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28/03/2024 | FRANCE | N°23/13705

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 28 mars 2024, 23/13705


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 28 MARS 2024



(n° 136 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/13705 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIDH7



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Juin 2023 -Président du TJ de Paris - RG n° 22/54809





APPELANTE



SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SIS [Adresse 6]

- [Adresse 5] représenté par son syndic en exercice la S.A.S. JEAN CHARPENTIER-SOPAGI, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adre...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 28 MARS 2024

(n° 136 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/13705 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIDH7

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Juin 2023 -Président du TJ de Paris - RG n° 22/54809

APPELANTE

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SIS [Adresse 6] - [Adresse 5] représenté par son syndic en exercice la S.A.S. JEAN CHARPENTIER-SOPAGI, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Matthieu CANCIANI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1193, présent à l'audience

INTIMÉS

Mme [W] [D]

[Adresse 3]

[Localité 8]

M. [S] [D]

[Adresse 2]

[Localité 1] (SUISSE)

Mme [A] [D]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Ayants pour avocat postulantMe Philippe RAGON de la SELARL SOCIETE D'ETUDES FISCALES ET JURIDIQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0230, représenté par Me Emmanuel RASKIN à l'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère et Laurent NAJEM, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Michèle CHOPIN, Conseillère

Laurent NAJEM, Conseiller

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Les consorts [D] sont propriétaires indivis des lots n° 127, 128 et 131 de l'immeuble soumis au régime de la copropriété situé [Adresse 6] et [Adresse 5] à [Localité 7].

Les propriétaires indivis du lot n°119 ont réalisé des travaux de rénovation de leur appartement. A cette occasion, ils ont constaté l'existence d'un réseau de canalisations courant dans le faux plafond de leur appartement. Ils ont donc fait constater, le 19 janvier 2021, par un huissier de justice, l'existence de ces canalisations.

Par une assemblée générale du 16 décembre 2021, les copropriétaires ont décidé d'engager une procédure judiciaire à l'encontre des consorts [D] afin d'obtenir la suppression des travaux de réalisation de ces canalisations affectant les parties communes et réalisés sans autorisation.

Par acte du 7 juin 2022, le syndicat des copropriétaires a assigné les consorts [D] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris.

A l'audience du 5 juillet 2022, l'affaire a été renvoyée à la demande des consorts [D] et les parties ont été invitées à rencontrer un médiateur.

A l'audience de renvoi du 23 mai 2022, le syndicat des copropriétaires conclut au rejet des prétentions adverses et demande au tribunal judiciaire de Paris, notamment, de :

A titre principal :

condamner in solidum les consorts [D], sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision et dans la limite de deux mois, dont le juge se réservera la liquidation, à supprimer le percement du plancher haut du lot 119 situé au 5ème étage de l'immeuble et remettre en état et à leurs frais les parties communes endommagées, ainsi que la colonne eaux-vannes/eaux usées de l'immeuble ;

dire que les travaux seront effectués sous la surveillance et le contrôle du syndic, assisté le cas échéant, de l'architecte de l'immeuble, dans les deux mois de la réalisation des travaux ;

A titre subsidiaire :

désigner un consultant aux fins de dresser une description des désordres affectant le plancher haut du 5 me étage et le raccordement de la canalisation privative, en déterminer l'origine précise, vérifier la stabilité structurelle de l'immeuble et préconiser les réparations qui s'imposent.

Par ordonnance contradictoire du 28 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :

enjoint les consorts [D] à modifier le raccord de leurs lots à la colonne d'eau descendante, conformément aux règles de l'art, sous le contrôle de l'architecte de l'immeuble, dans le délai de quatre mois à compter de la signification de l'ordonnance ;

dit qu'à défaut d'exécution dans le délai précité, les consorts [D] seront tenus in solidum au paiement d'une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant un délai de quatre mois à compter de la signification de l'ordonnance ;

condamné in solidum les consorts [D] à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné in solidum les consorts [D] aux entiers dépens ;

dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes.

