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29/03/2024 | FRANCE | N°22/05251

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 29 mars 2024, 22/05251


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 29 Mars 2024



(n° ,7 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/05251 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFXKX



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Avril 2022 par le Pole social du TJ de MEAUX RG n° 19/00893





APPELANTE

S.A.S.U. [4]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me

Guy DE FORESTA, avocat au barreau de LYON, toque : 653 substitué par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946



INTIMEE

CPAM 08 - ARDENNES

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 29 Mars 2024

(n° ,7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/05251 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFXKX

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Avril 2022 par le Pole social du TJ de MEAUX RG n° 19/00893

APPELANTE

S.A.S.U. [4]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Guy DE FORESTA, avocat au barreau de LYON, toque : 653 substitué par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946

INTIMEE

CPAM 08 - ARDENNES

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, toque : D2104

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur PHILIPPE BLONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Monsieur Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Madame Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par S.A.S.U [4] (ci-après, société [4]) prise en son établissement de VILLERS SEMEUSE (08) d'un jugement rendu le 04 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Meaux dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes (ci-après, la caisse).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que le 28 janvier 2016, Madame [P] [T], salariée de la société [4], a ressenti une vive douleur dans le dos en portant un pack de boissons gazeuses. Une déclaration d'accident a été complétée, le même jour, par la société employeur lequel a été pris en charge au titre du risque professionnel.

Le 11 février 2016, la caisse a informé la société [4] qu'un taux d'incapacité permanente (ci-après IP) de 13% dont 3% pour le taux professionnel avait été attribué à Madame [P] [T] au lendemain de la consolidation initiale des lésions dont la date avait été fixée au 3 mars 2019 par le docteur [M] [R], médecin conseil.

La société [4] a contesté la pertinence de ce taux devant la commission médicale de recours amiable (ci-après CMRA) laquelle, au cours de sa séance du 17 septembre 2019 a confirmé le taux d'IP de 13%. Notification en a été faite à l'intéressée le 1er octobre 2019.

Par requête formée le 25 novembre 2019, la société [4] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Meaux, devenu tribunal judiciaire le 1er janvier 2020.

Par jugement du 4 avril 2022, le tribunal a :

- débouté la société [4] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné la société aux dépens de l'instance,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- rappelé que les frais de consultation médicale restent à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés,

Le courrier du 05 avril 2022 adressé à la société [4] lui notifiant le jugement tribunal judiciaire de Meaux fait état d'un accusé réception qui n'est pas versé au dossier de sorte qu'aucune notification n'est régulièrement intervenue.

Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 27 avril 2022, la société [4] interjetait appel du premier jugement.

Par conclusions écrites, soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société [4] demande à la cour de :

- déclarer le recours de la société [4] recevable,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Meaux dans toutes ses dispositions,

- dire que le taux d'IPP attribué à Mme [T] au titre de son accident de travail du 28 janvier 2016 et déterminant sa rente, a été fixé par la caisse en tenant compte de son déficit fonctionnel permanent de la salariée lequel devait pourtant être exclu au profit du seul préjudice professionnel,

- juger que le taux d'IPP global attribué à Mme [T] doit être réduit à hauteur de 3% maximum, soit le quantum du seul taux socio-professionnel attribué,

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de juger que le taux attribué à Mme [T] doit être ramené à 7% maximum, tous chefs de préjudices confondus, dans les rapports entre la concluante et la caisse primaire,

A titre très subsidiaire, elle lui demande de :

- ordonner une expertise médicale judiciaire, le litige intéressant les seuls rapports caisse/employeur afin de se prononcer sur le taux d'incapacité permanente partielle attribué à Mme [T] ensuite de son accident de travail du 28 janvier 2016,

- nommer tel expert avec pour mission :

1° convoquer les parties aux opérations d'expertise,

2° prendre connaissance de l'entier dossier médical de Mme [T] établi par la Caisse primaire qui lui aura été préalablement transmis à la demande du greffe,

3° fixer d'une part, la partie du taux d'incapacité permanente partielle correspondant au seul déficit fonctionnel permanent et, d'autre part, celle correspondant au seul préjudice professionnel qu'aurait pu subir la salariée,

4° notifier au médecin conseil de la société [4], le docteur [O] [N], le rapport d'expertise sous pli fermé avec la mention " confidentiel ", après avoir établi un pré-rapport et recueilli les dires des parties.

