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04/04/2024 | FRANCE | N°22/12589

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 04 avril 2024, 22/12589


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 04 AVRIL 2024

(n° , 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12589 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGDGF



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juin 2022 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - RG n° 21/00078





APPELANT

Monsieur [T] [G]

[Adresse 3]

[Localité 21]

représenté par Me Gilles CAILLET de la SELEURL HELIANS, avocat

au barreau de PARIS, toque : G0876 substitué à l'audience par Me Xavier VIDALIE, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉES

S.A. SOREQA

prise en la personne de son représenta...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 04 AVRIL 2024

(n° , 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12589 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGDGF

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juin 2022 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - RG n° 21/00078

APPELANT

Monsieur [T] [G]

[Adresse 3]

[Localité 21]

représenté par Me Gilles CAILLET de la SELEURL HELIANS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0876 substitué à l'audience par Me Xavier VIDALIE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

S.A. SOREQA

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 16]

[Localité 13]

représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131 substitué à l'audience par Me Grégoire DUCONSEIL, avocat au barreau de PARIS

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE SAINT DENIS - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

Division Missions Domaniales

[Adresse 11]

[Localité 20]

représentée par Madame [B] [S], en vertu d'un pouvoir général

non comparante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Marie MONGIN, Conseillère

Madame Nathalie BRET, Conseillère

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M.[T] [G] était propriétaire des lots n° 2 et 5 de la copropriété située [Adresse 6] à [Localité 23], sur la parcelle cadastrée section AE numéro [Cadastre 9], d'une superficie de 107 m².

Il s'agit d'un studio (lot n°5) et d'un débarras (lot n° 2).

L'immeuble a fait l'objet d'un arrêté de péril ordinaire n° 18-122 du 26 mars 2018 interdisant définitivement à l'habitation et à toute autre utilisation l'immeuble.

L'arrêté préfectoral n° 2019-2791 du 22 octobre 2019 a déclaré d'utilité publique l'acquisition par la société de requalification des quartiers anciens (SOREQA) de l'ensemble immobilier susvisé, et a prononcé sa cessibilité immédiate.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 août 2020, M. [T] [G] a mis en demeure la SOREQA de poursuivre la procédure d'expropriation à son encontre, celle-ci étant postérieure à l'arrêté de cessibilité, conformément à l'article R311-7 du code de l'expropriation.

Par une requête reçue le 16 avril 2021 par le greffe, accompagnée du mémoire de saisine en fixation des indemnités d'expropriation, M. [T] [G] a saisi la juridiction de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de fixation de la valeur de son bien.

Par une ordonnance rendue le 29 novembre 2021, le juge de l'expropriation a fixé le transport sur les lieux et l'audition des parties au 27 janvier 2022, M.[T] [G] étant représenté par son conseil.

Par jugement contradictoire du 16 juin 2022, la juridiction de l'expropriation de la Seine-Saint-Denis a :

'fixé en application des articles L313-6 et L213-4 du code de l'urbanisme, le bien étant soumis au droit de préemption, la date de référence selon les d'urbanisme définies par le PLUI d'Est Ensemble du 4 février 2020, entré en vigueur le 27 mars 2020 et plaçant le bien évalué en zone UH ;

'a retenu une surface de 314 m² ;

'a évalué les biens en valeur libre ;

'a retenu la méthode de la récupération foncière, après avoir écarté l'inconventionnalité de l'article L 511-6 du code de l'expropriation pour méconnaissance du droit des expropriés au respect de leur bien prévu par l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'inconventionnalité de l'article L516-6 du code de l'expropriation pour méconnaissance du principe d'égalité prévue par l'article premier du protocole additionnel n° 12 et l'article 14 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La juridiction de l'expropriation a dans son dispositif :

'annexé à la décision le procès verbal de transport du 27 janvier 2022 ;

'fixé l'indemnité due par la SOREQA à M. [T] [G] au titre de la dépossession des lots n° 2 et 5 de la copropriété située [Adresse 6] à [Localité 23], sur la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 9] à la somme de 5 440 euros se décomposant comme suit :

'4 528,48 euros au titre de l'indemnité principale ;

'905,70 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

's'est déclaré incompétent pour connaître de la demande présentée au titre de l'indemnité pour remboursement de la taxe foncière et a renvoyé la partie expropriée à mieux se pourvoir ;

'condamné la SOREQA à payer à M.[T] [G] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné la SOREQA aux dépens.

M.[T] [G] a formé appel le 20 juillet 2022 en demandant la réformation du jugement sur la fixation de l'indemnité de dépossession.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/adressées au greffe par M. [T] [G] le 17 octobre 2022 notifiées le 19 octobre 2022(AR intimé et CG du 20 octobre 2022) aux termes desquelles il est demandé à la cour de:

'le déclarer recevable et bien fondé en ses moyens, conclusions et demandes ;

'réformer partiellement le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité due par la SOREQA à la somme de 5 440 euros ;

Statuant à nouveau,

'fixer à 37 279,50 euros le montant de l'indemnité principale due par la SOREQA ;

'fixer à 4 727,95 euros le montant de l'indemnité de remploi due par la SOREQA ;

'confirmer le jugement en ce qu'il a :

'annexé à la décision le procès verbal de transport du 27 janvier 2022 ;

's'est déclaré incompétent pour connaître de la demande présentée au titre de l'indemnité pour remboursement de la taxe foncière et renvoyé la partie expropriée à se pourvoir ;

'condamné la SOREQA à payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné la SOREQA aux dépens ;

en tout état de cause,

'condamner la SOREQA à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel (article 700 du code de procédure civile) ;

'condamner la SOREQA aux dépens.

2/adressées au greffe par la SOREQA, intimée, le 7 décembre 2022, notifiées le 12 décembre 2022 (AR appelant et CG du 13 décembre 2022)

aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

'dire l'appel recevable mais mal fondé ;

'confirmer le jugement dont appel.

3/ Le commissaire du gouvernement n'a pas adressé ou déposé de conclusions.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [T] [G] fait valoir que :

Sur la réformation du jugement : le juge de l'expropriation a fait droit, à tort, à la demande de la SOREQA d'appliquer la méthode de la récupération foncière prévue par l'article L516'6 du code de l'expropriation qui aboutit à méconnaître l'article L321-1 du code de l'expropriation qui dispose que les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; en effet,le jugement contesté a fixé la valeur vénale de l'appartement à la somme de 4 528,48 euros alors qu'il l'a acheté en 2012 pour un prix de 45 000 euros, et que M.[V] lui proposait un prix de 40'000 euros.

