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04/04/2024 | FRANCE | N°23/10787

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 04 avril 2024, 23/10787


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRET DU 04 AVRIL 2024



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10787 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHZ5Q



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Juin 2023 -Juge de la mise en état de PARIS RG n° 22/08770





APPELANTS





Madame [F] [Y]

née le 01 Décembre 1961 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[

Localité 4]



ET



Monsieur [M] [O]

né le 18 Août 1954 à [Localité 16]

[Adresse 2]

[Localité 5]



ET



Madame [P] [O] épouse [W]

née le 16 Mai 1990 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Localité 6]



ET



Mo...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRET DU 04 AVRIL 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10787 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHZ5Q

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Juin 2023 -Juge de la mise en état de PARIS RG n° 22/08770

APPELANTS

Madame [F] [Y]

née le 01 Décembre 1961 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 4]

ET

Monsieur [M] [O]

né le 18 Août 1954 à [Localité 16]

[Adresse 2]

[Localité 5]

ET

Madame [P] [O] épouse [W]

née le 16 Mai 1990 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Localité 6]

ET

Monsieur [A] [O]

né le 09 Avril 1996 à [Localité 11]

[Adresse 1]

[Localité 4]

ET

Monsieur [L] [O]

né le 15 Décembre 2000 à [Localité 11]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Tous représentés et assistés à l'audience par Me Xavier LOUBEYRE de l'ASSOCIATION LOUBEYRE ENTREMONT PORNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R196

INTIMÉ

Monsieur [R] [X]

né le 30 Septembre 1968 à [Localité 12]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté et assisté à l'audience par Me Alexandre BOICHÉ de la SELEURL MAÎTRE ALEXANDRE BOICHÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : B1213

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été plaidée le 06 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Valérie MORLET dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

Faits et procédure

Madame [J] [O], née le 5 novembre 1986, a rencontré Monsieur [R] [X] au mois d'avril 2017. Elle attendait depuis la fin de l'année 2020 un enfant dont il était le père.

Elle s'est donnée la mort le 30 juillet 2021, à la station de métro Saint Georges à [Localité 14], la veille de la date prévue pour son accouchement.

En application d'un protocole transactionnel conclu le 6 août 2021 entre Monsieur [M] [O] et Madame [F] [Y], épouse [O], parents d'[J] [O], Madame [P] [O], épouse [W], Monsieur [A] [O] et Madame [L] [O], son frère et ses s'urs, d'une part, et Monsieur [X], en qualité de concubin de la défunte et père de l'enfant qu'elle portait, d'autre part, la jeune femme et l'enfant ont été inhumés au cimetière du [Adresse 15].

Arguant d'une tromperie de la part de Monsieur [X], les consorts [O] ont le 29 décembre 2021 sollicité l'exhumation du corps d'[J] [O], qui leur a été accordée par la Mairie de [Localité 12] le 9 février 2022, aux fins de transfert des corps à [Localité 10] (Bouches du Rhône, lieu du mariage de la défunte avec Monsieur [K] [U], dont elle avait divorcé) ou encore dans la concession funéraire accordée à Madame [Y], sa mère, à [Localité 8] (Eure et Loir).

Monsieur [X] a saisi le tribunal administratif de Paris d'une contestation de l'autorisation d'exhumation accordée par la Ville de [Localité 12] et cette dernière a le 19 octobre 2022 notifié l'abrogation de sa première décision.

Les consorts [O] ont le 16 décembre 2022 à leur tour saisi le tribunal administratif d'une contestation de cette nouvelle décision. La procédure est à ce jour pendante devant ce tribunal.

Les consorts [O] ont également par acte du 13 juillet 2022 assigné Monsieur [X] devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins de voir autoriser l'exhumation du corps d'[J] [O] et son inhumation au cimetière de Berchères-sur-Vesgre et de voir prononcer la nullité du protocole d'accord du 6 août 2021 et obtenir des dommages et intérêts.

*

Saisi par Monsieur [X] d'une demande incidente, le juge de la mise en état, par ordonnance du 5 juin 2023, a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des consorts [O], soulevée par [R] [X],

- débouté les consorts [O] de leur demande d'annulation du protocole conclu avec Monsieur [X] le 6 août 2021 relatif à l'inhumation d'[J] [O],

- déclaré irrecevables les demandes des consorts [O] à l'encontre de Monsieur [X],

- condamné les consorts [O] aux dépens de l'incident,

- condamné les consorts [O] à payer la somme de 3.000 euros à Monsieur [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [O] ont par acte du 22 décembre 2023 interjeté appel de cette ordonnance, intimant Monsieur [X] devant la Cour.