En tout état de cause, la Société demande à la cour de :

- renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour qu'il soit débattu sur l'appréciation du taux d'incapacité permanente partielle,

- réduire à de plus justes proportions le taux d'incapacité permanente partielle attribué à Mme [T] ensuite de son accident du travail du 28 janvier 2016,

Par conclusions écrites, soutenues oralement à l'audience par son représentant, la caisse demande à la cour de :

- confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Meaux,

- rejeter la demande de la société [4],

- condamner la société [4] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société [4] aux entiers dépens de l'instance.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 9 janvier 2024.

SUR CE :

- Sur la fixation du taux

Moyens des parties :

La société [4] fait valoir que taux d'IPP attribué à Mme [T] au titre de son accident de travail du 28 janvier 2016 et déterminant sa rente, a été fixé par la caisse en tenant compte du déficit fonctionnel permanent (ci-après DFP) de la salariée lequel devait pourtant être exclu au profit du seul préjudice professionnel. Elle appuie son argumentation sur un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation qui, notamment, dans les arrêts visés (Assemblée plénière -pourvois n° 21-23.947 et n°20-23.673) indiquerait que la rente ou l'indemnité en capital versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

En réplique, la caisse indique que cette argumentation ne saurait prospérer puisqu'elle ne concerne que le cas d'une victime d'un accident du travail causé par la faute inexcusable de l'employeur.

Réponse de la cour

Le déficit fonctionnel permanent (ci-après DFP) correspond aux incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime. Il se rapporte à l'invalidité subie par la victime dans sa vie courante postérieurement à la consolidation, telles les séquelles physiologiques, la douleur permanente, sa perte de qualité de vie et des joies usuelles de l'existence.

Le déficit fonctionnel permanent se distingue de l'incapacité permanente partielle au sens du droit de la sécurité sociale, cette dernière notion correspondant à la perte de possibilité de percevoir un gain en raison d'atteintes physiologiques évaluées selon un barème distinct, défini dans les annexes du code de la sécurité sociale.

L'indemnisation du déficit fonctionnel permanent ne saurait être confondue avec la rente. La première peut être versée dans le cadre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur pour compenser le handicap subi, alors que la seconde correspond à l'indemnisation forfaitaire des conséquences d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle sur la capacité de travail. La rente indemnise donc la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle (2e Civ., 1 février 2024, pourvoi n°22-11.448). Les deux indemnisations peuvent désormais se cumuler en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la rente n'indemnisant pas le déficit fonctionnel permanent, comme l'a rappelé la Cour de cassation dans ses arrêts d'assemblée plénière du 20 janvier 2023.

Dans le cas d'espèce, la question ne porte pas sur l'existence d'un déficit fonctionnel permanent mais sur le taux d'IPP fixé et retenu par la caisse, faisant suite à l'accident de travail de Mme [T] du 28 janvier 2016.

Dès lors que l'IPP et le DFP sont distincts, ce moyen sera rejeté.

Ce faisant, aux termes de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, " le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité ".

L'article R434-32 du même code prévoit " qu'au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit. Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail ".

L'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale dispose, " dans son 1er alinéa, que le taux de l'incapacité permanente est déterminé compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité. Le présent barème répond donc à la volonté du législateur. Il ne peut avoir qu'un caractère indicatif. Les taux d'incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l'évaluation garde, lorsqu'il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l'entière liberté de s'écarter des chiffres du barème ; il doit alors exposer clairement les raisons qui l'y ont conduit. Le présent barème indicatif a pour but de fournir les bases d'estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail et, éventuellement, des maladies professionnelles dans le cadre de l'article L. 434-2 applicable aux salariés du régime général et du régime agricole. Il ne saurait se référer en aucune manière aux règles d'évaluation suivies par les tribunaux dans l'appréciation des dommages au titre du droit commun ".

Le taux d'incapacité permanente partielle doit s'apprécier à la date de consolidation soit en l'espèce au 03 mars 2019, les situations postérieures ne pouvant être prises en considération.

