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04/04/2024 | FRANCE | N°23/12946

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 04 avril 2024, 23/12946


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 04 AVRIL 2024



(n° 140 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/12946 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIBFH



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Juin 2023 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22/58253





APPELANTS



M. [I] [L]

[Adresse 4]

[Localité 7]



Mme [Z] [L]

[Adresse 8]

[Localité 2]



Représentés par Me Corinne HAREL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1103, présente à l'audience





INTIMÉS



M. [S] [G]

[Adresse 5]

[Localité 11]



...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 04 AVRIL 2024

(n° 140 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/12946 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIBFH

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Juin 2023 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22/58253

APPELANTS

M. [I] [L]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Mme [Z] [L]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentés par Me Corinne HAREL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1103, présente à l'audience

INTIMÉS

M. [S] [G]

[Adresse 5]

[Localité 11]

Mme [R] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

S.A. CARDIF ASSURANCE VIE, RCS de Paris sous le n°732 028 154, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Michèle CHOPIN, Conseillère

Laurent NAJEM, Conseiller

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Mme [U] [F] est décédée le [Date naissance 6] 2019 à l'âge de 94 ans. Elle avait rédigé un testament le 4 juin 2008, instituant Mme [Z] [L] légataire universelle et léguant par ailleurs à titre particulier le bénéfice de contrats d'assurance-vie souscrits auprès de la banque BNP, à M. [S] [G] et M. [I] [L], chacun pour moitié.

M. [G], fils de Mme [R] [N], avait la défunte pour marraine.

Mme [Z] [L] était la petite-cousine de la défunte et M. [L], fils de Mme [L] était son arrière petit-cousin.

Mme [U] [F] avait modifié, par sept avenants datés du 10 novembre 2017, les contrats d'assurance-vie souscrits auprès de la société Cardif, mentionnant dès lors M. [S] [G] comme seul bénéficiaire du capital en cas de décès.

Les consorts [L] ont sollicité auprès de la société Cardif copie des contrats collectifs d'assurance-vie de la défunte qui leur a opposé son obligation de confidentialité ne lui permettant pas de communiquer de tels éléments sans l'autorisation d'un juge en ce que M. [L] n'apparaissait pas en tant que bénéficiaire sur les sept contrats litigieux.

Par actes des 24 et 29 décembre 2021 et du 22 avril 2022, M. [L] et Mme [L] ont assigné la société Cadif Assurance Vie, M. [G] et Mme [N] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice qui s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris.

Devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, aux termes de leurs conclusions, M. et Mme [L] ont demandé de :

condamner la société Cardif à communiquer à M. [L], dans les huit jours qui suivront le prononcé de l'ordonnance à intervenir, et passé ce délai sous astreinte de 300 euros par jour de retard pour chacune des adhésions litigieuses :

*la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas, la copie de l'adhésion n°SI/9230005 souscrite par la défunte, Mme [F], le 31 juillet 1986, la copie des instructions qui auraient été notifiées par elle en vue de la modification de la clause bénéficiaire ;

*la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas, la copie de l'adhésion n°SI/00070647.0008 souscrite par la défunte, Mme [F], le 30 juin 1987, la copie des instructions qui auraient été notifiées par elle en vue de la modification de la clause bénéficiaire ;

*la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas, la copie de l'adhésion n°SI/9230010 souscrite par la défunte, Mme [F], le 31 décembre 1989, la copie des instructions qui auraient été notifiées par elle en vue de la modification de la clause bénéficiaire ;

*la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas, la copie de l'adhésion n°SI/00070647.0006 souscrite par la défunte, Mme [F], le 30 mars 1993, la copie des instructions qui auraient été notifiées par elle en vue de la modification de la clause bénéficiaire ;

*la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas, la copie de l'adhésion n°SI/9230015 souscrite par la défunte, Mme [F], le 29 mars 1994, la copie des instructions qui auraient été notifiées par elle en vue de la modification de la clause bénéficiaire ;

*la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas, la copie de l'adhésion n°SI/00070647.0009 souscrite par la défunte, Mme [F], le 9 novembre 1999, la copie des instructions qui auraient été notifiées par elle en vue de la modification de la clause bénéficiaire ;

*la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas, la copie de l'adhésion n°SI/00070647.0010 souscrite par la défunte, Mme [F], le 26 avril 2000, la copie des instructions qui auraient été notifiées par elle en vue de la modification de la clause bénéficiaire ;

débouter la société Cardif, M. [G] et M. [N] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

condamner la société Cardif à verser à M. [L] une indemnité de 8 400 euros TTC en ce compris la TVA au taux de 20% par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

la condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Harel, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire du 26 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de communication de pièces sollicitée par M et Mme [L] ;

rejeté la demande formulée par M et Mme [L] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté la demande formulée par M. [G] et Mme [N] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [L] et Mme [L] aux dépens ;

rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 19 juillet 2023, M et Mme [L] ont interjeté appel de l'ordonnance.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 16 janvier 2024, ils demandent à la cour, au visa de l'article 82, 145 et 835 du code de procédure civile, de :

- réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 26 juin 2023 par le juge des référés du tribunal Judiciaire de Paris, agissant par délégation du président de ce tribunal ;

- condamner la SA Cardif Assurance-vie à communiquer à M. [I] [L], dans les huit jours qui suivront le prononcé de l'arrêt à intervenir, et passé ce délai sous astreinte de 300 euros par jour de retard pour chacune des adhésions litigieuses :

1. la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas Multiformules, la copie de l'adhésion n° SI/9230005 souscrite par Mme [U] [F] le 31 juillet 1986, la copie des instructions qui auraient été notifiées par Mme [U] [F] en vue de la modification de la clause bénéficiaire opérée le 10 novembre 2017,

2. la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas Multiplacements, la copie de l'adhésion n° SI/00070647.0008 souscrite par Mme [U] [F] le 30 juin 1987, la copie des instructions qui auraient été notifiées par Madame [U] [F] en vue de la modification de la clause bénéficiaire opérée le 10 novembre 2017,

3. la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas Multiformules, la copie de l'adhésion n° SI/9230010 souscrite par Mme [U] [F] le 31 décembre 1989, la copie des instructions qui auraient été notifiées par Madame [U] [F] en vue de la modification de la clause bénéficiaire opérée le 10 novembre 2017,

4. la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas Double Dix, la copie de l'adhésion n° SI/00070647.0006 souscrite par Mme [U] [F] le 30 mars 1993, la copie des instructions qui auraient été notifiées par Mme [U] [F] en vue de la modification de la clause bénéficiaire opérée le 10 novembre 2017,

5. la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas Libertea, la copie de l'adhésion n° SI/9230015 souscrite par Mme [U] [F] le 29 mars 1994, la copie des instructions qui auraient été notifiées par Madame [U] [F] en vue de la modification de la clause bénéficiaire opérée le 10 novembre 2017,

6. la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas Multiplacements, la copie de l'adhésion n° SI/00070647.0009 souscrite par Mme [U] [F] le 9 novembre 1999, la copie des instructions qui auraient été notifiées par Mme [U] [F] en vue de la modification de la clause bénéficiaire opérée le 10 novembre 2017,

7. la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas Multiplacements 2, la copie de l'adhésion n° SI/00070647.0010 souscrite par Mme [U] [F] le 26 avril 2000, la copie des instructions qui auraient été notifiées par Mme [U] [F] en vue de la modification de la clause bénéficiaire opérée le 10 novembre 2017 ;

- débouter la société Cardif, M. [G] et Mme [N] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Cardif à leur verser une indemnité de 8.400 euros TTC en ce compris la TVA au taux de 20% par application de l'article 700 du code de procédure civile pour compenser leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

-la condamner aux entiers dépens de première instance devant les tribunaux judiciaires de Nice et de Paris, et d'appel, dont distraction au profit de Me Harel avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ils font valoir que le motif légitime résulte de leur volonté d'obtenir une explication sur le fait que [U] [F] ait modifié au détriment de M. [I] [L] les clauses bénéficiaires en novembre 2017 des sept contrats d'assurance-vie conclus, pour le plus ancien, 30 ans auparavant ; qu'ils ont évoqué la possibilité d'une fraude ; que le juge des référés s'est mépris sur la portée de l'article 145 du code de procédure civile, en jugeant que son application suppose un procès en germe possible sur un fondement suffisamment déterminé alors que cet article n'impose pas d'ordonner une mesure d'instruction au regard du ou des différents fondements juridiques de l'action que la partie demanderesse se propose d'engager. Ils considèrent que le juge des référés s'est prononcé à tort sur des motifs relatifs au bien-fondé de l'action envisagée.

Ils allèguent qu'il est difficile d'envisager que [U] [F], âgée de 92 ans au moment de son hospitalisation, ait eu les moyens matériels de modifier les clauses bénéficiaires de sept contrats d'assurance-vie ; que le juge des référés n'a pas vu qu'il était particulièrement difficile que sur son lit d'hôpital, [U] [F] procédât elle-même ou par mandataire à cette modification.

Ils considèrent que le fait que [U] [F] n'ait pas en revanche modifié le contrat souscrit auprès de la Caisse nationale de prévoyance constitue la preuve qu'elle n'a jamais eu l'intention de modifier les clauses bénéficiaires.