Par déclaration du 31 juillet 2023, le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :

enjoint les consorts [D] à modifier le raccord de leurs lots à la colonne d'eau descendante, conformément aux règles de l'art, sous le contrôle de l'architecte de l'immeuble, dans le délai de quatre mois à compter de la signification de l'ordonnance ;

dit qu'à défaut d'exécution dans le délai précité, les consorts [D] seront tenus in solidum au paiement d'une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant un délai de quatre mois à compter de la signification de l'ordonnance ;

dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 1er février 2024, le syndicat des copropriétaires demande à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile, 25 de la loi du 10 juillet 1965 et 1353 du code civil, de :

infirmer l'ordonnance de référé rendue le 28 juin 2023 en ce qu'elle a :

* enjoint les consorts [D] à modifier le raccord de leurs lots à la colonne d'eau descendante, conformément aux règles de l'art, sous le contrôle de l'architecte de l'immeuble, dans le délai de quatre mois à compter de la signification de l'ordonnance ;

* dit qu'à défaut d'exécution dans le délai précité, les consorts [D] seront tenus in solidum au paiement d'une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant un délai de quatre mois à compter de la signification de l'ordonnance ;

* dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes.

Statuant à nouveau :

condamner in solidum sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision intervenir, les consorts [D] :

* supprimer le percement du plancher haut du lot n°119 de l'état descriptif de division de l'immeuble situé [Adresse 6] et [Adresse 5] à [Localité 7] servant de passage aux canalisations desservant les lots n°127, n°128 et n°131 de l'état descriptif de division de l'immeuble leur appartenant et reboucher le passage ainsi créé dans ce plancher ;

* supprimer le raccord des canalisations desservant les lots n°127, n°128 et n°131 de l'état descriptif de division de l'immeuble leur appartenant à la descente d'eaux-vannes/eaux-usées commune aux lots du bâtiment B située dans le lot n°119 de l'état descriptif de division de l'immeuble et reboucher le raccord ainsi créé ;

* En conséquence, supprimer les canalisations desservant les lots n°127, n°128 et n°131 de l'état descriptif de division de l'immeuble leur appartenant traversant le plancher haut du cinquième étage du bâtiment B de l'immeuble et cheminant dans le lot n°119 de l'état descriptif de division de l'immeuble jusqu'à la descente d'eaux-vannes/eaux-usées communes située dans ce lot ;

* et remettre en état les parties communes ainsi endommagées sous le contrôle du syndic de l'immeuble assisté par l'architecte de la copropriété aux frais des consorts [D] ;

rejeter toutes les demandes présentées par les consorts [D] ;

condamner les consorts [D] à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner les consorts [D] au paiement des entiers dépens de l'instance.

Il fait valoir que l'absence d'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour les travaux litigieux est constitutive d'un trouble manifestement illicite, au visa des articles 835 alinéa 1er du code de procédure civile et 25 b de la loi du 10 juillet 1965 ; qu'ainsi, aux termes d'une jurisprudence constante, les travaux de raccordement d'un lot aux canalisations communes de l'immeuble qui affectent les parties communes doivent être autorisés et à défaut, ils constituent un trouble manifestement illicite.

Il considère que la charge de la preuve de cette autorisation incombe aux consorts [D] qui en font état.

Il souligne que la Cour de cassation retient que le juge des référés est tenu d'ordonner la suppression des travaux affectant les parties communes réalisés sans autorisation, sans que cette décision ne soit soumise à un contrôle de proportionnalité. Il en déduit que les consorts [D] ne sauraient opposer un prétendu état de nécessité ou l'obligation d'assurer la décence du logement.

Il estime qu'en ordonnant le maintien des travaux, le juge des référés s'est substitué à l'assemblée générale.

A titre subsidiaire, il fait valoir qu'un architecte DPLG a relevé que le raccord n'est absolument pas étanche et ne peut rester en l'état ; qu'une autre copropriétaire déplore des infiltrations en provenance de ces canalisations ; qu'un second architecte a constaté de graves désordres dans un appartement causé par les réseaux d'évacuation des eaux usées des chambres de services des consorts [D].

