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03/04/2024 | FRANCE | N°21/12201

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 03 avril 2024, 21/12201


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 03 AVRIL 2024



(n° /2024, 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12201 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6XD



Décision déférée à la Cour : jugement du 31 Mai 2021 - tribunal de commerce de MELUN - RG n° 2020F00331







APPELANTE



S.A.R.L. EMGI prise en la personne de son représentant

légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Angélique PESCAY, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU, substituée à l'audience par Me...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 03 AVRIL 2024

(n° /2024, 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12201 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6XD

Décision déférée à la Cour : jugement du 31 Mai 2021 - tribunal de commerce de MELUN - RG n° 2020F00331

APPELANTE

S.A.R.L. EMGI prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Angélique PESCAY, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU, substituée à l'audience par Me Claire CROUZILLES, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

INTIMEE

S.A. TROIS MOULINS HABITAT agissant poursuites et diligences de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Christian PAUTONNIER de la SELARL PAUTONNIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0159

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Ange Sentucq, présidente

Mme Elise Thévenin-Scott, conseillère

Mme Anne Chaply, conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Céline RICHARD

ARRET :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 20 décembre 2023 et prorogé plusieurs fois jusqu'au 03 avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Ange Sentucq, présidente de chambre et par Manon Caron, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société SARL E.M.G.I est une société spécialisée dans les travaux d'installations électriques.

La société SA Trois Moulins Habitat a pour activité la réalisation d'opérations de construction et d'habitations à loyers modérés répondant aux prescriptions des articles L 422-2 et L 411-1 du Code de la construction et de l'Habitation.

Selon acte d'engagement signé le 24 octobre 2013, intitulé 'Marché à bons de commande multiattributaire pour les travaux de remise en état et d'adaptation aux handicaps des appartements Agence Sud lot n°2", la société Trois Moulins Habitat a confié à la société EMGI la réalisation de travaux tous corps d'état en vue de la relocation, après remise en état et adaptation aux handicaps, des logements situés lot n°1 Agence Nord et lot n°2 Agence Sud sans autre précision de lieu pour lesquels ont été rédigés un Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP) et un Cahier des Clauses Techniques Particulières (CCTP) auxquels les parties font référence nonobstant leur absence de date et de signature.

Entre le 3 novembre 2014 et le 2 mars 2015, la sociéte E.M.G.I a émis 143 factures à la

société Trois Moulins Habitat pour un total de 337 741,62 euros.

Par acte d'huissier de justice en date du 31 octobre 2019, la SARL E.M.G.I a fait assigner la société [Adresse 5] aux fins de voir :

- condamner la société Trois Moulins Habitat à payer à la société E.M.G.I la somme de

337 741,62 euros au titre des travaux exécutés et non réglés.

- dire que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de l'assignation.

- condamner la société Trois Moulins Habitat à payer à la société E.M.G.I la somme de

10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

- condamner la société Trois Moulins Habitat aux entiers dépens.

Par jugement en date du 26 octobre 2020, le tribunal a prononcé la caducité de l'acte introductif d'instance pour défaut de comparution de la requérante.

Suivant jugement en date du 25 janvier 2021, le tribunal a relevé la requérante de la caducité encourue et ordonné le renvoi au 22 février 2021 pour la poursuite de l'instance.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 29 mars 2021.

A l'issue des débats le président a indiqué que le délibéré était fixé au 31 mai 2021 par mise à disposition de la décision au greffe de la juridiction.