*

Les consorts [O], dans leurs dernières conclusions signifiées le 22 décembre 2023, demandent à la Cour de :

- infirmer l'ordonnance sur le rejet de la demande d'annulation du protocole du 10 août 2021 et l'irrecevabilité des demandes avec condamnation aux dépens et article 700 du « CPC »,

Statuant à nouveau,

- déclarer recevable la demande et prononcer la nullité du procès-verbal de constat de Maître [E] [S] du 24 mai 2022 et ordonner le rejet des débats des pièces n°5, 5-1, 6 et 47,

- déclarer la demande recevable aux fins de contestation des droits du titulaire de la concession au cimetière du [Adresse 15] n'ayant pas fait l'objet du protocole transactionnel du 6 août 2021,

- en tout état de cause, ordonner la nullité du protocole transactionnel du 6 août 2021 et déclarer en conséquence la demande initiale recevable,

- débouter l'intimé de sa demande d'infirmation aux fins d'irrecevabilité de l'assignation pour défaut de qualité à agir.

- renvoyer les parties pour qu'il soit statué au fond par le tribunal judiciaire sur les demandes formées par assignation du 13 juillet 2022,

- débouter Monsieur [X] de toutes autres demandes, fins et conclusion,

- condamner Monsieur [X] « à payer une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC »,

- condamner Monsieur [X] en tous les dépens d'incident devant le « JME » et sur appel devant la Cour.

Monsieur [X], dans ses dernières conclusions signifiées le 28 décembre 2023, demande à la Cour de :

A titre principal,

- déclarer irrecevable la demande des consorts [O] tendant à voir prononcer la nullité du procès-verbal de constat de Maître [S] du 24 mai 2022,

A titre subsidiaire,

- débouter les consorts [O] de leur demande tendant à voir prononcer la nullité du procès-verbal de constat de Maître [S] du 24 mai 2022,

En tout état de cause,

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

. débouté les consorts [O] de leur demande d'annulation du protocole conclu avec lui le 6 août 2021,

. déclaré irrecevables les demandes formulées par les consorts [O] à son égard,

. condamné les consorts [O] aux dépens,

. condamner les consorts [O] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir qu'il soulève,

Et statuant à nouveau,

- déclarer l'assignation signifiée le 13 juillet 2022 irrecevable,

- condamner les demandeurs aux entiers dépens et au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter les consorts [O] de leurs demandes plus amples ou contraires.

*

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 17 janvier 2024 et l'affaire plaidée le 6 février 2024.

Le recours à une médiation judiciaire a été évoqué à l'audience et un délai jusqu'au 5 mars 2024 a été donné aux consorts [O] et à Monsieur [X] pour réfléchir à cette opportunité.

Il a ensuite été demandé aux parties de donner leur avis sur l'opportunité de confier l'examen du présent incident, nécessitant l'appréciation au fond de la validité d'un contrat, au tribunal statuant en collégialité.

L'affaire a été mise en délibéré au 4 avril 2024.

Par note du 12 février 2024, le conseil des consorts [O] a indiqué que ceux-ci s'accordaient sur le bien-fondé et l'opportunité d'un renvoi de l'ensemble du dossier devant le juge du fond de première instance, évoquant le contexte difficile et douloureux du dossier et le suggestion de médiation, lesquels confortent selon eux cette solution.

Par deux notes du 12 février 2024 également, la seconde complétant la première, le conseil de Monsieur [X] a rappelé la compétence exclusive du juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir, le contraignant à s'interroger sur la validité du protocole transactionnel signé avec les consorts [O] le 6 août 2020. Il précise que « si ces arguments juridiques doivent conduire à la confirmation de l'ordonnance déférée, [Monsieur [X]] reste (') d'accord pour participer à une médiation si la Cour devait ordonner une mesure de cet ordre » (caractères gras du courrier).

Par message du 5 mars 2023 via le RPVA, le conseil des consorts [O] a informé la Cour de leur accord pour une médiation, sans souscrire à la suggestion de Monsieur [X] d'envisager cette procédure dans la seule hypothèse d'une confirmation de l'ordonnance déférée.

Par message du 5 mars 2023 via le RPVA, le conseil de Monsieur [X] a confirmé que celui-ci restait favorable à la mise en place d'une médiation, ne partageant pas l'avis de son confère « qui semble conditionner l'accord de ses clients à la médiation à l'infirmation de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état », estimant que la Cour pouvait confirmer l'ordonnance déférée et ordonner une telle mesure.