S'agissant de la description du bien, il correspond à un studio de 25,71 m², libre d'occupation.

À juste titre, le juge de l'expropriation a constaté que l'immeuble du [Adresse 6] est bien desservi par les transports en commun :

'gare de [Localité 23] (RER E) à 11 minutes à pied,

'gare de [Localité 22] (RER E et tramway T4) à 17 minutes à pied,

'lignes de bus n° 105, 545, 143.

L'immeuble est bâti sur l'intégralité de la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 9], dont la surface est de 107 m², il est situé en zone UH74F10 du PLUI applicable à la commune de [Localité 23] ; or, le règlement applicable à cette zone limite à 30 % l'emprise au sol maximal de surfaces bâties, et limite la hauteur à R+2 ; ainsi, avec une emprise bâtie de 100 % et une construction en R+3, les copropriétaires du [Adresse 6] ont des droits acquis particulièrement valorisables.

En ce qui concerne l'immeuble construit en briques, ses façades sont dans un état correct et le gros 'uvre (structure du bâtiment) n'est pas menaçant ruine, comme l'a souligné l'architecte de M. [V], promoteur acquéreur évincé (pièce n° 3) ; en réalité, seul le plancher haut du sous-sol est à reprendre entièrement et c'est d'ailleurs ce qui a essentiellement justifié différents arrêtés de péril pris à l'encontre de l'immeuble ; compte tenu du droit acquis et du bon état général de la structure du bâtiment, l'immeuble n'a absolument pas vocation à être démoli mais au contraire à être habilité et rénové ; d'ailleurs la SOREQA a comme projet : « une opération de réhabilitation », et non pas une opération de démolition (pièce n° 4).

Sur l'inapplicabilité de la méthode de la récupération foncière et sur l'occupation personnelle l'exproprié.

Le juge a appliqué à tort l'article L 511-6 du code de l'expropriation, et a commis une erreur de droit en ne jugeant pas inconventionnelle l'application de cet article au cas d'espèce.

1° sur l'inconventionnalité de l'article L 511-6 du code de l'expropriation.

En droit international, l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme consacre la protection du droit de propriété, et par ailleurs, le droit à égalité de traitement est garanti par l'article 14 de la CEDH ; l'article premier du protocole additionnel n° 12 ajoute que nul ne peut faire l'objet d'une discrimination de la part d'une autorité publique quelle qu'elle soit, fondée notamment sur les motifs mentionnés au paragraphe 1.

En droit interne, l'article L511-6 du code de l'expropriation dispose que pour le calcul de l'indemnité due au propriétaire, la valeur des biens est appréciée, compte tenu du caractère impropre à l'habitation des locaux et installations expropriées, à la valeur du terrain nu, déduction faite des frais entraînés par leur démolition, sauf lorsque les propriétaires occupaient eux-mêmes les immeubles déclarés insalubres ou frappés d'un arrêté de péril

au moins deux ans avant la notification de la décision prévue à l'article L511-2 ou lorsque les immeubles ne sont ni insalubres, ni impropres à l'habitation, ni frappés d'un arrêté de péril.

Lorsque le juge constate que les dispositions législatives ne sont pas conformes à une norme conventionnelle d'application directe telle que la CEDH, il doit écarter l'application de cette disposition législative inconventionnelle pour résoudre le litige.

En l'espèce, l'article L511-6 susvisé est inconventionnel à deux égards :

a/sur la méconnaissance grave et manifeste du droit des expropriés au respect de leur bien

Pour garantir le respect de l'article 1P1, la CEDH a jugé dans une décision Preite c/ Italie du 17 novembre 2015, requête n° 28976/05 que : « afin de déterminer si la mesure litigieuse respecte le juste équilibre voulu et, notamment, si elle ne fait pas peser sur la requérante une charge disproportionnée, il y a lieu de prendre en considération les modalités d'indemnisation prévues par la législation interne »

« sans le versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue normalement une atteinte excessive »

« en l'occurrence, la cour relève que les juridictions nationales n'ont pas pris en compte la valeur marchande du terrain. Leur calcul ne s'est en effet pas basé sur la situation du terrain et ses caractéristiques réelles, de sorte qu'il y a eu indemnisation comme si le terrain litigieux avait été exploité en agriculture. Ce système, qui ne tient aucun compte de la diversité des situations, en méconnaissant les différences résultant notamment de la configuration des lieux, et qui ne permet dès lors pas de calculer une indemnité d'expropriation en rapport avec la valeur marchande du terrain, a d'ailleurs amené la Cour Constitutionnelle à conclure à l'incompatibilité des dispositions pertinentes avec la Constitution. Il résulte de la situation ci-dessus que l'indemnité d'expropriation versée au requérant est largement inférieure à la valeur marchande du terrain en question ».

En l'espèce, la proposition de l'indemnité de la SOREQA est calculée à tort selon « la valeur du terrain nu, déduction faite des frais entraînés par la démolition » et sans aucune mesure avec la valeur de l'appartement exproprié évalué par le commissaire du gouvernement en première instance selon la méthode par comparaison :

'évaluation de la SOREQA : 1 348 euros pour l'appartement,

'évaluation du commissaire du gouvernement : 37 459, 47 euros.

L'application de la méthode imposée par l'article L511-6 revient à indemniser l'appartement exproprié à une valeur presque vingt six fois inférieure à la valeur déterminée sur la méthode par comparaison.

Or, il est incontestable que la SOREQA ne va pas démolir l'immeuble, puisqu'elle a uniquement pour projet sa réhabilitation.

Dans ce cas spécifique où l'immeuble frappé d'un arrêté de péril (ou d'insalubrité) n'est pas démoli, la jurisprudence écarte l'application de la méthode de la récupération foncière (pièce n°11 : cour d'appel de Riom, 26 octobre 2021, RG 20/00003 et pièce n° 12 RG 20/00001).

b/sur la méconnaissance grave et manifeste du principe d'égalité

Par acte notarié du 25 octobre 2019, la SOREQA a acheté à Madame [X] le local commercial du rez-de-chaussée du [Adresse 6] au prix de 111'110 euros, soit 1 536 euros/m² (pièce n° 13) ; si la SOREQA avait appliqué la méthode de la récupération foncière, elle aurait acquis ce local à la somme de seulement :

274/1000 èmes X 29,96 euros= 8 127 euros (soit 14 fois moins cher).

