La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2024 | FRANCE | N°21/16351

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 28 mars 2024, 21/16351


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRET DU 28 MARS 2024



(n° 83/2024, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/16351 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEKYQ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 mai 2021 -Tribunal judiciaire de Créteil (3ème chambre civile) RG n° 19/08031





APPELANTS



M. [I] [H]

né le 13 juillet 1949 à [Localité 6] (Cambodge)

[Adress

e 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Emmanuel LANCELOT, avocat au barreau de Paris, toque : C2020

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 751010022021042163 du 05/11/2021 accordée pa...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRET DU 28 MARS 2024

(n° 83/2024, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/16351 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEKYQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 mai 2021 -Tribunal judiciaire de Créteil (3ème chambre civile) RG n° 19/08031

APPELANTS

M. [I] [H]

né le 13 juillet 1949 à [Localité 6] (Cambodge)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Emmanuel LANCELOT, avocat au barreau de Paris, toque : C2020

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 751010022021042163 du 05/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Paris)

Mme [R] [X] [U]

née le 09 mars 1968 à [Localité 4] (Pologne)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Emmanuel LANCELOT, avocat au barreau de Paris, toque : C2020

INTIMEE

Mme [N] [E] veuve [D]

née le 20 juillet 1946 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de Paris, toque : C2477

PARTIE INTERVENANTE

S.A.R.L. KALISTE IMMOBILIER

Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 425 057 379

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jacques MATTEI, avocat au barreau de Paris, toque : A0531

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie Girousse, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre

Mme Sandra Leroy, conseillère

Mme Marie Girousse, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre, et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte-sous seing privé du 11 juin 1997, M. [E], aux droits duquel est venue Mme [E] épouse [D], a consenti à M. [W] et à Mme [L] épouse [W] un bail commercial portant sur des locaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 1] à destination de 'charcuterie avec la faculté d'y ajouter le commerce de comestibles'. Ce bail, à effet rétroactif au 1er janvier 1991, a été conclu pour une durée de neuf ans moyennant le paiement d'un loyer annuel d'un montant de 25.357,00 francs (soit 3.865,65 euros).

Par acte sous seing privé du 29 mai 1999, enregistré le 21 juin 1999 à la recette des impôts de [Localité 7], M. [W] et Mme [L] épouse [W] ont cédé leur fonds de commerce à M. [I] [H] époux de Mme [U] épouse [H].

Le bail s'est renouvelé le 1er janvier 2000 par l'effet d'un congé avec offre de renouvellement délivré le 17 juin 1999 puis s'est tacitement prolongé au delà du terme.

Par arrêt du 17 octobre 2012, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement rendu le 10 janvier 2011 par le tribunal de grande instance de Paris ayant débouté Mme [D] de sa demande de résiliation du bail et de ses autres demandes notamment en paiement de dommages et intérêts.

Par exploit d'huissier du 30 juin 2017, Mme [E] épouse [D] a fait délivrer à M. [H] et Mme [U] épouse [H] une 'mise en demeure préalable contenant congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime' pour la date du 31 décembre 2017 à minuit, reprochant aux époux [H] l'absence d'exploitation de leur fonds de commerce sans raison sérieuse et légitime depuis de nombreux mois et leur enjoignant de faire cesser ce manquement ans le délai d'un mois.

Par acte notarié du 26 mars 2018, Mme [E] épouse [D] et M. [D] ont vendu l'immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce en cause à la société Kaliste Immobilier.

Par acte d'huissier signifié à personne le 20 septembre 2019, M. [H] et Mme [U] ont fait assigner Mme [E] veuve [D] devant le tribunal de grande instance de Créteil.

Par jugement du 25 mai 2021, le tribunal judiciaire de Créteil a :

- déclaré recevables les demandes formées par M. [H] et Mme [U] divorcée [H] ;

- constaté la résiliation de plein droit du bail conclu entre M. [H] et Mme [U] divorcée [H], et Mme [E], au 31 décembre 2017 à minuit ;

- débouté M. [H] et Mme [U] divorcée [H] de l'intégralité de leurs demandes ;

- débouté Mme [E] veuve [D] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamné in solidum M. [H] et Mme [U] divorcée [H] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris le coût des procès verbaux de constat d'huissier et de l'acte extrajudiciaire portant congé ;

- condamné in solidum M. [H] et Mme [U] divorcée [H] à payer à Mme [E] veuve [D] une indemnité de procédure qui sera fixée à la somme de 1.500 euros ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 3 septembre 2021, M. [H] et Mme [U] ont interjeté appel du jugement. Après obtention de l'aide juridictionnelle par M. [H] le 5 novembre 2021, ils ont déposé une autre déclaration d'appel le 30 novembre 2021, les deux instances ont été jointes par ordonnance du 16 mars 2022.