Motifs

Sur la médiation

L'article 131-1 du code de procédure civile dispose que le juge peut, après avoir recueilli l'accord des parties, ordonner une médiation, ajoutant que le médiateur alors désigné a pour mission d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose.

Un médiateur ne peut ainsi être désigné qu'avec le consentement des parties.

Or en l'état de la procédure, si le consentement des consorts [O] pour la mise en place d'une mesure de médiation ne porte aucune condition, le consentement de Monsieur [X] est conditionné par la confirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état qui a débouté les consorts [O] de leur demande d'annulation du protocole transactionnel du 6 août 2021 relatif à l'inhumation d'[J] [O].

Aussi n'y a-t-il pas lieu, à ce stade, de désigner un médiateur, la Cour invitant cependant les parties à réfléchir plus avant à l'opportunité d'une telle mesure, qui leur permettra d'apaiser le lourd conflit qui les oppose et d'en sortir avec une solution emportant l'accord de tous. Cette médiation pourra, à leur demande ou avec leur consentement sur l'invitation du tribunal ou de son juge de la mise en état, être ordonnée dans le cadre de la première instance.

Sur la demande d'annulation d'un procès-verbal de constat d'huissier et de rejet de pièces

Les consorts [O] demandent la nullité du procès-verbal d'huissier de justice du 24 mai 2022 de Maître [S], réalisé à la requête de Monsieur [X], affirmant que les fichiers y annexés, tirés de l'ordinateur d'[J] [O], n'avaient pas été extraits par l'officier ministériel, celui-ci s'étant contenté d'inventorier des fichiers informatiques déjà décrits et sélectionnés par son client, sans vérification personnelle, de sorte que ce procès-verbal constitue une mise en scène destinée à opposer leur fille et s'ur à sa propre famille afin de culpabiliser celle-ci. Ils sollicitent le rejet des débats du procès-verbal de l'huissier (pièce n°47 de Monsieur [X]) et des pièces n°5, 5-1 et 6, fichiers informatiques extraits par l'huissier et annexé à son procès-verbal. Les consorts [O] estiment cette demande, présentée pour la première fois devant la Cour, recevable.

Monsieur [X] considère que cette demande, nouvelle en cause d'appel, est dès lors irrecevable. Il fait en tout état de cause valoir la validité du procès-verbal en cause.

Sur ce,

Statuant en appel d'une ordonnance du juge de la mise en état, la Cour de céans n'a pas plus de compétences que celui-ci.

Or si le juge de la mise en état est aux termes de l'article 789 du code de procédure civile compétent pour statuer, notamment, sur les exceptions de procédure prévues par les articles 73 et suivants du code de procédure civile et incluant les exceptions de nullité (articles 112 et suivants du même code), celles-ci ne concernent que les actes de procédure et le magistrat n'a pas compétence pour se prononcer sur la validité ou la nullité d'un procès-verbal de constat d'huissier (qui n'est pas un acte de procédure et doit être envisagé sur le fondement de l'article 1er point II-2° de l'ordonnance n°2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice), compétence qui relève de la compétence des seuls juges du fond.

La Cour se dira en conséquence incompétente, au regard de sa saisine, pour statuer sur la validité ou la nullité du procès-verbal de constat du 24 mai 2022 de Maître [S], commissaire de justice à [Localité 13].

Sur la recevabilité des demandes des consorts [O]

Le juge de la mise en état a estimé que les consorts [O], proches parents d'[J] [O], avaient de ce fait qualité pour agir pour demander l'exhumation de celle-ci, ajoutant que l'examen de la qualité de proche parent de Monsieur [X] relevait des juges du fond. Il a ensuite considéré que les demandes des consorts [O] ne pouvaient être recevables qu'en cas d'annulation du protocole conclu entre les parties le 6 juillet 2021. Ils ont, à ce titre, écarté les griefs de dol et violence soulevés par les consorts [O], alors déboutés de leur demande d'annulation du protocole, de sorte que leurs demandes se trouvent irrecevables.

Les consorts [O] ne critiquent pas l'ordonnance statuant sur leur qualité à agir, observant que Monsieur [X] confond recevabilité et bien-fondé. Subsidiairement, ils exposent que la notion de parent n'est pas définie par la loi et rappellent la hiérarchie posée par l'Instruction générale relative à l'état civil pour l'application du code général des collectivités territoriales et font valoir la qualité trompeuse de conjoint invoquée par Monsieur [X]. Ils reprochent en revanche au juge de la mise en état d'avoir déclaré leurs demandes irrecevables du fait de la validité du protocole. Ils font valoir la nullité de ce dernier, pour défaut d'objet licite, pour défaut de qualité de l'une des parties, pour dol et absence de concessions réciproques et pour cause de violence.