De même, seules les séquelles résultant des lésions consécutives à l'accident du travail pris en charge par la caisse primaire doivent être prises en compte dans l'évaluation du taux d'incapacité permanente attribuée à la victime en application de l'article L. 434-1 du code de la sécurité sociale.

Cependant, le point II 3 a/ du chapitre préliminaire du barème indicatif d'invalidité accidents du travail, précise que l'estimation médicale de l'incapacité doit faire la part de ce qui revient à l'état antérieur, et de ce qui revient à l'accident. Les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables. Mais il peut se produire des actions réciproques qui doivent faire l'objet d'une estimation particulière.

Il peut arriver qu'un état pathologique antérieur absolument muet soit révélé à l'occasion de l'accident de travail ou de la maladie professionnelle mais qu'il ne soit pas aggravé par les séquelles. Il n'y a aucune raison d'en tenir compte dans l'estimation du taux d'incapacité.

L'accident ou la maladie professionnelle peut révéler un état pathologique antérieur et l'aggraver. Il convient alors d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme.

Mme [T] a été victime d'un accident du travail le 28 janvier 2016 dans les circonstances suivantes : " Elle a ressenti une vive douleur dans le dos en portant un pack de coca-cola".

Le certificat médical établi par le docteur [I] du Centre Hospitalier de [Localité 1] du 28 janvier 2016 fait état de : " Dorsalgie aigue, port d'une charge lourde ".

La caisse indiquait " après examen des éléments médico-administratifs du dossier (') et des conclusions du service médical que le taux d'incapacité permanente est fixé à 13% dont 3% pour le taux professionnel à compter du 04/03/2019 ".

La commission médicale de recours amiable, saisie par la société [4] indiquait qu'en application des dispositions de l'article R.434-32 du code de la sécurité sociale, et, " au vu de l'ensemble des éléments fournis au dossier et au vu du barème indicatif d'invalidité en accidents du travail et maladies professionnelles, elle ne possédait aucun argument permettant de modifier le taux d'incapacité permanente partielle ".

Le docteur [N], médecin consultant de la société indiquait pour sa part " qu'il existe un état antérieur dégénératif qui va nécessiter une intervention réalisée très précocement après l'accident puisque le rapport indique que la salariée a subi en mars 2018 d'une arthrodèse lombaire L5-S1 associé à une prothèse discale L4-L5 ". Il soulignait qu'il n'était pas fait mention dans le rapport susvisé d'une lésion d'origine post-traumatique et, notamment, à la survenue d'une hernie discale. Dans ces conditions, considérant " que l'accident a transitoirement dolorisé cet état antérieur et que celui-ci a ensuite continué à évoluer pour son propre compte à partir de l'intervention chirurgicale la date de consolidation aurait dû être fixée au 01/03/2018 ". Il précisait encore qu'à la date de consolidation l'examen du médecin-conseil était très succinct mais " qu'il ne semble pas exister de raideur rachidienne significative puisque la distance doigt sol est à 30 cm (indice de Schober non étudié) et que l'accroupissement est possible bien que décrit comme difficile. Les inflexions latérales et les mobilités en rotation ne sont pas décrites ". Enfin, " la marche talon et pointe reste possible ce qui élimine un déficit radiculaire significatif au niveau L4-L5 et L5-S1. Point important, il n'est pas noté d'amyotrophie musculaire ".

Il estimait que le " fait qu'une intervention lourde, associant arthrodèse et prothèse discale sur deux étages, soit réalisée peu de temps après l'accident, indique que l'état antérieur dégénératif était déjà symptomatique avant l'accident " et concluait en indiquant " que les séquelles décrites correspondent à un syndrome rachidien séquellaire modéré sans syndrome radiculaire associé. Il s'agit de séquelles discrètes d'un traumatisme lombaire n'ayant entraîné aucune lésion post-traumatique objective et survenant sur un état antérieur dégénératif ". Il estimait qu'en référence au barème en son chapitre 3.2, " on peut estimer l'état antérieur au minimum à 5% ".

Au regard du différend médical, le tribunal a, par décision du 26 janvier 2021, ordonné une consultation médicale sur pièces qu'il confiait au docteur [J] [H].

