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04/04/2024 | FRANCE | N°23/13620

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 04 avril 2024, 23/13620


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 04 AVRIL 2024



(n° 141 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/13620 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIDCE



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 Août 2023 -Président du TJ de PARIS - RG n° 23/53916





APPELANTE



E.P.I.C. LA REGIE EAU DE [Localité 7], RCS de Paris sous

le n°510 611 056, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 6]



Ayant comme avocat postulant Me Anne GRAPPOTTE...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 04 AVRIL 2024

(n° 141 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/13620 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIDCE

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 Août 2023 -Président du TJ de PARIS - RG n° 23/53916

APPELANTE

E.P.I.C. LA REGIE EAU DE [Localité 7], RCS de Paris sous le n°510 611 056, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Ayant comme avocat postulant Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111, représenté par Me Lyne HAIGAR

INTIMÉE

SYNDICAT DES PROPRIETAIRES DE LA VOIE PRIVEE [Adresse 2], représenté par son syndic, la société N.G. IMMOBILIER, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Jacques-alexandre BOUBOUTOU de la SELEURL JACQUES-ALEXANDRE BOUBOUTOU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1587, présent à l'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère chargée du rapport et Laurent NAJEM, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Michèle CHOPIN, Conseillère

Laurent NAJEM, Conseiller

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSE DU LITIGE

[Adresse 2] est une voie privée, fermée à la circulation, située dans le [Localité 4] et constituée en syndicat de copropriétaires. Depuis plusieurs années, des infiltrations, fissurations et affaissements de terrain ont été constatés.

Certains copropriétaires ont initié une procédure devant le tribunal administratif afin de faire réparer, par l'EPIC Eau de [Localité 7], l'ensemble de la canalisation d'adduction d'eau potable.

Le 14 mai 2021, le Conseil d'Etat a rendu un arrêt écartant la compétence des juridictions administratives pour statuer sur le litige qui porte sur l'exécution de contrats de distribution d'eau potable relevant en cette qualité de la compétence des juridictions judiciaires.

Une seconde procédure devant le tribunal administratif a été initiée par le syndicat des copropriétaires en contestation d'une facture de l'EPIC Eau de [Localité 7], procédure qui a donné lieu à une ordonnance du tribunal rappelant la compétence des juridictions judiciaires pour statuer sur le litige.

Par décision du 8 avril 2021, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné une expertise à la demande de certains copropriétaires, expertise à laquelle s'est associée le syndicat des copropriétaires, et qui est encore en cours.

Par exploit du 28 avril 2023, le syndicat des copropriétaires a fait assigner l'EPIC Eau de [Localité 7] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de se voir allouer une provision correspondant au montant des travaux de réfection de la canalisation d'adduction d'eau potable ainsi que des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Par ordonnance contradictoire du 23 août 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

condamné l'EPIC Eau de [Localité 7] à verser au syndicat des copropriétaires les sommes de :

* 40.888 euros TTC à titre de provision à valoir sur la prise en charge des études préalables ;

* 500.000 euros TTC à titre de provision à valoir sur les travaux de réfection des canalisations ;

* 146.753,78 euros de provision à valoir sur le coût des recherches de fuite et des réparations pratiquées sur la canalisation d'adduction d'eau potable ainsi que des frais subséquemment exposés pour ouvrir et refermer les tranchées permettant l'accès à la dite canalisation ;

* 20.000 euros de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice moral et du trouble dans les conditions d'existence des copropriétaires ;

dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision et que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes des parties ;

condamné l'EPIC Eau de [Localité 7] aux dépens de l'instance, qui comprendront le coût du procès verbal de constat du 18 septembre 2020 ;

condamné l'EPIC Eau de [Localité 7] à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelé l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 30 août 2023, l'EPIC Eau de [Localité 7] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 2 février 2024, l'EPIC Eau de [Localité 7] demande à la cour de :

infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

débouter le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes, fins et conclusions à son encontre ;

condamner le syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ainsi qu'aux entiers dépens

Y ajoutant :

condamner le syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Il expose notamment que :