Par jugement du 31 mai 2021, le tribunal de commerce de Melun a statué en ces termes :

Déboute la SARL E.M.G.I de l'ensemble de ses prétentions,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Condamne la SARL E.M.G.I à payer à la société [Adresse 5] la somme de :

2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL E.M.G.I en tous les dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de

151,61 euros TTC

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration en date du 29 juin 2021, la Sarl E.M.G.I a interjeté appel du jugement prononcé le 31 Mai 2021, intimant devant la cour d'appel de Paris la SA Trois Moulins Habitat.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 mai 2023, la société E.M.G.I demande à la cour de :

Recevoir la société EMGI en son appel et le déclarer recevable,

Se déclarer valablement saisie des demandes de la société EMGI par sa déclaration d'appel du 29 juin 2021,

Déclarer irrecevable le recours de la société Trois Moulins Habitat contre le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 26 octobre 2020 valant rétractation de la décision de caducité,

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 31 mai 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Trois Moulins Habitat de ses demandes,

Statuant à nouveau,

Condamner la société Trois Moulins Habitat à régler à la société EMGI la somme de

350 680,27 euros avec intérêts au taux de 0,93 % l'an sur les sommes suivantes :

- 44 275,89 euros à compter du 02/01/2015

- 17 089,42 euros à compter du 03/02/2015

- 51 742,98 euros à compter du 13/02/2015

- 195 066,37 euros à compter du 01/03/2015

- 3 597,40 euros à compter du 20/03/2015

- 38 908,21 euros à compter du 01/05/2015

A titre subsidiaire, s'il est fait application de la clause 19 du CCAP,

Déclarer recevable l'action en paiement engagée pour les factures émises sur ordres de service postérieurs au 23 octobre 2014,

En conséquence,

Condamner la société Trois Moulins Habitat à régler à la société EMGI la somme de 77 844,38 euros avec intérêts au taux de 0,93 % l'an sur les sommes suivantes :

- 3 582,56 euros à compter du 13/02/2015

- 31 756,21 euros à compter du 01/03/2015

- 3 597,40 euros à compter du 20/03/2015

- 38 908,21 euros à compter du 01/05/2015

En tout état de cause,

Condamner la société Trois Moulins Habitat à régler à la société EMGI la somme de 50 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en raison de son comportement déloyal,

Débouter la société Trois Moulins Habitat de l'intégralité de ses demandes,

Condamner la société Trois Moulins Habitat à régler à la société EMGI la somme de 10 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance, outre les dépens de première instance,

Condamner la société Trois Moulins Habitat à régler à la société EMGI la somme de 6 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel, outre les dépens d'appel.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 décembre 2021, la société Trois Moulins Habitat demande à la cour de :

A titre principal in limine litis

Vu l'article 562 du code de procédure civile,

Vu l'absence de demande d'infirmation du jugement dans l'acte d'appel,

Juger que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande d'infirmation du jugement.

Juger que la déclaration d'appel n'a aucun effet dévolutif.

Juger que l'appel n'est pas soutenu.

Débouter la société EMGI de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Subsidiairement

Vu l'article 468 du code de procédure civile ;

Vu la non comparution du demandeur ;

Vu la décision de caducité ;

Vu la décision de relevé de caducité ;

Vu l'absence de motif légitime ;

Juger caduque l'acte introductif d'instance ;

Débouter la société EMGI de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Très subsidiairement sur le fond

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Vu l'article 19 du CCAP,

Confirmer le jugement

Dire la société E.M.G.I. irrecevable en son action.

Vu l'article 1134 du code civil dans rédaction applicable aux faits de la cause,

Vu l'article 1315 du code civil dans rédaction applicable aux faits de la cause,

Vu l'article 15 et les articles 132 et suivants du code de procédure civile et l'absence de communication régulière des pièces,

Débouter la société E.M.G.I. de l'ensemble de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent,

En tout état de cause,

Condamner la société E.M.G.I aux dépens dont distraction au profit de la Selarl Pautonnier et associés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Condamner la société EMGI à payer à la société Trois Moulins Habitat la somme de 10 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 16 mai 2023.

Sur Quoi,

La Cour,

1- La saisine de la cour

La société Trois Moulin Habitat fait valoir, au visa de l'article 562 du Code de Procédure Civile que l'acte d'appel ne mentionnant ni l'annulation ni l'infirmation du jugement l'inobservation de ces mentions obligatoires conduit à la sanction de l'absence de saisine de la cour. Elle observe que l'existence ou non d'un grief importe peu dès lors que la sanction est l'absence d'effet dévolutif.

