RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 29 Mars 2024
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/05928 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B76XB
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Mars 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 17/04479
APPELANTE
URSSAF PARIS - REGION PARISIENNE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par M. [N] [W] [L] en vertu d'un pouvoir général
INTIME
Monsieur [N] [K] [M] [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Pierre NESTOR, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, conseiller
Philippe BLONDEAU, conseiller
Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par l'Urssaf Île-de-France d'un jugement rendu le 5 mars 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Paris (RG17/04479) dans un litige l'opposant à M. [M] [J].
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [Y] [M] [J], avocat, est immatriculé en tant que travailleur indépendant auprès de l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Île-de-France (ci-après désignée 'l'Urssaf' ou 'l'organisme') depuis le 06 août 2001.
A ce titre, il est redevable des cotisations et contributions mises à sa charge sur les revenus qu'il tire de son activité libérale notamment les cotisations d'allocations familiales ainsi que des contributions sociales obligatoires.
Dans le cadre de la vérification des revenus professionnels, l'Urssaf a constaté qu'il existait une discordance entre les revenus déclarés par M. [M] [J] et ceux enregistrés par l'administration fiscale pour l'année 2015. Elle a alors informé l'intéressé par lettre du 3 mars 2017 qu'elle allait procéder à la régularisation des cotisations dues à ce titre.
Par courrier du 31 mars 2017, M. [M] [J] à contesté auprès de l'Urssaf le redressement ainsi opéré, laquelle, par courrier du 6 avril 2017, a maintenu sa position expliquant que l'assiette de cotisations était fixée au regard de son avis d'imposition pour l'exercice 2015 mentionnant un revenu déclaré de 383 084 euros et des cotisations sociales facultatives de 9 000 euros.
En l'absence de tout règlement, l'Urssaf a établi à l'encontre de M. [M] [J] , le 12 mai 2017, une mise en demeure relative aux cotisations de l'année 2016 pour un montant de 63 872 euros comprenant les sommes de 30 300 euros de l « cotisation provisionnelle », 30 300 euros de « régularisation AN-1/AN-2 » et 3 272 euros de majorations de retard. L'intéressé en a accusé réception le 15 mai 2017.
M. [M] [J] a contesté cette mise en demeure devant la commission de recours amiable le 02 juin 2017 puis, faute de décision explicite, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociales de Paris à l'encontre de la décision de rejet prise par l'Urssaf.
Finalement, la CRA rendait sa décision le 11 septembre 2017, faisant partiellement droit à la demande de M. [M] [J] en annulant la mise en demeure du 12 mai 2017 au motif que l'Urssaf n'avait pas respecté le caractère contradictoire de la procédure telle que fixée par les articles R. 243-43-3 et R.243-43-4 du code la sécurité sociale. Elle engageait par ailleurs l'Urssaf à mettre en oeuvre une nouvelle procédure de recouvrement. La décision de la commission de recours amiable était finalement notifiée à M. [M] [J] le 13 octobre 2017.
Par jugement du 23 octobre 2018, le tribunal a ordonné la réouverture des débats et a demandé aux parties de préciser leurs explications et de communiquer de nouvelles pièces, en particulier un nouveau décompte des sommes dues et versées, en distinguant plus spécifiquement deux périodes. Il sollicitait ainsi que :
- soit précisée la nature et la cause de la somme de 26 541 euros sollicitée par M. [M] [J],
- soit actualisé le décompte des sommes dues et payées par M. [M] [J] du 1er janvier 2015 au 09 août 2016 et entre le 09 août 2016 et la mise en demeure du 12 mai 2017.
En application de la réforme des contentieux sociaux issue de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, l'affaire a été transférée le 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement du 5 mars 2019, le tribunal a :
- constaté que la demande principale de M. [Y] [M] [J] était devenue sans objet,
- condamné l'Urssaf Île-de-France à verser à M. [Y] [M] [J] la somme de 26 541 euros au titre de la régularisation des cotisations 2015,
- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté l'Urssaf Île-de-France de l'intégralité de ses demandes,
- condamné l'Urssaf Île-de-France à supporter les éventuels dépens.
