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29/03/2024 | FRANCE | N°22/02634

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 29 mars 2024, 22/02634


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 29 Mars 2024



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/02634 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFIHY



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Janvier 2022 par le Pole social du TJ d'EVRY RG n° 20/01163





APPELANTE

S.A.S. [5]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

représentée par Me G

abriel RIGAL, avocat au barreau de LYON, toque : 1406 substitué par Me Amaria BELGACEM, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE

CPAM 78 - YVELINES

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Mylène BARRER...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 29 Mars 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/02634 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFIHY

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Janvier 2022 par le Pole social du TJ d'EVRY RG n° 20/01163

APPELANTE

S.A.S. [5]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

représentée par Me Gabriel RIGAL, avocat au barreau de LYON, toque : 1406 substitué par Me Amaria BELGACEM, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

CPAM 78 - YVELINES

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, toque : D2104 substituée par Me Claire COLLEONY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la société [5] d'un jugement rendu le

13 janvier 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Evry (RG 20-1163) dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [O] était salariée de la société [5] (désignée ci-après 'la Société') depuis le 2 novembre 2000 en qualité d'employée commerciale lorsque, le

6 mars 2017, elle a informé son employeur avoir été victime d'un accident survenu sur son lieu de travail que celui-ci a déclaré auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (ci-après désignée 'la Caisse') en ces termes «En dépotant une palette de marchandise, chute de carton rempli de marchandises ».

Le certificat médical initial établi le 6 mars 2017 par le centre Hospitalier d'[Localité 6] constatait une « contusion musculaire de l'épaule gauche » et prescrivait un arrêt de travail et des soins jusqu'au 12 mars suivant.

Le 28 mars 2018, la Caisse a reconnu le caractère professionnel de cet accident, y compris la nouvelle lésion « rupture tendon sus épineux épaule gauche » mentionnée au certificat médical du 20 juin 2017.

L'état de santé de Mme [O] a été déclaré consolidé par le médecin conseil de la Caisse au 1er janvier 2020 et, au regard de la subsistance de séquelles indemnisables à cette date, la Caisse a attribué, par décision du 27 janvier 2020, un taux d'incapacité permanente partielle (ci-après 'IPP') de 10 %.

La Société a contesté le bien fondé de ce taux devant la commission médicale de recours amiable par courrier du 23 mars 2020 puis, à défaut de décision explicite, elle a porté son recours devant le pôle social du tribunal judiciaire d'Evry qui l'a enregistré sous le numéro de RG 20-1163.

Finalement, la Commission rendait sa décision le 10 septembre 2020, déboutant explicitement la Société de ses demandes, confirmant l'analyse du médecin-conseil de la Caisse et maintenant le taux d'incapacité permanente partielle attribué à Mme [O] à 10 %. Cette décision a été notifiée à la Société le 20 octobre 2020 qui l'a également contestée en saisissant le tribunal. Ce recours a enregistré sous le numéro de RG 20-1171.

Par jugement du 13 janvier 2022 le tribunal a :

- ordonné la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 20-1171 et

RG 20-1163, sous le numéro RG 20-1163,

- déclaré le recours formé par la société S.A.S. [5] recevable,

- déclaré opposable à la société S.A.S. [5] le taux d'incapacité permanente partielle de 10 % attribué à Madame [H] [O] par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, suite à l'accident du travail survenu le 6 mars 2017.

- condamné la société S.A.S. [5] dépens.

Le jugement a été notifié aux parties le 25 janvier 2022 et la Société en a régulièrement interjeté appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le

9 février 2022.

L'affaire a alors été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 16 mai 2023 puis renvoyée à l'audience du 10 janvier 2024 lors de laquelle les parties étaient représentées et ont plaidé.

La Société, reprenant oralement le bénéfice de ses conclusions, demande à la cour de :

- infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evry le 13 janvier 2022 ;

- à titre incident commettre tout consultant qu'il plaira à la juridiction avec pour mission d'examiner sur pièces les éléments du dossier médical justifiant le taux d'IPP de 10 % attribué à Madame [H] [O] en conséquence de son accident du travail du 6 mars 2017, d'en apprécier le bien fondé et de se prononcer sur les éléments concourants à la fixation de ce taux,

o ordonner que la consultation prendra la forme d'une consultation orale qui sera présentée à l'audience que la Cour fixera ou, s'il plaît à la juridiction, qu'elle prendra la forme d'une consultation écrite qui sera remise au greffe et communiquée au médecin désigné par l'employeur en la personne du docteur [F] [S] ([Adresse 4]