- une expertise est en cours et l'origine des désordres survenus sur la canalisation d'adduction d'eau potable n'est pas déterminée,

- un débat oppose par ailleurs les parties sur la responsabilité et la garde de la canalisation litigieux, l'appelante considérant qu'il appartient au syndicat des copropriétaires d'en assurer l'entretien et les réparations,

- la somme demandée au titre des travaux de reprise des canalisations correspond à l'intégralité des travaux de réparation, qui excèdent ceux affectant la canalisation d'eau potable,

- la somme demandée au titre la recherche des fuites et réparations effectuées n'est pas justifiée et se heurte à une contestation sérieuse,

- la demande en réparation d'un préjudice de jouissance et d'un trouble dans les conditions d'existence et le préjudice moral subi est "extravagante" (sic).

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 30 janvier 2024, le syndicat des copropriétaires demande à la cour, au visa des articles 14, 15 de la loi du 10 juillet 1965, 835 du code de procédure civil, 1104, 1231-1, 1240, 1343-2 du code civil, L. 212-1, L. 241-1 et R. 212-1 du code de la consommation de :

rejeter l'ensemble des moyens, fins et conclusions de la régie ;

confirmer l'ordonnance de référé du 23 août 2023 par le tribunal judiciaire de Paris ;

condamner la régie à lui verser la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

maintenir l'exécution provisoire de droit.

Le syndicat des copropriétaires expose notamment que :

- le premier juge n'avait pas besoin des conclusions de l'expertise pour statuer et déterminer la responsabilité de l'EPIC Eau de [Localité 7] dans l'entretien de la canalisation litigieuse,

- l'expert a été désigné à la demande de riverains de la voie privée [Adresse 2] se plaignant de désordres survenus sur leurs pavillons, mais non à la demande du syndicat des copropriétaires relativement aux ruptures de canalisations d'eau sous l'allée,

- la canalisation d'adduction d'eau potable est très ancienne et fuyarde, tandis que la canalisation d'assainissement, qui a fait l'objet d'une refonte complète achevée en 1988, peut être endommagée sous la pression de l'eau fuyarde,

- la canalisation litigieuse, bien que située sous une voie privée, constitue un bien immeuble résultant d'un aménagement affecté par le service public de distribution de l'eau potable, et constitue un ouvrage public par la théorie de l'accessoire,

- aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que la canalisation a été édifiée par les propriétaires de [Adresse 2], ce qui n'aurait d'ailleurs aucune incidence sur sa qualité d'ouvrage public, le distributeur d'eau potable ayant la charge de la réparation et de l'entretien de l'ouvrage,

- le règlement du service public de l'eau daté de 2018 comporte des clauses abusives et non écrites, qui lui sont inopposables,

- le montant des travaux de réfection est déterminé, et l'unique raison pour laquelle le premier juge n'a pas fait droit à la demande de condamnation de l'EPIC Eau de [Localité 7] à la prise en charge des travaux de réfection de la canalisation d'eau potable consiste en ce que le syndicat des copropriétaires ne peut mettre en oeuvre lesdits travaux puisqu'il n'a pas la responsabilité de cette canalisation,

- aucune contestation sérieuse ne s'oppose au remboursement des coûts de recherche de fuites et des réparations sur la canalisation d'eau potable, ni à l'allocation d'une indemnité en réparation de son préjudice de jouissance, du trouble dans les conditions d'existence et du préjudice moral subi.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE,

En application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La provision allouée n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Dans cette limite, le juge des référés fixe souverainement le montant de la provision.