La société EMGI oppose que la déclaration d'appel mentionne sans ambiguité les chefs de jugement qui sont critiqués et que l'acte d'appel opère dès lors dévolution pour le tout en application de l'article 562 du Code de procédure civile cependant qu'aucun texte ne prévoit l'obligation de mentionner l'infirmation du jugement dans l'acte d'appel tandis qu'en tout état de cause les conclusions d'appelant mentionnent clairement dans le dispositif la demande d'infirmation du jugement.

Réponse de la cour

Selon l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel fondée sur ce même grief aurait été rejetée.

En application des articles L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, seule la cour d'appel, dans sa formation collégiale, a le pouvoir de statuer sur l'absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis à l'article 914 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel formé par la société EMGI en date du 29 juin 2021 mentionne au titre de l'objet/portée de l'appel un « Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués à savoir :

DEBOUTE la Sarl EMGI de l'ensemble de ses prétentions

CONDAMNE la Sarl EMGI à payer à la SA Trois Moulins Habitat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

COBDAMNE la Sarl EMGI en tous les dépens dont les frais de greffe liquidés à la somme de 151,61 euros TTC

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.'

Il en résulte, contrairement à ce qui est soutenu par l'initmée, que la cour est saisie d'un appel limité aux chefs du jugement expressément mentionnés dans la déclaration d'appel.

Du chef de sa demande tendant à juger l'absence d'effet dévolutif et de saisine de la cour, la société Trois Moulins Habitat sera donc déboutée.

2- L'infirmation du jugement de relevé de caducité prononcé le 26 octobre 2020

La société Trois Moulins Habitat demande à la cour de constater aux visas des articles 468 et 469 du Code de procédure civile que le tribunal de commerce n'aurait pas dû relever la société EMGI de la caducité de l'assignation encourue par les dispositions de l'article 468 du Code de procédure civile, les motifs pouvant justifier ce relevé n'ayant pas été repris par le tribunal de commerce et alors que les conditions légales du relevé de caducité ne sont nullement rapportées en l'espèce.

La société EMGI oppose que l'appel interjeté ne concerne que le jugement du 31 mai 2021 et non celui rendu le 25 janvier 2021 qui prononce le relevé de caducité et observe que seul le refus de rétractation du relevé de caducité serait susceptible d'appel.

Réponse de la cour

Selon les dispositions de l'article 468 du Code de procédure civile : ' Si, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas, le défendeur peut requérir un jugement sur le fond qui sera contradictoire, sauf la faculté du juge de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure.

Selon les dispositions de l'article 469 du même code : ' Si, après avoir comparu, l'une des parties s'abstient d'accomplir les actes de la procédure dans les délais requis, le juge statue par jugement contradictoire au vu des éléments dont il dispose.

Le défendeur peut cependant demander au juge de déclarer la citation caduque.

Le juge peut aussi, même d'office, déclarer la citation caduque. La déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours le motif légitime qu'il n'aurait pas été en mesure d'invoquer en temps utile. Dans ce cas, les parties sont convoquées à une audience ultérieure.'

Il apparaît cependant que la cour n'est pas saisie de l'appel du jugement rendu le 25 janvier 2021par lequel le tribunal de commerce de Melun a relevé la société EMGI, à sa demande, de la caducité de l'acte introductif d'instance prononcée par le jugement du 26 octobre 2020 mais seulement du jugement rendu le 31 mai 2021 ayant statué sur le fond.

La société Trois Moulins Habitat sera donc déboutée de sa demande tendant à l'infirmation du jugement de relevé de caducité prononcé le 26 octobre 2020.

3- La recevabilité de la demande en paiement au regard de la clause Article 19 du CCAP

Le tribunal, au visa de la clause Article 19 du CCAP, a retenu que la société EMGI s'est affranchie de la procédure préalable et obligatoire contractuellement prévue, qu'elle est en conséquence irrecevable à agir en paiement et n'a pas de surcroît respecté le formalisme contractuellement prévu relatif aux bons de commande lesquels ne correspondent pas aux factures et aux bons d'exécution, non revêtus du cachet du donneur d'ordre ni de sa signature.