En leur qualité respective de bénéficiaire évincé et d'exécuteur testamentaire, ils estiment avoir un motif légitime d'obtenir communication des informations et des pièces. Ils allèguent au visa de l'article L. 132-8 du code des assurances que la volonté de [U] [F] n'est pas du tout certaine et qu'avec les pièces communiquées ils pourront s'assurer de la véracité des instructions adressées à la Cardif.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 29 janvier 2024, M. [G] et Mme [N] demandent à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 26 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Paris ;

En conséquence :

débouter les consorts [L] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

condamner les consorts [L] à leur verser la somme de 4 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour compenser leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

les condamner aux entiers dépens de première instance Nice et Paris et d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Lx Paris Versailles Reims, agissant par Maître Matthieu Boccon-Gibod conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que la seule qualité d'héritier réservataire ou de légataire ne permet pas à l'assureur vie de communiquer spontanément les informations sollicitées ; que l'assureur est tenu à une obligation de discrétion dont seule l'autorisation judiciaire peut le délier, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

Ils allèguent qu'à la lecture de l'acte introductif d'instance, les consorts [L] ne démontrent aucunement un intérêt légitime ; qu'un testament ou des clauses bénéficiaires sont modifiables à tout moment ; que les appelants n'hésitent pas à les avilir dans leurs écritures ; que [U] [F] est décédée plus de deux ans après les modifications apportées aux clauses litigieuses et qu'elle a manifesté une volonté claire et non équivoque d'un partage, ainsi qu'il résulte de son testament ; que le seul motif d'une hospitalisation ne laisse en rien supposer que l'intéressée ait perdu ses facultés mentales.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 3 octobre 2023, la société Cardif assurance-vie demande à la cour :

de l'autoriser, au regard de son obligation de confidentialité, le cas échéant et en cas de reconnaissance d'un intérêt légitime à communiquer la copie des documents sollicités ;

débouter les demandeurs de leur demande d'astreinte ;

les débouter de leur demande d'indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

laisser à chaque partie la charge de ses frais répétibles et irrépétibles.

Elle fait valoir que l'assureur est tenu à une obligation de confidentialité concernant les contrats souscrits par ses assurés ainsi qu'il ressort notamment de réponses ministérielles sur ce sujet.

Elle souligne que les contrats ont été souscrits hors de sa présence, la banque étant l'intermédiaire d'assurance et elle expose que la connaissance du client ne relève que du conseiller bancaire.

Elle fait valoir que l'assignation ne donnait aucune précision, ni aucun élément d'aucune sorte de nature à jeter une suspicion sur la validité du changement de clause bénéficiaire. Elle expose qu'elle fera valoir en cas d'action à son encontre, le caractère libératoire des versements. Elle s'en rapporte sur l'existence d'un intérêt légitime, M. [I] [L] n'étant pas héritier réservataire.

Elle fait état d'une jurisprudence constante sur la nécessité d'une autorisation judiciaire préalable.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2024.

SUR CE, LA COUR

Selon les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête en référé.

Lorsqu'il statue en référé sur le fondement de ce texte, le juge n'est pas soumis aux conditions imposées par l'article 834 du code de procédure civile, il n'a notamment pas à rechercher s'il y a urgence à la mise en 'uvre de la mesure sollicitée, l'application de cet article n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé.

Les mesures de production de pièces, bien qu'elles ne relèvent pas formellement du sous-titre "Les mesures d'instruction", peuvent être prescrites sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

Il est rappelé que la production forcée doit porter sur des actes ou des pièces déterminées ou déterminables. Elle ne peut porter sur un ensemble indistinct de documents. Ceux-ci doivent être suffisamment identifiés.

Par ailleurs, la production ne peut être ordonnée que si l'existence de la pièce est certaine. Le demandeur doit ainsi faire la preuve que la pièce ou l'acte recherché est détenu par celui auquel il le réclame.

La société d'assurances, si elle est tenue au secret professionnel et à une obligation de discrétion quant aux contrats souscrits par ses adhérents, peut néanmoins communiquer des documents ou renseignements contractuels sur autorisation expresse du juge.

En l'espèce, à l'appui de leur demande, les consorts [L] relèvent que Mme [U] [F] qui a modifié les clauses bénéficiaires des contrats d'assurance-vie litigieux en novembre 2017 au profit de M. [G] n'a en revanche pas modifié son testament de 2008 qui prévoyait pourtant un partage pour moitié du bénéfice de ces contrats entre M. [L], son arrière petit-cousin et M. [G], son filleul.

Il y a donc une discordance entre ledit testament et ces modifications, d'autant qu'un autre contrat d'assurance-vie souscrit auprès de la CNP n'a quant à lui pas été modifié.