Il convient de relever que :

- le Conseil d'Etat dans un arrêt du 14 Mai 2021 (n° 446675) indique qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'à la suite de divers dommages causés par les fuites de canalisations d'eau potable situées sous la voie privée [Adresse 2] à [Localité 4], certains copropriétaires de cette voie ont, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'enjoindre à l'EPIC Eau de [Localité 7] de réaliser à ses frais les travaux nécessaires à la réfection de ces canalisations ; qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 2224-7 du code général des collectivités territoriales : " Tout service assurant tout ou partie de la production par captage ou pompage, de la protection du point de prélèvement, du traitement, du transport, du stockage et de la distribution d'eau destinée à la consommation humaine est un service d'eau potable" ; qu'aux termes de l'article L. 2224-11 du même code: " Les services publics d'eau et d'assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial " ; qu'eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat d'abonnement qui lie le service public industriel et commercial de distribution d'eau potable à l'usager, il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître des dommages causés à ce dernier à l'occasion de la fourniture de la prestation due par le service alors même que ces dommages trouvent leur origine dans un incident survenu en amont du branchement particulier desservant l'usager ; qu'il suit de là qu'en déclinant la compétence de la juridiction administrative au motif que les canalisations à l'origine des dommages en litige n'étaient pas la propriété d'Eau de [Localité 7] et qu'elles n'étaient pas affectées à l'utilité publique, alors qu'il lui incombait de rechercher si les dommages avaient été causés aux usagers à l'occasion de la fourniture de la prestation due par le service, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit ;

- il résulte de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat et des conclusions du rapporteur public dans ce litige qu'en vertu de théorie de l'accessoire, les branchements d'eau, gaz, électricité ou téléphone qui desservent, depuis une canalisation ou un câble principal, les usagers d'un service public sont des ouvrages publics, même s'ils sont la propriété de l'usager ou même lorsqu'ils sont situés à l'intérieur d'un immeuble,

- la Cour de cassation pour sa part a considéré " comme des ouvrages publics, par la théorie de l'accessoire, les biens qui sont incorporés matériellement à un ouvrage public : tel est donc le cas des branchements particuliers d'eau, de gaz et d'électricité situés sous la voie publique mais aussi de la portion de branchement particulier établie à l'intérieur d'un immeuble privé » (Cass. civ. 2, 3 mars 1988, n° 86-16.065).

Il s'en déduit qu'une canalisation générale d'adduction d'eau, qui permet le raccordement au réseau de plusieurs propriétés existantes, appartient au réseau public indépendamment du fait qu'elle est située sous une propriété privée. Le caractère « public » de l'ouvrage vaut y compris pour sa partie située à l'intérieur d'un immeuble privé. Par conséquent, la limite de responsabilité est fixée par le compteur d'eau et non par la nature privée ou publique du terrain sous lequel court le réseau. Seule la partie située en aval des compteurs des propriétaires individuels, qui délimite les canalisations intérieures de l'habitation, étant de la responsabilité du propriétaire privé.

L'ensemble immobilier "voie privée-[Adresse 2]"réunit plusieurs lots, organisés de part et d'autre de la voie privée [Adresse 2] au droit de laquelle sont édifiés des pavillons, soit une quarantaine de pavillons, et un immeuble en copropriété, tandis que les lots de cet ensemble immobilier sont desservis par une voie centrale pourvue d'aménagements et équipements d'intérêt commun,ce qui ne fait pas débat.

Ni la conduite principale ni les installations intérieures ne sont en cause puisque les fuites sont apparues sur la partie intermédiaire, ce qui ne fait pas débat, à savoir la canalisation qui court sous la voie privée et sur les raccordements individuels des pavillons qui se trouvent eux-mêmes en amont des compteurs, et c'est donc en qualité d'usagers du service public que les copropriétaires de [Adresse 2] se plaignent du défaut d'entretien de l'ouvrage.

Dès lors, les désordres invoqués affectent la canalisation située sous la voie de [Adresse 2] qui a pour seule fonction de desservir les immeubles riverains de cette voie privée, alors même que le dommage trouve sa cause dans un ouvrage public, mais dès lors que rupture de canalisation se situe avant le compteur individuel, la canalisation étant à ce niveau un ouvrage public, la responsabilité engagée est celle du gestionnaire du service public.

De la sorte, même dans une voie privée, le gestionnaire du service public de l'eau devra réparer, entretenir, moderniser le réseau jusqu'au compteur de chaque abonné, comme il le fait dans toute autre voie, quant bien même nombreux sont les règlements de service des eaux à exclure la responsabilité du gestionnaire du service public dans les voies privées, ces clauses ayant été jugées contraires au droit (CAA Paris, 10 octobre 2011, n° 10PA01999).

