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03/04/2024 | FRANCE | N°21/05234

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 03 avril 2024, 21/05234


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 03 AVRIL 2024



(n° /2024, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05234 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2UE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY COURCOURONNES - RG n° F20/00184





APPELANTE



Association LA SOCIETE PHILANTHROPIQUE ven

ant aux droits de l'Association LE POLE HANDICAP SERGE DASSAULT anciennement dénommée LES AMIS DE LA FONDATION SERGE DASSAULT

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 03 AVRIL 2024

(n° /2024, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05234 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2UE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY COURCOURONNES - RG n° F20/00184

APPELANTE

Association LA SOCIETE PHILANTHROPIQUE venant aux droits de l'Association LE POLE HANDICAP SERGE DASSAULT anciennement dénommée LES AMIS DE LA FONDATION SERGE DASSAULT

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

INTIME

Monsieur [J] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Pierre BOUAZIZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0215

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Didier MALINOSKY, magistrat honoraire, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme. MARQUES Florence, conseillère

M. MALINOSKY Didier, magistrat honoraire rédacteur

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

L'association 'Les amis de la fondation Serge Dassault' devenue 'Le Pôle handicap Serge Dassault' a engagé M. [H] en qualité d'auxiliaire de vie selon deux contrats à durée déterminée de remplacement, du 13 au 28 octobre 2010 puis du 3 novembre au 22 décembre 2010 au sein du foyer de [Localité 5].

A compter du 3 janvier 2011, la relation de travail s'est poursuivie en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel puis, à compter du 26 septembre 2011, à temps plein.

En dernier lieu, M. [H] occupait des fonctions, à temps complet, d'aide médico-psychologique, coefficient 298 de la convention collective des établissements médico-sociaux, moyennant une rémunération moyenne mensuelle brute s'élevant à la somme de 1 791,41 euros.

M. [H] a été élu membre du CHSCT à compter du mois d'octobre 2016 jusqu'à sa démission de ce mandat le 25 avril 2019.

L'association exerce une activité d'hébergement et d'accompagnement social auprès d'adultes en situation de handicap sur plusieurs centres et établissements dont celui de [Localité 5].

A compter du 12 juillet 2017, M. [H] a été placé en arrêt maladie par son médecin traitant, pour notamment, une dépression réactionnelle et a bénéficié par l'assurance maladie d'un classement en affection de longue durée le 30 novembre 2017.

A l'issue de sa visite médicale de reprise en date du 11 septembre 2019, le médecin du travail a déclaré M. [H] inapte à son poste et a indiqué que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

C'est ainsi que par courrier du 26 septembre 2019, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement, fixé au 4 octobre 2019.

Par courrier du 10 octobre 2019, M. [H] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête du 19 mars 2020, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes aux fins de voir, notamment, prononcer la nullité de son licenciement, en raison du harcèlement moral subi, et à l'absence de cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, et ainsi condamner l'association à lui verser diverses indemnités et dommages intérêts afférents.

Par jugement du 20 mai 2021, le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes a :

- dit que M. [H] [J] a été victime d'un harcèlement moral caractérisé,

- condamné l'association Le Pôle Handicap Serge Dassault en son représentant légal à verser à M. [H] [J] la somme de :

* 20.000 euros (vingt mille euros) au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

- prononcé la nullité du licenciement en raison de la violation du statut protecteur et à raison des agissements de harcèlement moral,

- condamné l'association Le Pôle Handicap Serge Dassault en son représentant légal à verser à M. [H] [J] les sommes de :

* 20.000 euros (vingt mille euros) au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

* 3.582,22 euros (trois mille cinq cent quatre-vingt-deux euros et vingt-deux centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 358,22 euros (trois cent cinquante-huit euros et vingt-deux centimes) au titre de congés payés y afférents,

Avec intérêts au taux légal sur ces 2 sommes à compter de la saisine du conseil,

* 1.500 euros (mille cinq cent euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement en vertu de l'article 515 du code de procédure civile,

- débouté l'association Le pôle Handicap Serge Dassault de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens afférents aux actes et procédures de la présente instance à la charge de la partie défenderesse, y compris ceux dus au titre d'une éventuelle exécution par voie légale en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 8 mars 2001 relatifs à la tarification des actes d'huissiers de justice.

Par déclaration du 11 juin 2021, le Pôle handicap Serge Dassault a interjeté appel de cette décision.