Il est donc manifeste que la SOREQA a évalué le prix de copropriété selon la méthode par comparaison.

C'est à tort que le jugement contesté retient que la nature du local exproprié (commerciale ou d'habitation) justifierait une différence de traitement ; en effet, l'arrêté de péril a frappé l'immeuble entier, dans tous les lots, soit à usage d'habitation et de commerce, et non pas uniquement les lots d'habitations et l'arrêté de péril a pour effet d'interdire l'occupation des lots d'habitations mais aussi l'exploitation des lots à usage de commerce ; or, la SOREQA n'applique pas la même méthode d'évaluation à tous les copropriétaires expropriés, cette inégalité de traitement, conduisant à des offres d'indemnisation quatorze fois inférieure, est contraire au principe d'égalité garantie par la CEDH.

En conséquence, il y a lieu d'écarter la méthode d'évaluation de la récupération foncière et d'estimer l'appartement exproprié selon la méthode par comparaison.

Subsidiairement, sur l'occupation personnelle de l'exproprié.

À titre subsidiaire, c'est à tort que le juge de l'expropriation a considéré que M. [G] n'occupait pas personnellement l'appartement exproprié, de sorte qu'il ne pouvait pas bénéficier de l'exception d'application de l'article L 511-6 du code de l'expropriation ; cet article dérogeant au droit commun, doit être interprété strictement et il doit être considéré que l'occupation personnelle par le propriétaire exproprié s'entend comme la conservation, à son profit, de l'usage de l'appartement, sans que celui-ci soit nécessairement déclaré comme son domicile principal.

L'arrêté de péril interdisant l'occupation, il est logique que le bien exproprié ne puisse plus constituer le domicile principal du propriétaire exproprié.

Il a toujours occupé personnellement son appartement depuis son acquisition 2012, soit plus de deux ans avant l'arrêté de déclaration d'utilité publique ; pour justifier de son occupation personnelle, il produit en cause d'appel des factures d'électricité relatives à son appartement [Adresse 6] à [Localité 23], libellées à son adresse personnelle du [Adresse 6] (pièces n° 14 et 15).

En réalité, cette dérogation au principe de libre appréciation de la méthode d'évaluation par le juge de l'expropriation n'est justifiée que pour sanctionner les marchands de sommeil qui auraient mis en location leur bien, renonçant à cette occasion à user personnellement du bien et l'application de l'article L511-6 ne doit en aucun cas sanctionner des propriétaires occupants, victimes collatérales de blocage au niveau du fonctionnement de la copropriété.

Avant l'interdiction d'habiter, il occupait effectivement personnellement son appartement mais subissait des problèmes de délivrance de son courrier par la poste à cause de la dégradation volontaire et régulière des boîtes aux lettres de l'immeuble, et c'est pour cette raison qu'il a fait modifier son adresse postale, afin de pouvoir recevoir son courrier.

Sur la réformation du montant de l'indemnité principale.

Il y a lieu d'écarter la méthode de la récupération foncière au profit de la méthode par comparaison.

Par jugement définitif du 16 juin 2022, le juge de l'expropriation a évalué un autre appartement de 31m² situé dans le même immeuble, reconnaissant l'occupation personnelle de l'exproprié, en retenant la méthode par comparaison, en appliquant un abattement pour vétusté de 40 % pour tenir compte de l'arrêté de péril, et en retenant une valeur unitaire de 1 450 euros/m² (pièce n° 7).

En l'espèce, il y a lieu de tenir les mêmes ventes d'appartement, qui sont de surface comparable, situés dans un périmètre proche (500 m), vendus entre 2018 et 2021, avec une moyenne de 3 474 euros/m², un minimum de 2 315 euros/m² et un maximum de 4 556 euros/m².

Compte tenu de la valeur basse du marché (2 400 euros/m²) et de l'abattement pour vétusté de 40 %, il y a lieu de retenir un prix unitaire de 1 450 euros/m², soit une indemnité principale de : 1 450 euros/m²X 25,71 m²= 32 279,50 euros.

Sur la réformation du montant de l'indemnité de remploi.

Conformément à la jurisprudence habituelle en matière d'expropriation, il y a lieu de fixer l'indemnité de remploi comme suit :

'20 % pour la fraction de l'annuité principale inférieure ou égale à 5000 euros : 1000 euros

'15 % pour la fraction comprise entre 5 000 et 15'000 euros : 1 500 euros

'10 % pour le surplus, soit : 37 279,50 euros - 15'000 euros X10/100= 2 227,95 euros

soit un total de 4 727,95 euros.

Sur le montant de l'indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel, pour assurer sa défense, il a dû exposer des frais irrépétibles dont le coût doit être mis à la charge de la SOREQA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et celle de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, il y a donc lieu de condamner la SOREQA à lui verser la somme de 3 000 euros.

LA SOREQA rétorque que :

Dans le cadre du traité de concession relatif au dispositif intercommunal de traitement de l'habitat insalubre (DILHI), signé le 27 janvier 2016, la SOREQA a été missionnée par l'Etablissement Public Territorial Est Ensemble en vue de procéder au traitement de l'habitat indigne et à la requalification des quartiers anciens dégradés de certaines adresses, dont celle du [Adresse 6] à [Localité 23].

Cet immeuble a fait l'objet des mesures administratives suivantes :

'arrêté de péril ordinaire du maire de [Localité 23] du 26 mars 2018 n° 18-122 ;

'ceux-ci étant demeurés sans effet, l'immeuble se trouve inclus dans le périmètre de l'opération ci-dessus, ayant donné lieu à un arrêté préfectoral du 22 octobre 2019 n° 2019-2791 prononçant la cessibilité et autorisant la prise de possession en vue de la démolition.

L'immeuble est édifié sur une parcelle cadastrée AE [Cadastre 9], étant en rez-de-chaussée plus trois étages, construit en 1914 ; au PLUI d'Est Ensemble, adopté le 4 février 2020 et approuvé le 27 mars 2020, le bien est situé en zone UH.

Le bien étant soumis au droit de préemption urbain, la date de référence est l'acte le plus récent rendant opposable le plan local d'urbanisme, soit le 29 juin 2021, date de l'approbation de la modification simplifiée n°1 du PLUI par Est Ensemble.

Les lots n° 2 et 5 correspondent à un appartement de 25,71 m² et une cave représentant respectivement 48 et 14/1000 des parties communes.

