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29/03/2024 | FRANCE | N°22/10119

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 29 mars 2024, 22/10119


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 29 MARS 2024



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/10119 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZ7Q



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Novembre 2022 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 19/02604





APPELANTE

Madame [X] [Z] épouse [U]

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 4]

com

parante en personne, assistée de Me Camille PICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C673



INTIMEE

CPAM DU VAL DE MARNE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 29 MARS 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/10119 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZ7Q

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Novembre 2022 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 19/02604

APPELANTE

Madame [X] [Z] épouse [U]

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Camille PICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C673

INTIMEE

CPAM DU VAL DE MARNE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe LATIL, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Monsieur Christophe LATIL, conseiller

Greffier : MadameFatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 2 février 2024, prorogé au 23 février 2024, puis au 08 mars 2024, puis au 29 mars 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par Mme [X] [Z] épouse [U] d'un jugement prononcé le 02 novembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que, faisant état d'une rupture des tendons de la coiffe des rotateurs épaule droite (certificat médical initial du 13 mars 2017), Mme [X] [U] (l'assurée) a fait une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n°57, qui après consolidation fixée au 12 décembre 2017 a fait l'objet d'une décision fixant le taux d'incapacité permanente partielle à 10 % le 08 février 2018 par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse) compte tenu de la rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM.

Pour justifier le taux de 10 % d'incapacité permanente partielle, le médecin-conseil décrit les conséquences de la maladie comme étant des «Séquelles indemnisables au décours de microtraumatismes répétés occasionnant une rupture de la coiffe des rotateurs droits opérée et reconnue en maladie professionnelle consistant en une limitation douloureuse avec gêne fonctionnelle de l'épaule droite en antépulsion et en élévation latérale chez une assurée droitière. »

Considérant avoir perdu 50 % de son autonomie, l'assurée a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris le 21 mars 2018 pour contester ce taux de 10 %.

En application de la réforme des contentieux sociaux issue de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, l'affaire a été transférée le 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 1er septembre 2021 le pôle social du tribunal judiciaire de Paris a ordonné une expertise médicale sur pièces avec pour mission de déterminer le taux d'IPP en relation avec la maladie professionnelle déclarée le 13 mars 2017 et l'éventuel coefficient professionnel.

L'expert judiciaire, le docteur [M], a déposé son rapport le 30 août 2022 en concluant à l'attribution d'un taux d'IPP de 20 %.

Par jugement du 02 novembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Paris a :

- rejeté le recours de Mme [X] [U] à l'encontre de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne du 08 février 2018 ;

- dit que Mme [X] [U] supportera la charge des dépens.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception déposée le 09 novembre 2022 et non réclamée par Mme [U] qui en a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 06 décembre 2022.

L'affaire a alors été fixée à l'audience du 14 novembre 2023 pour être plaidée et lors de laquelle les parties ont développé oralement leurs conclusions écrites déposées au dossier.

L'assurée demande à la cour de :

- infirmer la décision du 02 novembre 2022 ;

- annuler la décision du 08 février 2018 de l'assurance maladie notifiant le taux d'incapacité permanente à 10 % ;

- fixer son taux d'incapacité permanente à 20 % ;

Subsidiairement, elle demande à la cour de :

- ordonner une expertise médicale ayant pour objet de déterminer son taux d'IPP en relation avec sa maladie professionnelle déclarée le 13 mars 2017, en se plaçant à la date de consolidation du 13 décembre 2017, au vu du barème indicatif d'invalidité ;

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'assurée fait valoir que le taux de 10 % d'IPP a été contesté par trois médecins, le docteur [B] le 15 mars 2018, le docteur [W] le 02 février 2021 et le docteur [K] le 10 février 2021, ainsi que par l'expert judiciaire, le docteur [M] pour une limitation moyenne de tous les mouvements de l'épaule droite chez une droitière et non seulement légère.