Monsieur [X] reproche au juge de la mise en état d'avoir retenu la qualité à agir des consorts [O], considérant que la qualité de « plus proche parent » d'[J] [O] doit être appréciée in concreto et qu'elle lui appartient et estimant en conséquence les consorts [O] irrecevables en leur demande d'exhumation. Il défend ensuite la validité du protocole, dont l'objet est licite et non contraire à l'ordre public, qui ne contient pas de condition potestative, au titre duquel les parties avaient qualité et capacité de contracter, qui n'a pas été conclu au gré d'un dol et qui n'a pas non plus été conclu au gré de violence.

Sur ce,

L'irrecevabilité est une fin de non-recevoir qui sanctionne, sans examen au fond, un défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée (article 122 du code de procédure civile).

Le juge de la mise en état est, aux termes de l'article 789 point 6° du code de procédure civile, compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir. Selon ces mêmes dispositions, il reste compétent lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, devant alors statuer sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer et dans ce cas le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Le juge de la mise en état, enfin, peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire, étant précisé que la décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.

La Cour de céans, statuant sur un appel exercé contre une ordonnance du juge de la mise en état, peut donc ordonner le renvoi de l'examen de la question de fond dont dépend la recevabilité d'une demande devant le tribunal statuant de manière collégiale au fond.

1. sur la qualité à agir des consorts [O]

L'article R2213-40 du code général des collectivités territoriales (en sa version en vigueur depuis le 29 septembre 2016, applicable en l'espèce) dispose que le droit de demander l'exhumation appartient aux plus proches parents de la personne défunte.

La loi ni le règlement ne définissent la qualité de « plus proche parent ».

L'instruction générale relative à l'état civil, publiée au Journal Officiel le 11 mai 1999, en son article 426-7 (III relatif aux règles particulières aux divers actes de l'état civil, chapitre V concernant les actes de décès, section 2, sous-section 2 opérations consécutives, point F relatif à l'exhumation) pour l'application de l'article R361-15 du code des communes (abrogé depuis le 9 avril 2000, et auquel correspond désormais l'article R2213-40 du code général des collectivités territoriales précité), propose à titre indicatif et sous réserve de l'appréciation des tribunaux, en cas de conflit, un ordre pour la détermination du plus proche parent : le conjoint non séparé (veuf, veuve), les enfants du défunt, les parents (père et mère), les frères et s'urs.

Or il est indispensable en l'espèce, pour trancher le litige qui oppose les parties, de déterminer qui, des parents et frère et s'urs d'[J] [O] ou de son ancien compagnon et père de l'enfant à naître qu'elle portait lors de son décès, a qualité pour solliciter l'exhumation des corps. Chacune des parties revendique cette qualité.

Ainsi, alors que la qualité de « plus proche parent » du défunt doit être appréciée in concreto, que l'exhumation des corps d'[J] [O] et de son enfant à naître est sollicitée par les consorts [O], parents, frère et s'urs de la défunte, et que le père de l'enfant à naître s'y oppose, le juge de la mise en état a à tort retenu le caractère « constant » de la qualité de proches parents des premiers et estimé que l'examen de cette qualité du second relevait du fond du litige, la qualité des uns et celle de l'autre devant dans ce contexte être examinées ensemble.

Il est en conséquence nécessaire, pour une meilleure administration de la justice, de renvoyer l'examen de la qualité de plus proches parents revendiquée tant par les consorts [O] que par Monsieur [X] pour demander l'exhumation des corps d'[J] [O] et de l'enfant qu'elle portait devant le tribunal en sa formation de jugement.

2. sur l'autorité du protocole du 6 juillet 2021

Les parents d'[J] [O], son frère et ses deux s'urs, d'une part, et Monsieur [X], en qualité de concubin de la défunte et père de l'enfant qu'elle portait, d'autre part, ont le 6 juillet 2021 signé un protocole d'accord transactionnel aux termes duquel la défunte et l'enfant qu'elle portait devaient être inhumés ensemble au cimetière du [Adresse 15].

Or les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort (article 2052 du code civil).

