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28/03/2024 | FRANCE | N°21/09662

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 28 mars 2024, 21/09662


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 28 MARS 2024



(n° 2024/ , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09662 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWNV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/08358





APPELANT



Monsieur [O] [L]

[Adresse 2]
r>[Localité 4]

Représenté par Me Pascale VITOUX LEPOUTRE de la SCP VITOUX & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P 273



INTIMEE



S.A.R.L. ETABLISSEMENTS CLAUDE BELISSA

[Adres...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 28 MARS 2024

(n° 2024/ , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09662 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWNV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/08358

APPELANT

Monsieur [O] [L]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Pascale VITOUX LEPOUTRE de la SCP VITOUX & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P 273

INTIMEE

S.A.R.L. ETABLISSEMENTS CLAUDE BELISSA

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Nathalie MAYA-AVRIL du cabinet BRETON-MAYA, avocat au barreau de PARIS, toque : L 239

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [O] [L] a été engagé par la société Etablissements Claude Belissa, ci-après la société, par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 13 février 2006, en qualité d'éléctricien, statut ouvrier niveau 3, position 2, coefficient 230 de la convention collective nationale du bâtiment de plus de 10 salariés du 8 octobre 1990 applicable à la relation de travail. En dernier lieu, il percevait une rémunération mensuelle brute de 2 381,77 euros pour 151,67 heures de travail.

La société occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

M. [L] a présenté des arrêts maladie à compter du 7 mai 2019, prolongés jusqu'au 4 mars 2020. M. [L] a sollicité une visite de pré-reprise le 3 mars 2020 laquelle s'est tenue le 5 mars suivant. Par avis d'inaptitude du 6 mars 2020, le médecin du travail a déclaré M. [L] inapte à son poste et coché la case indiquant que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Il a également précisé que M. [L] 'ne peut plus exercer de métier physique avec des postures penchées en avant et les bras en l'air - bilan de compétences' Formation pour un travail plus administratif'.

Sa maladie a été reconnue d'origine professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de seine le 28 janvier 2020 et il s'est vu reconnaître le statut de travailleur handicapé le 5 juin 2020.

La société a informé M. [L], par courrier recommandé du 10 mars 2020, de l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise.

Par lettre recommandée du 12 mai 2020, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 20 mai 2020 et s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier adressé sous la même forme daté du 26 mai 2020.

Estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 28 septembre 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

- condamné la société à payer à M. [L] 500 euros à titre de rappel de prime de pouvoir d'achat ;

- débouté M. [L] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens.

M. [L] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 25 novembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 octobre 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [L] prie la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes ;

Statuant à nouveau

- Juger que son salaire moyen de référence s'élève à 2 509,76 euros brut ;

- Juger que son licenciement est intervenu en violation des dispositions des articles L. 1226-10 et suivants du code du travail ;

En conséquence

- condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

* 50 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L.1226-15 du code du travail,

* 84,44 euros à titre de complément de rappel de salaire pour la période du 6 avril 2020 au 26 mai 2020,

* 418,29 euros au titre des congés payés afférents au salaire dû pour la période du 6 avril 2020 au 26 mai 2020,

* 255,98 euros à titre d'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis sur le fondement de l'article L. 1226-14 du code du travail,

* 501,95 euros au titre des congés payés afférent à l'indemnité compensatrice,

* 1 271,07 euros à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement sur le fondement de l'article L.1226-14 du code du travail,

* 382,25 euros à titre de rappel de prime d'outillage de janvier 2019 à mai 2019, outre 38,22 euros au titre des congés payés afférents,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-paiement intégral du solde de tout compte,

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manquements de l'employeur à ses obligations de formation et d'adaptation,

* 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner la remise d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de paie récapitulatif conformes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision à intervenir ;

- se réserver le droit de liquider l'astreinte ;

- condamner la société aux entiers dépens ;

- juger que les intérêts courront à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- ordonner la capitalisation des intérêts.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 septembre 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Etablissements Claude Belissa prie la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [L] la somme de 500 euros à titre de rappel de prime de pouvoir d'achat, a débouté M. [L] du surplus de ses demandes, débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens ;

- débouter M. [L] de l'intégralité de ses fins et demandes ;

En conséquence,

- juger que le licenciement pour inaptitude de M. [L] est réel et sérieux et justifié ;