La société Trois Moulins Habitat, au soutien de la confirmation du jugement excipe de la clause article 19 du CCAP dont elle estime qu'elle instaure une procédure préalable et obligatoire rendant irrecevable toute action contentieuse intentée avant le recours à un expert, dans le cas d'un litige portant sur l'exécution du présent contrat. Elle oppose au moyen subsidiairement relevé par l'appelante que même à supposer que les factures relatives à des ordres de service postérieurs au 23 octobre 2014 ne soient pas soumises au formalisme contractuel du CCAP faute pour le maître de l'ouvrage d'avoir renouvelé le marché dans les formes prévues par ledit CCAP, trois mois avant l'échéance du contrat, (factures 120 à 125, 128, 129, 131, 132 à 146 pour un montant de 58 245,68 euros) ces dernières, dont rien n'indique au demeurant qu'elles aient été effectivement adressées à l'intimée avant l'introduction de l'instance, ne permettent pas d'identifier le donneur d'ordre et de vérifier leur exigibilité.

La société EMGI soutient que la clause Article 19 du CCAP est une clause d'expert et non de conciliation, qu'elle ne prévoit pas un préalable obligatoire avant la saisine du juge, qu'elle est en toute hypothèse ambigue et ne vise pas à empêcher la saisine du juge, le caractère impératif de la tentative de conciliation n'étant pas exprimé de façon évidente et n'interdisant pas le recours au juge dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

Elle soutient subsidiairement que la clause Article 5.02.01 du CCAP prévoyant une durée de marché d'un an reconductible, sans pouvoir excéder quatre ans, à défaut de reconduction du marché notifiée trois mois avant la fin du contrat, celui-ci a pris fin le 23 octobre 2014 de sorte que l'ensemble des ordres de services adressés à la société EMGI après cette date ne relèvent plus de ce contrat et qu'ainsi, si la cour reconnaissait la validité de la clause instaurant une procédure de saisine préalable obligatoire, l'action de la société EMGI serait recevable au moins pour les factures postérieures à l'échéance du marché à hauteur de 77 844,38 euros TTC.

Réponse de la cour

La clause du CCAP Article 19 Litiges énonce : ' Pour tout litige ne pouvant être réglé à l'amiable, d'un commun accord, un expert sera désigné aux frais du ou des requérants et proposera son arbitrage dans les 20 jours suivant sa mission.

Dans le cas où l'une des parties contesterait le résultat de l'expertise, la juridiction compétente pour trancher en dernier ressort sera celle du siège du Maître de l'Ouvrage. Elle sera saisie dans les huit jours suivant la remise du rapport de l'expert sur l'initiative de la partie qui serait en désaccord avec ses conclusions. Faute de saisie de la juridiction dans ce délai le rapport de l'expert est réputé avoir recueilli l'agrément des parties'

Cette clause exprime clairement l'intention des parties de soumettre, préalablement à la saisine de la juridiction judiciaire, la résolution des différends nés à l'occasion de l'exécution du contrat, à l'arbitrage d'un expert désigné en cette même qualité par la juridiction de [Localité 6] où la société Trois Moulins Habitat a son siège, avec obligation pour l'expert de proposer un arbitrage dans un délai de 20 jours, la saisine de la juridiction étant soumise à la contestation du résultat de l'expertise par l'une ou l'autre des parties dans un délai de huit jours suivant la remise du rapport par l'expert.

Elle prévoit donc une tentative de règlement amiable dans le cadre d'un arbitrage confié à un expert avec des conditions particulières de mise en 'uvre relativement au délai de saisine de l'expert et de la juridiction compétente. Elle constitue ainsi une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci. (Com., 29 avril 2014, n°12-27004 ; Com., 30 mai 2018, n°16-26403 et 16-27691).