Par effet d'une convention de fusion conclue en date du 14 juin 2023, le 'Pôle handicap Serge Dassault ' a été dissout et absorbé par l'association 'La société Philanthropique' qui intervient volontairement à la présente procédure et aux droits du 'Pôle handicap Serge Dassault'.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2023, la 'société Philanthropique' venant aux droits du 'Pôle handicap Serge Dassault', demande à la cour de :

A titre principal :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes le 20 mai 2021,

Et, statuant à nouveau,

- constater l'absence de tout harcèlement moral subi par M. [H],

En conséquence,

- rejeter les demandes de M. [H] de nullité du licenciement et de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

A titre subsidiaire,

- limiter le montant des dommages et intérêts pour harcèlement moral en l'absence de préjudice démontré,

En tout état de cause :

- limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1 du Code du travail au salaire des six derniers mois, soit 10 748,48 euros et débouter M. [H] du surplus de ses demandes,

- condamner à rembourser à l'association la Société philanthropique la somme de 34 881,51 euros au titre des sommes indûment perçues en exécution du jugement de première instance,

- rejeter la demande de M. [H] sollicitant que les dommages et intérêts alloués portent intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- condamner M. [H] à verser à l'association la Société philanthropique la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 octobre 2023, M. [H] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris :

* en ce qu'il a dit que M. [H] a été victime d'un harcèlement moral caractérisé,

* en ce qu'il a prononcé la nullité de licenciement à raison de la violation du statut protecteur et à raison des agissements de harcèlement moral,

* en ce qu'il a condamné l'association Pôle handicap Serge Dassault à verser à M. [H] 3 582,22 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 358,22 euros au titre de congés payés afférents avec intérêt au taux légal sur ces 2 sommes à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

* en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge de la partie défenderesse,

- Infirmer le jugement entrepris :

* en ce qu'il a limité à 20 000 euros le montant des dommages et intérêts pour harcèlement moral et en ce qu'il n'a pas explicitement relevé les manquements de l'Association à ses obligations de bonne foi, de sécurité et de prévention du harcèlement moral,

* en ce qu'il a limité à 20 000 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul,

* en ce qu'il a limité à 1 500 euros l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance,

* en ce qu'il l'a rejeté la demande de condamnation au paiement des intérêts légaux sur le montant des dommages et intérêts alloués à compter du jour de l'introduction de l'instance, à titre de réparation complémentaire conformément à l'article 1231-7 du code civil,

* en ce qu'il a rejeté la demande au titre de la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,

Et, statuant à nouveau,

- Juger que l'association 'Pôle handicap Serge Dassault' a manqué à ses obligations légales et contractuelles de bonne foi, de sécurité et de prévention du harcèlement moral,

- Condamner l'association Société philanthropique venant aux droits et obligations de l'association Pôle handicap Serge Dassault à verser à M. [H] la somme de 30 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquements aux obligations de bonne foi, de sécurité et de prévention du harcèlement moral,

- Condamner l'association Société philanthropique venant aux droits et obligations de l'association Pôle handicap Serge Dassault à verser à M. [H] la somme de 40 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, 

- Condamner l'association Société philanthropique venant aux droits et obligations de l'association Pôle handicap Serge Dassault à verser à M. [H] la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil, 

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour infirmait le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du licenciement,

- Condamner l'association Société philanthropique venant aux droits et obligations de l'association Pôle handicap Serge Dassault à verser à M. [H] la somme de 40 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Et ajoutant au jugement entrepris :

- Condamner l'association Société philanthropique venant aux droits et obligations de l'association Pôle handicap Serge Dassault à verser à M. [H] la somme la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner l'association Société philanthropique venant aux droits et obligations de l'association Pôle handicap Serge Dassault aux entiers dépens d'appel,

- Débouter l'association Société philanthropique venant aux droits et obligations de l'association Pôle handicap Serge Dassault de ses demandes reconventionnelles tendant à la condamnation de M. [H] à lui rembourser la somme de 34 881,51 euros au titre des sommes perçues en exécution du jugement de première instance et à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour se réfère pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 décembre 2023.

L'affaire a été examinée à l'audience du 5 février 2024 à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral et ses conséquences

M. [H] soutient que le comportement du directeur, M. [V], était emprunt d'autoritarisme et anxiogène depuis son arrivée en 2014, tant à son égard qu'envers la collectivité de travail. Il fait valoir que les pratiques du directeur, entraînant une dégradation des conditions de travail et des incidences néfastes sur les résidents, étaient délétères et constitutives d'un harcèlement managérial.