- juger que le salaire moyen de référence de M. [L] est de 2 381,77 euros ;

- juger que M. [L] a été rempli de ses droits par la société qui lui a réglé les sommes suivantes le 15 février 2021, outre celles versées lors de son licenciement le 20 mai 2020, à savoir :

* 4 098,49 euros à titre de rappel de salaire du 6 avril 2020 au 26 mai 2020,

* 4 763,54 euros à titre d'indemnité compensatrice sur le fondement de l'article L.1226 - 14 du code du travail et subsidiairement à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 10 272,13 euros au titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement sur le fondement de l'article L. 1226-14 du code du travail ;

- juger que la société a remis à M. [L] l'ensemble des documents conformes consécutifs à la rupture, à savoir son certificat de travail, un bulletin de paie récapitulatif ainsi que l'attestation Pôle Emploi ;

- débouter M. [L] de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés afférente au rappel de salaire pour la période du 6 avril au 26 mai 2020, au motif que celle-ci est prise en charge par la caisse des congés payés du bâtiment (CIBTP) ;

- juger que l'indemnité prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son poste en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L.1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et, dès lors, n'ouvre pas droit à congés payés, en conséquence, débouter M. [L] de sa demande d'indemnité de congés payés afférente à hauteur de 501,95 euros ;

- débouter M. [L] de sa demande de rappel de prime d'outillage ;

- déclarer puis juger que M. [L] renonce à sa demande de rappel de prime de pouvoir d'achat d'ores et déjà réglée en date du 10 décembre 2021 en exécution des causes du jugement entrepris ;

- déclarer puis juger que M. [L] renonce à sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés sur la prime de pouvoir d'achat qui n'entre pas dans l'assiette des congés payés ;

- débouter M. [L] de sa demande de dommages et intérêts pour non-paiement intégral du solde de tout compte qui a été entièrement réglé ;

- débouter M. [L] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement aux obligations de formation et d'adaptation ;

- débouter M. [L] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [L] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [L] en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 décembre 2023.

MOTIVATION :

A titre liminiare, la cour observe que M. [L] n'a pas fait appel du chef de la condamnation de la société à lui verser une somme de 500 euros au titre de la prime pouvoir d'achat mais que la société sollicite la confirmation du jugement de ce chef de sorte que le jugement, non critiqué est confirmé sur ce point.

Par ailleurs, il résulte des dernières conclusions de M [L], qu'il ne forme plus aucune demande au titre du rappel de congés payés sur la prime d'achat. La société sollicitant la confirmation du jugement sur ce point, la cour confirme le jugement en ce que M. [L] a été débouté de ce chef de demande.

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur le rappel de prime d'outillage et les congés payés afférents :

M. [L] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 382,25 euros à titre de rappel de prime d'outillage pour les mois de janvier à mai 2019 outre 38,22 euros au titre des congés payés afférents et l'infirmation du jugement qui l'a débouté de ce chef de demande.

Il fait valoir que son contrat prévoyait le paiement d'une prime d'outillage mais que le 28 janvier 2019, la société a informé les salariés de la suppression du paiement de cette prime aux motifs que les salariés ne renouvelaient que rarement leur matériel et qu'elle fournirait dorénavant la dotation nécessaire aux travaux.

De son côté, la société conclut au débouté en faisant valoir que :

- M. [L] n'achetait pas d'outils non TST (travaux sous tension),

- elle a décidé de supprimer la prime d'outillage à compter du 1er janvier 2019 et d'assurer elle-même l'achat de l'outillage destiné à ses salariés,

- M. [L] n'apporte aucun élément de nature à justifier qu'il aurait engagé des frais à titre personnel pour remplacer un quelconque outil et lorsque lui et d'autres salariés ont protesté contre la décision de l'employeur de supprimer la prime, ils ont écrit une pétition par laquelle ils n'ont fait que déplorer la perte de leur pouvoir d'achat.

