétence soulevée par l'appelante

Aux termes de l'article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.

Si une clause attributive de juridiction est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés, elle ne lui interdit pas de saisir le juge désigné par la clause en question, le requérant ayant le choix entre les juridictions compétentes soit à raison de cette clause, soit à raison de tout autre critère de compétence.

L'article 22 des conditions générales auxquelles le contrat du 19 mai 2020 renvoit stipule qu'« en cas de contestation entre les parties, le litige sera soumis au choix du bailleur soit devant le tribunal de commerce de Mâcon, soit devant le tribunal de commerce de Paris'».

Au cas présent, la société Algeco a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil, compétent au regard du domicile de la défenderesse en application de l'article 42 du code de procédure civile, la société Sardelli ayant au moment de la délivrance de l'assignation son siège social [Adresse 4] (94).

Ayant saisi le juge des référés en application de ce texte, la clause attributive de compétence territoriale lui est dès lors inopposable, étant précisé qu'elle disposait d'un choix entre l'application de cette clause, et celle des règles classiques de compétence au sens de l'article 42 du code de procédure civile qui dispose que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur, soit au moment de l'assignation, Villeneuve-le-Roi (94), le tribunal de commerce de Créteil étant par conséquent territorialement compétent.

L'exception d'incompétence sera en conséquence rejetée et l'ordonnance rendue confirmée de ce chef.

Sur la demande de sursis à statuer

L'article 378 du code de procédure civile dispose que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.

La société Sardelli argue de ce qu'une procédure l'oppose au maître de l'ouvrage du chantier sur lequel elle intervenait, les sommes qui lui sont dues ayant été séquestrées et la société Terra Nobilis l'ayant fait assigner devant le tribunal de commerce de Créteil à bref délai en main levée de ce séquestre.

Toutefois, outre que la société Algeco est étrangère à ce litige, ainsi que l'a à juste titre relevé le premier juge, force est de constater que la société Sardelli se contente de verser aux débats une copie non datée de l'assignation, sans fournir aucun élément quant au déroulement de la procédure. Elle n'expose pas non plus en quoi le sursis à statuer serait opportun et relèverait d'une bonne administration de la justice.

Cette demande sera donc rejetée et l'ordonnance rendue confirmée de ce chef.

Sur la provision

L'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de comemrce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La provision allouée n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Dans cette limite, le juge des référés fixe souverainement le montant de la provision.

Il est constant que la société Algeco a fait délivrer le 24 janvier 2023 à la société Sardelli un exploit la mettant en demeure de payer la somme de 37.424, 93 euros, et lui indiquant que le contrat était résilié, la société Sardelli ayant elle-même entendu résilier ce même contrat par lettre du 28 avril 2023, le préavis de restitution aux termes des conditions particulières du contrat étant de 30 jours.

En l'espèce, le principe de la créance de loyers n'est pas discuté, et la société Algeco produit un décompte (pièce n°11), dont il résulte que la somme due au titre des loyers échus et de l'indemnité d'immobilisation mensuelle due à compter du 28 mai 2023 jusqu'à restitution s'élève désormais à 72.267, 61 euros, compte étant tenu de ce que les modules de vie ont été restitués le 2 octobre 2023.

S'agissant précisément de l'indemnité d'immobilisation, dont le principe est contesté par la société Sardelli, qui expose qu'elle ne dispose d'aucune maîtrise sur ces modules de vie puisqu'elle n'intervient plus sur le chantier, force est de constater que l'indemnité d'immobilisation est prévue contractuellement par l'article 11 des conditions générales du contrat, sans que les circonstances alléguées de la restitution ne puissent faire échec à l'exécution du contrat.

La demande de provision au titre des loyers échus et de l'indemnité d'immobilisation mensuelle jusqu'à restitution à hauteur de la somme de 72.267, 61 euros ne se heurte donc à aucune contestation sérieuse.

L'ordonnance rendue sera infirmée sur le quantum uniquement, la somme allouée produisant intérêts au taux légal à compter de cet arrêt

Sur la clause pénale

L'article 11 des conditions générales du contrat de location stipule qu'« en cas d'incident ou défaut de paiement, des pénalités de retard au taux de 12% l'an seront appliquées à compter du jour suivant l'échéance de la facture et il sera du en outre une indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement et au titre de la clause pénale 15% des sommes exigibles. »

S'agissant de l'application d'une telle clause pénale, le pouvoir du juge du fond de la modérer ne prive pas pour autant le juge des référés du pouvoir d'allouer une provision, au titre de celle-ci.

Cependant, le juge des référés peut retenir l'existence d'une contestation sérieuse empêchant son application, lorsque la clause pénale apparaît sérieusement susceptible d'être modérée par le juge du fond, compte tenu de son montant et de l'avantage manifestement excessif pour le créancier qui résulterait de son application.

Au cas présent, compte tenu de sa fonction tant indemnitaire que comminatoire, cette indemnité de résiliation majorée de 10 % s'analyse d'évidence, dans son intégralité, en une clause pénale, laquelle est susceptible de réduction par le juge du fond si son montant apparaît manifestement excessif.

Tel est le cas en l'espèce, le créancier réclamant au titre de cette clause de résiliation majorée de 10% la somme totale de 10.840 euros, laquelle lui confère un avantage qui apparaît excessif compte tenu de ce que la société Sardelli est débitrice, ce qui n'est pas contesté, d'une indemnité forfaitaire de recouvrement à hauteur de 440 euros et d'une indemnité d'immobilisation, alors, de plus, que le matériel a été rendu à la société Algeco.