Les biens expropriés au titre des immeubles insalubres ou menaçant ruine sont évalués selon la méthode dite de la récupération foncière en application de l'article L 511-6 du code de l'expropriation.

L'exproprié n'évalue pas son bien à la valeur du terrain, déduction faite des coûts de démolition rapportée au millième mais selon une première hypothèse à la valeur vénale de la construction entière, déduction faite des coûts de l'habitation et selon une seconde hypothèse à la valeur « d'un appartement avec travaux » déduction faite des coûts de réhabilitation ; cette seconde méthode sera écartée, car il n'est pas soutenu que le propriétaire était occupant deux ans avant la notification de la décision déclarant le bien en situation de péril définitivement interdit à l'habitation ; le commissaire du gouvernement ne retient que ce deuxième mode d'évaluation, qui sera écarté comme étant contraire aux dispositions législatives ; il ne saurait être en outre invoqué que le bien est voué à la réhabilitation, cette circonstance ne permettant pas de déroger au principe posé par l'article L511-6 du code de l'expropriation.

En appel, l'exproprié fait grief au premier juge d'avoir retenu la méthode de la récupération foncière, motif que celle-ci ne couvre pas l'intégralité du préjudice subi et il est soutenu l'inconventionnalité des dispositions applicables aux termes du code de l'expropriation, au regard de la Convention européenne des droits de l'homme.

Cette affirmation est inexacte, puisque par arrêt du 17 septembre 2010 (décision n° 2010-26 QPC SARL office central d'accession au logement), le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution les dispositions applicables en matière de résorption de l'habitat insalubre ; la Haute cour a notamment souligné que cette procédure ne peut jouer qu'à l'égard d'immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable ou qui ont fait l'objet d'un arrêté de péril assortissant d'une ordonnance de démolition ou d'une interdiction définitive d'habiter ; par ailleurs, il indique que les dispositions en cause ayant pour objet de mettre fin dans les meilleurs délais à l'utilisation de locaux d'habitation présentant un danger pour la santé et la sécurité des habitants, elles apportent à la règle du caractère préalable de l'indemnisation un tempérament qui répond à des motifs impérieux ; il est souligné que les droits des propriétaires intéressés sont garantis puisqu'ils sont informés de la procédure relative à la déclaration d'insalubrité des immeubles et peuvent être entendus dans les différentes étapes de la procédure, notamment devant la juridiction administrative où ils peuvent, le cas échéant, contester la légalité de la procédure d'insalubrité irrémédiable, ce qui n'a pas été fait en l'espèce.

En conséquence, la méthode d'évaluation retenue par le premier juge devra être confirmée.

Il sera relevé que, pour la première fois en appel, l'exproprié soutient être propriétaire occupant, ce qui permet aux termes de l'article L511-6 du code de l'expropriation d'écarter la méthode de la récupération foncière, s'il est établi que le propriétaire occupait lui-même l'immeuble déclaré insalubre au moins deux ans avant la notification de la décision d'insalubrité ; en l'espèce, l'appelant se contente de produire une facture d'électricité du 3 février 2017 et un avis d'imposition de 2014, ce qui n'est pas constitutif d'une preuve suffisante.

En cause d'appel, l'autorité expropriante acquiesce donc au jugement dont elle demande la confirmation.

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017 - article 41 en vigueur au 1er septembre 2017, l'appel étant du 20 juillet 2022, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de M. [G] du 17 octobre 2022 et celles de la SOREQA du 7 décembre 2022 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de M. [G] porte sur le montant de l'indemnité de dépossession.

Il indique que le premier juge a appliqué à tort l'article L 511-6 du code expropriation, soit la méthode de la récupération foncière, a commis une erreur de droit en ne jugeant pas inconventionnelle l'application de cet article au cas d'espèce ; par ailleurs, il a commis une erreur d'appréciation considérant qu'il n'occupait pas personnellement son appartement.

S'agissant de la date de référence, le premier juge a retenu en application des articles L 213-6 et L 213-6 du code de l'urbanisme, le bien étant soumis au droit de préemption, les possibilités offertes par les règles d'urbanisme définies par le plan local d'urbanisme intercommunal(PLUI) d'Est ensemble du 4 février 2020, entré en vigueur le 27 mars 2020 et plaçant le bien évalué en zone UH.

M. [G] et la SOREQA visent ce PLUI.

En l'absence de contestation des parties, il convient de confirmer le jugement qui a exactement fixé la date de référence en application des articles L213-6 et 213-4 du code de l'urbanisme, le bien exproprié étant soumis au droit de préemption, à la date du PLUI d'Est ensemble du 4 février 2020, entré en vigueur le 27 mars 2020.

À cette date, le bien est situé en zone UH.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit des lots n°5 (un studio) et 2 (un débarras intégré à l'appartement) de l'ensemble immobilier situé [Adresse 6] sur la parcelle cadastrée section AE numéro [Cadastre 9].

Cette rue est à sens unique résidentielle comprenant quelques commerces et est située dans un quartier ancien, excentré du centre-ville.

Elle est desservie par :

'la station « [Localité 23] » (RER E), située à 10 minutes à pied ;

'la station « [Localité 22] » (RER E), située à 17 minutes à pied ;

'la station « [Localité 22] » (T4), située à 17 minutes à pied ;

'le réseau de bus de proximité.

Les biens de M. [G] sont situés au sein d'un immeuble de type R+3 construit en 1914, avec un commerce fermé au rez-de-chaussée ; l'immeuble a été sécurisé.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 16 juin 2022.

- Sur l'indemnité principale

1° Sur les surfaces et les millièmes de copropriété

Le premier juge a retenu une surface de 314 m² pour la surface totale de l'immeuble, qui ressort du mesurage effectué par le cabinet TT GEOMETRE EXPERTS et pour la surface du lot numéro 5, 25,71 m² .

Il a retenu en outre pour les millièmes de copropriété associée au numéro 5: 48 et pour les millièmes de copropriété associée numéro 12: 14.

En l'absence de contestation des parties, le jugement sera confirmé sur ce point.

2° Sur la situation locative

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.

Le premier juge indique que depuis l'arrêté de péril ordinaire numéro 18-122 du 26 mars 2018, les lots n° 2 et 5 sont définitivement interdit à l'habitation et à toute utilisation, de sorte qu'il est libre d'occupation.

Il a donc évalué le bien en valeur libre.

En l'absence de contestation des parties, le jugement sera confirmé sur ce point.

