La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°21/04206

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 04 avril 2024, 21/04206


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 04 AVRIL 2024



(n° 166 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04206 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDVQD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 avril 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° F19/00332





APPELANT

Monsieur [S] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

ReprÃ

©senté par Me Sandra MORENO-FRAZAK, avocat au barreau de l'ESSONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/041650 du 12/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridic...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 04 AVRIL 2024

(n° 166 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04206 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDVQD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 avril 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° F19/00332

APPELANT

Monsieur [S] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Sandra MORENO-FRAZAK, avocat au barreau de l'ESSONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/041650 du 12/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

S.A.R.L. KEOLIS SEINE ESSONNE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexis GINHOUX, avocat au barreau de PARIS, toque P 237

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Marie SALORD, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON

ARRÊT :

-  CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Keolis Seine Essonne (ci-après la société Keolis) a pour activité le transport routier urbain des voyageurs dans le département de l'Essonne, emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.

M. [S] [T] a été engagé par la société Keolis suivant contrat de travail écrit à durée indéterminée à effet au 10 juillet 2017, avec reprise d'ancienneté au 10 avril 2017, en qualité de conducteur receveur, coefficient 140V, emploi 9, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1.819,09 euros pour un horaire mensuel de 151,67 heures. La moyenne de salaire sur les 12 derniers mois est de 1.909,70 euros.

Préalablement à ce contrat, M. [T] avait été mis à disposition de la société Keolis dans le cadre de missions d'intérim à compter d'octobre 2016.

Le 4 février 2019, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, sans mise à pied conservatoire.

L'entretien a eu lieu 14 février 2019 en présence d'un délégué syndical M. [K].

M. [T] a été licencié pour faute grave le 22 février 2019 pour comportement agressif et dangereux à l'encontre de tiers.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry pour contester son licenciement.

Par jugement en date du 13 avril 2021, le conseil de prud'hommes d'Evry a :

- débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes ;

- laissé les dépens à la charge de M. [T].

M. [T] a interjeté appel de cette décision le 30 avril 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 1er mars 2023, M. [T] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il le déboute de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il le condamne aux entiers dépens ;

En conséquence :

- d'ordonner sa réintégration au sein de la société Keolis ;

- de condamner la société Keolis à lui verser les sommes suivantes :

indemnité compensatrice de préavis : 3.819,40 euros

congés payés afférents : 381,94 euros

indemnité légale de licenciement : 1.113,99 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 15.000 euros

- d'assortir les sommes des intérêts au taux légal applicable ;

- d'ordonner la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, solde de tout compte, certificat de travail) et d'un bulletin de paie conformes au 'jugement' à intervenir sous contrainte de 50 euros par jour de retard et par document ;

- de condamner la société Keolis Seine Essonne au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

- de condamner la société Keolis Seine Essonne aux entiers dépens.

M. [T] conteste les faits reprochés et relève qu'il n'a pas été mis à pied après avoir été convoqué à un entretien préalable, alors que la société invoque un comportement inacceptable et dangereux.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 29 juillet 2021, la société Keolis Seine Essonne demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- débouter M. [T] de ses demandes, fins, prétentions et conclusions,

- condamner M. [T] aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

La société considère au contraire que la preuve des faits est rapportée par les pièces produites.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 6 décembre 2023.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, il est reproché au salarié les faits suivants :

«En date du 30 janvier 2019, lors de votre service sur la ligne 305, à la gare de [Localité 6], vous avez eu une altercation avec un agent de conduite de la filiale Keolis Seine Sénart. En effet, vous étiez garés tous deux à l'arrêt de la gare, l'agent vous a klaxonné lors de votre sortie de l'arrêt de bus afin d'éviter une collision. Lors de l'entretien, vous avez indiqué que vous étiez déjà garé à l'arrêt de bus de la gare de [Localité 6] et vous avez déclaré que « le conducteur du bus de Keolis Seine Sénart s'est positionné très proche, me gênait. Cet agent me fait des reproches, a klaxonné quand je suis sorti car le passage était étroit et risque de toucher mon rétroviseur ».