Partant, pour les factures dont la société EMGI demande le règlement, relatives aux ordres de services émis antérieurement au 23 octobre 2014, date dont les parties reconnaissent l'une et l'autre par voie de conclusions qu'elle marque le terme du contrat, faute de reconduction notifiée à la société EMGI trois mois avant l'échéance conformément à la clause du CCAP Article 5-02-2 Durée du marché, la société EMGI est irrecevable en ses demandes.

Le jugement sera donc confirmé seulement en ce qu'il a dit irrecevable la société EMGI en ses demandes en paiement antérieures à l'échéance du marché.

4- Le bien fondé des demandes en paiement des ordres de services émis après le 23 octobre 2014

La société Trois Moulins Habitat fait valoir que quand bien même les dispositions du CCAP ne seraient pas applicables, il manque sur les factures postérieures au 23 octobre 2014 la preuve de la justification de l'envoi au donneur d'ordre de ces factures avant l'introduction de l'instance mais également les éléments permettant l'identification du donneur d'ordre cependant que le marché n'est pas communiqué dans son intégralité, que les bons d'exécution ne sont pas signés et que les factures (pièce n°1 à 147) communiquées par l'appelante sont systématiquement dépourvues de l'indication de la personne habilitée à engager la société. Elle souligne que l'absence de contestation de la réalisation des prestations ne saurait affranchir l'appelante de ses obligations essentielles et que pour autant que le maître de l'ouvrage ait effectivement procédé au règlement de certaines factures nonobstant le non respect du formalisme exigé par le CCAP, ses erreurs ne sauraient être créatrices de droit au profit de l'appelante.

La société EMGI oppose que le nom et l'adresse du maître de l'ouvrage sont parfaitement identifiés ainsi que le lieu d'exécution de la prestation, les quantités, la référence du bon de commande, les descriptif des travaux réalisés. Elle observe que la réalisation des travaux n'a jamais été contestée par l'appelante, que les bons d'exécution ( sauf pour les travaux hors marché) sont tous signés à l'exception de ceux produits en pièces n°9 et 96, le cachet de la société permettant de justifier de la bonne réception des travaux. Elle souligne que l'intimée a clairement reconnu dans une lettre adressée à l'appelante le 18 décembre 2014 ( pièce n°160) être redevable de la somme de 391 597 euros au titre des travaux réalisés en 2014 et qu'ainsi sa demande en paiement est parfaitement fondée.

Réponse de la cour

Selon les dispositions des articles 1134 et 1315 du Code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige :

- 1134 : ' Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.'

- 1315: ' Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'

A défaut de la manifestation par le Maître de l'Ouvrage de sa volonté exprimée par lettre recommandée avec avis de réception trois mois avant l'échéance du marché, la clause Article 5-02-01 du CCAP prévoit que le marché d'une durée d'un an prend fin sans formalité l'entreprise restant tenue d'exécuter les prestations correspondant à chaque bon de commande notifié jusqu'à la date d'échéance.

Le marché non reconduit a pris fin le 23 octobre 2014 et les règles précitées trouvent donc à s'appliquer à compter de cette date.

La société EMGI produit les bons de commande à l'en-tête de la société Trois Moulins Habitat, comportant la référence du numéro de l'ordre de service, le bordereau détaillé de désignation des travaux, le lieu d'exécution et le bon d'exécution qui font la preuve de la réalisation effective des travaux commandés par le maître de l'ouvrage.

La cour relève qu' aucune contestation n'est utilement élevée par la société Trois Moulins Habitat à l'encontre de ces éléments, l'intimée n'apportant pas la preuve de réserves formulées relativement aux travaux commandés ou d'un défaut d'exécution des prestations quand il résulte de la lettre adressée par son directeur du patrimoine le 18 décembre 2014 que celui-ci a réclamé à la société EMGI 'l'ensemble des factures correspondant aux commandes passées au titre de l'exercice 2014" dont il indique ' Sauf erreur de notre part, le montant des commandes passées à votre entreprise en 2014 s'élève à 391 597 euros'.