Ils allèguent que la suppression des installations litigieuses n'empêche pas le logement des consorts [D] de répondre aux critères de décence prévu par le décret du 30 janvier 2020, s'agissant d'un logement d'une seule pièce, en l'espèce des chambres de service et qu'il existe un w-c commun sur le palier du 6ème étage et en face du studio de l'immeuble.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 30 janvier 2024, les consorts [D] demandent à la cour, au visa des articles 835 al. 1, 145, 232, 256 du code de procédure civile et 9, 25 de la loi du 10 juillet 1965, de :

A titre principal :

infirmer l'ordonnance de référé du 28 juin 2023 en ce qu'elle les a enjoint de modifier le raccord de leurs lots à la colonne d'eau descendante, conformément aux règles de l'art, sous le contrôle de l'architecte de l'immeuble, dans un délai de quatre mois compter de la signification de l'ordonnance sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance et les a condamné à payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance ;

Y faisant droit et statuant à nouveau :

débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses moyens et demandes ;

A titre subsidiaire :

confirmer l'ordonnance de référé du 28 juin 2023 en ce qu'elle a enjoint à l'indivision [D] de réaliser des travaux de modification et non de suppression du raccordement ;

En tout état de cause :

débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses moyens et demandes ;

condamner le syndicat des copropriétaires à payer à l'indivision [D] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner le syndicat des copropriétaires aux dépens d'appel.

Ils font valoir que l'article 25 b de la loi du 19 juillet 1965 doit être combiné à l'article 9, I de cette même loi ; que le percement du plancher du studio du 6ème étage et de l'appartement du 5ème s'inscrit dans des travaux de raccordement à l'évacuation des eaux usées du studio à la colonne de l'immeuble qui relève de l'article 9, I ; que ce percement ne porte donc pas atteinte aux parties communes et ne nécessitait pas d'autorisation de l'assemblée générales des copropriétaires et dès lors il n'existe aucun trouble manifestement illicite.

Ils soulignent que les travaux de création du studio auraient été réalisés il y a environ quarante années et ils considèrent que [O] [D] étant à l'époque président du conseil syndical et qu'il est peu probable qu'il n'ait pas sollicité les autorisations nécessaires, même s'ils n'ont plus accès aux procès-verbaux de l'assemblée générale de ces années. Ils invoquent à ce titre un état de nécessité, faisant valoir que le but poursuivi en l'espèce, était de sauvegarder l'intérêt supérieur d'un logement décent pourvu d'un sanitaire, rendu obligatoire par le décret du 30 janvier 2022.

Ils estiment que le principe de proportionnalité oblige le juge à rechercher si les prétendues atteintes portées aux parties communes sont telles qu'elles justifient la démolition de l'ouvrage. Ils font valoir qu'en l'espèce, les chambres de bonne n'étaient pas équipées de sanitaires ; que leur transformation en studio requérait cette transformation ; que la suppression rendrait le studio inhabitable et entrainerait des conséquences manifestement disproportionnées ; qu'un entrepreneur a constaté qu'il n'était pas possible techniquement de modifier le raccordement du tuyau d'évacuation sans porter atteinte à la structure porteuse de l'immeuble.

Ils allèguent que si les travaux n'avaient pas été réalisés dans les règles de l'art, comme le prétend l'appelant, il y aurait eu nécessairement des dégâts des eaux ; que les infiltrations dont il est fait état se situent dans un appartement situé quatre étages en dessous du studio.

Ils contestent la pertinence du rapport de visite versé par le syndicat des copropriétaires et relèvent qu'il ne résulte d'aucune procédure contradictoire.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024.

SUR CE, LA COUR

Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite se caractérise par toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. En outre, aucune condition d'urgence ou d'absence de contestation sérieuse n'est requise pour l'application de l'article susvisé.

En vertu de l'article 9 I de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.

Par application de l'article 25 b de cette même loi, ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.

Ainsi, tous les travaux effectués par un copropriétaire sur des parties communes doivent être autorisés, même s'ils tendent à rendre l'immeuble conforme au règlement de copropriété ou à l'état descriptif de division, ou même s'ils sont exigés par des services administratifs.

De même, le fait que les travaux qui affectent les parties communes ne sont pas contraires à la destination de l'immeuble ne le dispense pas de l'autorisation de l'assemblée.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires verse aux débats un procès-verbal de constat en date du 19 janvier 2021 dans l'appartement de Mme [G] et M. [M] situés au 5ème étage de l'immeuble.

L'huissier de justice a relevé « dans le faux-plafond du couloir de distribution et dans le WC, d'une canalisation d'eau froide en cuivre remontant vers la chambre de service située au-dessus de l'appartement.

Dans le WC se trouve un tuyau ancien correspondant à la vidange d'un ballon d'eau chaude qui ne se trouve pas dans l'appartement, l'ensemble est ancien.