Nous vous rappelons également les termes de l'article 14 - Discipline au travail du règlement intérieur qui stipulent que « [...] il est obligatoire de façon générale : [...] - d'avoir un comportement courtois avec les clients, les collègues de travail et tout tiers à l'entreprise. [...]».

A toutes fins utiles, en application de l'article 5 du Règlement Intérieur : « Chaque membre du personnel se doit de conserver en bon état de marche le matériel qui lui sera confié en vue de l'exécution de son travail.. »

Nous vous rappelons qu'en tant que professionnel de la route, vous vous devez d'anticiper toutes les situations tout en étant vigilant à votre environnement de conduite.

D'autre part, le 1er février dernier, nous avons reçu une plainte d'un passager concernant le comportement dangereux d'un de nos conducteurs.

Selon les éléments transmis, le 1er février 2019 vers 14h30, le conducteur en service sur la ligne 305 en direction de [Localité 6], a fait preuve d'un comportement dangereux et agressif envers un client.

Après enquête, il s'avère que vous êtes le salarié concerné par cette plainte.

Il apparaît que vous avez été vu lors de ce service en train d'utiliser votre téléphone portable.

Vous avez vociféré des injures envers un client lors de sa montée dans votre bus. Vous lui avez reproché d'être peu visible sous l'abri bus. En effet, celui-ci c'était abrité à cause de la pluie en attendant le passage du bus. De plus, vous n'avez pas laissé le temps à un autre client à mobilité réduite, pour lui permettre de monter dans votre bus. Cette personne est donc restée à l'arrêt Mairie.

Tous ces éléments ont donné lieu à une réclamation de la part de notre clientèle.

Vous avez reconnu votre entière responsabilité concernant votre comportement dangereux en le justifiant par l'attente d'un appel personnel important. Vous avez également reconnu que vous avez eu un comportement inacceptable envers plusieurs usagers.

Le règlement Intérieur précise dans son Article 14 - Discipline au travail : «Il est interdit de façon générale (...)

- de donner ou de recevoir dans l'entreprise des communications téléphoniques personnelles sauf cas de force majeure ;

- d'utiliser les téléphones portables pour des communications personnelles durant son temps de travail (hors pause)...

- de tenir des propos grossiers ou injurieux dans l'entreprise ou pendant le travail ».

De plus, le 4 février dernier, vous vous êtes présenté auprès de M.[P] afin de connaître les faits ayant motivé votre convocation en entretien disciplinaire.

M.[P] vous a expliqué que ceux-ci seront abordés lors de l'entretien disciplinaire.

Vous êtes alors parti demander à votre supérieur hiérarchique, M.[O], s'il était au courant des incidents retenus. M.[O] ne vous a apporté aucune indication.

Vous êtes alors sorti sur le dépôt et avait donné un coup de pied sur la chaise pour «extérioriser votre colère ».

Enfin, lors de l'entretien, vous nous avez confirmé que «si vous êtes en colère ou contrarié, vous pouvez très bien rentrer dans le mur avec le bus ou griller un feu rouge».

Pour rappel, nous avions déjà été contraints de vous rappeler à l'ordre en novembre 2017 suite à un comportement agressif envers des usagers. Puis, en décembre 2018, par une mise à pied de cinq jours pour comportement agressif envers un collègue. Vous vous étiez engagé à plusieurs reprises, auprès de la Direction, à cesser votre comportement violent et agressif envers les usagers et les collègues.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 14 février 2019 ne nous ont donc pas permis de modifier notre appréciation sur ce sujet.

Compte tenu de la gravité des faits reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère donc impossible.

Nous n'avons donc pas d'autre solution que de vous licencier pour faute grave pour comportement agressif et dangereux à l'encontre de tiers».

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve d'une faute grave.

M. [T] a été licencié pour faute grave en raison de trois griefs :

- le 30 janvier 2019, altercation à la gare de [Localité 6] avec un collègue de la société Keolis Seine Sénart,

- le 1er février 2019, plainte d'un passager pour avoir conduit avec le téléphone au volant, injurié un passager et ne pas avoir laissé monter une personne à mobilité réduite,

- le 4 février 2019, avoir frappé une chaise après ne pas avoir eu d'explication sur la raison de sa convocation à un entretien préalable.