La caisse demande à la cour de :

- écarter l'avis rendu par le docteur [M], médecin expert judiciaire ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 02 novembre 2022 ;

- juger que le taux de 10 % attribué à Mme [X] [U] doit purement et simplement être confirmé ;

- rejeter la demande d'un éventuel taux professionnel ;

- rejeter la demande d'expertise sollicitée par l'appelante, cette demande n'étant pas justifiée ;

- condamner Mme [U] aux frais d'expertise si celle-ci devait être ordonnée ;

- condamner Mme [U] à 500 euros d'article 700 et aux entiers dépens ;

- débouter Mme [X] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, dont sa demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse relève que les médecins cités par l'assurée évaluent un taux d'IPP sans se placer au jour de la consolidation et que l'expert judiciaire ne peut pas valablement retenir un taux de 20 % alors que tous les mouvements de l'épaule ne sont pas restreints et que la limitation de l'antépulsion reste supérieure à 90°. Elle fait valoir que le taux de 10 % a été définitivement confirmé, dans les rapports caisse/employeur, par la CNITAAT dans son arrêt du 04 mars 2022. Elle souligne également qu'à la suite de l'opération chirurgicale réalisée le 12 avril 2017, il n'est plus retrouvé d'amyotrophie, preuve que le membre a pu être utilisé de nouveau de façon normale, l'atteinte pouvant dès lors être qualifiée de légère par le médecin-conseil. Elle rappelle que si une aggravation survenait, l'assurée dispose de la possibilité de demander, à tout moment la révision de son taux d'incapacité en application des dispositions des articles L. 443-1 et suivants du code de la sécurité sociale.

En application de l'article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l'audience pour l'exposé complet des moyens développés et soutenus à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale que « le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.»

Aux termes des dispositions de l'article R. 434-32 alinéas 1 et 2 du même code, au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime. Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente en matière d'accident du travail/de maladie professionnelle sont annexés au livre IV de la partie réglementaire du code de la sécurité sociale (annexe 1 du code).

Il est de principe que le taux d'incapacité permanente partielle doit être fixé en fonction de l'état séquellaire au jour de la consolidation de l'état de la victime sans que puissent être pris en considération des éléments postérieurs à cette consolidation.

Ce faisant, le barème indicatif d'invalidité des accident du travail prévoit en son chapitre 1.1.2 intitulé « Atteinte des fonctions articulaires », l'évaluation du blocage et de la limitation des mouvements des articulations du membre supérieur, quelle qu'en soit la cause.

S'agissant de la mobilité de l'épaule, le barème indique que « normalement », la mobilité est de :

- 170° pour l'élévation latérale,

- 20° pour l'adduction,

- 180° pour l'antépulsion,

- 40° pour la rétropulsion,

- 80° pour la rotation interne,

- 60° pour la rotation externe.

Il prévoit enfin que les mouvements du côté blessé seront toujours estimés par comparaison avec ceux du côté sain. On notera d'éventuels ressauts au cours du relâchement brusque de la position d'adduction du membre supérieur, pouvant indiquer une lésion du sus-épineux, l'amyotrophie deltoïdienne (par mensuration des périmètres auxiliaires vertical et horizontal), les craquements articulaires. Enfin, il sera tenu compte des examens radiologiques.

Le barème propose alors, en cas de blocage ou de limitation de l'épaule, les taux suivants:

DOMINANT

NON DOMINANT

Blocage de l'épaule, omoplate bloquée

55

45

Blocage de l'épaule, avec omoplate mobile

40

30

Limitation moyenne de tous les mouvements

20

15

Limitation légère de tous les mouvements

10 à 15

8 à 10

En l'espèce, la date de consolidation a été fixée au 12 décembre 2017, l'assurée ayant bénéficié d'une intervention chirurgicale le 12 avril 2017.

Pour contester le taux de 10 % retenu par le tribunal l'assurée verse aux débats :

- la consultation du docteur [S] effectuée le 18 septembre 2017,

- les certificats médicaux du docteur [B] des 18 décembre 2017 et 15 mars 2018,

- le certificat médical du docteur [D] du 20 décembre 2017,

- le rapport médical du docteur [K] du 12 février 2021.

S'agissant de l'avis du docteur [K] qui propose de retenir un taux de 25 %, la cour relève que ce médecin le fait au regard d'une date de consolidation qu'il estime devoir être reportée au 15 mars 2018. Cet avis n'est donc pas pertinent à la présente instance où la date de consolidation du 12 décembre 2017 n'a pas été contestée par l'assurée. Tout au plus, comme l'indique la caisse, cet avis pourrait justifier une demande en reconnaissance de l'aggravation de l'incapacité, mais ne peut remettre en cause la fixation du taux initial à la date de la consolidation.

