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29/03/2024 | FRANCE | N°19/07023

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 29 mars 2024, 19/07023


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 29 Mars 2024



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/07023 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAFK3



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 18/02884





APPELANTE

CPAM 51 - MARNE

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représe

ntée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE

SAS [6]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Gabriel R...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 29 Mars 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/07023 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAFK3

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 18/02884

APPELANTE

CPAM 51 - MARNE

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SAS [6]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Gabriel RIGAL, avocat au barreau de LYON, toque : 1406 substitué par Me Elena ROUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0735

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe BLONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Monsieur Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Madame Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne (ci-après la Caisse) d'un jugement rendu le 17 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Paris dans un litige l'opposant à la SAS [6] (ci-après la société).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que par courrier recommandé avec accusé réception, adressé le 12 juillet 2018 au secrétariat-greffe, la société a saisi, par l'intermédiaire de son conseil, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris d'un recours à l'encontre d'une décision de la Caisse, en date du 21 juin 2018, ayant rejeté sa contestation relative à l'opposabilité de la décision de prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, de la maladie déclarée le 20 février 2017 par Madame [Y] [V] épouse [T], sa salariée.

En application des dispositions combinées des article 12 et 114 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle, l'affaire a été transférée au tribunal de grande instance de Paris, juridiction spécialement désignée, par le décret n°2018-772 du 4 septembre 2018, pour connaître du contentieux de la sécurité sociale.

Le tribunal de grande instance de Paris par jugement du 17 juin 2019 a :

- déclaré la société recevable en son recours et bien fondée ;

- déclaré inopposable à la société la décision de prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, de la maladie déclarée le 20 février 2017 par

Madame [Y] [V] épouse [T] ;

- mis les dépens à la charge de la Caisse.

Le jugement lui ayant été notifié le 26 juin 2019, la Caisse en a interjeté appel par lettre reçue au greffe social de la cour d'appel le 5 juillet 2019.

Par conclusions écrites (responsives et récapitulatives n°2) soutenues oralement à l'audience par la Caisse, celle-ci demande à la cour de :

-infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 juin 2019 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris,

-déclarer que la Caisse a respecté les dispositions de l'article D.461-29 du Code de la sécurité sociale,

-déclarer que la procédure d'instruction est régulière,

-déclarer que la décision du 20 novembre 2017 de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels de la maladie de Madame [T] [Y] est bien fondée,

-déclarer la décision du 20 novembre 2017 de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels de la maladie de Madame [T] [Y] est opposable à la société,

-confirmer la décision du 20 novembre 2017 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie dont souffre Madame [T] [Y],

-confirmer la décision de la commission de recours amiable en date du 21 juin 2018,

A titre subsidiaire, la caisse demande à la cour :

-désigner un nouveau comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (ci-après CRRMP),

-surseoir à statuer sur les autres demandes dans l'attente de l'avis du CRRMP,

-en tout état de cause,

-débouter la société de l'intégralité de ses demandes plus amples ou contraires,

-condamner la société aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions écrites (récapitulatives) soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 17 juin 2019 en ce qu'il a déclaré inopposable à la société la décision de prise en charge de la maladie de Madame [Y] [T],

-constater que :

- la Caisse indique avoir sollicité l'avis du médecin du travail postérieurement à l'expiration du délai de consultation offert à l'employeur,

- la Caisse a placé la société dans l'impossibilité de prendre connaissance de cet avis,

- qu'elle n'a pas respecté le délai d'un mois offert au médecin du travail pour transmettre son avis,

- le dossier de Madame [T] transmis au CRRMP ne comportait pas d'avis du médecin du travail,

- la Caisse ne justifie pas d'une impossibilité matérielle à transmettre un tel avis,

- la Caisse a décidé de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par Madame [T], en méconnaissance des dispositions des articles R.441-13 et D. 461-29 du Code de la sécurité sociale,

- la Caisse n'a pas respecté le principe général du contradictoire à l'égard de la société,

- qu'une décision explicite de refus de prise en charge est intervenue le 11 août 2017, préalablement à l'expiration du délai de six mois impartis à la Caisse pour instruire le dossier de Madame [T],

- la Caisse n'a pas notifié à la société sa décision explicite de refus de prise en charge en méconnaissance de ses obligations au titre du contradictoire,

- la Caisse a méconnu ses obligations découlant des articles R. 441-11 et suivants du Code de la sécurité sociale,