Sur les faits du 30 janvier 2019, la société se borne à produire un mail du 30 janvier 2019 adressé par M. [I] de la société Keolis Seine Sénart à M. [J] responsable d'exploitation de cette même société qui indique :

'M. [B] [N] me signale qu'il a eu une altercation avec le conducteur de la ligne 305 KSE INSULTE ET JET DE BOUTEILLE SUR LE BUS

GARE ROUTIERE DE [Localité 6]

LE 30 JANVIER A 19H00'.

M. [T] conteste quant à lui avoir eu une altercation violente avec son collègue et reconnaît simplement le fait que l'autre conducteur l'a klaxonné.

Le compte rendu de l'entretien préalable, établi par le conseiller du salarié, dont les termes n'ont pas été contestés par l'employeur et qui ont été réitérés dans une attestation, mentionne que M. [P], responsable du centre, avait alors indiqué qu'il ne tiendrait pas compte de cette réclamation, puisque le rapport réclamé à Keolis Seine Sénart n'était jamais arrivé, cette dernière ayant également indiqué qu'elle allait procéder à une extraction vidéo de l'incident, non transmise aux débats.

En l'absence d'éléments plus précis et notamment d'une attestation circonstanciée du chauffeur impliqué dans cet incident, ce premier grief n'est pas établi.

Sur les faits du 1er février 2019, la société produit 'la plainte spontanée d'un usager', effectuée le jour même, signalant un incident à 14h30 au niveau de l'arrêt [Localité 5] sur la ligne 305, dans les termes suivants :

« Bonjour, je tiens à signaler le comportement du conducteur qui roule avec son téléphone à la main et lis ses messages. Qui vers l'arrêt de marie n'a pas laissé le temps à un handicapé de monter. Conduite très brusque avec freinage violent. Injure avant qu'un client monte dans le bus car celui-ci était à l'abri de la pluie dans l'abri bus donc peu visible puis ce permet de lui faire une réflexion en montant à bord. Et le trajet n'est même pas terminé.»

Force est de constater que ce document ne mentionne pas le nom du témoin et n'est pas signé. Il ne détaille pas plus les circonstances des faits relatés (place dans le bus, termes de l'injure et de la réflexion faites au passager notamment).

En outre la société indique que le salarié a reconnu les faits alors qu'il ressort du compte rendu de l'entretien préalable que M. [T] a, au contraire, contesté avoir utilisé son téléphone portable, avoir injurié un passager et ne pas avoir permis à une personne à mobilité réduite d'entrer dans le bus.

Ainsi, le seul document produit aux débats dont l'auteur n'est pas identifié ne permet pas de caractériser le deuxième grief reproché.

Enfin, sur les faits du 4 février 2019, le salarié reconnaît avoir bousculé une chaise et explique ce geste par son état de stress lorsqu'il a été informé de sa convocation à un entretien préalable, ses supérieurs hiérarchiques n'ayant pas voulu lui indiquer le motif de sa convocation. Il conteste en revanche avoir dit qu'en état de colère, il pouvait 'rentrer dans un mur avec le bus ou griller un feu rouge'.

Le compte rendu de l'entretien préalable rapporte que M. [T] a indiqué qu'il avait souhaité connaître le motif de sa convocation afin de ne pas conduire le bus dans un état de stress, et ainsi être pleinement concentré sur sa conduite.

Le seul fait établi par l'employeur, à savoir le déplacement d'une chaise, dans un geste d'énervement par le salarié qui venait d'être informé de sa convocation à un entretien disciplinaire, est insuffisant à établir une faute grave, ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement, même à l'égard d'un salarié ayant déjà fait l'objet de sanctions.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute grave et débouté le salarié de ses demandes.

Sur les demandes pécuniaires et de réintégration

En premier lieu, l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 applicable à la date de la rupture dispose que lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l'article.