[Adresse 4]) ainsi qu'au praticien conseil de la CPAM avant une date antérieure d'au moins 15 jours à l'audience à intervenir,

o enjoindre à cette fin à la CPAM des Yvelines ainsi qu'à son praticien conseil de communiquer au consultant ainsi désigné l'entier dossier médical de Madame [H] [O] justifiant ladite décision,

o ordonner que les frais résultant de la consultation soient mis à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie, conformément aux dispositions de l'article L. 142-1 1 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2022, et statuant à nouveau,

- constater que le taux de 10 % auquel la CPAM a fixé le taux d'incapacité permanente partielle attribuée à Madame [H] [O] au titre de son accident du travail du

6 mars 2017 a été surévalué et, en conséquence,

- déclarer qu'à l'égard de la société [5], le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [H] [O] doit être ramené à 3 % avec toutes les conséquences de droit y afférent.

En tout état de cause, la Société demande à la cour de :

- débouter la CPAM des Yvelines de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la CPAM aux dépens de l'instance.

La Caisse, au visa de ses conclusions, demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Evry-Courcouronnes du 13 janvier 2022 maintenant à 10 %1e taux d'incapacité permanente partielle de Madame [H] [O], opposable à la société [5],

- rejeter la demande de mise en 'uvre d'une expertise médicale judiciaire,

- débouter la Société de toutes ses demandes.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 10 janvier 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 29 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au soutien de son recours, la Société rappelle que l'évaluation d'un taux d'IPP doit démontrer un lien entre un état clinique stabilisé et la symptomatologie traumatique initiale en prenant en compte les seuls éléments figurant dans le dossier transmis. Elle estime que le taux de 3 % serait plus approprié au cas de Mme [O] et produit à cet effet la note de son médecin consultant, le docteur [S], qui retient que l'IRM effectuée deux mois après l'accident démontre une rupture transfixiante du tendon du supra épineux gauche signifiant une lésion dont l'origine est très antérieure à l'accident du travail du 6 mars 2017, d'autant que la chute d'une étagère d'un objet de 1,5 k ne serait pas de nature à entraîner une telle lésion. Il relève que deux interventions chirurgicales ont eu lieu dont la deuxième en juin 2019 pour un 'corps étranger intra-articulaire + rupture itérative du supra épineux' qui n'a pas été considérée comme une nouvelle lésion. La Société fait grief au médecin-conseil d'avoir fixé un taux de 10 % au regard d'un examen incomplet, non précis et non conforme au barème indicatif des accidents du travail en vigueur. Par la suite, elle regrette que la CMRA n'ait pas répondu aux observations du docteur [S], alors qu'elle disposait de sa note. Elle sollicite en conséquence, la mise en oeuvre d'une expertise ou d'une consultation sur pièces estimant que la note de son médecin introduit indiscutablement un doute sérieux, d'ordre médical, dont dépend la solution du litige.

La Caisse rappelle qu'aux termes de l'article 1.434-2 du code de la sécurité sociale, le taux médical d'incapacité permanente partielle est déterminé selon un barème indicatif d'invalidité qui fixe des taux moyens d'incapacité en fonction de différents critères reposant sur la nature de l'infirmité, l'âge, l'état général, les facultés physiques et mentales de la victime et ses aptitudes et ses qualifications professionnelles.

Au cas de Mme [O], elle estime que le taux de 10 % est justifié et qu'une expertise n'a pas lieu d'être. Elle relève que la CMRA est constituée de deux médecins dont un expert avec un avis prépondérant sur l'avis du médecin-conseil de la Caisse, qu'elle a réexaminé le dossier de la salariée, notamment au regard des observations du médecin-conseil de l'employeur, le docteur [S] qui a reçu les réponses de ladite commission. La Caisse rappelle que la salariée a subi une première intervention le 6 novembre 2017 pour réparation d'une rupture transfixiante de la coiffe des rotateurs, puis elle a eu une seconde intervention pour récidive de rupture le 26 juin 2019, rupture du supra épineux qui a été reconnue en nouvelle lésion, sans contestation de l'employeur, et qui ne peut donc plus être remise en cause. Elle estime que l'examen clinique de Mme [O] est tout à fait suffisant pour déterminer le retentissement fonctionnel et professionnel de l'assurée qui est employée en grande distribution et qui se trouve avec une limitation de l'ensemble des mouvements de l'épaule. Elle retient que l'état antérieur a bien été pris en compte et rappelle que les lésions de l'intéressée ont nécessité deux ans et dix mois d'arrêt de travail, deux mois de soins, deux ans de soins post consolidation. Elle précise enfin que la salariée n'a jamais pu reprendre son activité et qu'elle a été licenciée le 1er février 2021 pour inaptitude, sur avis de la médecine du travail.