Dans son rapport il indiquait que Mme [T] avait présenté des lésions initiales suivantes: " lombalgies et lombosciatique droite de topographie S1. Elle avait bénéficié avant consolidation d'exploration radiologique et morphologique qui ont confirmé l'état antérieur dégénératif lombaire. L'évolution postopératoire s'était faite vers la persistance d'un syndrome rachidien lombaire douloureux et (') dans tous les cas sans séquelle imputable à l'accident de façon directe et certaine ". Il considérait que les lésions observées et la symptomatologie alléguée, semblaient donc imputables à l'accident du 28 janvier 2016. Par contre, il estimait que si la réalité des lésions initiales et de l'état séquellaire pouvaient être affirmées, elles intervenaient sur un état antérieur majeur à l'origine de la prise en charge chirurgicale qui ne concerne en rien les conséquences post-traumatiques directes et certaines de l'accident qui nous occupe. L'imputabilité des séquelles aux lésions initiales ne peut être retenue de façon formelle. Il concluait que le taux d'incapacité permanente imputable à l'accident à la date du 03 mars 2019 est de 5% pour lombalgies chroniques séquellaires sans signe neurologique périphérique associé.

Il résulte de l'ensemble des pièces médicales versées au dossier que la salariée a dû faire l'objet d'une opération chirurgicale suite à son accident de travail. En effet, comme le relève le docteur [N] il existe " un état antérieur dégénératif qui va nécessiter une intervention réalisée très précocement après l'accident puisque le rapport indique que la salariée a subi en mars 2018 d'une arthrodèse lombaire L5-S1 associé à une prothèse discale L4-L5 ". Ce constat est également celui du docteur [J] qui note " Madame [P] [T] a présenté des lésions initiales suivantes : lombalgies et lombosciatique droite de topographie S1. Elle a bénéficié avant consolidation d'exploration radiologique et morphologique qui ont confirmé l'état antérieur dégénératif lombaire ". Les séquelles faisant suite à l'opération chirurgicale ne sont donc pas imputables à l'accident de travail de la salariée.

Mais, s'il est vrai que le docteur [N] concluait son rapport en indiquant que la salariée a présenté " des séquelles discrètes d'un traumatisme lombaire n'ayant entraîné aucune lésion post-traumatique objective et survenant sur un état antérieur dégénératif ", il n'en demeure pas moins que le docteur [J] indiquait, sans aucune ambiguïté, que les " lésions observées et la symptomatologie alléguée, semblent donc imputables à l'accident du 28/01/2016 ".

Ces lésions avaient bien été décrites par le médecin urgentiste puisque le certificat initial du 28 janvier 2016 faisait état de " dorsalgie aigüe, port d'une charge lourde " et se retrouvait dans le certificat médical final du 05 mars 2019 qui constatait l'existence " d'une lombosciatique gauche persistante avec paresthésies jambe gauche - positions assise et debout prolongées impossibles -port de charge limité ".

Ce faisant, le barème indicatif d'invalidité indique dans son titre :3.2 RACHIS DORSO-LOMBAIRE.

Si le rachis dorsal est un segment pratiquement rigide et participant peu aux mouvements, la pathologie traumatique du rachis lombaire est fréquente. Aussi, est-il indispensable de tenir compte des données rhumatologiques les plus récentes de la pathologie discale et non discale lombaire.

Pour éviter les interprétations erronées basées sur une fausse conception de l'image radiologique, il faut définir avec soin les données objectives de l'examen clinique et, notamment, différencier les constatations faites selon qu'elles l'ont été au repos ou après un effort.

L'état antérieur (arthroses lombaires ou toute autre anomalie radiologique que l'accident révèle et qui n'ont jamais été traitées antérieurement), ne doit en aucune façon être retenu dans la genèse des troubles découlant de l'accident.

Normalement, la flexion à laquelle participent les vertèbres dorsales et surtout lombaires est d'environ 60°. L'hyperextension est d'environ 30°, et les inclinaisons latérales de 70°. Les rotations atteignent 30° de chaque côté.