Il en résulte que sauf à démontrer, ce que la société intimée ne fait pas, une exception d'inexécution imputable à la société EMGI débitrice de l'obligation de livrer les travaux dans les délais requis, il ne peut qu'être constaté que cette dernière ayant satisfait à son obligation a droit au règlement des prestations délivrées dans la mesure des justificatifs produits à l'appui de ses demandes en paiements.

Au vu des justifications produites établissant la réalisation des travaux postérieurement au 23 octobre 2014 date du terme du marché, la société EMGI est fondée à réclamer le paiement des sommes suivantes représentant un total réclamé de 58 245,68 euros détaillé ainsi qu'il suit :

Numéro de la facture

Ordre de service N°

Date OS

Montant TTC

Pièce

FA 00072

OS20144110000968

24/10/14

1194,97

52

FA 00073

OS20144110000980

30/10/14

1011,03

53

FA 00074

OS20144110000995

03/11/14

595,96

54

FA 00076

OS20144110001037

17/11/14

1497,05

56

FA 00096

OS20144130001017

01/12/14

665,50

75

FA 00141

OS2Û144120001447

05/11/14

2499,99

120

FA 00142

OS20144130000959

12/11/14

1578,72

121

FA 00143

OS20144120001461

07/11/14

1242,42

122

FA 00144

OS20144120001471

13/11/14

3963,20

123

FA 00145

OS20144120001526

25/11/14

6037,13

124

FA 00146

OS20144120001604

08/12/14

5024,24

125

FA 00149

OS20144120001415

28/10/14

3168,00

128

FA 00150

OS20144120001414

28/10/14

3278,00

129

FA 1500003

OS20154110000003

02/01/15

1690,63

131

FA 1500004

OS20154130000018

08/01/15

1623,40

133

FA 1500005

OS20154110000030

12/01/15

714,13

134

FA 1500006

OS20154120000040

19/01/15

2510,20

135

FA 1500007

OS2015520000249

22/01/15

226,60

136

FA 1500008

OS20154120000041

20/01/15

2237,91

137

FA 1500009

OS20154120000055

22/01/15

235,40

138

FA 1500010

OS20154110000084

04/02/15

3994,73

139

FA 1500011

OS20144120001416

28/10/14

2505,80

140

FA 1500012

OS20154120000092

05/02/15

295,90

141

FA 1500013

OS20154120000101

05/02/15

177,10

142

FA 1500014

OS20154120000090

05/02/15

320,10

143

FA 1500015

OS20154120000123

10/02/15

393,45

144

FA 1500016

OS20154120000017

13/01/15

3189,81

145

FA 1500017

OS20144500000088

24/12/14

5034,54

146

FA 1500003 OS 20154120000007 14/01/2015 1 339,77 132

La société EMGI y ajoute les factures communiquées en pièces n°29, 130 et 147 établies hors marché selon l'appelante pour un montant de 19 598,70 euros TTC qui ne peuvent être retenues en l'absence de communication des devis signés par le maître de l'ouvrage et des bons d'exécution signés correspondant aux bons de commandes.

Par conséquent, sur infirmation du jugement la société Trois Moulins Habitat sera condamnée à régler à la société EMGI la somme de 58 245,68 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date et à hauteur du montant figurant sur chacune des factures conformément au tableau précité.

5- Les dommages et intérêts

Le tribunal a débouté les parties de ce chef.

La société EMGI sollicite une somme de 50 000 euros au regard du comportement déloyal de la société contractante qui n'a pas renouvelé le contrat à son échéance tout en continuant à lui fournir du travail pour finalement du jour au lendemain cesser toute relation laissant impayée une créance de près de 390 000 euros qui a contraint la société EMGI à licencier 4 salariés.

La société Trois Moulins Habitat conclut au débouté au rappel que la société EMGI ne peut se prévaloir d'un préjudice au regard des créances douteuses dont elle a exipé et qu'elle ne peut sans se contredire à la fois se prévaloir du non renouvellement du contrat pour échapper au formalisme du CCAP et in fine inférer un préjudice économique lié au non renouvellement de ce contrat.