La société refusant dans ses écritures la réintégration du salarié, celle-ci ne peut être ordonnée.

En revanche, le salarié est bien fondé à obtenir des indemnités de rupture et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En deuxième lieu, M. [T] soutient qu'il a plus de 2 ans d'ancienneté en considérant que la période sous contrat d'intérim doit être prise en compte, 's'agissant d'une embauche sous CDI vu l'irrégularité des motifs de recours et embauche lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise'.

A compter du 27 octobre 2016, le salarié est intervenu au sein de la société Keolis, mais en qualité d'intérimaire employé par une société tierce. Or, force est de constater que le salarié ne formule aucune demande de requalification de sa période d'intérim en contrat à durée indéterminée à l'égard de la société Keolis et il ne peut donc être tenu compte que de l'ancienneté volontairement reprise par son employeur dans le contrat de travail, soit à compter du 10 avril 2017.

Son ancienneté lors de la rupture doit donc être calculée entre le 10 avril 2017 et le 22 février 2019, soit un an, dix mois et douze jours.

En troisième lieu, son ancienneté étant inférieure à 2 années, il peut obtenir une indemnité de préavis égale à un mois de salaire, en application de l'article 13 de l'Accord du 27 février 1951 relatif aux employés, Annexe II, soit la somme de 1.909,70 euros bruts et les congés payés afférents.

En quatrième lieu, sur l'indemnité légale de licenciement, l'article L. 1234-9 du code du travail indique que : « Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire [soit 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté]. »

En l'espèce, compte tenu du préavis d'un mois, M. [T] avait une ancienneté d'un an, onze mois et douze jours et a perçu un salaire moyen sur douze mois de 1.909,70 euros. Il est donc bien fondé à obtenir une indemnité de licenciement de 930,96 euros.

Enfin, sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié considère, au visa de l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT sur le licenciement, ratifiée par la France le 16 mars 1989 et de l'article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999, que la Cour n'est nullement tenue par les plafonds « Macron » et a toute compétence et possibilité de lui accorder la juste réparation de son préjudice.

L'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT sur le licenciement, ratifiée par la France le 16 mars 1989, dispose que si les tribunaux arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

L'article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999, mentionne quant à elle qu'en 'vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître (...) : b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée'.

Or, les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations énumérées, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi ; qu'en outre, le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée, étant rappelé que les dispositions de la Charte sociale européenne n'étant pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l'invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Ainsi, il appartient au juge d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux fixés.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 et pour une ancienneté d'une année complète, la loi prévoit une indemnité minimale de 1 mois et maximale de 2 mois.

Eu égard à son âge, à son ancienneté, à son salaire et aux pièces produites sur sa situation postérieure (trois recherches d'emploi et deux fiches de paie), étant relevé que l'attestation pôle emploi produite est au nom de Mme [R] dont le lien avec l'appelant n'est pas précisé, il lui sera alloué la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes accessoires

La société qui succombe devra supporter les dépens de première instance et d'appel et en application de l'article 700 2° du code de procédure civile devra verser à l'avocate de l'appelant la somme de 1.000 euros pour la procédure de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de réintégration de M. [T] au sein de la société Keolis Seine Essonne ;

Statuant à nouveau et y ajoutant':

DIT que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Keolis Seine Essonne à verser à M. [T] les sommes suivantes :

- indemnité compensatrice de préavis : 1.909,70 euros bruts,

- congés payés afférents : 190,97 euros bruts,

- indemnité légale de licenciement : 930,96 euros,

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 2.000 euros,

DIT que les créances salariales produisent intérêts à compter de la convocation de la société devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la présente décision ;

ORDONNE à la société Keolis Seine Essonne de remettre à M. [T] les documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, solde de tout compte, certificat de travail) et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision dans le mois de sa notification ;

REJETTE la demande d'astreinte ;

CONDAMNE la société Keolis Seine Essonne au paiement de la somme de 1.000 euros à Maître Sandra Moreno-Frazak, avocate de l'appelant, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991;

CONDAMNE la société Keolis Seine Essonne aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/04206
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;21.04206 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award