3° Sur la méthode

A sur la description des biens

Il ressort du procès-verbal de transport sur les lieux les éléments suivants:

'les biens de M.[G] sont situés au sein d'un immeuble de type R+3, construit en 1914, avec un commerce fermé au rez-de-chaussée. L'immeuble a été sécurisé ;

'la cage d'escalier de l'immeuble est dans un état très dégradé avec des murs et plafonds très abîmés (murs noircis, traces d'humidité et de moisissures, peinture décollée, trous apparents).

Une porte donne accès aux caves situées en sous-sol. Un escalier en bois, de facture ancienne est en mauvais état, dessert les étages.

Les lots n°2 et 5 correspondent à un appartement situé au premier étage.

Le studio étant très encombré, la visite s'est faite depuis la porte, de laquelle on n'aperçoit que la pièce principale, qui comporte un coin cuisine.

La pièce est en très mauvais état avec des gravats et la poussière qui jonche le sol et un plafond arraché. Du matériel divers et laissé à l'abandon dans la pièce empêche l'accès à l'ensemble du bien. L'électricité ne fonctionne pas.

Le débarras n'a pu être visité en raison de son encombrement.

Le premier juge indique que globalement l'ensemble est dans un très mauvais état d'entretien.

M. [G] indique que l'immeuble est situé en zone UH74F10 du PLUI applicable à la commune [Localité 23] ; or, le règlement applicable à cette zone limite à 30 % l'emprise au sol maximal de surfaces bâties, et limite la hauteur à R+2 (pièce n° 10).

Aussi, avec une emprise bâtie de 100% et une construction en R+3, les copropriétaires ont des droits acquis particulièrement valorisables.

En effet, le droit acquis à l'égard d'une construction permet de maintenir une situation de fait et d'en jouir, même si cette situation n'est plus conforme à la nouvelle réglementation d'urbanisme, en application du principe de non-rétroactivité des normes.

En l'espèce, les copropriétaires ont donc un droit acquis à maintenir leur immeuble construit sur la totalité du foncier et en R+3, en dépit de la nouvelle réglementation d'urbanisme qui limite les constructions à 30 % d'emprise au sol et à une hauteur de deux étages maximum.

D'autre part, l'immeuble est construit en briques, ses façades sont en état correct et le gros 'uvre (structure du bâtiment) n'est pas menaçant ruine, comme l'a souligné l'architecte de M. [V], promoteur acquéreur évincé : « l'état de la structure existante est globalement moyen à moyennement bon quant à sa conservation des caractéristiques résistantes et porteuses ainsi qu'à sa protection des agents extérieurs qui peuvent la dégrader au fil du temps. » (Pièce n°3 : engagement de réhabiliter l'immeuble + chiffrage architecte).

En réalité, seul le plancher haut du sous-sol est à reprendre entièrement et c'est d'ailleurs ce qui a essentiellement justifié les différents arrêtés de péril pris à l'encontre de l'immeuble.

Compte tenu du droit acquis et du bon état général de la structure du bâtiment, cet immeuble n'a pas absolument vocation à être démoli, mais, au contraire, à être réhabilité et rénové ; d'ailleurs, le projet de la SOREQA est relatif à « une opération de réhabilitation » et non à une opération de démolition (pièce numéro 4).

Il y a donc lieu de constater que l'immeuble ne sera pas démoli et qu'en dépit de l'interdiction d'habiter et des travaux à réaliser, il conserve une valeur vénale significative, qui est plus importante que celle du terrain nu déduction faite du coût de démolition.

B sur le choix de la méthode d'estimation

Le premier juge après avoir rejeté les deux moyens d'inconventionnalité de l'article L. 511-6 du code de l'expropriation, a appliqué dans le cadre de la loi Vivien la méthode de la récupération foncière.

En appel, M. [G] indique que le premier juge a appliqué à tort l'article 511-6 du code de l'expropriation.

Il indique que le premier juge a commis une erreur de droit en ne jugeant pas inconventionnelle l'application de cet article au cas d'espèce.

Par ailleurs, il a commis une erreur d'appréciation en considérant qu'il n'occupait pas personnellement son appartement.

L'article L 511-6 du code de l'expropriation dispose que pour le calcul de l'indemnité due au propriétaire, la valeur des biens est appréciée, compte tenu du caractère impropre à l'habitation des locaux et installations expropriées, à la valeur du terrain nu, déduction faite des frais entraînés par leur démolition, sauf lorsque les propriétaires occupaient eux-mêmes les immeubles déclarés insalubres ou frappés d'un arrêté de péril au moins deux ans avant la notification de la décision prévue l'article L 511-2 ou lorsque les immeubles ne sont ni insalubres, ni impropres à l'habitation, ni frappés d'un arrêté de péril.

Ainsi, lorsque l'immeuble exproprié est insalubre, la loi impose au juge de l'expropriation de retenir la méthode de la récupération foncière, sauf les deux exceptions prévues par le texte.

Par arrêt du 17 septembre 2010 (décision numéro 2010-26 QPC SARL l'office central d'accession au logement) le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la constitution les dispositions applicables en matière de résorption de l'habitat insalubre.

M. [G] soulève comme en première instance l'inconventionnalité de l'article L 511-6 du code de l'expropriation, qui a été rejetée par le premier juge.

Le Conseil constitutionnel par décision n°2010-26 QPC du 17 septembre 2010 SARL L'office central d'accession au logement a déclaré conformes à la Constitution les articles 13, 14, 17 et 18(article L 511-16 du code d le'expropriation) de la loi n°70-612 du 10 juillet 1070 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre.

A sur l'inconventionnalité de l'article L511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique en méconnaissance du droit des expropriés au respect de leurs biens prévu par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

L'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

M. [G] indique que le jugement méconnaît le droit au respect des biens prévu par cet article.

Il se fonde sur une décision de la CEDH dans une affaire Preite c. Italie, 17 novembre 2015, requête numéro 28'976/05 qui a jugé que : « afin de déterminer si la mesure litigieuse respecte le juste équilibre voulu et, notamment, si elle ne fait pas peser sur la requérante une charge disproportionnée, il y a lieu de prendre en considération les modalités d'indemnisation prévues par la législation interne »

« sans le versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue normalement une atteinte excessive »

« en l'occurrence, la cour relève que les juridictions nationales n'ont pas pris en compte la valeur marchande du terrain. Leur calcul ne s'est en effet pas basé sur la situation du terrain et ses caractéristiques réelles, de sorte qu'il y a eu indemnisation comme si le terrain litigieux avait été exploité en agriculture. Ce système, qui ne tient aucun compte de la diversité des situations, en méconnaissant les différences résultant notamment de la configuration des lieux, et qui ne permet dès lors pas de calculer une indemnité d'expropriation en rapport avec la valeur marchande du terrain, a d'ailleurs amené la Cour Constitutionnelle à conclure à l'incompatibilité des dispositions pertinentes avec la Constitution. Il résulte de la situation ci-dessus que l'indemnité d'expropriation versée au requérant est largement inférieure à la valeur marchande du terrain en question ».