Par conséquent, cette demande sera rejetée, et l'ordonnance rendue confirmée de ce chef.

Sur la restitution des modules de vie et l'astreinte

Il est constant que :

- le premier juge a condamné la société Sardelli à restituer à la société Algeco, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par module à compter du 15ème jour suivant la signification de l'ordonnance, et ce, pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera fait à nouveau droit,

- les modules ont été restitués le 2 octobre 2023, la décision ayant été signifiée le 7 août 2023.

L'article L 131-3 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que « l'astreinte même définitive est liquidée par le juge de l'exécution sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir ».

L'article 491 du code de procédure civile, qui confère au juge des référés ce pouvoir de statuer sur la liquidation d'une astreinte, ne peut donc être lu indépendamment de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution et ainsi, le juge des référés ne peut liquider l'astreinte assortissant sa décision que dans les deux hypothèses visées aux termes de l'article L 131-3 du code des procédures civiles d'exécution.

En revanche, dès lors qu'il s'en est réservé le pouvoir, le juge des référés doit statuer sur la demande de liquidation, en appliquant les conditions de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, c'est-à-dire en appréciant lui-même les éventuelles difficultés rencontrées par le débiteur pour se conformer à l'injonction.

L'ordonnance rendue le 5 juillet 2023 a, notamment, prononcé l'astreinte susvisée et précisé « nous réservons la liquidation de cette astreinte ».

Il se déduit de cette mention que le juge s'est réservé expressément la liquidation de l'astreinte, au sens de l'article L 131-3 du code des procédures civiles d'exécution.

Par ailleurs, l'article L131-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que :

"L'astreinte est indépendante des dommages intérêts. L'astreinte est provisoire ou définitive. L'astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif. Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire".

L'article L131-4 du même code dispose quant à lui que :

" Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère".

La société Sardelli ne conteste pas n'avoir pas exécuté les termes de la décision rendue mais indique qu'elle n'intervient plus sur le chantier et n'a plus la maîtrise des modules de vie à restituer, de sorte qu'elle ne peut déférer à l'injonction de faire prévue par l'ordonnance rendue puisqu'elle s'avère impossible à réaliser.

Il ressort des pièces produites et des débats que :

- les modules de vie s'ils ont été restitués à la société Algeco ne l'ont pas été par la société Sardelli, qui indique dans ses écritures, sans être contredite, qu'elle ignorait cette restitution,

- dès lors, il apparaît bien que l'inexécution de l'injonction du premier juge provient d'une cause étrangère constituée par l'éviction de la société Sardelli du chantier sur lequel elle intervenait, les modules étant entre les mains d'un tiers détenteur, qui les a, de son propre chef, restitués.

- de la sorte, il doit être considéré que la société Sardelli explique les difficultés auxquelles elle a été confrontée dans l'exécution de la décision rendue, et que l'inexécution provient bien d'une cause étrangère.

La décision du premier juge sera donc infirmée en ce qu'elle a prononcé une astreinte de 50 euros par jour de retard et par module, et la société Algeco sera déboutée de sa demande tendant à voir liquider ladite astreinte.

- sur les délais de paiement

L'article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

La société Sardelli sollicite des délais paiement de six mois à compter d'avril 2024 et invoque des difficultés financières, s'appuyant sur le projet dit "Porto"(analyse de faisabilité d'un plan de continuation en date du 14 avril 2022) et le jugement rendu par le tribunal de comemrce de Créteil, homologuant le protocole de conciliation en date du 29 mars 2023.

Le projet dit « Porto » est en date de l'année 2022 et n'est pas actualisé, tandis que le jugement d'homologation du 29 mars 2023 indique que la société Sardelli ne se trouve pas en cessation des paiements, et que son repreneur, la société Prat&Co, s'est engagé à reprendre notamment la totalité du passif, le protocole de conciliation ne portant pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires.

Toutefois, la société Sardelli ne justifie pas précisément de ses difficultés financières actuelles et sa demande de délais de paiement sera rejetée compte tenu de l'ancienneté de la créance, de l'absence de commencement de règlement et de proposition d'un échéancier compatible avec ses capacités de remboursement, lesquelles ne sont pas démontrées, aucun élément n'étant produit en outre quant aux dettes de la société.

L'ordonnance rendue sera confirmée sur ce point.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sort des dépens et frais irrépétibles a été exactement tranché par le premier juge, l'ordonnance étant confirmée de ce chef.

La société Sardelli, qui succombe sera tenue aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Algeco une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance rendue, sauf en ce qu'elle a condamné la société Sardelli à payer à la société Algeco une provision de 52.799,37 euros et en ce qu'elle a assorti d'une astreinte de 50 euros par jour de retard et par module à compter du 15ème jour suivant la signification de l'ordonnance l'obligation pesant sur la société Sardelli de restituer les modules de vie,

Statuant de ces chefs, et y ajoutant,

Condamne la société Sardelli à payer à la société Algeco la somme de 72.267,61 euros à titre de provision, avec intérêts au taux légal à compter de cet arrêt,

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte de 50 euros par jour de retard et par module à compter du 15ème jour suivant la signification de l'ordonnance au regard de l'obligation pesant sur la société Sardelli de restituer les modules de vie,

Déboute la société Algeco de sa demande de liquidation de l'astreinte,

Condamne la société Sardelli aux dépens de l'appel,

Condamne la société Sardelli à payer à la société Algeco la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/14225
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.14225 ?
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