Ainsi, la demande d'exhumation d'[J] [O] et de l'enfant qu'elle portait présentée par les consorts [O] aux fins de pouvoir l'inhumer au cimetière de [Localité 8] ne peut être reçue, comme l'a rappelé le juge de la mise en état, qu'alors que le protocole du 6 juillet 2021 portant sur le lieu d'inhumation de la défunte et de l'enfant est annulé.

La recevabilité des demandes des consorts [O] est ainsi conditionnée par une question de fond relative à la validité de ce protocole, qui est donc un élément essentiel des débats. Les consorts [O] en sollicitaient d'ailleurs à titre principal l'annulation dès l'assignation délivrée à Monsieur [X] d'avoir à comparaître devant le tribunal.

Pour se prononcer sur la validité ou la nullité du protocole, il est nécessaire d'examiner son objet (identifié par les consorts [O] comme étant un corps humain et par Monsieur [X] comme étant les conditions et modalités de l'enterrement), la qualité de l'une de ses parties pour signer l'acte (niée par les consorts [O] à Monsieur [X], tant au nom d'un enfant non né, que pour la défunte du fait notamment d'une rupture en cours), l'existence de man'uvres dolosives de l'une des parties (soulevées par les consorts [O] qui estiment que Monsieur [X] avait connaissance de l'impossibilité d'un enterrement en Belgique et a fait entrer dans le cadre de l'accord une condition potestative, ajoutant qu'il ne pouvait pas se présenter comme héritier désigné d'[J] [O] ni responsable de ses intérêts, points que Monsieur [X] conteste alors qu'il affirme ne jamais avoir menti quant au lieu où [J] [O] souhaitait être enterrée et n'a jamais caché d'informations), l'existence de concessions réciproques et, enfin, de se prononcer sur la réalité de la violence (alléguée par les consorts [O] contre Monsieur [X], dont celui-ci se défend).

Ces points constituent le c'ur même du litige et doivent être tranchés en toute sérénité par le tribunal en sa formation de jugement, auquel l'affaire sera renvoyée pour une meilleure administration de la justice.

***

Il appartiendra en conséquence au tribunal, statuant de manière collégiale, d'examiner la qualité de « plus proches parents » des consorts [O] et de Monsieur [X], qualité nécessaire pour solliciter l'exhumation des corps d'[J] [O] et de l'enfant qu'elle portait, et d'examiner ensuite la validité ou la nullité du protocole d'accord transactionnel que tous ont signé le 6 juillet 2021 après le décès de la jeune femme et de l'enfant qu'elle portait aux fins d'inhumation de ceux-ci au cimetière du [Adresse 15].

Sur les dépens

Les consorts [O], succombant en leur recours, seront condamnés in solidum aux dépens de la présente instance d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile, sans qu'il n'y ait en conséquence lieu à leur distraction au profit de leurs conseils respectifs.

L'équité commande en revanche que chacune des parties garde la charge des frais exposés devant la Cour et non compris dans les dépens, conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour,

Invite Monsieur [M] [O], Madame [F] [Y], Madame [P] [O], épouse [W], Monsieur [A] [O] et Madame [L] [O], d'une part, et Monsieur [R] [X], d'autre part, à réfléchir à l'opportunité d'une médiation pour résoudre le litige qui les oppose,

Se dit incompétente pour statuer sur la validité ou la nullité du procès-verbal du 24 mai 2022 de constat de Maître [E] [S], huissier (commissaire) de justice,

Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état en toutes ses dispositions,

Et par mesure d'administration judiciaire,

Renvoie Monsieur [M] [O], Madame [F] [Y], Madame [P] [O], épouse [W], Monsieur [A] [O], Madame [L] [O] et Monsieur [R] [X] devant le tribunal judiciaire en sa formation de jugement, pour l'examen de leurs qualités respectives de « plus proches parents » d'[J] [O] et de l'enfant qu'elle portait aux fins de présenter une demande d'exhumation des corps des défunts,

Renvoie Monsieur [M] [O], Madame [F] [Y], Madame [P] [O], épouse [W], Monsieur [A] [O], Madame [L] [O] et Monsieur [R] [X] devant le tribunal judiciaire en sa formation de jugement, pour l'examen de la validité ou de la nullité du protocole d'accord transactionnel signé entre eux le 6 août 2021,

Condamne Monsieur [M] [O], Madame [F] [Y], Madame [P] [O], épouse [W], Monsieur [A] [O] et Madame [L] [O] aux dépens de la présente instance,

Dit que chacune des parties gardera la charge des frais irrépétibles par elle exposés au titre de la présente instance.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 23/10787
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.10787 ?
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