Il soutient que le directeur adoptait à son encontre des comportements agressifs, menaçants et humiliants et qu'il procédait à une surveillance excessive de ses faits et gestes outre des pressions sur ses heures de travail et sa mise à l'écart des activités d'atelier avec les résidents. Il fait valoir une procédure de sanction d'une mise à pied en septembre 2016 qu'il a fortement contestée et une autre en septembre 2017, suite à l'agression violente commise sur lui par M. [V], procédure de sanction que l'association a finalement abandonnée.

M. [H] nie tout comportement agressif à l'encontre de M. [V] et précise qu'il a été en arrêt de travail pendant plus d'une année de juillet 2017 jusqu'à son licenciement pour inaptitude.

L'association soutient que la précédente direction de l'établissement était particulièrement laxiste et que M. [V] a été embauché, en octobre 2014, pour une reprise en main de l'établissement et un rétablissement de l'autorité de la direction. Elle indique que dès avril 2016, le CSE avait voté une résolution sur les risques psychosociaux, expertise qu'elle a contestée dans le TJ d'Evry. L'association nie tout agissement de harcèlement à l'encontre de M. [H] alléguant d'une reprise en main de l'ensemble des salariés et rappelle les conclusions de l'audit de 2016 du cabinet 'social conseil'.

L'association soutient qu'elle a procédé à la réorganisation des activités proposées aux résidents en les professionnalisant et indique que, consécutivement aux comportements agressifs de M. [H], elle a mis en place un contrôle de ses déplacements dans les locaux et de ses faits et gestes pour savoir ce qui relevait de ses activités professionnelles ou de temps de pause. L'association nie tout comportement de harcèlement de sa part et indique que pour apaiser le climat social, elle a licencié, le 24 mai 2018, pour faute grave M. [V]. Elle conclut à l'absence d'alerte de la part de M. [H] antérieure à sa saisie du conseil des prud'hommes.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, l'article L. 1152-2 du même code prévoyant qu'aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Il résulte par ailleurs de l'article L. 1154-1 du code du travail que, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, le salarié produit les éléments suivants :

- Le procès-verbal de la réunion extraordinaire du CHSCT du 13 février 2015 ;

- La lettre de M. [P] (Directeur général de l'Association) du 4 avril 2016 ;

- L'ordonnance du Président du TGI d'Evry du 8 novembre 2016 ;

- Le rapport de décembre 2018, établi par le cabinet 'Social conseil', expert agréé ;

- Des extraits du Document unique d'évaluation des risques établi par la Fondation le 29 juin 2018 ;

- Une note de service du 25 août 2016 relative aux activités de l'association ;

- Des articles de presse relatifs aux mouvements de grèves au sein de la Fondation ;

- des attestations de Mme [O], Mme [T], Mme [S], M. [K], Mme [R]; deux attestations de Mme [L] ; une attestation de Mme [G], une attestation de Mme [F] ; des attestations de M. [N], Mme [A] et M. [I];  

- Le rapport d'incident de M. [H] relatif à l'incident du 23 septembre 2016 ;

- Le courrier de Mme [M] du 13 octobre 2016 ;

- Le courrier des représentants du personnel du 7 avril 2016 ;

- Les courriers de M. [V] des 26 mai, 6 octobre 2016, 15 décembre 2016 et 26 septembre 2017 ;

- Le courrier de M. [H] du 11 octobre 2017 ;

- Le courrier de M. [P] du 20 décembre 2018 ;

- La note de service du 15 juin 2016 ;

- Le compte-rendu de la réunion institutionnelle du 27 février 2017 ;

- Un courrier de soutien du 10 mars 2017 des salariés présents à la réunion de transmission du 3 mars 2017 ;

- Le courrier de M. [H] au médecin du travail du 5 juin 2017 ;

- Le courrier de M. [H] au Directeur général, M. [P], du 13 octobre 2017 ;

- Le courrier de notification d'une mise à pied disciplinaire du 12 septembre 2016

- Le rapport circonstancié de M. [H] contestant la mise à pied disciplinaire ;

- Le rapport circonstancié de Mme [G] et M. [H] sur l'agression de M. [V] du 7 juillet 2017 adressé à l'inspection du travail ;

- Le registre des dangers graves et imminents ;

- Le courrier de convocation à un entretien préalable du 5 septembre 2017 ;

- Le courrier de l'inspection du travail du 5 mai 2017 ;

- Les arrêts de travail pour dépression réactionnelle ;

- Le certificat médical du Dr [E] (médecin traitant) du 14 mai 2019 ;

- Des prescriptions d'antidépresseurs et d'anxiolytiques ;

- Une attestation de Mme [D], psychologue de l'association « Pause » ;

- Un courrier de la CPAM du 30 novembre 2017 ;

- Des courriers de Solimut (organisme de prévoyance) des 3 octobre 2018 et 2 mai 2019 ;

- Un certificat médical établi par le médecin conseil de Solimut le 20 avril 2018 ;

- Un certificat médical du Dr [W] (médecin du travail) du 19 juillet 2017.