La cour observe que le contrat de travail prévoyait au titre de la rémunération que : " en contrepartie de son travail M. [L] [O] percevra une rémunération nette mensuelle de 2 025,69 euros pour un horaire de 169 heures, comprenant une prime de panier et une prime d'outillage. "

Il en ressort que le paiement de la prime d'outillage était contractuellement prévu et englobé dans la rémunération. Par ailleurs, l''employeur ne justifie pas que cette prime était versée en contrepartie de l'achat de ses outils par le salarié, et il admet lui-même dans ses écritures que les salariés ne rachetaient pas d'outils malgré le versement de la prime, de sorte qu'elle s'analyse en réalité comme un accessoire de salaire. Dès lors, l'employeur, tenu de verser au salarié la rémunération convenue en contrepartie du travail effectué, ne pouvait supprimer le versement d'une partie de celle-ci sans recueillir l'accord du salarié.

La cour condamne en conséquence la société à verser à M. [L] la somme réclamée de 382,25 euros outre 38,22 euros au titre des congés payés afférents, ceux-ci étant dus nonobstant l'existence de la caisse de congés payés du bâtiment, comme il sera vu, ci-après. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur les dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de formation et d'adaptation :

M. [L] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts et l'infirmation du jugement qui l'a débouté de ce chef de demande en faisant valoir qu'en 14 ans d'ancienneté, il n'a pu bénéficier que d'une seule formation en octobre 2011 de sorte que la société ne l'a fait bénéficier d'aucune réelle formation afin d'améliorer son employabilité. Il soutient que les formations suivies, avancées par l'employeur, ne sont que des formations obligatoires en application de l'article L. 4141-2 du code du travail ou des habilitations obligatoires nécessaires à l'exercice de ses fonctions d'électricien.

De son côté, la société conclut au débouté en faisant valoir qu'elle a assuré, tout au long de la relation contractuelle, l'adaptation de M. [L] à son poste de travail et respecté son obligation de formation dont elle doit d'ailleurs justifier envers son client principal, s'appuyant sur une attestation de compétences à la prévention des risques liés à l'amiante en date des 29 et 30 avril 2015, des habilitations relatives à des journées de sensibilisation, une formation de deux jours au travail de sécurité en 2011 et une autre pour la même durée également en 2011.

La cour rappelle qu'en application de l'article L. 6321-1 du code du travail, " l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme. Les actions de formation mise en 'uvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionnée au premièrement de l'article L. 6312-1 ".

La cour observe que les journées de sensibilisation, de formation et stage dont l'employeur justifie concernent essentiellement comme le soutient le salarié des formations obligatoires, et que l'employeur ne justifie pas des formations assurées durant les 14 années d'exécution du contrat de travail pour améliorer l'employabilité de son salarié de sorte que celui-ci, victime d'une maladie professionnelle et ne pouvant plus exercer son emploi, en a subi un préjudice qui sera suffisamment réparé par l'allocation d'une somme de 2 500 euros de dommages-intérêts. La société est condamnée au paiement de cette somme et le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de ce chef de demande.

Sur la demande présentée à titre de complément de rappel de salaire :

M. [L] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 84,44 euros à titre de complément de rappel de salaires pour la période du 6 avril 2020 au 26 mai 2020 et l'infirmation du jugement qui l'a débouté de ce chef de demande.

Il soutient qu'alors qu'il a été déclaré inapte par avis du médecin du travail du 6 mars 2020, l'employeur, en violation de l'article L. 1226-11 du code du travail, n'a pas repris le paiement intégral de son salaire puisque ce n'est qu'en cours de procédure que la société lui a versé une somme de 4 098,49 euros, laissant subsister un solde dont il réclame le paiement.

De son côté, la société conclut au débouté en faisant valoir que M. [L] a été rempli de ses droits.

Il n'y a plus de litige portant sur le principe du versement du salaire en application de l'article L. 1226-11 du code du travail puisque l'employeur en cours de procédure a versé une somme de 4 098,49 euros au salarié au titre du maintien de salaire. Cependant, les parties s'opposent sur le montant de la somme qui était due dans la mesure où l'employeur soutient que le calcul doit s'effectuer sur la base d'un salaire brut de référence de 2 381,77 euros qui correspond à la moyenne des trois derniers salaires de M. [L], (salaire de base et heures supplémentaires structurelles incluses) tandis que le salarié soutient que le salaire de référence doit s'élever à 2 509,76 euros correspondant à la moyenne de ses salaires sur les trois derniers mois précédant son arrêt de travail, calculée sur la base de son salaire, indemnité de transport, et prime panier incluses.