S'agissant de la demande d'expertise, la Caisse relève qu'il n'existe aucun débat de nature médicale qui justifierait d'y avoir recours.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 434-1 du code de la sécurité sociale

Une indemnité en capital est attribuée à la victime d'un accident du travail atteinte d'une incapacité permanente inférieure à un pourcentage déterminé.

Son montant est fonction du taux d'incapacité de la victime et déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret dont les montants sont revalorisés au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25. Il est révisé lorsque le taux d'incapacité de la victime augmente tout en restant inférieur à un pourcentage déterminé.

Cette indemnité est versée lorsque la décision est devenue définitive.

Elle est incessible et insaisissable.

l'article L. 434-2 du même code prévoyant

Le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Pour sa part, l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale prévoit

Au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

La décision motivée est immédiatement notifiée par la caisse à la victime ou à ses ayants droit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le double de cette décision est envoyé à la caisse régionale et à l'employeur au service duquel est survenu l'accident.

(...).

Il sera rappelé par ailleurs que les séquelles d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne sont pas toujours en rapport avec l'importance des lésions initiales. De même, les lésions qui demeurent au moment de la date de consolidation (laquelle ne correspond ni à la guérison ni à la reprise de l'activité professionnelle) sont proposées à partir du barème moyen indicatif, éventuellement modifiée par des estimations en plus ou en moins en fonction de l'examen médical pratiqué par le médecin.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente, d'une part, en matière d'accidents du travail et d'autre part, en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail'.

Les annexes I et II au Code de la sécurité sociale prises en application de cet article définissent les barèmes indicatifs d'invalidité applicables en matière d'accidents du travail et de maladie professionnelle et rappellent que le barème n'a qu'un caractère indicatif. Les taux d'incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l'évaluation garde, lorsqu'il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l'entière liberté de s'écarter des chiffres du barème, il doit alors exposer clairement les raisons qui l'y ont conduit.

Le taux d'incapacité permanente partielle doit s'apprécier à la date de consolidation.

Le barème indicatif d'invalidité relatif aux accidents de travail, prévoit que, pour l'estimation médicale de l'incapacité, il doit être fait la part de ce qui revient à l'état antérieur et de ce qui revient à l'accident. Les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables. Mais il peut se produire des actions réciproques qui doivent faire l'objet d'une estimation particulière. Ainsi,

a) il peut arriver qu'un état pathologique antérieur absolument muet soit révélé à l'occasion de l'accident de travail ou de la maladie professionnelle mais qu'il ne soit pas aggravé par les séquelles. Il n'y a aucune raison d'en tenir compte dans l'estimation du taux d'incapacité,

b) l'accident ou la maladie professionnelle peut révéler un état pathologique antérieur et l'aggraver. Il convient alors d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme,

c) un état pathologique antérieur connu avant l'accident se trouve aggravé par celui-ci. Etant donné que cet état était connu, il est possible d'en faire l'estimation. L'aggravation indemnisable résultant de l'accident ou de la maladie professionnelle sera évaluée en fonction des séquelles présentées qui peuvent être beaucoup plus importantes que celles survenant chez un sujet sain. Un équilibre physiologique précaire, compatible avec une activité donnée, peut se trouver détruit par l'accident ou la maladie professionnelle.

Afin d'évaluer équitablement l'incapacité permanente dont reste atteinte la victime présentant un état pathologique antérieur, le médecin devra se poser trois questions :

1° L'accident a-t-il été sans influence sur l'état antérieur '

2° Les conséquences de l'accident sont-elles plus graves du fait de l'état antérieur '

3° L'accident a-t-il aggravé l'état antérieur '

Pour le calcul de cette incapacité finale, il n'y a pas lieu, d'une manière générale, de faire application de la formule de Gabrielli. Toutefois, la formule peut être, dans certains cas, un moyen commode de déterminer le taux d'incapacité et l'expert pourra l'utiliser si elle lui paraît constituer le moyen d'appréciation le plus fiable.