- qu'une décision de refus reste acquise à l'employeur,

- qu'en présence d'une décision explicite préalable de refus de prise en charge, la Caisse ne peut se prévaloir d'une décision implicite de prise en charge,

- qu'à la date d'une éventuelle décision implicite de prise en charge, la maladie déclarée par Madame [T] ne remplissait pas les conditions de prise en charge visées au tableau n°57 des maladies professionnelles,

Par conséquent, la société demande à la cour de :

- déclarer que la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Madame

[Y] [T], le 26 janvier 2017, au titre de la législation professionnelle est inopposable à la société [6], ainsi que toutes conséquences financières y afférentes,

- condamner la Caisse aux entiers dépens,

- débouter la Caisse de sa demande de désignation d'un nouveau CRRMP,

- débouter la Caisse de sa demande d'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 9 janvier 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE, LA COUR

1-Sur les délais procéduraux

Moyens des parties

La Caisse expose que suite à un certificat médical initial du 31 janvier 2017 faisant état d'une tendinite de « De Quervain droite », Mme [T] a souscrit une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n°57 relatifs aux affections péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures de travail ; qu'elle a reçu le certificat médical initial et la déclaration de la maladie professionnelle le 21 février 2017 ; qu'elle disposait d'un délai de trois mois, jusqu'au 21 mai 2017, pour rendre une décision ou pour notifier un délai complémentaire d'instruction ; que par courrier du 16 mai 2017, elle a notifié un délai d'instruction complémentaire à la société, soit dans le délai de trois mois comme le prévoit l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale ; qu'elle disposait d'un nouveau délai de trois mois pour rendre une décision, soit jusqu'au 16 août 2017 ; que n'ayant pas reçu l'avis du comité régional avant le 16 août 2017, elle a notifié un refus de prise en charge provisoire à Mme [T] le 11 août 2017 ; qu'à la réception de l'avis du CRRMP, elle a notifié la décision de prise en charge à la société le 20 novembre 2017 ; que cette décision est bien fondée et opposable à la société.

La société réplique que Mme [T] a complété une déclaration de maladie professionnelle en date du 20 février 2017 ; que la Caisse indique avoir réceptionné cette déclaration ainsi que le certificat médical y afférent le 21 février 2017 ; que conformément aux dispositions de l'article R.441-14 du code de la sécurité sociale, la Caisse disposait de trois mois à compter de cette date pour prendre sa décision, soit jusqu'au 21 mai 2017 ; que par courrier du 16 mai 2017, la Caisse informait la société de la nécessité de recourir à un délai d'instruction complémentaire de trois mois ; que la Caisse disposait de ce délai pour prendre une décision explicite, soit jusqu'au 16 août 2017 ; « que pourtant, c'est par courrier du 20 novembre 2017, soit plus de trois mois au-delà du délai prévu par les dispositions de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, que la Caisse l'a informé de sa décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par Mme [T] ; que la Caisse produit la décision explicite de refus de prise en charge intervenue le

11 août 2017 ; qu'une décision explicite de prise en charge est intervenue au cours du délai de 6 mois imparti à la Caisse pour instruire le dossier ;

qu'une décision explicite de refus de prise en charge s'oppose à ce que la Caisse puisse se prévaloir d'une décision implicite de prise en charge ; que la Caisse ne peut dans le même temps prendre une décision de refus de prise en charge à l'égard du salarié et une décision de prise en charge à l'égard de l'employeur ; que la décision de refus est définitive à l'égard de l'employeur ; que l'article R.441-14 du code de la sécurité sociale impose à la Caisse de notifier cette décision explicite non seulement à la salariée mais également à l'employeur ; que l'opposabilité à l'égard de l'employeur d'une décision implicite de prise en charge suppose la démonstration par la Caisse de la réunion des conditions de prise en charge à la date à laquelle cette décision est intervenue » (sic) ; que le dossier de

Mme [T] a fait l'objet d'une transmission au CRRMP, faute de remplir l'intégralité des conditions visées au tableau n°57 des maladies professionnelles ; que dès lors au jour d'une éventuelle décision implicite de prise en charge, la maladie de Mme [T] ne remplissait pas lesdites conditions de prise en charge ; que sa prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ne saurait dès lors être déclarée opposable à l'employeur.

Réponse de la cour

L'article R441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, prévoit que :

La caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.

Il en est de même lorsque, sans préjudice de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier et de l'article L432-6, il est fait état pour la première fois d'une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.