Le tribunal relevait que l'Urssaf n'avait présenté aucun décompte tel que sollicité et n'avait pas pris de nouvelles écritures ni présenté de nouvelles explications. Les parties avaient procédé à un dépôt de leurs dossiers de plaidoirie, sans plaider à nouveau. Il retenait qu'à la suite de l'examen des nouvelles pièces versées aux débats, le montant du crédit de 26 541 euros en faveur du demandeur figurait sur l'annexe de la notification de régularisation des cotisations 2015 établie par l'Urssaf le 9 août 2016 de sorte que le montant des cotisations dues au titre de 2015 s'élevait à 25 172 euros. Au regard des cotisations provisionnelles déjà appelées à savoir la somme de 51 713 euros, M. [M] [J] était créditeur de la somme de 26 541 euros.
Le jugement a été notifié aux parties le 29 avril 2019 et l'Urssaf en a régulièrement interjeté appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le 29 mai 2019.
L'affaire a alors été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 19 septembre 2022 puis renvoyée à celle du 16 mai 2023 afin de permettre à l'Urssaf de répondre aux conclusions tardivement déposées par l'appelant et enfin à celle du 10 janvier 2024 à la demande de M. [M] [J] date à laquelle elle a été plaidée.
L'Urssaf, au visa de ses conclusions, demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 5 mars 2019 en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 26 541 euros à M. [M] [J],
- condamner M. [M] [J] au paiement de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [M] [J], au visa de ses conclusions, demande à la cour de :
- débouter l'Urssaf sur toutes ses demandes,
- condamner l'Urssaf à lui rembourser les montant de :
o 26 451 euros au titre de la régularisation de ses cotisations 2014 et 2014, et ce, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
o 13 791 euros au titre de la régularisation de ses cotisations 2016, et ce, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
o 25 063 euros au titre de l'imputation illicite d'une partie des cotisations 2018 au redressement de 30 300 euros (régul 2016) qui n'a jamais été notifié ni justifié et qui a été annulé en 2017, et ce, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
o 50 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier eut égard à la procédure abusive et aux moyens frauduleux mis en 'uvre par l'Urssaf pour abuser le Cotisant et les juridictions,
- condamner l'Urssaf à une amende civile pour appel abusif,
- condamner l'Urssaf de Paris et Région parisienne à lui payer la somme de 10 080 euros au titre de l'article 700 et les entiers dépens.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 10 janvier 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.
Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 29 mars 2024.
MOTIVATION DE LA COUR
L'Urssaf fat grief au tribunal de l'avoir condamnée à rembourser à M. [M] [J] la somme de 26 541 euros sans avoir démontré que cette somme avait été réglée par ce dernier et ce, alors même que dans le jugement de réouverture des débats il indiquait que « même avec la meilleur volonté du monde le tribunal est dans l'incapacité de comprendre comment M. [M] [J] peut prouver la somme de 26 541 € ». Et bien que le cotisant n'ait pas rapporté la preuve de ce règlement à l'Urssaf, le tribunal a fait droit à sa demande en remboursement en relevant uniquement que «le montant du crédit de 26 541euros en faveur du demandeur figure sur l'annexe de la notification de régularisation de cotisations établie par l'URSSAF le 9 août 2016 ». Or, il n'a nullement constaté que M. [M] [J] avait effectivement payé cette somme et dans l'éventualité où cela serait, une régularisation de cotisations n'entraîne pas remboursement automatique. En l'espèce, l'Urssaf indique que si le cotisant justifie effectivement avoir versé des sommes à l'Urssaf, elle a elle-même justifié de leur imputation dans un courrier adressé en première instance le 30 juin 2018. L'Urssaf indique produire un relevé de compte faisant apparaître clairement les débits et les crédits imputés sur le compte du cotisant ainsi que le courrier du 30 juin 2018, dans lequel elle expliquait que l'ensemble des règlements dont faisait état le cotisant avaient bien été pris en compte mais également qu'un remboursement de 4 410 euros avait été effectué à son profit et que celui-ci restait encore restait redevable de sommes sur la période 2016.
M. [M] [J] rétorque qu'il avait bien réglé ses cotisations 2016 selon le calendrier de paiement établi par l''Urssaf lorsqu'il a reçu la mise en demeure. Il produit la notification de régularisation des cotisations 2015 datée du 9 août 2016 qui montre au contraire un crédit de cotisation de 26 541 euros en sa faveur laquelle ne lui a pas été remboursée.