En l'espèce, le certificat médical initial établi le 09 mars 2017 par le service des urgences du centre hospitalier d' [Localité 6] faisait mention d'une « Contusion musculaire de l'épaule gauche ».

Etait également prise en charge, au titre de l'accident du travail, la lésion « rupture du tendon sus épineux en attente de chirurgie » mentionnée sur le certificat médical du 20 juin 2017 établi par le docteur [G], reconnue par le médecin-conseil comme une « rupture du tendon sus épineux gauche ».

Mme [O] a été considérée comme consolidée de ses lésions le 1er février 2020 mais sera victime d'une rechute entraînant un nouvel arrêt de travail jusqu'au 31 décembre 2020, date de la consolidation de la rechute avec retour à l'état antérieur.

Aux termes du rapport d'évaluation établi par le médecin-conseil de la Caisse, le 4 décembre 2022, Mme [O] a subi un traumatisme de l'épaule ayant entraîné une rupture tendineuse de la coiffe des rotateurs gauche traitée chirurgicalement et présentait, à la date de consolidation, des séquelles consistant en des « douleurs résiduelles avec limitation de la mobilité articulaire de l'épaule gauche dans tous les axes chez une manuelle droitière ».

Le médecin-conseil notait, lors de son examen réalisé en actif :

- une absence d'amyotrophie du membre supérieur non dominant,

- une force de serrage notée à 0 au dynamomètre.

Il faisait par contre le constat d'une limitation :

- de l'antépulsion de 90° (90° de limitation relevés pour une valeur normale de 180°),

- de l'abduction de 90° (80° relevé pour une valeur normale de 170°),

et d'une diminution de la rotation dans tous les axes.

Ainsi, tous les mouvements apparaissent limités.

Dans son rapport établi le 10 septembre 2020, la CMRA a retenu l'existence d'un état antérieur en ces termes « IRM du 23/05/2017 rétraction tendineuse associée à une involution graisseuse modérée et arthropathie acromio-claviculaire avec saillie sous acromiale ». Elle a conclu que « compte tenu des constatations du médecin conseil, de l'examen clinique retrouvant des douleurs résiduelles avec limitation de la mobilité articulaire de l'épaule gauche non dominante, chez une assurée droitière employée en grande distribution âgée de 60 ans et de l'ensemble des documents vus » justifiait de maintenir le taux d'incapacité permanente partielle à 10 %.

La cour constate que ces médecins ont bien eu connaissance de l'ensemble des pièces médicales concernant l'assurée ainsi que, s'agissant de la CMRA, les observations du docteur [S] dont la note est également produite aux débats.

Ce faisant, le barème indicatif d'invalidité des accident du travail prévoit en son chapitre 1.1.2 intitulé « Atteinte des fonctions articulaires », l'évaluation du blocage et de la limitation des mouvements des articulations du membre supérieur, quelle qu'en soit la cause.

S'agissant de la mobilité de l'épaule, le barème indique que « normalement », la mobilité est de :

- 170° pour l'élévation latérale,

- 20° pour l'adduction,

- 180° pour l'antépulsion,

- 40° pour la rétropulsion,

- 80° pour la rotation interne,

- 60° pour la rotation externe.

Il rappelle également que la main doit se porter avec aisance au sommet de la tête et derrière les lombes, et que la circumduction doit s'effectuer sans aucune gêne.

Il prévoit enfin que les mouvements du côté blessé seront toujours estimés par comparaison avec ceux du côté sain. On notera d'éventuels ressauts au cours du relâchement brusque de la position d'adduction du membre supérieur, pouvant indiquer une lésion du sus-épineux, l'amyotrophie deltoïdienne (par mensuration des périmètres auxiliaires vertical et horizontal), les craquements articulaires. Enfin, il sera tenu compte des examens radiologiques.

Le barème propose alors, en cas de blocage ou de limitation de l'épaule, les taux suivants:

DOMINANT

NON DOMINANT

Blocage de l'épaule, omoplate bloquée

55

45

Blocage de l'épaule, avec omoplate mobile

40

30

Limitation moyenne de tous les mouvements

20

15

Limitation légère de tous les mouvements

10 à 15

8 à 10

Il apparaît ainsi que le taux proposé par le médecin-conseil, confirmé par la CMRA, est cohérent avec le barème d'autant qu'il ressort des éléments versés aux débats que Mme [O] a subi une première intervention le 6 novembre 2017 pour réparation d'une rupture transfixiante de la coiffe des rotateurs, puis une seconde intervention pour récidive de rupture le 26 juin 2019. Son état de santé a nécessité deux mois de soins ainsi que deux ans et 10 mois d'arrêt de travail, au cours desquels elle a reçu un traitement antalgique et suivi des séances de réadaptation fonctionnelle. Après la date de consolidation, elle a continué à recevoir des soins durant deux ans.