Réponse de la cour

Les motifs de l'arrêt ne permettent pas d'établir la déloyauté de la société Trois Moulins Habitat mais le non respect imputable à la société EMGI des clauses du marché relativement à la saisine, préalablement à l'introduction d'une instance judiciaire, d'un expert avec une mission d'arbitrage cependant qu'il ne peut être imputé à l'intimée un préjudice financier auquel la société appelante a au demeurant entièrement concouru ensuite du non respect du formalisme du marché et alors qu'elle a été par ailleurs rempli de ses droits du chef des créances nées des bons de commande émis postérieurement au terme du marché.

La société EMGI sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

6- Les frais irrépétibles et les dépens.

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement qui a condamné la société EMGI de ces chefs et sur infirmation à débouter les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles et à partager les dépens par moitié entre elles.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DIT que la cour n'est pas saisie de l'infirmation du jugement de relevé de caducité prononcé le 26 octobre 2020 ;

DEBOUTE la société Trois Moulins Habitat de sa demande tendant à constater l'absence d'effet dévolutif et de saisine de la cour ;

CONFIRME le jugement seulement en ce qu'il a dit irrecevable la société EMGI en ses demandes en paiement des factures émises au vu des bons de commande signés durant la période contractuelle ;

INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté la société EMGI de sa demande en paiement ;

Statuant à nouveau du chef des demandes en paiement des factures émises au vu des bons de commande signés après le 23 octobre 2014,

CONDAMNE la société Trois Moulins Habitat à régler à la société EMGI la somme de 58 245,68 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date et à hauteur du montant figurant sur chacune des factures conformément au tableau qui suit :

Numéro de la facture

Ordre de service N°

Date OS

Montant TTC

Pièce

FA 00072

OS20144110000968

24/10/14

1194,97

52

FA 00073

OS20144110000980

30/10/14

1011,03

53

FA 00074

OS20144110000995

03/11/14

595,96

54

FA 00076

OS20144110001037

17/11/14

1497,05

56

FA 00096

OS20144130001017

01/12/14

665,50

75

FA 00141

OS2Û144120001447

05/11/14

2499,99

120

FA 00142

OS20144130000959

12/11/14

1578,72

121

FA 00143

OS20144120001461

07/11/14

1242,42

122

FA 00144

OS20144120001471

13/11/14

3963,20

123

FA 00145

OS20144120001526

25/11/14

6037,13

124

FA 00146

OS20144120001604

08/12/14

5024,24

125

FA 00149

OS20144120001415

28/10/14

3168,00

128

FA 00150

OS20144120001414

28/10/14

3278,00

129

FA 1500003

OS20154110000003

02/01/15

1690,63

131

FA 1500004

OS20154130000018

08/01/15

1623,40

133

FA 1500005

OS20154110000030

12/01/15

714,13

134

FA 1500006

OS20154120000040

19/01/15

2510,20

135

FA 1500007

OS2015520000249

22/01/15

226,60

136

FA 1500008

OS20154120000041

20/01/15

2237,91

137

FA 1500009

OS20154120000055

22/01/15

235,40

138

FA 1500010

OS20154110000084

04/02/15

3994,73

139

FA 1500011

OS20144120001416

28/10/14

2505,80

140

FA 1500012

OS20154120000092

05/02/15

295,90

141

FA 1500013

OS20154120000101

05/02/15

177,10

142

FA 1500014

OS20154120000090

05/02/15

320,10

143

FA 1500015

OS20154120000123

10/02/15

393,45

144

FA 1500016

OS20154120000017

13/01/15

3189,81

145

FA 1500017

OS20144500000088

24/12/14

5034,54

146

FA 1500003 OS 20154120000007 14/01/2015 1 339,77 132

DEBOUTE les parties de leurs demandes de dommages et intérêts et de leurs demandes au titre des frais irrrépétibles ;

FAIT MASSE des dépens et DIT qu'ils seront partagés par moitié entre les parties ;

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/12201
Date de la décision : 03/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-03;21.12201 ?
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