M. [M] [J] rappelle que la CRA a prononcé l'annulation définitive du redressement opéré d'un montant de 60 600 euros en principal et de 3 272 euros de majorations de retard et que pourtant, l'Urssaf soutient que seules 'les cotisations provisionnelles de 30 300 euros au titre de cette même période ont été annulées' et que, dès lors, 'le quantum des cotisations exigibles au titre de la regul 2016 est de 30 300 euros'. Or, les décisions de la CRA, émanation de l'Urssaf, lient le service du recouvrement et le service du contentieux de sorte qu'elle ne peut maintenir une partie du redressement opéré au titre de l'année 2016. En tout état de cause la notification Urssaf du 9 août 2016 indique expressément qu'il y a un excédent de 26 541 euros, qui devra lui être remboursé puisqu'il estime prouver avoir payé toutes ses cotisations antérieures.
Sur ce,
Aux termes de l'article 1302 du code civil
Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
La restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées.
l'article 1302-2 du même code poursuivant
Celui qui par erreur ou sous la contrainte a acquitté la dette d'autrui peut agir en restitution contre le créancier. Néanmoins ce droit cesse dans le cas où le créancier, par suite du paiement, a détruit son titre ou abandonné les sûretés qui garantissaient sa créance.
La restitution peut aussi être demandée à celui dont la dette a été acquittée par erreur.
étant précisé que le remboursement des cotisations indûment payées par un cotisant peut être opéré par l'Urssaf soit par un versement direct soit par imputation sur les cotisations ultérieurement dues par l'intéressé.
L'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale précise que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées (Civ. 2E, 20 juin 2007, Urssaf de Seine-et-Marne c/ Sté [5], n o 06-12.516).
En l'espèce, il sera tout d'abord relevé que la décision de la commission de recours amiable à la suite de la production de la déclaration de revenus de l'année 2016 (portant sur les revenus 2015) par M. [M] [J], a permis à un nouveau calcul des cotisations de l'année 2016 permettant de ramener le montant des cotisations définitives de 60 600 à 30 300 euros.
Contrairement à ce que plaide M. [M] [J], si la décision de la commission de recours amiable s'impose à l'Urssaf, sa lecture enseigne qu'elle a annulé la mise en demeure au regard de la violation du principe du contradictoire et non pas le redressement lui-même au regard d'erreurs de calcul. D'ailleurs, elle invitait l'organisme à reprendre le chiffrage de son redressement en précisant que les nouveaux éléments produits devant elle permettaient de limiter le montant des cotisations 2016 à 30 300 euros.
Ensuite, il résulte de la lecture du courrier de régularisation du 9 août 2016, qu'il s'agit non d'un relevé de situation définitif mais d'un courrier explicatif sur les modalités de calcul définitif des cotisations 2015. Est ainsi mentionné « Vous venez de déclarer vos revenus professionnels 2015. A partir de votre déclaration, l'Urssaf est en mesure de vous communiquer dès maintenant. à travers un courrier unique les informations suivantes : 1. Le calcul de vos cotisations définitives au titre de 2015 (annexe 1). Après déduction de vos cotisations provisionnelles 2015, votre compte présente un excédent qui vous sera remboursé dans les meilleurs délais, si vous avez payé toutes vos cotisations antérieures. Sinon, cette somme sera affectée aux montants restant dus selon les modalités indiquées à l'annexe 1 ».
Il ne s'agit donc ni d'un appel de cotisations, ni d'une décision individuelle fixant les droits du cotisant.
Dès lors, il ne peut s'induire de ce courrier que M. [M] [J] a versé à tort des cotisations obligatoires dont l'Urssaf lui serait redevable d'autant que le remboursement n'était dit envisageable qu'après paiement complet des cotisations provisionnelles. C'est donc par une interprétation erronée de ce courrier que le tribunal en a déduit une créance en faveur du cotisant.
Il convient alors de déterminer, d'une part, le montant des cotisations dues au titre de l'année 2016 puis de vérifier si M. [M] [J] a effectivement, comme il le soutient, procédé à leur paiement avant d'envisager le bien fondé de la demande de remboursement.