De même, s'agissant des conclusions de l'expert judiciaire qui propose, après un examen du dossier sur pièces, un taux d'incapacité permanente partielle à 20 %, il doit être relevé qu'il ne comporte aucune critique du compte-rendu de l'examen pratiqué par le médecin-conseil réalisé le 12 décembre 2017, qui a permis de fixer la date de consolidation. Il se borne à indiquer que « L'examen du praticien conseil est réalisé le 12 décembre 2017. Celui-ci est bien détaillé. Lors de cet examen, Mme [U] se plaint d'une gêne quotidienne de l'épaule droit (elle est droitière) notamment pour faire le ménage et les courses. Elle déclare avoir beaucoup de mal à lever le bras droit et rapporte une diminution de la force musculaire avec des tremblements de la main. L'examen ne retrouve pas d'abaissement du moignon de l'épaule. L'ensemble des mouvements de l'épaule droite sont diminués en comparaison du coté gauche : l'antépulsion (100° à droite, complète à gauche), la rétropulsion (45° à droite, complète à gauche), l'élévation latérale (90° à droite, 170° à gauche) et la rotation externe (45° à droite, complète à gauche). Les mouvements complexes (mains-tête, main-nuque, main-épaule opposée et main-lombe) sont comparables des 2 côtés. Il n'est pas retrouvé d'amyotrophie.

La consolidation est fixée au 13 décembre 2017.

Le taux d'incapacité permanente retenu est de 10 % ».

Ensuite, sans aucune transition, critique ou discussion, l'expert judiciaire expose la conclusion suivante : « A la date de consolidation du 13 décembre 2017,il y a lieu de réévaluer le taux d'incapacité permanent à 20 % (vingt pour cent) pour limitation moyenne de tous les mouvements de l'épaule droite chez une droitière. »

Or le barème indique que la mobilité normale correspond aux mesures suivantes :

- élévation latérale : 170°

- adduction : 20°

- antépulsion : 180°

- rétropulsion : 40°

- rotation externe : 60°.

La caisse souligne que seules l'antépulsion et l'élévation latérale de l'assurée subissent une réelle limitation et relève justement la disparition de l'amyotrophie constatée lors de la déclaration de la maladie professionnelle le 13 mars 2017, disparition qui n'est pas remise en cause et qui démontre que le bras a pu être utilisé de nouveau de façon normale, ce qui justifie la qualification d'atteinte légère.

D'ailleurs, en réponse à l'avis de l'expert judiciaire, le médecin-conseil (pièce 9) relève que « Le rapport du Dr [M] reprend bien les éléments du médecin-conseil qui permettent de justifier le taux de 10 % (...). L'absence d'amyotrophie ainsi que la bonne exécution des mouvements complexes permettent de confirmer la qualification d'atteinte légère des mouvements de l'épaule droite et le taux de 10 %. »

Il rejoint en cela l'avis du docteur [D] qui proposait le 20 décembre 2017 un taux d'IPP de 10 % pour « séquelles indemnisables au décours de microtraumatismes répétés occasionnant une rupture de la coiffe des rotateurs droits opérée et reconnue maladie professionnelle consistant en une limitation douloureuse avec gêne fonctionnelle de l'épaule droite en antépulsion et en élévation latérale chez une assurée droitière », relevant les mêmes mesures des différents mouvements simples ainsi que la bonne exécution des mouvements complexes.

Dans son certificat du 18 décembre 2017, le docteur [B] indique pour sa part à une date contemporaine de la date de consolidation que «Le résultat clinique et fonctionnel, ce jour, est tout à fait satisfaisant avec une épaule peu douloureuse, ayant récupéré une bonne mobilité et une force satisfaisante ». Ce n'est qu'en mars 2018 que ce médecin propose une réévaluation du taux de 10 %.

L'assurée n'apporte donc aucun élément médical nouveau par rapport à ceux soumis au premier juge pour invalider le taux de 10 % au jour de la consolidation et motiver le recours à une deuxième expertise judiciaire.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Partie succombante, l'assurée sera tenue aux dépens, sans que l'équité commande qu'il soit fait droit à la demande en paiement formée à son encontre par la caisse en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

DÉCLARE l'appel de Madame [Z] [X] épouse [U] recevable ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement (RG n°19/02604) prononcé le 02 novembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris ;

DÉBOUTE la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne de sa demande en paiement formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [X] [Z] épouse [U] aux dépens.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 22/10119
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;22.10119 ?
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