La cour rappelle qu'en application de l'article L. 1226-11 du code du travail, à l'issue d'un mois suivant l'avis d'inaptitude, l'employeur doit reprendre le paiement des salaires si le salarié n'a pas été licencié ou reclassé, que ce salaire est celui correspondant à l'emploi que le salarié occupait avant la suspension de son contrat de travail, qu'il comprend l'ensemble des éléments constituant la rémunération du salarié et ouvre droit à une indemnité de congés payés.

Il ressort des derniers bulletins de salaire précédant l'arrêt de travail ( février, mars avril 2019) que le salaire de M. [L] était composé de :

- son salaire de base majoré des heures supplémentaires structurelles soit 2 309,85 euros,

- une prime de panier, dont le montant est toujours le même,

- une indemnité de transport correspondant au remboursement de son titre de transport.

La cour considère que dès lors que le contrat de travail englobait expressément la prime panier dans la rémunéraion mensuelle du salarié, elle constituait un complément de salaire et l'employeur ne peut valablement prétendre qu'il s'agissait d'un remboursement de frais. Le montant de cette prime doit donc être compris dans le rappel de salaire sollicité.

Par ailleurs, s'agissant du remboursement du titre de transport effectué par l'employeur en application de l'article L. 3261-2 du code du travail, il ne constitue pas un élément de rémunération.

La cour, au vu des bulletins de salaire communiqués, évalue donc le montant du salaire qui était dû en application de l'article L. 1226-11 du code du travail à la somme mensuelle de 2 472,16 euros brut.

Dés lors la cour fait droit à la demande de M. [L] dans les limites de celle-ci et condamne la société à lui verser la somme de 84,44 euros à titre de rappel de salaire.

Sur la demande relative aux congés payés :

M. [L] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 418,29 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire, sur la base du salaire finalement versé par l'employeur en cours de procédure et de la somme allouée.

L'employeur s'oppose à la demande en faisant valoir que les congés étant payés par les caisses de congés payés, l'action en paiement du salarié doit être dirigée contre la caisse et non contre lui. Cependant, la cour observant que le droit à congés payés est fondé et que l'employeur ne justifie pas de l'attestation qu'il aurait dû remettre à la Caisse s'agissant des congés payés afférents aux sommes déjà versées et le solde résultant de la condamnation prononcée ce jour, le condamne à régler au salarié la somme de 418,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire pour la période du 6 avril 2020 au 26 mai 2020 .

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur le solde d'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis :

M. [L] fait valoir que l'employeur reste redevable de la somme de 255,98 euros au titre du solde de l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L. 1226-14 du code de travail outre la somme totale de 501, 95 euros au titre de des congés payés afférents dans la mesure où il aurait dû selon lui, percevoir une somme de 5 019,52 euros alors que l'employeur ne lui a versé que la somme de 4 763,54 euros. Il sollicite l'infirmation du jugement qui l'a débouté de ces chefs de demande.

La société s'oppose à la demande en faisant valoir :

- à bon droit que l'indemnité prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail n'a pas la nature d'une indemnité de préavis de sorte qu'elle n'ouvre pas droit à congés payés, la cour déboute donc M. [L] de ce chef de demande et le jugement est confirmé sur ce point,

- que le règlement de la somme de 4 763,54 euros auquel elle a procédé a rempli M. [L] de ses droits.

Sur ce dernier point, la cour a évalué le salaire de référence à la somme de 2 472,16 euros, de sorte que versement auquel l'employeur a procédé en cours de procédure ne remplit pas le salarié de ses droits et que reste due une somme de 180,78 euros au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis. La société est condamnée au paiement de cette somme et le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de ce chef de demande.

Sur le solde de l'indemnité spéciale de licenciement :

M. [L] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 1 271,07 euros à ce titre sur la base d'une ancienneté de 14 ans cinq mois et 14 jours et d'un salaire mensuel de référence de 2 509,76 euros.

La société de son côté soutient que l'indemnité spéciale de licenciement doit être calculée sur la base d'une ancienneté de 14,25 ans, calculée du 6 février 2006 au 26 mai 2020, date de notification du licenciement et sur la base d'un salaire de référence de 2 381,77 euros de sorte qu'en ayant payé à M. [L] une somme totale de 10 272,13 euros, elle l'a rempli de ses droits.