Il est admis des parties que le montant des revenus retenu par l'administration fiscale pour l'année 2015 s'est élevé à la somme de 383 084 euros et non à la somme déclarée initialement à l'Urssaf de 154 000 euros, ce que confirme au demeurant l'avis d'imposition versé aux débats.
La CRA a fixé le montant des cotisations dues par M. [M] [J] à la somme de 30 300 euros, somme qui s'impose donc à l'Urssaf. La cour relève que dans son courrier du 30 juin 2018 adressé à M. [M] [J], l'Urssaf confirmait que « les cotisations provisionnelles de 30 300 euros ont été annulées. Dès lors le quantum des cotisations exigibles au titre de la régul 2016 est de 30 300 euros ».
L'Urssaf ne conteste pas que M. [M] [J] s'est acquitté de la somme de 5 786 euros de cotisations santé due pour le premier trimestre 2016 et celle de 10 878 euros de cotisations santé due pour le quatrième trimestre de la même année.
Le solde est alors de 14 332 euros.
Par ailleurs, concomitamment à la mise en demeure M. [M] [J] s'est acquitté des sommes de :
- 12 905 euros le 5 mai 2016,
- 17 379 euros le 10 novembre 2016.
L'Urssaf justifie, par la production du relevé de compte de l'intéressé que le premier de ces versements a été imputé à hauteur de :
- 5 786 euros sur les cotisations dues au titre du 1er trimestre 2016,
- 701 euros sur les majorations de retard de cette même période,
- 2 008 euros sur la régularisation 2016,
et que la somme de 4 410 euros a été remboursée à M. [M] [J],
et que le second versement a été imputé à hauteur de :
- 10 878 euros sur les cotisations dues au titre du 4ème trimestre 2016,
- 6 501 euros sur la régularisation 2016.
M. [M] [J], malgré le nombre de relevés de compte bancaire et de copies de chèques qu'il produit, ne démontre pas qu'il se serait acquitté du solde des cotisations dues. La cour peut d'ailleurs constater que nombre de ces pièces ne concernent pas la période litigieuse et que, s'agissant de la copie des chèques émis au cours de l'année 2016, l'Urssaf démontre qu'ils ont été pris en compte, ainsi qu'elle l'a démontré ci-avant. Au demeurant, les relevés de compte 2016, s'il comportent parfois des débits, ne précise par l'ordre de sorte qu'il n'est pas possible d'en déterminer le bénéficiaire d'autant qu'ils ne sont pas accompagnés de la copie des chèques correspondant. Rien ne peut par ailleurs les rattacher à une échéance ou un appel de cotisations précis.
Il ne résulte donc d'aucune de ces pièces un crédit de cotisations en faveur de M. [M] [J] qui justifierait un remboursement complémentaire.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur les demandes de remboursements formulées par M. [M] [J] pour les années 2014 et 2016
La Cour constate que l'intimé sollicite, pour la première fois en cause d'appel, une demande de remboursement de la somme de 26 451 euros au titre des cotisations versées au cours de l'année 2014 et de la somme de 23 063 euros au titre des cotisations 2018.
Ces demandes n'ayant pas été formées au préalable devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et n'étant ni connexes ni la conséquence du litige soumis à la cour, qui ne concerne que la mise en demeure du 12 mai 2017 relative aux cotisations 2016, elles seront déclarées irrecevables.
Sur les dommages et intérêts
M. [M] [J] fait valoir que l'Urssaf ne pouvait valablement poursuivre le recouvrement de sommes qui ne lui étaient pas dues et qui avaient été annulées par la commission de recours amiable. A compter de la date d'annulation par la CRA de la procédure de redressement et de la mise en demeure, l'Urssaf n'a eu de cesse «d'employer des moyens dilatoires » et a persisté et imputé des cotisations versées en 2018 sur le redressement annulé en 2017. Elle a de manière constante refusé de restituer les cotisations excédentaires versées chaque année en 2014, 2015 et 2016 et « dissimulé l'existence de ces crédits ». Elle a fait appel d'un jugement mesuré qui n'avait pas fait droit à toutes les demandes légitimes du cotisant et persiste à soutenir qu'il a des dettes de cotisations sans en rapporter la preuve matérielle. Il considère qu'il s'agit d'un « acharnement est particulièrement fautif et manifestement volontaire et relève du délit de concussion », que «les relevés de compte cotisant émis par l'Urssaf sont matériellement faux puisqu'ils retracent des faits faux et occultent à dessein les versements réels pour les faire disparaître» . Il indique enfin que «l'Urssaf se rend ainsi coupable de faux en écriture publique et usage de faux » dans le cadre des relations avec les administrés mais également devant les juridictions françaises.