Sous réserve des dispositions de l'article R 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

L'article R 441-14 du même code, prévoit par ailleurs que lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.

Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R 441-13.

La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.

Le médecin traitant est informé de cette décision.

En application des articles R. 441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n 2016-756 du 7 juin 2016 et R.441-14 du même code, dans sa version issue du décret n 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, l'employeur ne peut pas se prévaloir de l'inobservation du délai dans la limite duquel doit statuer la caisse, laquelle n'est sanctionnée que par la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident à l'égard de la victime (2e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n 19-11.400). La notification à l'assuré d'un refus provisoire de prise en charge, sans notification à l'employeur, ne constitue pas une décision définitive à son égard.

Suite à un certificat médical initial du 31 janvier 2017 faisant état d'une tendinite de

De Quervain droite, Mme [T] a souscrit une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n°57 relatifs aux affections péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures de travail.

La Caisse a reçu le certificat médical initial du 31 janvier 2017 et la déclaration de la maladie professionnelle le 21 février 2017. Elle disposait alors d'un délai de trois mois, jusqu'au 21 mai 2017, pour rendre une décision ou pour notifier un délai complémentaire d'instruction.

Par courrier du 16 mai 2017, elle a notifié un délai d'instruction complémentaire à la société, soit dans le délai de trois mois comme le prévoit l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale.

Par courrier du 23 juin 2017, adressé à la société, la Caisse l'informait de la saisine du CRRMP.

L'article R.441-14 du code de la sécurité sociale prévoit qu'en cas de saisine d'un CRRMP, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur le délai d'instruction de six mois.

L'expiration du délai maximal de six mois devait intervenir le 16 août 2017. La caisse a notifié à la victime le 11 août 2017 un refus de prise en charge en précisant que les délais d'instruction impartis arrivent à leur terme et l'avis motivé du CRRMP, obligatoire dans le cadre de votre demande, ne m'est pas parvenu.

Cette notification dans les délais d'instruction d'une décision de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle d'une maladie, fait obstacle à ce que la victime bénéficie d'une reconnaissance implicite.

Dès lors, l'employeur ne peut se prévaloir d'une reconnaissance implicite, venant sanctionner le non-respect par la caisse des délais d'instruction, pour fonder sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle ni d'une décision explicite puisque la lettre par laquelle la caisse informe le salarié qu'en l'absence de remise de l'avis du comité dans un certain délai, sa demande de reconnaissance de l'origine professionnelle de sa maladie sera rejetée, ne constitue pas une décision de refus susceptible de revêtir un caractère définitif à l'égard de l'employeur.

Il s'agit d'une décision à titre conservatoire et d'aucune façon d'une décision explicite de prise en charge.

A réception de l'avis du CRRMP, par courrier du 20 novembre 2017, la Caisse a notifié à la société une décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Mme[T].

La société soutient que cette notification lui a été faite tardivement. Cependant, il sera rappelé qu'en application des articles R. 441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n 2016-756 du 7 juin 2016 et R.441-14 du même code, dans sa version issue du décret n 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, l'employeur ne peut pas se prévaloir de l'inobservation du délai dans la limite duquel doit statuer la caisse, laquelle n'est sanctionnée que par la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident à l'égard de la victime (2e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n 19-11.400).

Par conséquent, le moyen tiré du non-respect des délais de procédure doit être écarté.

2-Sur le défaut de transmission au CRRMP de l'avis motivé du médecin du travail et sur le non-respect du contradictoire

Moyens des parties

La Caisse expose que la société lui reproche, au visa de l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale, l'absence de transmission de l'avis du médecin du travail au CRRMP ; que l'absence de croix aux termes de l'avis du CRRMP ne signifie pas nécessairement que celui-ci n'a pas eu connaissance de l'avis du médecin du travail ; qu'il peut s'agir d'une erreur matérielle ; que si l'absence de transmission de l'avis du médecin du travail ne fait pas grief à l'employeur, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de l'avis du CRRMP ; qu'elle peut se prévaloir d'une impossibilité matérielle afin de justifier l'absence de transmission de l'avis du médecin du travail au CRRMP ; que si le médecin du travail ne répond pas à la demande de la Caisse, celle-ci est dans l'impossibilité d'adresser un quelconque avis au CRRMP ; que si la transmission d'un avis motivé du médecin demeure bien une formalité substantielle, l'absence de réponse du médecin du travail demeure quant à elle une impossibilité matérielle ; que faute de transmission de l'avis du médecin du travail au CRRMP et faute de justifier une impossibilité matérielle, le grief qui serait causé à la société a pour seule sanction la nullité de l'avis du CRRMP et non l'inopposabilité à l'employeur de la décision du comité ; que la société a été en mesure de consulter les pièces transmises au CRRMP puisqu'elle a reçu un courrier l'invitant à consulter les pièces du dossier le 23 juin 2017 en lui précisant qu'elle disposait d'un délai jusqu'au 13 juillet 2017 pour y procéder ; qu'il résulte des dispositions de l'article