Aux termes de l'article L 1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré inapte à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle lui ouvre droit à " une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf disposition conventionnelle plus favorable, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail'.

Pour les mêmes motifs que précédemment, l'indemnité doit se calculer sur la base d'un salaire de référence de 2 472,16 euros brut.

Sur l'ancienneté du salarié, la cour rappelle que le droit à l'indemnité de licenciement nait à la date où le licenciement est notifié, et qu'en matière d'inaptitude d'origine professionnelle, la durée du préavis n'est pas comptabilisée dans l'ancienneté, aucune indemnité compensatrice n'étant due.

Dés lors, l'indemnité légale de licenciement s'évaluant à la somme de 9 682,61 euros, la société devait lui verser une somme de 19 365,22 au titre de l'indemnité spéciale de licenciement, de sorte que la somme de 18 657,20 euros, déjà versée, ne remplit pas M. [L] de ses droits et que la société est condamnée à lui régler une somme de 708,02 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement. Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de ce chef de demande.

Sur la demande présentée sur le fondement de l'article L. 1226-15 du code du travail :

Soutenant que son liceneciement est sans cause réelle et sérieuse, M. [L] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 50 000 euros à ce titre aux motifs de :

- l'absence de consultation préalable du comité social et économique (CSE),

- l'absence d'impossibilité de reclassement au sein de la société.

La société conclut au débouté en faisant valoir :

- que la consultation du CSE était impossible dès lors qu'il n'y en avait pas au sein de l'entreprise, puisque les dernières élections de la délégation unique de personnel organisées les 10 et 24 novembre 2016, ayant donné lieu à procès-verbal de carence dont elle communique la copie, le CSE n'avait pas à être mis en place

- qu'elle n'avait aucun poste de reclassement à proposer au salarié.

Sur l'absence de consultation du CSE, la société communique :

- le procès-verbal de carence pour tous les collèges en date du 24 novembre 2016,

- son envoi par courrier recommandé à l'inspection du travail et CTEP, les informant de la carence de candidature aux opérations de scrutin avec les justificatifs des envois,

- les courriers d'invitation adressés aux organisations syndicales avec justificatifs des envois en recommandé,

- les notes de services afférentes à l'organisation des élections en date des 28 septembre, 17 octobre 2016 et 4 novembre 2016 mentionnant les listes électorales du collège ouvrier/employé.

C'est vainement que M. [L] conteste la valeur probante du procès-verbal de carence communiquée par l'employeur en soutenant qu'en réalité la société n'a jamais organisé d'élections professionnelles, que le procès-verbal qu'elle communique est entaché de graves suspicions sur son authenticité, produisant une capture d'écran du site de la Dreets faisant apparaître que le dossier est " en cours de traitement' ce qui lui paraît particulièrement surprenant pour un procès-verbal de carence établi en 2016 et enfin en produisant une attestation d'un salarié M. [M] selon laquelle, ce dernier n'a été informé ni par mail ni par courrier ni par SMS des élections des élections de délégués du personnel en 2016.

En effet, ces arguments et cette attestation ne sont pas suffisants pour ôter leur valeur probante aux documents précités communiqués par l'employeur dont la cour relève que ce dernier justifie de leur envoi en 2016, quatre ans avant le licenciement, et que les copies d'écran du site de la DREETS également communiqués par l'employeur font apparaître nonobstant la mention 'en cours de traitement' les détails du procès-verbal de carence de sorte que l'information a été communiquée et enregistrée à la DREETS. Par ailleurs, il n'est pas justifié qu'une contestation été effectuée sur la régularié de ce procès-verbal.

La cour considère que l'employeur justifie ainsi qu'il ne pouvait pas consulter le CSE. Le moyen soulevé est écarté.

Sur le non-respect de l'obligation de reclassement , M. [L] reproche à l'employeur de ne pas justifier de l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé de procéder à son reclassement.

La société conteste tout manquement à cet égard en faisant valoir en premier lieu que dans la mesure où le médecin du travail avait coché la case indiquant que " l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ", elle n'avait pas à procéder à une telle recherche. mais que compte tenu de la contradiction existant entre cette mention cochée et les indications personnalisées du médecin du travail, un peu plus loin dans le document, indiquant " ne peut plus exercer un métier physique avec des postures penchées en avant et les bras en l'air. Bilan de compétences ' Formation pour un travail plus administratif ", elle avait quand même recherché une possibilité de reclassement, mais sans résultat.