Précisément, il ressort des éléments du litige que :

- par ordonnance du 8 avril 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, saisi par M. [P], M. [R], et la Maif en qualité d'assureur a ordonné une expertise et désigné à cet effet M. [L] avec la mission suivante :

"- Examiner les désordres, non-conformités et sinistres allégués dans l'assignation et les conclusions en intervention volontaire et concernant les immeubles sis [Adresse 2] ainsi que, le cas échéant, sans nécessité d'extension de mission, tous désordres connexes, ayant d'évidence la même cause mais révélés postérieurement à l'assignation, sans préjudice par ailleurs des dispositions de l'article 238 alinéa 2 du code de procédure civile ;

- Les décrire, en indiquer la nature, l'importance, la date d'apparition, selon toutes modalités techniques que l'expert estimera nécessaire; en rechercher la ou les causes ;

- Établir l'historique détaillé des dommages ayant affecté les canalisations concernées depuis 1990, ainsi que des réparations ou opérations d'entretien réalisées, en identifiant pour chacune la ou les personnes physiques ou morales à l'initiative de ces opérations » ;

- aux termes de sa note aux parties n°1, M. [L] a relevé les points suivants :

« ' Toutes ces maisons présentent de très nombreux désordres à savoir, pour les plus caractéristiques, des fissures horizontales sur les murs porteurs en façade et sur les murs arrières. Ces fissures montrent des affaissements du sol.

' Des fissures verticales qui traduisent également un tassement des sols.

' De chaque côté de la rue, les terrasses penchent vers la ruelle sous laquelle se trouvent les réseaux d'eau potable et d'eaux usées.

' Des fuites importantes sont constatées dans les vérandas.

' Les clôtures basculent vers la ruelle. Les ouvrants des maisons se ferment difficilement.

' Le sol continue à s'affaisser depuis l'escalier de la ruelle jusqu'au numéro 14 »,

- l'expertise ordonnée n'est pas spécifiquement relative aux désordres affectant la canalisation d'adduction de l'eau potable mais elle porte sur les désordres, non-conformités et sinistres concernant certains immeubles de la voie privée (n° [Adresse 2]),

- s'il est demandé à l'expert d'établir l'historique détaillé des dommages ayant affecté les canalisations concernées depuis 1990, ainsi que des réparations ou opérations d'entretien réalisées, en identifiant pour chacune la personne physique ou morale à l'initiative de ces opérations, il n'entre pas dans le champ de cette expertise de déterminer à qui incombent les travaux de réfection de la canalisation d'adduction d'eau potable, de sorte que c'est à tort que l'EPIC Eau de [Localité 7] soutient qu'aucune provision ne peut être accordée pour le motif que l'expertise est en cours,

- par ailleurs, il n'est pas contesté que des désordres affectent la canalisation d'adduction d'eau potable située au-dessus de la canalisation d'assainissement,

- dans une note technique du 17 octobre 2023, Mme [W], expert désigné par le syndicat des copropriétaires, reprenant les conclusions de la société Immeau, bureau d'études techniques, indique : " le réseau d'adduction est situé altimétriquement au-dessus du réseau d'évacuation d'eau. D'un point de vue théorique, si le réseau d'évacuation est fuyard, un vide sous tuyau avec déstabilisation du sol se crée et provoque la rupture du réseau d'alimentation d'eau. A l'inverse, une fuite sur le réseau d'alimentation d'eau entraîne également une déstabilisation du sol et une rupture des collecteurs d'évacuation d'eau. Compte tenu des constatations qui précèdent, cette seconde hypothèse doit être retenue. Seule de l'eau sous pression a pu dans le contexte particulier de [Adresse 2] affouiller à ce point le terrain et créer de tels désordres",

-Mme [W] poursuit comme suit dans sa note complémentaire : "les désordres sont dus au seul fait du mauvais état de la canalisation d'alimentation en eau, qui est fuyarde, a créé des ravinements de terres et des effondrements" tandis que la société Sedgwick dans une note technique précise en outre, s'agissant des désordres subis par les copropriétaires, que la cause du sinistre relève de la rupture à plusieurs reprises de la canalisation d'adduction d'eau principale enterrée passant sous la voie Godin lié à son seul état de vétusté.