C'est l'observation de la flexion qui donne les meilleurs renseignements sur la raideur lombaire. La mesure de la distance doigts-sol ne donne qu'une appréciation relative, les coxo-fémorales intervenant dans les mouvements vers le bas. L'appréciation de la raideur peut se faire par d'autres moyens, le test de Schober-Lasserre peut être utile. Deux points distants de 15 cm (le point inférieur correspondant à l'épineuse de L 5), s'écartent jusqu'à 20 dans la flexion antérieure. Toute réduction de cette différence au-dessous de 5 cm atteste une raideur lombaire réelle.

Persistance de douleurs notamment et gêne fonctionnelle (qu'il y ait ou non séquelles de fracture).

- Discrètes 5 à 15

- Importantes 15 à 25

- Très importantes séquelles fonctionnelles et anatomiques 25 à 40

A ces taux s'ajouteront éventuellement les taux estimés pour les séquelles nerveuses coexistantes.

Anomalies congénitales ou acquises : lombosciatiques.

Notamment : hernie discale, spondylolisthésis, etc. opérées ou non. L'I.P.P. sera calculée selon les perturbations fonctionnelles constatées.

Au regard de ce qui précède et dont il résulte que les séquelles consistent en des douleurs et une raideur lombaire, c'est donc à juste titre que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne a fixé à 10% le taux d'incapacité partielle médical attribué à Mme [T].

Sur le coefficient professionnel

Le coefficient professionnel, construction jurisprudentielle, est un élément administratif apprécié non pas par le médecin-conseil à la date de la consolidation mais par la caisse. C'est un pourcentage qui se surajoute au taux d'incapacité lorsque le préjudice professionnel est important, notamment diminution de salaire, licenciement, difficultés de reclassement et réduction de possibilités.

Par conséquent, c'est au moment de la notification de la décision finale par la caisse sur l'IPP qu'il faut se placer pour savoir si cette dernière disposait d'éléments suffisants pour pouvoir octroyer un coefficient professionnel qui doit être pondéré en fonction des capacités de reconversion de l'assuré et de son éventuel départ à la retraite.

En l'espèce, la caisse verse aux débats une fiche de décision taux professionnel aux termes de laquelle il apparaît un taux professionnel de 3% attribué à Mme [T] du fait de sa perte d'emploi mais également la production d'un avis d'inaptitude au poste de travail ainsi qu'une lettre de licenciement pour inaptitude.

La caisse fait état d'un barème d'harmonisation des taux professionnels prenant en compte l'âge des assurés, le taux médical, par tranches, et aux termes duquel le taux professionnel proposé dans la situation de Mme [T] est de 3%.

Or, si la caisse a élaboré un document afin d'harmoniser l'attribution des coefficients professionnels aux assurés dépendant de ses services, il n'en demeure pas moins que ce barème ne lie pas les juridictions.

Cependant, au cas particulier, il convient de relever qu'en raison de son accident du travail, la salariée a d'abord fait l'objet d'un avis d'inaptitude le 14 mars 2019, puis a été licenciée pour ce motif le 30 mars 2019, ce que la société [4] ne conteste pas.

Compte tenu de son âge au moment de la consolidation de son état (40 ans), du taux médical qui lui a été accordé (10%), de la perte de son emploi, le taux de 3% qui lui a été octroyé par la caisse apparaît suffisant pour réparer le préjudice professionnel de Mme [T].

En conséquence, il convient de confirmer la fixation d'un taux professionnel de 3%.

Dès lors, à la date du 03 mars 2019, les séquelles présentées par Mme [T] justifient d'un taux d'incapacité permanente de 13 % en ce qu'il tient compte d'un taux médical de 10% et d'un taux professionnel de 3%.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

La société [4], qui succombe, sera condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DECLARE recevable l'appel formé par S.A.S.U [4] prise en son établissement de [Localité 6] (08) ;

CONFIRME le jugement rendu le 04 avril 2022 (RG 19/00893) par le tribunal judiciaire de Meaux en ses dispositions soumises à la cour ;

CONDAMNE S.A.S.U [4] prise en son établissement de [Localité 6] (08) à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE S.A.S.U [4] prise en son établissement de [Localité 6] (08) aux dépens de l'appel,

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 22/05251
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;22.05251 ?
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