Par ordonnance rendue le 23 novembre 2021, le conseiller de la mise en état, saisi par conclusions d'incident du 24 mai 2022 de Mme [E] veuve [D] lui demandant de déclarer M. [H] irrecevable en ses demandes :

- s'est déclaré incompétent et a renvoyé au fond l'examen par la Cour de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de Mme [E] du fait de la vente de l'immeuble le 26 mars 2018 ;

- a débouté les parties de leurs demandes d'indemnisation de frais irrépétibles, et dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance au fond.

Le 28 octobre 2022, la société Kaliste Immobilier a déposé des conclusions d'intervention volontaire.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 4 octobre 2023.

Par conclusions signifiées le 20 octobre 2023, Mme [U] a demandé à lacour de constater son désistement et de lui en donner acte.

Par lettre adressée le 20 octobre 2023 à la cour, le conseil de Mme [D] s'est opposé au désistement de Mme [U] précisant qu'il maintenait ses demandes formées à l'encontre de cette dernière notamment en application de l'article 700 du code de procédure civile .

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions déposées le 2 juillet 2023 M. [H] et Mme [U], appelants, demandent à la cour de :

- recevoir Monsieur [I] [H] en son appel et, l'y déclarant bien fondé ;

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

- déclarer la société Kaliste irrecevable en toute demande ;

À titre principal :

- déclarer M. Monsieur [I] [H] irrecevable en toutes ses demandes à l'encontre de Madame [N] [E], faute d'intérêt à agir à son encontre ;

À titre subsidiaire :

- déclarer nul et de nul effet le congé avec refus de renouvellement en date du 30.06.2017, aucun défaut d'exploitation du fonds de commerce ne pouvant être reproché à Monsieur [H] ' au sens de l'article L. 145-8 du code de Commerce ' pour la période de trois années courant du 01.01.2015 au 31.12.2017 ;

- déclarer nul et de nul effet le congé avec refus de renouvellement en date du 30.06.2017, pour défaut de preuve de persistance de l'infraction au-delà du délai d'un mois courant à compter du 30.06.2017 ' date de signification de la mise en demeure d'avoir à faire cesser l'infraction ' soit après le 30.07.2017 ;

- juger en conséquence que le bail commercial du 11 juin 1997 dont est titulaire Monsieur [I] [H] s'est prolongé tacitement aux mêmes clauses et conditions ;

En tout état de cause :

- en application des articles 700-2° du code de procédure xivile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamner Madame [N] [E] épouse [D] au paiement de la somme de 1.500 euros au profit de Maître Emmanuel Lancelot, avocat désigné de Monsieur [I] [H], sous réserve qu'il renonce effectivement à percevoir la contribution de l'État ' cette somme ne pouvant en tout état de cause être inférieure à 1.326 euros ;

- condamner Madame [N] [E] épouse [D] aux entiers dépens, dont le recouvrement pourra être directement assuré par Maître Emmanuel Lancelot, en application des dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