Ainsi, les différentes expertises, audits, avis du CHSCT ou les témoignages de salariés font état d'un comportement du directeur de l'établissement, dès sa nomination, empreint de pratiques managériales génératrices de stress, d'anxiété et de perte de confiance, se manifestant par des critiques systématiques et vexatoires sur la qualité du travail, outre un comportement agressif et menaçant ayant finalement, pour M. [H], abouti à un arrêt de travail prolongé (supérieur à une année), ayant pour effet de dégrader ses conditions de travail et d'altérer sa santé physique et mentale ainsi qu'il en résulte des éléments médicaux versés aux débats.

Dès lors, il apparaît que M. [H] présente des éléments de fait, qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Ainsi, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas consécutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Pour justifier du management de M. [V], embauché comme directeur le 26 octobre 2016, l'association fait valoir que la gouvernance, antérieure à sa venue, était 'laxiste, familiale et paternaliste' depuis des années et qu'il fallait 'dynamiser le projet d'établissement' et s'orienter vers une réorganisation nécessaire au regard du retard pris dans la mise en 'uvre des lois de 'rénovation de l'action sociale et médico-sociale' ou 'portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires' adoptées respectivement en 2002 et 2009.

Elle indique qu'un audit avait été, préalablement, diligenté en mai 2016 sur le fonctionnement de l'établissement qui rendrait caduc la résolution du CHSCT, votée en juillet 2016, pour une expertise sur les risques psychosociaux et que l'association a contesté devant le tribunal d'Evry.

L'association se réfère aux résultats de l'évaluation des risques psychosociaux réalisée en 2018, suite à son débouté devant le TGI d'Evry, et le complément d'expertise du CHSCT voté le 27 avril 2018.

Elle indique que le directeur d'établissement avait mis en place les moyens pour contrôler les horaires (badgeuses) de tous les salariés et pas seulement ceux de M. [H] et, par le système de vidéo surveillance, la surveillance des déplacements non autorisés, en particulier de ce dernier, dans les étages alors que son poste de travail était fixe. Elle justifie ces contrôles par la situation de gouvernance antérieure à la nomination de M. [V]. Enfin, elle souligne que M. [H] avait le verbe haut et reprenait publiquement le directeur d'établissement lorsque celui-ci lui faisait une réflexion ou une remontrance et adoptait un comportement agressif dans les réunions de CHSCT ou dans les réunions de service l'ayant conduite à lui notifier une mise à pied disciplinaire.

L'association conclut que pour apaiser le climat social, elle a, finalement, licencié pour faute grave M. [V] le 24 mai 2018.

En l'espèce, la cour relève que l'association ne peut valablement soutenir, d'une part, que la caractérisation de la gouvernance antérieure de l'établissement comme 'laxiste, familiale et paternaliste' et, d'autre part, que l'absence de mise en 'uvre des lois de 2002 et 2009 sont de la responsabilité des salariés en général et en particulier de M. [H] alors que cette gouvernance est celle mise en place et maintenue par la présidence de l'association pendant près de vingt années.

Par ailleurs, la cour relève que M. [V], dès son recrutement, a mis en place non seulement une organisation et une gestion du personnel fondées sur le contrôle permanent des salariés, notamment par l'utilisation en direct de la vidéo surveillance pour contrôler les déplacements des salariés, en particulier ceux de M. [H], envers lequel selon les attestations d'autres salariés le directeur adoptait, à son égard, un comportement se caractérisant par des agressions verbales, violentes et répétées, des mises en demeure ou des interdictions de se déplacer étant rappelé que M. [H] assurait un mandat électif de membre du CHSCT.

En outre, la cour relève que dès juillet 2016, le CHSCT a voté une expertise que l'association a contesté devant le tribunal d'Evry et, malgré un jugement qui rejetait sa demande, a attendu l'année 2018 pour la réaliser, celle-ci faisant l'objet d'une expertise complémentaire du CH CT démontrant l'existence d'un risque grave pour la santé psychologique des salariés.