Elle verse aux débats un extrait informatisé du registre du personnel pour la période du 1er mars au 31 mai 2020 prouvant selon elle qu'aucun poste n'était disponible en son sein pouvant correspondre aux capacités résiduelles de M. [L].

La cour considère que même si la case indiquant que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi a été cochée, les mentions postérieures, particulières aux cas de M. [L] font état de capacités résiduelles et d'une orientation possible, de sorte que l'employeur, à défaut d'avoir obtenu une précision auprès du médecin du travail sur cette apparente contradiction se devait de rechercher un poste de reclassement en application de l'article L 1226 -12 du code du travail. En tout état de cause, dès lors qu'il l'a fait, il doit être en mesure de justifier du caractère loyal et sérieux de ses recherches.

Pour démontrer qu'il a rempli son obligation, l'employeur verse aux débats un extrait informatisé du registre du personnel pour la période du 1er janvier au 31 mai 2020 dont il ressort qu'outre M. [L], pendant cette période, un électricien ouvrier, un monteur électricien et un électricien, ce dernier en CDD ont quitté l'entreprise et que deux autres salariés ont été embauchés en février 2020 comme électriciens ouvriers. La cour considère qu'il justifie ainsi qu'aucun poste n'était vacant au sein de l'entreprise, qu'aucune transformation de poste n'était possible compte tenu du fait que le gérant de la société accomplissait l'ensemble des tâches administratives et que l'employeur n'est pas tenu d'assurer aux salariés qu'il doit reclasser une formation initiale.

Dès lors, l'employeur justifie avoir effectué loyalement et sérieusement ses recherches de reclassement.

Le licenciement est donc fondé sur une cause réelle et sérieuse et la demande d'indemnité présentée sur le fondement de l'article L. 1226-15 du code du travail est rejetée. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non paiement du solde de tout compte :

Sur le fondement de l'article L 1221-1 du code du travail, M. [L] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et financier qu'il a subi du fait du non paiement intégral du solde de tout compte en faisant valoir qu'il a été privé pendant près de neuf mois de sommes importantes et exposé à des difficultés financières le plaçant dans l'incapacité de régler ses loyers.

La société conclut au débouté en faisant valoir qu'il ne justifie pas de son préjudice.

La cour considère que dès lors que l'origine professionnelle du licenciement était établie, l'employeur qui n'a pas versé les sommes qui étaient dues au salarié de ce fait a manqué à l'obligation de loyauté comme le soutient le salarié et lui a occasionné un préjudice moral et financier, distinct de celui réparé par l'allocation des intérêts de retard, qui sera suffisamment indemnisé par l'allocation d'une somme de 1 000 euros de dommages-intérêts. La société est condamnée au versement de cette somme et le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

La société doit remettre à M. [L] un certificat de travail, une attestation pour Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte, cette dernière demande est rejetée.

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter du 25 octobre 2021 date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

La capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

La société, partie perdante est condamnée aux dépens et doit indemniser M. [L] des frais exposés par lui et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

Infirme le jugement sauf du chef de condamnation de la société Etablissements Claude Belissa au titre de la prime d'achat et en ce qu'il a débouté M. [O] [L] de ses demandes de congés payés sur prime de pouvoir d'achat et sur indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis et de sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 1226-15 du code du travail pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Etablissements Claude Bélissa à payer à M. [O] [L] les sommes suivantes :

84,44 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 6 avril 2020 au 26 mai 2020 outre 418,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

180,78 euros au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis,

708,02 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

382,25 euros au titre de la prime d'outillage pour la période de janvier à mai 2019 outre 38,22 euros au titre des congés payés afférents,

1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour non versement de l'intégralité des somme dues à titre de solde de tout compte,

2 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour manquement de l'employeur à son obligation de formation et d'adaptation,

Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter du 21 mars 2021 et que ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dues à compter de la décision qui les prononce,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,

Ordonne à la société Etablissements Claude Bélissa de remettre à M. [O] [L] un certificat de travail, une attestation pour pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision,

Déboute M. [O] [L] de sa demande d'astreinte,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société établissements Claude Bélissa,

Condamne la société établissements Claude Bélissa aux dépens et à verser à M. [O] [L] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/09662
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;21.09662 ?
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