Dans ces circonstances, les désordres invoqués trouvant leur cause dans un ouvrage public, en amont des compteurs individuels, l'EPIC Eau de [Localité 7] a bien l'obligation de réparer, entretenir, et moderniser le réseau jusqu'au compteur de chaque abonné.

Toutefois, étant rappelé que le syndicat des copropriétaires demande, au visa strict de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile la condamnation de l'EPIC Eau de [Localité 7] à lui verser des provisions correspondant au montant des travaux de réfection de la canalisation d'adduction d'eau potable ainsi qu'au montant de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, mais qu'il ne sollicite pas la condamnation de l'appelant à l'exécution de l'obligation d'entretien et de réparation, il apparaît que :

- l'obligation de faire incombe à l'EPIC Eau de [Localité 7] et non au syndicat des copropriétaires qui ne peut se substituer à cet EPIC, gestionnaire du réseau, pour procéder aux réparations utiles, lesquelles sont par ailleurs discutées dans leur nature et leur ampleur,

- s'agissant des travaux de réfection des canalisations situées sous la voie [Adresse 2] au surplus, de la consolidation du sol, la somme demandée correspond à un devis émis par la société Fauré qui ne permet de distinguer ce qui est relatif à la canalisation d'assainissement, qui relève de la responsabilité du syndicat des copropriétaires de ce qui est relatif à la canalisation d'adduction d'eau potable dont l'entretien et la réparation incombent à l'EPIC Eau de [Localité 7],

- s'agissant du coût des études préalables, de la même façon, le syndicat des copropriétaires ne peut se substituer à l'EPIC Eau de [Localité 7] pour les réaliser et en solliciter le remboursement, alors même qu'il ne peut pas plus être distingué les concernant ente les études qui concernant la canalisation d'adduction d'eau potable de celles relatives à la canalisation d'assainissement,

- sur ce point précis, le syndicat des copropriétaires ne peut sérieusement se référer à un tableau établi par ses soins, communiqué dans son dire n°7 dans le cadre de l'expertise, celle-ci n'ayant pas pour mémoire le même objet que le présent litige,

- enfin, s'agissant des dommages intérêts en réparation d'un préjudice de jouissance, d'un trouble dans les conditions d'existence et du préjudice moral subi, l'inertie de l'EPIC Eau de [Localité 7] n'a pas, à ce stade et avec l'évidence requise en référé, dégénéré en faute susceptible de donner naissance à une créance de dommages et intérêts au profit du syndicat des copropriétaires, étant précisé qu'aucun élément susceptible d'étayer cette demande n'est produit.

Dans ces conditions, l'obligation de l'EPIC Eau de [Localité 7] à payer au syndicat des copropriétaires les provisions susvisées, lesquelles ne sont pas au surplus justifiées par les décomptes et pièces produites, est sérieusement contestable.

L'ordonnance rendue sera par conséquent infirmée en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau, la cour dira n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes du syndicat des copropriétaires.

Le sens de la présente décision conduit à infirmer les dispositions de l'ordonnance sur les dépens et les frais irrépétibles.

Le syndicat des copropriétaires qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à l'EPIC Eau de [Localité 7] la somme globale de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue,

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes du syndicat des copropriétaires de la voie privée [Adresse 2] ([Localité 4]) représenté par son syndic,

Condamne le syndicat des copropriétaires de la voie privée [Adresse 2] ([Localité 4]) représenté par son syndic aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne le syndicat des copropriétaires de la voie privée [Adresse 2] ([Localité 4]) représenté par son syndic à payer à l'EPIC Eau de [Localité 7] la somme globale de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/13620
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.13620 ?
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