Il conclut que l'application des dispositions de la législation italienne aboutissait à évaluer les indemnités d'expropriation du bien exproprié selon un calcul abstrait, sans tenir compte ni des caractéristiques du bien ni de sa valeur réelle marchande ; qu'en l'espèce, la proposition d'indemnité de la SOREQA, est calculée selon « la valeur du terrain nu, déduction faite des frais entraînés par la démolition », sans aucune mesure avec la valeur de l'appartement exproprié évalué par le commissaire du gouvernement en première instance selon la méthode par comparaison :

-évaluation de la SOREQA : 2 756 euros pour l'appartement ;

-évaluation du commissaire du gouvernement : 40'090,50 euros ;

que l'application de la méthode imposée par l'article L 511-6 reviendrait à indemniser l'appartement exproprié à une valeur presque 15 fois inférieure à la valeur déterminée selon la méthode par comparaison ; qu'il est incontestable que la SOREQA ne va pas démolir l'immeuble du [Adresse 6], puisqu'il a uniquement pour projet sa réhabilitation (ce qui exclut sa démolition et sa transformation en terrain nu); que l'application de la méthode de la récupération foncière viendra porter une atteinte majeure à son droit de propriété, et donc à contrevenir à l'article 1er du premier protocole de la CEDH.

Il ajoute que dans le cas spécifique où l'immeuble frappé d'un arrêté de péril (ou d'insalubrité) n'est pas démoli, la jurisprudence écarte l'application de la méthode de la récupération foncière :

- « toutefois, le dossier de l'expropriant contient également des pièces relatives à la réhabilitation de l'immeuble à partir de l'existant, ce qui exclut sa démolition... toutefois, la destruction complète de l'ouvrage, seul à même de justifier l'application de l'article L 511-6 du code de l'expropriation, ne résulte en l'état que de la seule affirmation de l'expropriant, qui en réalité ne s'interdit pas de choisir une autre solution. Or, s'agissant d'une atteinte majeure au droit de propriété, la cour ne peut se satisfaire d'une simple possibilité. Dans ces conditions, par motifs adoptés, la décision du juge de l'expropriation sera également confirmée (Cour d'Appel de Riom, 26 octobre 2021, RG 20/00003). »

-« or la destination de ce bien n'est pas d'être démoli ou rasé complètement.

Il n'y aura donc jamais de « terrain nu » sur le fonds exproprié. Au final, l'ensemble du dossier montre qu'il ne s'agit pas d'une opération de démolition/reconstruction mais d'une opération de restauration/réhabilitation, ce qui n'est pas du tout la même chose. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de tenir compte des frais de démolition au sens de l'article L511-6 du code l'expropriation, puisque de tels frais n'auront donc pas lieu. La méthode dite « de récupération foncière », fondée sur ce texte, a donc été pertinemment écartée par le juge de l'expropriation, il convient d'estimer le bien suivant la méthode classique des termes de comparaison. » (pièce n°12 : Cour d'Appel de Riom, 26 octobre 2021, RG 20/00001).

En l'espèce, M. [G] est fondé à se prévaloir du droit garanti par l'article 1er du protocole additionnel n°1 de la Convention, le bien exproprié constituant effectivement un « bien » protégé au sens de cet article.

La mesure contestée, à savoir l'article L 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, constitue une ingérence dans l'exercice de ce droit, dès lors que :

'M.[G] est privé de sa propriété par la procédure d'expropriation, dont l'utilité publique a été déclarée par arrêté préfectoral numéro 2019-2791 du 22 octobre 2019 ;

'son bien a été définitivement interdit à l'habitation et à toute utilisation par arrêté de péril ordinaire numéro 18-122 du 26 mars 2018, et, en vertu dudit article, selon la méthode ' restrictive ' de la récupération foncière, qui consiste à prendre en compte la seule valeur du terrain nu, déduction faite des frais de démolition.

Cette ingérence a une base légale claire, accessible et prévisible en droit interne en ce qu'elle est prévue par la loi et est justifiée par un but légitime, à savoir l'utilité publique; en effet, les articles 13, 14,17 et 18 de la loi du 10 juillet 1970 modifiée confient au préfet la possibilité de déclarer l'expropriation d'utilité publique de certains immeubles ou terrains dans deux hypothèses :

'pour les immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable, l'application de l'article L 1331-25 ou L 1331-28 du code de la santé publique ;

'pour les immeubles ayant fait l'objet d'un arrêté de péril assorti d'une ordonnance de démolition ou d'une interdiction définitive d'habiter, en application de l'article L 511-2 du code de la construction et l'habitation.

Cette procédure d'expropriation est dérogatoire à celle régie par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; notamment en ce que :

'elle impose au préfet d'indiquer, dans son arrêté, la collectivité publique ou l'organisme au profit de qui est poursuivie l'expropriation, de mentionner les offres de relogement faites aux habitants ;

'l'arrêté déclare la cessibilité et fixe le montant de l'indemnité provisionnelle à propriétaire et aux titulaires de baux. Cette évaluation ne peut toutefois être inférieure à l'évaluation faite par le service des domaines.

En outre :

'elle permet la prise de possession de l'immeuble dès le paiement de la consignation d'une indemnité provisionnelle dont le montant est fixé par arrêté du préfet ;

'limite l'appréciation de la valeur des biens, sauf exceptions, au montant du terrain nu déduction faite des frais entraînés par leur démolition.

Cette décision peut faire l'objet d'un recours devant les juridictions administratives, ce que n'a pas fait en l'espèce M. [G].

Dans un arrêt Scodino c/ Italie, Grande Chambre, n°36'813/97, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les objectifs légitimes d'utilité publique, tels que poursuivre les mesures de réformes économiques ou de justice sociale, peuvent militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande.