M. [H] expose que les conclusions de la société Kaliste n'ont été suivies d'aucune conclusion sur le fond dans le délai de 3 mois prévu à l'article 910 du code de procédure civile ; que cette société doit ainsi être déclarée irrecevable en toute prétention ; que Mme [E] n'étant plus propriétaire de l'immeuble ni bailleresse du fonds de commerce, elle est devenue tiers ; que M. [H] n'a donc pas d'intérêt légitime à agir à son encontre et doit ainsi être déclaré irrecevable en ses demandes contre Mme [E]; subsidiairement, que le congé ayant été délivré pour le 31 décembre 2017, l'infraction de défaut d'exploitation du fonds de commerce doit être établie sur la période de trois années entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2017 en vertu de l'article L. 145-8 du code de commerce ; que doit être écarté le procès-verbal de constat établi en 2014, trop ancien, ainsi que celui du 10 mai 2017 n'étant pas relatif à un défaut d'exploitation ; que ne doit être retenu afin d'appuyer le défaut d'exploitation que le procès-verbal en date des 20 mai, 1er, 3 et 14 juin 2017, l'absence d'exploitation étant alors établie pour une période de 25 jours ; qu'une telle durée ne peut constituer l'infraction de défaut d'exploitation effective au cours des trois années qui ont précédé la date d'expiration du bail ; que le bailleur ne saurait imposer au preneur une exploitation continue de son fonds de commerce en l'absence de toute obligation d'exploitation permanente résultant d'une clause du bail, conformément à la jurisprudence ; que le preneur est donc bien fondé à demander que soit jugé inopérant et de nul effet le congé avec refus de renouvellement en date du 30 juin 2017; qu'en tout état de cause, le motif grave et légitime l'absence d'exploitation du fonds de commerce ne peut être invoqué que si l'infraction s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser en vertu de l'article L. 145-17 du code de commerce ; qu'en l'espèce le congé comporte par le même acte mise en demeure de faire cesser l'infraction ; que la bailleresse ne produit aucun élément prouvant l'absence d'exploitation du fonds de commerce postérieure au 30 juin 2017 et ne rapporte donc pas la preuve de la persistance de l'infraction au-delà du délai d'un mois courant à compter de la date de signification du congé et mise en demeure ; que le preneur est donc bien fondé à demander que soit jugé inopérant et de nul effet le congé avec refus de renouvellement en date du 30 juin 2017.

Par conclusions déposées le 21 septembre 2023, Mme [E] veuve [D], intimée, demande à la cour de :

À titre principal,

- juger que Madame [N] [E] veuve [D] n'est plus propriétaire du local commercial dont s'agit ;

- juger que celle-ci n'a pas qualité à défendre à la présente procédure ;

- juger Monsieur [I] [H] irrecevable à agir à l'endroit de Madame [N] [E] veuve [D] au regard des demandes formulées par ce dernier au sein de ses conclusions signifiées par RPVA le 25 février 2022, à savoir :

« dire et juger inopérant et de nul effet le congé avec refus de renouvellement en date du 30 juin 2017, aucun défaut d'exploitation du fonds de commerce ne pouvant être reproché à Monsieur [H] - au sens de l'article L. 145-8 du code de commerce ' pour la période de trois années courant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 ;

dire et juger inopérant et de nul effet le congé avec refus de renouvellement en date du 30 juin 2017 pour défaut de preuve de persistance de l'infraction au-delà d'un mois courant à compter du 30 juin 2017 ' date de la signification de la mise en demeure d'avoir à faire cesser l'infraction - soit après le 30 juillet 2017 ;

dire et juger en conséquence que le bail commercial du 11 juin 1997 dont est titulaire Monsieur [I] [H] s'est prolongé tacitement aux mêmes clauses et conditions ;

en application des articles 700-2 ° du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamner Madame [N] [E] épouse [D] au paiement de la somme de 1.500 euros au profit de Maître Emmanuel Lancelot, avocat désigné de Monsieur [I] [H], sous réserve qu'il renonce effectivement à percevoir la contribution de l'Etat - cette somme ne pouvant en tout état de cause être inférieure à 1.326 euros ;

condamner Madame [N] [E] épouse [D] aux entiers dépens, dont le recouvrement pourra être directement assuré par Maître Emmanuel Lancelot, en application des dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile.»

En conséquence,

- débouter purement et simplement Monsieur [I] [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

À titre subsidiaire,

- confirmer purement et simplement le jugement rendu le 25 mai 2021 (n° RG 19/08031) par le tribunal judiciaire de Créteil, lequel a :

« constaté la résiliation de plein droit du bail conclu entre Monsieur [H] et Madame [U] et Madame [N] [E], au 31 décembre à minuit ;

débouté Monsieur [H] et Madame [U] de l'intégralité de leurs demandes ;

débouté Madame [N] [E] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

condamné in solidum Monsieur [H] et Madame [U] aux entiers dépens d'instance en ce compris le coût des procès-verbaux de constat d'huissier et de l'acte extrajudiciaire portant congé ;

condamné in solidum Monsieur [H] et Madame [U] à payer à Madame [N] [E] une indemnité de procédure de 1.500 euros. »

En tout état de cause, y ajoutant,

- débouter Monsieur [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions contraires au présent dispositif comme étant tout à la fois irrecevables et malfondées ;

- condamner in solidum Monsieur [H] et Madame [U] au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoue parisversailles, société d'avocats aux offres et affirmations de droit.