D. 461-29 du code de la sécurité sociale que l'avis du médecin du travail n'a pas à figurer au dossier mis à disposition des parties ;

La société réplique que par courrier du 23 juin 2017, la Caisse l'a informée de la possibilité de consulter le dossier avant sa transmission au CRRMP et celle de formuler des observations et ce jusqu'au 13 juillet 2017 ; que la Caisse a pris contact avec le médecin du travail, le docteur [E] [H], le 17 juillet 2017, soit postérieurement à l'expiration du délai de consultation et d'observation offert à la société ; qu'elle n'a pu dès lors consulter l'avis du médecin du travail ; que le dossier transmis à la CRRMP étant incomplet, l'inopposabilité en est la sanction ; que la Caisse n'a pas transmis l'avis du médecin du travail au CRRMP ; que l'item motivé du médecin du travail n'est pas coché ; qu'il appartient à la Caisse de prouver son impossibilité matérielle à recueillir l'avis du médecin du travail ; que la Caisse produit une copie d'un courrier du 17 juillet 2017 qu'elle indique avoir adressé au docteur [E] [H] mais ne produit aucun élément susceptible d'en apprécier la date d'envoi ou de réception par ce médecin ; que la Caisse n'a aucunement attendu le délai d'un mois avant de communiquer le dossier de Mme [T] au CRRMP.

Réponse de la cour

Selon l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, « (') lorsqu'une ou plusieurs conditions de prise en charge d'une maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles ne sont pas remplies, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ».

Il résulte des articles D. 461-29 et D. 461-30 du même code « que la caisse saisit le comité après avoir recueilli et instruit les éléments nécessaires du dossier, parmi lesquels figure un avis motivé du médecin du travail de l'entreprise où la victime a été employée.

Le comité peut valablement exprimer l'avis servant à fonder la décision de la caisse en cas d'impossibilité matérielle d'obtenir cet élément (Civ 2e 20 juin 2013-n°12-19.186, Civ 2e 22 septembre 2022 -n°21-12.023).

La Caisse justifie avoir demandé à la société, par courrier du 22 février 2017, auquel était joint un courrier à l'intention du médecin du travail, de bien vouloir transmettre à celui-ci un exemplaire de la déclaration de maladie professionnelle et de lui communiquer également ses coordonnées.

Par ce même courrier du 22 février 2017, il était demandé à la société de bien vouloir transmettre au médecin du travail attaché à votre établissement un exemplaire de la déclaration de maladie professionnelle et le courrier joint.

Il résulte des pièces versées au dossier que la société n'a jamais répondu au courrier de la Caisse du 22 février 2017.

Dès lors, la Caisse s'est trouvée dans l'impossibilité matérielle de pouvoir disposer de l'avis motivé du médecin du travail de sorte qu'il ne peut lui être reproché de ne pas l'avoir transmis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pas plus qu'il ne peut être reproché à ce dernier d'avoir statué sans en disposer. (2e Civ.,

22 septembre 2022, n° 21-12.023).

Par contre, dès lors que la Caisse, en rouvrant l'instruction, close au 13 juillet 2017, par la notification au médecin du travail d'une demande d'avis par courrier du 17 juillet 2017, celle-ci ne mettait pas la société en mesure d'avoir connaissance de la réponse, peu importe qu'elle soit ou pas parvenue. En effet, la violation de la procédure d'instruction ne nécessitant pas la preuve d'un grief, la décision de la Caisse n'est pas opposable à la société (Civ. 2e, 7 juillet 2016, pourvoi n° 15-20.302).

La Caisse, qui succombe, sera condamnée aux dépens.

La société sollicite de voir débouter la Caisse de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette dernière n'ayant formulé aucune demande en ce sens, il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande, qui est sans objet.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne ;

CONFIRME le jugement rendu le 17 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Paris (RG 18/02884) en ses dispositions soumises à la cour ;

CONDAMNE la Caisse aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/07023
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;19.07023 ?
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