Il convient de s'assurer que concrètement, dans l'affaire en cause, une telle ingérence est nécessaire dans une société démocratique et, en particulier, si elle est proportionnée au but légitime poursuivi.

En l'espèce, la mesure contestée est justifiée compte tenu de l'état délabré du bien appartenant à M.[G] et de son caractère impropre à l'habitation.

La réhabilitation de l'habitat insalubre est poursuivie dans un but d'intérêt général ; le législateur a prévu la possibilité pour le juge d'écarter l'application de dispositions contestées lorsque les propriétaires occupaient eux-mêmes les immeubles déclarés insalubres ou frappés d'un arrêté de péril au moins deux ans avant la notification de la décision prévue à l'article L511-2 du code l'expropriation pour cause d'utilité publique ; le recours aux dispositions de l'article L511-6 du code l'expropriation pour l'évaluation de l'indemnité d'expropriation est fondée sur l'article L511-1 dudit code à savoir pour les immeubles ayant fait l'objet d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité en application de l'article L511-11 du code de la construction et l'habitation et ayant prescrit la démolition ou l'interdiction d'habiter ou à titre exceptionnel, des immeubles qui sont eux-mêmes ni insalubres, ni impropres à l'habitation, lorsque leur expropriation est indispensable à la démolition d'immeubles insalubres ou d'immeubles menaçant ruine, ainsi que des terrains où sont situés les immeubles déclarés insalubres ou menaçant ruine, lorsque leur acquisition est nécessaire à la résorption de l'habitat insalubre, alors même qu'y seraient également implantés des bâtiments non insalubres ou ne menaçant pas ruine ; qu'à cet égard, il s'agit en l'espèce d'un immeuble ayant fait l'objet d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité en application de l'article L511-11 du code de la construction et l'habitation et ayant prescrit la démolition ou l'interdiction d'habiter ; qu'en conséquence, il est indifférent que le projet de la SOREQA ne consiste pas dans une démolition, mais dans un projet de réhabilitation, puisque le critère retenu pour calculer les indemnités est justifié par l'objectif que le législateur s'est fixé, en tant qu'il s'agit de pallier les carences des propriétaires à effectuer des travaux nécessaires pour remédier à l'insalubrité des immeubles leur appartenant, et qu'il peut dons s'agir d'une interdiction d'habiter.

L'indemnisation de M. [G] selon la méthode de la récupération foncière est raisonnablement en rapport avec la valeur du bien (CEDH, 21 février 1986, James c. Royaume-Uni N°8793/79), l'article 1er ne garantissant pas le droit à une compensation intégrale, s'agissant d'objectifs légitimes du législateur, à savoir les articles 13, 14, 17 et

18 de la loi N°70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre.

En conséquence, l'article 511-6 du code l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui ménage le juste équilibre entre les intérêts en présence, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au respect des biens de M. [G] au regard du but légitime poursuivi.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement qui a exactement rejeté l'inconventionnalité soulevée pour violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

B sur l'inconventionnalité de l'article L511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique en méconnaissance du principe d'égalité prévu par l'article 1er du protocole additionnel numéro 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

L'article 1er du protocole additionnel numéro 12 à la Convention prévoit que la jouissance de tous droits prévus par la loi doit être assurée, sans discrimination aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Nul ne peut faire l'objet d'une discrimination de la part d'une autorité publique quelle qu'elle soit , fondée notamment sur les motifs précédemment mentionnés.

L'article 14 de la Convention prévoit quant à lui que la jouissance des droits et liberté reconnue par la convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions publiques ou tout autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

M. [G] indique que par acte notarié du 25 octobre 2019, la SOREQA a acheté à Madame [X] le local commercial du rez-de-chaussée du [Adresse 6] à un prix de 911'110 euros, soit un prix de 1536 euros/m² (pièce n°13); que si la SOREQA avait appliqué la méthode de la récupération foncière, elle aurait acquis ce local à la somme de seulement : 274/1000° X 29,96 euros= 8 217 euros (soit 14 fois moins cher); qu'il est donc manifeste que la SOREQA a évalué le prix de ce lot de Mme [X] selon la méthode par comparaison ; que les autres copropriétaires expropriés sont dans la même situation que Madame [X], étant propriétaires d'un lot de copropriété situé dans le même immeuble frappé de péril, ce péril concernant l'immeuble en entier ; que c'est à tort que le jugement retient que la nature du local exproprié (commerciale ou d'habitation), justifierait une différence de traitement ; qu'en effet, l'arrêté de péril a frappé l'immeuble entier donc tous les lots, que ce soit à usage d'habitation ou de commerce et non pas uniquement les habitations et que de plus l'arrêté de péril a pour effet d'interdire à la fois l'occupation des lots d'habitations mais aussi l'exploitation des lots à usage de commerce ; que la SOREQA n'applique pas la même méthode d'évaluation à tous les copropriétaires expropriés du [Adresse 6] ; que ces inégalités de traitement, conduisant à des offres d'indemnisation 14 fois inférieure, est contraire au principe d'égalité garanti par la CEDH ; que dès lors, l'application de l'article L 511-6 du code de l'expropriation au présent litige revient à contrevenir à des dispositions conventionnelles.

Cependant, l'utilisation de méthodes d'évaluations différentes pour indemniser les propriétaires au sein du même immeuble et concernés par la même opération d'expropriation est justifiée en l'espèce, puisque les propriétaires ne sont pas placés dans une situation comparable, Madame [X] étant propriétaire d'un local commercial et M. [G] d'un local d'habitation.

Dès lors, l'article 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui ne conduit pas traiter de manière différente des personnes placées dans une situation analogue, n'entraîne pas de discrimination de la part de l'autorité publique à l'égard de M. [G].

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a écarté l'inconventionnalité de l'article L511-6 du code l'expropriation pour cause d'utilité publique soulevée par M. [G] pour méconnaissance du principe d'égalité prévue par l'article 1er du protocole additionnel numéro 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

C sur la demande subsidiaire d'occupation personnelle de l'exproprié

M. [G] indique à titre subsidiaire, que le premier juge a considéré à tort qu'il n'occupait pas personnellement l'appartement exproprié, de sorte qu'il ne pouvait pas bénéficier de l'exception d'application de l'article L511-6 du code de l'expropriation ; que cet article dérogeant au droit commun, doit être interprété strictement et il faut donc considérer que l'occupation personnelle par le propriétaire exproprié s'entend comme la conservation, à son profit, de l'usage de l'appartement, sans que celui-ci soit nécessairement déclaré comme son domicile principal ; que cet article ne doit en aucun cas sanctionner des propriétaires occupants, victimes collatérales de blocage au niveau du fonctionnement de la copropriété ; qu'il a toujours personnellement occupé son appartement depuis son acquisition en 2012, soit plus de deux ans avant l'arrêté de déclaration d'utilité publique ; qu'il produit en appel, des factures d'électricité relatives à son appartement au [Adresse 6], libellées à cette adresse (pièce numéro 14), ainsi qu'un avis d'imposition libellée à cette adresse ; qu'avant l'interdiction d'habiter, il occupait effectivement personnellement son appartement (pièce numéro 15).