Dans l'entrée, en corniche, et le couloir de distribution, en faux-plafond, se trouve une canalisation en PVC de diamètre 100 mm correspondant à une évacuation d'eaux vannes du lot situé au-dessus de l'appartement.

Dans la cuisine et dans le faux-plafond du couloir se trouve un tuyau en cuivre récent d'eau chaude sanitaire desservant le lot situé au-dessus de l'appartement. »

Des photographies illustrent ces constatations.

M. [J], architecte DPLG, dans un courrier du 14 avril 2022 confirme l'existence de cette installation. Il expose :

« Dans l'entrée, au-dessus de la porte, je constate la présence d'un coffrage dans lequel est mis en 'uvre une canalisation de vidange de 100 mm de diamètre provenant de l'appartement de l'étage supérieur.

Elle passe ensuite dans le couloir de distribution qui est muni d'un faux-plafond puis dans les toilettes où on l'aperçoit.

Cette canalisation d'un diamètre de 100mm et en PVC est raccordée sur une descente d'eaux vannes/usées de l'immeuble.

Outre le fait que la canalisation qui est privative soit située dans une autre partie privative, le raccord est fait en dépit du bon sens et ne répond à aucune norme de plomberie.

La fonte de l'immeuble a été percée de façon à faire pénétrer la canalisation PVC dedans.

Le raccord n'est absolument pas étanche et on aperçoit des traces de coulures.

Sur la photo du rapport de Maître [K] [I] huissier de justice et daté du 19 janvier 2021, on n'en aperçoit aucune.

Le raccord ne peut rester en l'état et des travaux de modification devront être entrepris. »

Un rapport de la société Monteil & Cie, mandatée à la suite des prescriptions de l'architecte de l'immeuble, pour procéder à une recherche de fuite complémentaire en chambre de service de M. [D] est également produit. (intervention du 20 décembre 2023). Le contrôle visuel des installations fait apparaître un défaut d'étanchéité au niveau du sol derrière le WC et au pourtour du receveur de douche ainsi qu'une fuite d'eau au niveau du robinet d'arrêt WC. Il constate un important défaut de branchement au niveau de la chute de propriété située au 5ème étage (branchement pirate). Il est préconisé d'importants travaux de rénovation du collecteur nécessitant une dépose des éléments en salle de douche au 6ème étage, ainsi qu'une intervention dans l'appartement en dessous et modification de la chute de copropriété afin de créer un branchement normalisé collectant le tronçon privatif.

Bien que non contradictoire, ce rapport corrobore les constats précédents.

Enfin, un compte rendu de visite aux 5ème et 6ème étages, en présence des occupants, en date du 18 janvier 2024 à la demande du syndic et rédigé par M. [H], architecte, confirme en tous points les observations précédentes : « En premier lieu, le raccordement sur la canalisation commune est non conforme, fuyard et il dégrade les embellissements du WC privatif du logement du 5ème étage.

D'autre part, suivant une inspection faite par la société MONTEIL & Cie, la canalisation présente une contre pente générant une retenue d'eau et donc un mauvais écoulement. Ceci favorise les retours d'eau vers une possible jonction de canalisation et ainsi provoquer une fuite.

Enfin il est constaté des dégradations liées à une exposition anormale d'eau sur les embellissements de peinture en imposte de la porte d'entrée, côté logement, mais également côté parties communes, dans la cage d'escalier.

Afin de stopper les désordres concernés dans cette zone du logement du 5eme étage, nous préconisons, comme indiqué précédemment, d'effectuer des travaux dans la salle d'eau du logement du 6ème étage (lots 127, 128 et 131), afin de s'assurer de la mise en 'uvre d'une étanchéité au sol et sur les parois. Une trappe de visite sous la douche sera également à mettre en 'uvre (') »

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les propriétaires des lots en cause, dont les consorts [D] sont les ayants droit, ont fait installer une canalisation raccordée sur une descente d'eaux vannes/usées de l'immeuble à une date inconnue.

Or, cette installation, pour partie située dans l'appartement en-dessous, a été faite en perçant la fonte de l'immeuble, soit une partie commune.