Enfin, la cour relève qu'à compter du 12 juillet 2017 et jusqu'à la rupture de son contrat de travail, M. [H] a été en arrêt de travail puis en affection de longue durée pour 'dépression réactionnelle'.

Or, force est de constater qu'il appartenait à l'association de veiller à la santé physique et psychologique de ses salariés, risques dont elle avait connaissance depuis les alertes du CHSCT en juillet 2016 puis par les différents audits ou expertises diligentées jusqu'en 2018, étant rappelé que le directeur général de l'association est ausi le président du CHSCT.

Ainsi, malgré les alertes précises et réitérées des salariés et des élus du personnel, 1'association, qui n'a pris aucune mesure immédiatement après les premiers signalements pour faire cesser les agissements de harcèlement moral du directeur d'établissement, mais qui a procédé finalement à son licenciement pour faute grave fin mai 2018, a méconnu les dispositions légales relatives à la prévention des faits de harcèlement.

L'employeur échoue à démontrer que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La cour, confirmant le jugement entrepris, dit que M. [H] a été victime de faits de harcèlement moral.

Par conséquent, l'existence de faits de harcèlement moral étant caractérisée en l'espèce et la société ayant méconnu les dispositions de prévention des risques liés au harcèlement, le salarié justifiant d'un préjudice spécifique, résultant de l'altération de son état de santé consécutive aux agissements de harcèlement moral dont il a fait l'objet de la part de son supérieur hiérarchique durant plusieurs années ainsi que cela résulte des nombreux éléments factuels et médicaux versés aux débats, la cour lui accorde une somme de 20 000 euros à titre de dommages intérêts de ce chef, et ce par confirmation du jugement.

Sur la nullité du licenciement et ses conséquences

M. [H] soutient qu'il a été licencié d'une part avant la fin de sa période de protection relative à l'exercice de son mandat de membre élu du CHSCT et, d'autre part, consécutivement au harcèlement moral dont il a été victime, à sa mise en arrêt de travail puis en affection de longue durée conduisant à l'avis d'inaptitude prononcé par le médecin du travail. Il conclut à une double nullité de son licenciement d'une part, au titre du non respect de la période de protection et, d'autre part, au titre des faits de harcèlement ayant conduit à son licenciement pour inaptitude.

L'association reconnaît qu'elle n'a pas, par méconnaissance du mandat exercé précédemment par le salarié, sollicité l'accord ni de l'inspection du travail, ni du CSE et, qu'à ce titre, le licenciement est nul. Cependant, elle fait valoir une absence de nullité issue de prétendus faits de harcèlement.

En l'occurrence, M. [H] a démissionné de son mandat de membre élus du CHSCT le 25 avril 2019 et a été licencié le 10 octobre 2019 pendant sa période de protection qui se finissait le 25 octobre 2019.

Par ailleurs, il est constant que lorsque la maladie du salarié et son inaptitude trouvent leur origine dans des agissements de harcèlement moral, le licenciement pour inaptitude est nul.

En l'espèce, la dégradation de l'état de santé de M. [H] puis son inaptitude ont directement pour origine les agissements de harcèlement moral qu'il a subi de la part du directeur de l'établissement.

Il résulte de l'article L. 1235-3-1 du code du travail qu'en cas de nullité du licenciement, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Le dernier alinéa du texte ajoute que l'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

Il est constant que, si le cumul des nullités ne confère pas au salarié le droit à une double indemnisation, le juge apprécie le préjudice subi aux manquements de l'employeur.

Ainsi, au regard des manquements de l'association, la cour, confirmant le jugement entrepris, fixe à 20 000 euros l'indemnité pour licenciement nul et à 3 582,22 euros l'indemnité compensatrice de préavis, outre 358,22 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, soit le 25 juin 2020 et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, soit le 20 mai 2021. La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément à l'article 1343-2 du code civil.

L'association 'La société Philanthropique' qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à M. [J] [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des sommes accordées, à ce titre, en première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement du 22 mars 2021 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

DIT que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, soit le 25 juin 2020 et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, soit le 20 mai 2021;

ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil;

CONDAMNE l'association 'La société Philanthropique' à payer à M. [J] [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des sommes accordées, à ce titre, en première instance;

DÉBOUTE les parties du surplus de leur demande;

CONDAMNE l'association 'La société Philanthropique' aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/05234
Date de la décision : 03/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-03;21.05234 ?
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