Mme [E] veuve [D] expose qu'ayant vendu l'immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce du preneur, elle n'est donc plus propriétaire dudit immeuble et n'a plus la qualité de bailleresse ; que les demandes du preneur n'intéressent que la société Kaliste laquelle est aujourd'hui propriétaire de l'immeuble ; que le preneur est ainsi irrecevable à agir contre Mme [E] ; que la motivation du congé est justifiée au regard des motifs graves et légitimes invoqués au sein de l'acte extra-judiciaire en vertu de l'article L. 145-17 du code de commerce ; que de tels motifs sont justifiés par une cessation d'exploitation effective du fonds de commerce constatée par plusieurs procès-verbaux soulignant une fermeture du local ; que le procès-verbal de constat de 2014 est annexé à la mise en demeure préalable ayant pour pour vocation de renseigner le preneur sur les causes du refus de renouvellement ; que l'absence d'exploitation effective du fonds a été constaté en 2014, puis de nouveau en 2017 de sorte que le preneur ne peut pas soutenir que l'absence d'exploitation effective n'aurait duré que 25 jours ; que Mme [E] n'étant plus propriétaire de l'immeuble, elle ne peut dépêcher un huissier instrumentaire aux fins de constater la persistance de l'infraction, ce qui incombe à l'actuel propriétaire ; que le preneur à bail commercial est tenu tout à la fois d'entretenir les lieux loués et d'exploiter le fonds prévu en vertu de l'article 1728 du code civil ; que les motifs invoqués sont ainsi des motifs sérieux et légitimes justifiant le refus de renouvellement et d'indemnité d'occupation.

Par conclusions déposées le 28 octobre 2022 la société Kaliste Immobilier, intervenante volontaire, demande à la cour de :

- admettre la société Kaliste immobilier en son intervention volontaire dans le cadre de la présente procédure ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle expose que Mme [E] ayant vendu l'immeuble dans lequel était exploité le fonds de commerce appartenant à Monsieur et Madame [H] à la société Kaliste immobilier, cette dernière a un intérêt légitime à intervenir dans le cadre de la procédure pendante devant la présente juridiction.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur le désistement de Mme [U]

Il résulte des dispositions des articles 396 et suivants du code de procédure civile que le désistement d'appel est admis en toutes matières sauf dispositions contraires, qu'il est exprès ou implicite qu'il n'a besoin d'être accepté que s'il contient des réserves ou si la partie à l'égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente; qu'il emporte acquiescement au jugement déféré; que le juge déclare le désistement parfait si la non-acceptation de l'intimé ne se fonde sur aucun motif légitime.

Par ailleurs, il résulte des dispositions combinées des articles 802, 803 et 907 du code de procédure civile qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusions ne peut être déposée devant la cour d'appel à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

Au début des premières conclusions d'appelants signifiées le 25 février 2022 par M. [H] et Mme [U] (procédure RG 21/21008 avant jonction) il est écrit:

'A TITRE LIMINAIRE:DESISTEMENT D'INSTANCE DE MADAME [U]

Aux termesdes présentes écritures, Madame [R] [X] [U] se désiste purement et simplement de son appel et demande à la Cour de lui donner acte de son désistement d'instance.' Le dispositif de ces conclusions omet de mentionner le désistement de Mme [U]. Cependant, il ne forme des demandes que pour M. [H] .

En page 2 des conclusions récapitulatives signifiées le 2 juillet 2023 pour M. [H] et Mme [U] figure le même paragraphe liminaire indiquant le désistement de Mme [U]. De même, le dispositif de ces conclusions omet de mentionner le désistement de Mme [U] mais forme des demandes pour M. [H] exclusivement . Ainsi il mentionne notamment : 'Recevoir M. [I] [H] en son appel et l'y déclarant bien fondé (...) Atitre principal: Déclarer M. [I] [H] irrecevable en toutes ses demandes à l'encontre de Mme [N] [E], faute d'intérêt à agir à son encontre (...) juger en conséquence que le bail commercial du 11 juin 1997 dont est titulaire Monsieur [I] [H] s'est prolongé tacitement aux mêmes clauses et conditions, '.

Il ressort de ces écritures un désistement d'appel non équivoque de la part de Mme [U].

Dès lors que ce désistement est intervenu dès les premières conclusions des appelants sans que l'intimée n'ait préalablement formé un appel incident ou une demande incidente à leur égard, il n'a pas besoin d'être accepté pour recevoir effet, il emporte acquiescement au jugement déféré de la part de Mme [U].