La cour note également que les séquelles ont eu des répercussions sur la vie professionnelle de Mme [O] puisqu'elle exerçait une activité manuelle en qualité d'employée commerciale et que la limitation de l'utilisation de son épaule a rendu l'exercice de son métier impossible, d'autant qu 'elle était âgée de 61 ans à la date de consolidation. Elle a été déclarée inapte par le médecin du travail, et, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi, elle a fait l'objet d'un licenciement du 1er février 2021 pour inaptitude d'origine professionnelle.

Pour contester la pertinence de ce taux, la Société produit la note médico-légale établie le 10 août 2022 par son médecin consultant, le docteur [S], qui considère que, contrairement à ce qu'a retenu le médecin-conseil, l'état antérieur ne peut être que la rupture du tendon du supra épineux mise en évidence deux mois après l'événement, associée à une involution graisseuse modérée du muscle supra épineux, ce qui signerait une lésion dont l'origine est très antérieure à l'accident. Sur le plan physiopathologique, il indique que la chute d'une étagère d'un objet de 1,5 kg n'est pas susceptible d'entraîner une rupture du supra épineux.

Le médecin relève également que l'assurée a bénéficié d'une intervention chirurgicale le 06 novembre 2017 pour une « réparation de coiffe arthroscopique » puis une seconde le 23 juin 2019 « corps étranger intra-articulaire + rupture itérative du supra épineux. Intervention : ablation du corps étranger + acromioplastie sous arthroscopie ». Or, selon lui, la lésion du supra épineux n'est pas contemporaine de l'événement survenu le

06 mars 2017 et la seconde intervention chirurgicale est en lien avec un corps étranger intra-articulaire (non précisé).

La cour ne pourra cependant pas suivre cette argumentation.

D'abord, il sera rappelé que la rupture de la coiffe des rotateurs a été reconnue comme imputable à l'accident du travail et n'a pas été contestée en son temps par l'employeur de sorte qu'elle ne peut plus être remise en cause. De ce fait, contrairement à ce qui est plaidé, elle n'est pas un état antérieur ou intercurrent pouvant venir minorer le taux d'incapacité permanente partielle.

La rupture de la coiffe des rotateurs et sa récidive étant des lésions liées à l'accident du travail elles doivent être prises en compte dans l'évaluation de l'incapacité permanente partielle.

Ensuite, aucune démonstration médicale n'est faite par le docteur [S] pour justifier ses affirmations selon lesquelles l'absence de mention d'amyotrophie du membre supérieur serait incompatible avec une impotence fonctionnelle depuis plusieurs années et que la force de serrage notée à O serait incompatible avec l'absence d'amyotrophie. Il ne démontre pas davantage en quoi un examen réalisé uniquement en actif aurait une incidence sur les mesures retenues par le médecin-conseil, d'autant que cette information n'apparaît nullement dans la reproduction du rapport du médecin-conseil par la commission médicale de recours amiable.

Enfin, la cour ne peut que constater que contrairement aux dispositions précitées, le docteur [S] n'a envisagé le taux d'incapacité permanente partielle qu'au niveau médical, sans aucunement tenir compte des répercussions sur l'activité professionnelle de la victime telles qu'elles ont été précisées ci-dessus.

La généralité des remarques du docteur [S] et son absence de démonstration de l'existence d'un état antérieur qui n'aurait pas été vue par le médecin-conseil et la CMRA ne révèlent pas de différend d'ordre médical qu'il conviendrait de résoudre par une expertise.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que l'examen de la situation médicale de Mme [O] ayant abouti à fixer un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % est conforme au barème indicatif rappelé ci-avant.

La décision querellée sera en conséquence confirmée.

Sur les dépens

La Société qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE l'appel formé par la société [5] recevable ;

CONFIRME la décision rendue le 13 janvier 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Evry (20/01163) maintenant le taux d'incapacité permanente partielle attribué à Mme [O] par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines le 27 janvier 2020 résultant des séquelles de l'accident de travail dont elle a été victime 6 mars 2017, à 10 %;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la Société aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 22/02634
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;22.02634 ?
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