Surtout les consorts [D] ne peuvent prétendre que de tels travaux ne requéraient pas l'autorisation de l'assemblée générale, comme ressortant d'un usage normal, alors que cette installation n'apparaît pas conforme aux règles de l'art, qu'elle porte atteinte aux droits d'un autre propriétaire et est la source de désordres. En effet, le raccordement, « fuyard », « dégrade les embellissements du WC privatif du logement du 5ème étage », selon le rapport précité. Le risque de fuite est suffisamment avéré.

Les avis des deux architectes précités et le rapport de l'entreprise Monteil & Cie sont parfaitement concordants en ce qu'ils établissent avec l'évidence requise le défaut de conformité de l'installation ; le simple fait que des fuites d'ampleur ne se soient pas produites est indifférent.

Les consorts [D] allèguent qu'une autorisation avait certainement été requise à l'époque et qu'il existerait un " état de nécessité " qui consistait en la sauvegarde de l'intérêt supérieur d'un logement décent pourvu d'un sanitaire.

Cependant, ils ne versent aucun procès-verbal d'assemblée générale alors qu'une telle preuve leur incombe et aucune exigence légale ne justifie qu'une installation soit réalisée de manière non conforme aux règles de l'art et sans l'autorisation pourtant requise, qui doit porter sur le principe de l'installation mais aussi, le cas échéant, sur les conditions de sa réalisation pour permettre aux autres copropriétaires d'en apprécier la pertinence et la conformité.

C'est donc à bon droit, par des motifs que la cour adopte, que le premier juge a retenu que la réalisation de ce raccordement non autorisé constituait un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires sollicite la suppression sous astreinte du percement du plancher, du raccord des canalisations et en conséquence la suppression des canalisations elles-mêmes.

Les consorts [D] se prévalent d'un principe de proportionnalité et sollicitent que la cour recherche si les atteintes portées aux parties communes sont telles qu'elles justifient la démolition de l'ouvrage.

Comme l'a relevé le premier juge, l'immeuble est à usage d'habitation et le logement en cause est actuellement donné en location.

Or, il résulte de l'article 3 du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent qu'un logement doit comporter une installation sanitaire intérieure au logement comprenant un w.-c., séparé de la cuisine et de la pièce où sont pris les repas, et un équipement pour la toilette corporelle, comportant une baignoire ou une douche, aménagé de manière à garantir l'intimité personnelle, alimenté en eau chaude et froide et muni d'une évacuation des eaux usées. L'installation sanitaire d'un logement d'une seule pièce peut être limitée à un w.-c. extérieur au logement à condition que ce w.-c. soit situé dans le même bâtiment et facilement accessible.

Compte tenu de ce que le logement loué comporte deux pièces (pièce 7 - [D]), le w-c doit donc être situé à l'intérieur et la remise en état antérieur de cet appartement, soit sa séparation en deux chambres de bonne qui existaient auparavant, il y a plusieurs dizaines d'années, avec w-c extérieur, conduirait à évincer le locataire de son appartement.

Les travaux litigieux ont été réalisés par [O] [D] aujourd'hui décédé, il y a plusieurs dizaines d'années, possiblement entre 1981 et 1986. Les intimés ne sont donc pas à l'origine desdits travaux et leur bonne foi ne peut être contestée.

Les consorts [D] versent en outre un courriel de la société Acajou et qui précise que l'évacuation du groupe de sécurité du ballon d'eau chaude a été modifiée pour ne plus passer dans la colonne au 5ème étage et que la structure et le positionnement des poutres rendent impossible le passage en plancher sans affaiblir la structure de l'immeuble.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les atteintes avérées aux parties communes et aux parties privatives ne sont pas d'une gravité telle qu'elle justifie que les canalisations soient supprimées, ce qui conduirait de fait à rendre le logement inhabitable.

La décision déférée sera dès lors confirmée, par des motifs pertinents que la cour adopte, en ce qu'elle a rejeté la demande de suppression de l'ouvrage et, compte tenu des coulures constatées sur la colonne d'eau ainsi que des conclusions de l'architecte, condamné les consorts [D] in solidum à procéder à un raccord des canalisations de leurs lots 127 et 128 à la colonne d'eau conforme aux règles de l'art, telles qu'elles seront prescrites par l'architecte de l'immeuble, sous conditions d'astreinte.

Le sens de la présente décision conduit également à confirmer de la décision déférée au titre des dépens et des frais irrépétibles.

A hauteur d'appel, l'équité commande de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens et de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision déférée ;

Y ajoutant,

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/13705
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;23.13705 ?
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