Les pièces sont les suivantes :

Les factures EDF sont les suivantes :

- pièce N°14 : [Adresse 6] ; 3 février 2017, 3 mars 2017, 3 avril 2017, 3 mai 2017, 2 juin 2017, 3 juillet 2017 et 3 août 2017 ;

- pièce n°15: avis d'imposition 2014.

En conséquence, au regard des dates des factures susvisées, l'arrêté préfectoral étant du 22 octobre 2019, interdisant définitivement à l'habitation et à toutes autres utilisations de l'immeuble, M. [G] rapporte la preuve qu'il occupe lui-même l'immeuble frappé d'un arrêté de péril au moins deux ans avant la notification de la décision prévue à l'article L 511-2, puisqu'il est produit un avis d'imposition de 2014 au [Adresse 6] et des factures EDF de février 2017 à août 2017 libellées au [Adresse 6].

Il convient en conséquence d'écarter la méthode de la récupération foncière et de retenir la méthode habituelle de la comparaison.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

4° Sur les références des parties

Il convient en conséquence d'examiner les références des parties :

a) Les références de M. [G]

Dans le cadre de la méthode par comparaison ,il propose les références suivantes :

-Jugement définitif du 16 juin 2022 RG 21-32 Mme [E], aux termes duquel le juge de l'expropriation a évalué l'appartement en déterminant la valeur basse du marché immobilier de référence et en y appliquant un abattement pour vétusté de 40 % pour tenir compte de l'arrêté de péril.

M. [G] indique que les surfaces et l'état d'entretien étant quasi identique et le jugement n'ayant pas été contesté par la SOREQA, il y a lieu de reprendre la méthode de calcul, soit une valeur basse de marché de référence de 2 400 euros/m² basé sur 19 ventes, en retenant un prix unitaire arrondi de 1 450 euros/m² après application d'un abattement pour vétusté de 40 %.

Il indique qu'il y a lieu de tenir retenir les mêmes 19 ventes d'appartement qui sont de surface comparable, situées dans un périmètre proche (500 m) entre 2018 et 2021 (avec les références de publication) :

N° du terme

Date de vente

Adresse

Surface/m²

Prix en euros

Prix en euros/m²

CG1

24 mars 2021

[Adresse 14]

36,43

120'000

3294

CG2

1er juillet 2020

[Adresse 12]

29,47

127'000

4309

CG3

16 septembre 2020

[Adresse 5]

33,8

153'000

4527

CG4

5 juin 2020

[Adresse 19]

30,64

111'000

3623

CG5

26 mars 2021

[Adresse 19]

30,07

137'000

4556

CG6

14 octobre 2020

[Adresse 2]

28,69

90'000

3137

DEM7

28 septembre 2018

[Adresse 8]

38,88

90'000

2315

DEM8

8 octobre 2018

[Adresse 10]

35,65

95'000

2665

DEM9

31 janvier 2018

[Adresse 17]

33,6

110'000

3274

DEM

10

9 août 2018

[Adresse 1]

34,08

105'000

3081

DEM

11

28 janvier 2020

[Adresse 5]

24,2

100'000

4132

DEM12

6 juillet 2018

[Adresse 7]

32,53

103'000

3166

DEM13

8 août 2019

[Adresse 7]

39,53

140'000

3542

DEM14

3 mai 2019

[Adresse 15]

34,55

113'000

3271

DEM15

29 mars 2018

[Adresse 18]

26,5

93'000

3509

DEM16

18 avril 2019

[Adresse 19]

28,83

84'000

2914

DEM17

14 mars 2018

[Adresse 4]

35,88

112'500

3135

DEM18

27 août 2019

[Adresse 4]

35,02

143'000

4083

DEM19

18 octobre 2019

[Adresse 4]

35,33

123'000

3481

moyenne

minimum

maximum

3474

2315

4556

Ces références étant comparables en consistance et en localisation seront retenues, ainsi que le jugement définitif du 16 juin 2022 (pièce N°7), ces éléments n'étant pas contestés par la SOREQA.

b) Les références de la SOREQA

Elle ne propose pas de termes de comparaison dans le cadre de la méthode par comparaison.

Il sera donc retenu les références de M. [G] soit la valeur basse du marché de 2 400 euros/m² avec un abattement de 40 % soit un prix unitaire de 1 440 euros/m² arrondis à 1 450 euros/m², pour tenir compte de l'évolution du marché.

En conséquence l'indemnité principale est de :

1 450 euros X 25,71 m² = 37 279,50 euros

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur l'indemnité de remploi

Elle est calculée selon la jurisprudence habituelle comme suit :

20% entre 0 et 5 000 euros : 1 000 euros

15% entre 5001 et 15'000 euros : 1500 euros

10 % pour le surplus soit : 37'279,50 euros -15'000 euros X10/100= 2 227,95 euros

soit un total de 4 727,95 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

L'indemnité totale de dépossession foncière à verser par la SOREQA à M. [G] est de 42'007, 45 euros en valeur libre se décomposant comme suit :

'indemnité principale : 37'279,50 euros ;

'indemnité de remploi : 4 727,95 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la SOREQA à verser à M. [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter M. [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.

La SOREQA perdant le procès sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans la limite de l'appel ;

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Fixe l'indemnité due par la société de requalification des quartiers anciens (SOREQA) à M.[T] [G] au titre de la dépossession des lots numéro deux et cinq de la copropriété située [Adresse 6] à [Localité 23], sur la parcelle cadastrée section AE numéro [Cadastre 9] à la somme de 42'007, 45 euros en valeur libre se décomposant comme suit :

'indemnité principale : 37'279,50 euros ;

'indemnité de remploi : 4 727,95 euros.

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Déboute M.[G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SOREQA aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 22/12589
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;22.12589 ?
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