En outre, les modifications litigieuses sont intervenues le 10 novembre 2017, alors que Mme [F], âgée de 92 ans, était hospitalisée ainsi qu'il est justifié par deux bulletins d'hospitalisation (du 30 octobre au 9 novembre 2017/ du 9 novembre au 22 décembre 2017). C'est donc légitimement que les appelants s'interrogent sur les conditions matérielles dans lesquelles lesdites modifications sont intervenues et la consistance des instructions de Mme [F] à cette fin.

Il sera rappelé qu'il appartient aux juges du fond de rechercher s'il ne résulte pas de l'ensemble des circonstances extérieures entourant la signature de l'avenant par lequel l'assuré a modifié la clause bénéficiaire, que celui-ci n'a pas exprimé de manière certaine et non équivoque sa volonté (Cass. 1re civ., 5 avr. 2023, n° 21-12.875 : JurisData n° 2023-005271).

Mme [L] en qualité de légataire universelle et M. [L], qui devait percevoir le bénéfice des contrats d'assurance-vie pour moitié avec M. [S] [G] aux termes du testament de [U] [F] daté du 4 juin 2008, ont tous deux un intérêt constitutif d'un motif légitime à s'assurer des conditions dans lesquelles les clauses bénéficiaires ont été modifiées et le cas échéant, en fonction des éléments recueillis, contester en justice les modifications intervenues.

Il ne peut leur être reproché à ce stade de ne pas caractériser davantage la nature de ce procès en germe qui dépend des éléments qu'ils pourront ainsi recueillir.

L'ordonnance déférée sera dès lors infirmée.

Statuant de nouveau, il sera fait droit à la demande de communication de pièces afférents aux sept contrats d'assurance-vie litigieux ; l'assureur n'allègue pas ne pas être en possession des pièces sollicitées ou qu'aucune modification des clauses bénéficiaires ne serait intervenue.

En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette communication d'une astreinte, dès lors que la société Cardif Assurance-vie ne s'oppose pas expressément à cette mesure sous réserve qu'elle soit judiciairement autorisée.

La demande à ce titre sera rejetée.

Sur la demande accessoire

La partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile (Cass., 2e Civ., 10 février 2011, pourvoi n° 10-11.774, Bull. 2011, II, n° 34). En effet, les mesures sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d'un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier.

La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'elle a condamné M. et Mme [L] aux dépens.

Ces derniers seront également condamnés aux dépens d'appel. Les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de communication ;

La confirme s'agissant des dépens et les frais irrépétibles ;

Statuant de nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Ordonne à la société Cardif Assurance-vie de communiquer à M. [I] [L] les pièces suivantes :

1. la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas Multiformules, la copie de l'adhésion n° SI/9230005 souscrite par Mme [U] [F] le 31 juillet 1986, la copie des instructions qui auraient été notifiées par Mme [U] [F] en vue de la modification de la clause bénéficiaire opérée le 10 novembre 2017,

2. la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas Multiplacements, la copie de l'adhésion n° SI/00070647.0008 souscrite par Mme [U] [F] le 30 juin 1987, la copie des instructions qui auraient été notifiées par Mme [U] [F] en vue de la modification de la clause bénéficiaire opérée le 10 novembre 2017,

3. la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas Multiformules, la copie de l'adhésion n° SI/9230010 souscrite par Mme [U] [F] le 31 décembre 1989, la copie des instructions qui auraient été notifiées par Mme [U] [F] en vue de la modification de la clause bénéficiaire opérée le 10 novembre 2017,

4. la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas Double Dix, la copie de l'adhésion n° SI/00070647.0006 souscrite par Mme [U] [F] le 30 mars 1993, la copie des instructions qui auraient été notifiées par Mme [U] [F] en vue de la modification de la clause bénéficiaire opérée le 10 novembre 2017,

5. la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas Libertea, la copie de l'adhésion n° SI/9230015 souscrite par Mme [U] [F] le 29 mars 1994, la copie des instructions qui auraient été notifiées par Madame [U] [F] en vue de la modification de la clause bénéficiaire opérée le 10 novembre 2017,

6. la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas Multiplacements, la copie de l'adhésion n° SI/00070647.0009 souscrite par Mme [U] [F] le 9 novembre 1999, la copie des instructions qui auraient été notifiées par Mme [U] [F] en vue de la modification de la clause bénéficiaire opérée le 10 novembre 2017,

7. la copie du contrat collectif d'assurance sur la vie BNP Paribas Multiplacements 2, la copie de l'adhésion n° SI/00070647.0010 souscrite par Mme [U] [F] le 26 avril 2000, la copie des instructions qui auraient été notifiées par Mme [U] [F] en vue de la modification de la clause bénéficiaire opérée le 10 novembre 2017 ;

Rejette la demande d'astreinte ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. et Mme [L] aux dépens d'appel, avec distraction au profit de l'avocat de la partie adverse qui en a fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/12946
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.12946 ?
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