Des conclusions de désistement ayant été signifiées par cette dernière avant l'ordonnance de clôture, il n'existe pas de cause grave justifiant la révocation de la clôture afin d'admettre les conclusions signifiées le 20 octobre 2023 réitérant ce désistement. Ces nouvelles conclusions seront déclarées irecevables.

Sur l'irrecevabilité des demandes de M. [H]

Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas où la loi attribue le droit d'agir à certaines personnes, et selon l'article 32 du même code est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Il en résulte que l'intérêt à agir pour le succès ou le rejet d'une prétention d'une partie s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice mais qu'elle doit également conserver la qualité à agir et un intérêt personnel et direct à la reconnaissance du droit dont elle se prévaut à la date où le juge statue sur sa demande.

Par ailleurs, une demande incidente n'est recevable que si l'action initiale l'est elle-même.

En l'espèce, dès lors qu'elle n'était plus propriétaire des locaux loués depuis le 26 mars 2018, date de leur vente à la société KALISTE IMMOBILIER, Mme [D] n'avait plus intérêt à s'opposer à la demande en annulation du congé du 30 juin 2017 formée par l'assignation délivrée à son encontre par les époux [H] le 20 septembre 2019, sans mise en cause de la société KALISTE IMMOBILIER propriétaire ayant un intérêt direct à défendre à cette procédure. C'est donc à juste titre que Mme [D] et M. [H] s'accordent pour soutenir que ce dernier était irrecevable à agir à l'encontre de Mme [D] notamment pour voir déclarer nul le congé du 30 juin 2017 et dire que le bail s'est prolonger tacitement.

C'est également à juste titre et pour le même motif que Mme [D] soutient que Mme [U] était irrecevable à agir à son encontre pour contester le congé du 30 juin 2017, et ce, d'autant plus qu'il ressort de l'acte de cession de fonds de commerce du 29 mai 1999 que seul M. [I] [H] est mentionné en qualité de cessionnaire, le nom de Mme [U] étant mentionné en qualité d'épouse de M. [H] mais non de co-cessionnaire.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de M.[H] et de Mme [U].

Dès lors qu'il a été fait droit à la demande principale de M. [H] aux fins de voir déclarer irrecevables ses demandes à l'encontre de Mme [D], il n'y a pas lieu d'examiner sa demande subsidiaire aux fins de voir déclarer nul le congé avec refus de renouvellement du 30 juin 2017 et de voir juger que le bail se serait prolongé tacitement.

Dès lors qu'il a été fait droit à la demande principale de Mme [D] aux fins de voir déclarer M. [H] irrecevable à agir à son encontre, la demande aux fins de le voir débouter de ses prétentions est sans objet et il n'y a pas lieu d'examiner la demande subsidiaire aux fins de voir confirmer le jugement déféré notamment en ce qu'il a constaté la résiliation du bail.

Dès lors que l'action principale est irrecevable, la demande incidente ne peut être recevable. Ainsi Mme [D] n'ayant plus intérêt à défendre à une action en contestation de congé, n'étant plus propriétaire des locaux, elle n'a pas non plus intérêt à agir pour solliciter la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a constaté la résiliation du bail.

Le litige relatif à la validité du congé n'étant pas tranché puisque l'action est irrecevable, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [H] et Mme [U] aux dépens comprenant les procès verbaux de constat et le congé. Il convient également de l'infirmer dans ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.

Sur les autres demandes :

Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [D] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Dès lors que la société Kaliste Immobilier, intervenant volontaire, n'a formé aucune prétention, la demande de M. [H] aux fins de la voir déclarer irrecevable en toutes ses demandes est sans objet.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir 'juger', lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Par équité et au regard de la situation financière respective des parties, il convient de la débouter de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et d'appel.

M. [H] sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles formée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et tenu aux dépens qui seront laissés à la charge de l'Etat en application de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1991.

Les autres demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Déclare irrecevables les conclusions signifiées le 20 octobre 2023 par Mme [R] [U];

Donne acte à Mme [R] [U] de son désistement d'appel ;

Infirme le jugement rendu le 25 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil (RG 19/8032) en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [E] veuve [D] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare M. [I] [H] et Mme [R] [U] irrecevables à agir à l'encontre de Mme [N] [E] veuve [D] aux fins de déclarer de nul effet le congé avec refus de renouvellement du 30 juin 2017 et aux fins de voir dire que le bail s'est prolongé tacitement ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Dit que les dépens seront laissés à la charge de l'Etat en application de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1991.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 21/16351
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;21.16351 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award