L'Urssaf s'oppose à cette demande relevant que non seulement elle n'a commis aucune faute, mais surtout que l'origine des difficultés provient du fait que le cotisant n'a pas déclaré l'ensemble de ses revenus. Elle souligne que de l'importance entre les revenus déclarés par M. [M] [J] et ceux qu'il a réellement perçus pourrait être considéré comme une dissimulation volontaire et donc une fraude.
Sur ce,
L'article 1 er du Protocole de la CEDH.
Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Aux termes de l'article 1240 du code civil :
Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il résulte de ce texte que la responsabilité quasi délictuelle nécessite que soient réunies trois conditions : une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Il importe peu que la faute soit grossière ou non et que le préjudice soit ou non anormal.
Il appartient au demandeur de caractériser la faute de l'organisme, de rapporter le préjudice en résultant et d'établir le lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Or, au regard des développements ci-avant, il ne résulte nullement du comportement de l'Urssaf une faute dans la gestion du dossier de M. [M] [J]. Les cotisations réclamées à ce dernier l'ont été conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale et contrairement à ce qui est soutenu, l'Urssaf a pris en compte la décision de la CRA pour les calculer. Elle a également pris en compte les ressources déclarées par l'intéressé pour revoir le montant des cotisations appelées. De même, il ne peut être reproché à l'Urssaf d'avoir poursuivi le paiement des cotisations devant le tribunal puis devant la cour alors que, non seulement toute personne a le droit d'ester en justice, mais surtout que la décision contestée mentionnait que les éléments qu'il avait produits ne lui avait pas permis de déterminer ce qu'il avait payé et ce qu'il restait dû.
Au demeurant, M. [M] [J] ne justifie d'aucun préjudice qui justifierait l'allocation d'une indemnité et force est de constater que les allégations de faux en écriture publique et concussion n'ont pas fait l'objet d'une dénonciation à l'autorité pénale.
Il sera en conséquence débouté de sa demande de ce chef.
Sur la condamnation au titre de l'appel abusif
Aux termes de l'article 559 du code de procédure civile dans sa version en vigueur depuis le 11 mai 2017
En cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés. Cette amende, perçue séparément des droits d'enregistrement de la décision qui l'a prononcée, ne peut être réclamée aux intimés. Ceux-ci peuvent obtenir une expédition de la décision revêtue de la formule exécutoire sans que le non-paiement de l'amende puisse y faire obstacle.
Il résulte de ce texte que la sanction prévue ne relève que de la seule appréciation de la juridiction de sorte que M. [M] [J] n'est pas recevable à la solliciter.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. [M] [J], qui succombe à l'instance, supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamné à verser Caisse l'Urssaf la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile..
PAR CES MOTIFS
LA COUR, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,
DÉCLARE l'appel formé par l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Île-de-France recevable,
JUGE irrecevables les demandes formées par M. [M] [J] au titre du remboursement des cotisations relatives aux années 2014, 2016 et 2018 ;
JUGE irrecevable la demande qu'il a formée au titre de la procédure abusive ;
INFIRME le jugement rendu le 5 mars 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Paris (RG17/04479) en ce qu'il a :
- condamné l'Urssaf Île-de-France à verser à M. [Y] [M] [J] la somme de 26 541 euros au titre de la régularisation des cotisations 2015,
- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté l'Urssaf Île-de-France de l'intégralité de ses demandes,
- condamné l'Urssaf Île-de-France à supporter les éventuels dépens.
STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
DÉBOUTE M. [M] [J] de sa demande de remboursement sous astreinte de la somme de 26 541 euros au titre de la régularisation des cotisations 2015,
DÉBOUTE M. [M] [J] de sa demande de dommages et intérêts ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
CONDAMNE M. [M] [J] à verser à l'Urssaf Île-de-France la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LE DÉBOUTE de sa demande du même chef ;
CONDAMNE M. [M] [J] aux dépens d'instance et d'appel.
PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
La greffière La présidente