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28/03/2024 | FRANCE | N°20/06091

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 28 mars 2024, 20/06091


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 28 MARS 2024



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06091 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCMGZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Août 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 12/07751





APPELANT



Monsieur [V] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté p

ar Me Alain TAMEGNON HAZOUME, avocat au barreau de PARIS, toque:D0060





INTIMEE



S.A. SAEMES

Prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Sophi...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 28 MARS 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06091 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCMGZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Août 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 12/07751

APPELANT

Monsieur [V] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Alain TAMEGNON HAZOUME, avocat au barreau de PARIS, toque:D0060

INTIMEE

S.A. SAEMES

Prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie BOURGUIGNON, avocat au barreau de PARIS, toque : J095

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, rédactrice

Madame Marie SALORD, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Camille BESSON

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Camille BESSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS :

La Société Anonyme d'Economie Mixte d'Exploitation du Stationnement de la Ville de [Localité 5] (ci-après la SAEMES) a pour activité l'étude, le financement, la rénovation d'ouvrages et d'équipements de stationnement, ainsi que la promotion, la commercialisation, l'exploitation et la gestion de ces équipements. La SAEMES gère près de 70 parcs de stationnement situés essentiellement à [Localité 5]. Elle emploie environ 250 salariés et applique la convention collective nationale des services de l'automobile.

La SAEMES comprend cinq directions dont la direction des opérations, elle-même divisée en 4 services : service exploitation, service maintenance, service propreté et centre de surveillance et de gestion à distance.

Chaque parc de stationnement dispose d'un chef de parc, d'un adjoint chef de parc et de plusieurs agents d'exploitation.

M. [V] [S] a été recruté le 1er juin 2004 et exerçait les fonctions d'agent d'exploitation (statut employé) pour une rémunération de 2 100,10 euros bruts par mois.

En qualité d'agent d'exploitation, le salarié était affecté à un parc de stationnement, accueillant la clientèle, il contribuait à la surveillance et à la sécurité et assurait des tâches de gestion, de nettoyage et d'entretien de premier niveau.

En avril 2012, l'UNSA, organisation syndicale représentative au sein de la SAEMES, a diffusé un tract dans lequel elle prétendait que la société ne respectait pas certaines de ses obligations, notamment en matière de temps d'habillage et de déshabillage sur le lieu de travail.

Nonobstant la réponse de M. [W], directeur général du 10 mai 2012 selon laquelle les temps d'habillage et de déshabillage étaient inclus dans le temps de travail effectif et qu'ils étaient donc d'ores et déjà rémunérés, par requête du 6 juillet 2012, M. [S] et 90 autres salariés ont saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir une contrepartie financière au temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage.

Par jugement du 28 août 2020, le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes.

M. [S] a interjeté appel de ce jugement le 25 septembre 2020.

Selon conclusions du 23 décembre 2020, M. [S] demande à la cour de :

- dire l'appel recevable et bien fondé,

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tous les cas mal fondées ;

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 28 août 2020 et statuant à nouveau :

- condamner la société SAEMES à lui payer :

à titre de contrepartie financière au titre de la prime d'habillage et de déshabillage, les sommes de :

10 651 euros à titre principal,

7 131 euros à titre subsidiaire,

5 325 euros à titre infiniment subsidiaire,

- au titre des congés payés y afférents :

1 065 euros à titre principal,

713 euros à titre subsidiaire,

533 euros à titre infiniment subsidiaire,

- condamner la société SAEMES à régler cette prime sur la base du taux horaire pour l'avenir tant qu'aucun accord collectif n'aura été signé et ce sous astreinte de 100 euros par jour et par indemnité mensuelle constatée,

- ordonner la remise d'un bulletin de paie récapitulatif conforme dans un délai d'1 mois à compter de la notification de la décision sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

- juger que les condamnations prononcées porteront intérêt au taux légal à compter de la date introductive de la demande,

- ordonner une mesure d'expertise judiciaire aux fins de procéder aux calculs des sommes dues à partir du 1er juillet 2017,

Subsidiairement, étendre la mission de l'expert à la période comprise entre la date de saisine du conseil de prud'hommes et le 01/07/2017,

- condamner la société SAEMES à lui verser la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SAEMES aux entiers dépens, y compris le coût du timbre fiscal de 35 euros lorsqu'il aura été réglé par le salarié,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Il fait valoir qu'il doit porter une tenue de travail et s'habiller et se déshabiller sur son lieu de travail avant sa prise de poste et qu'il n'existe aucun accord collectif d'entreprise prévoyant une contrepartie soit financière, soit sous forme de repos pour ces temps d'habillage et de déshabillage qui ne sont pas compris dans le temps de travail effectif rémunéré.

Par conclusions du 18 mars 2021, la société SAEMES demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

En conséquence,

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [S] à lui verser la somme de 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens.

La société répond que le contrat de travail des agents d'exploitation stipule le port d'une tenue adaptée mise à leur disposition, laquelle comporte un pantalon noir, un t-shirt bleu, une polaire et une parka et qu'ils mettent et retirent leur tenue de travail dans l'entreprise, à l'intérieur de l'horaire de travail, ce dernier étant organisé avec un chevauchement d'un quart d'heure entre la prise et la fin des postes successifs afin de permettre aux agents de revêtir ou d'enlever leur tenue de travail ; qu'ainsi, les temps d'habillage et de déshabillage des agents d'exploitation sont inclus dans leur temps de travail rémunéré et que dès lors, M. [S] n'est pas fondé à solliciter une indemnité à ce titre.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 18 octobre 2023.

MOTIFS

Sur les temps d'habillage et de déshabillage

L'article L. 3121-3 du code du travail dispose :

« Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

Ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif».

Par ailleurs, l'article 1.09 de la convention collective nationale des services de l'automobile, consacré à la définition de la durée du travail, énonce :

« La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Les temps de trajet à partir du domicile du salarié pour se rendre sur le lieu de travail ou pour y retourner ne sont pas du temps de travail effectif.

Il en est de même pour les temps d'habillage et de déshabillage sur le lieu de travail. Lorsque le port d'une tenue de travail spécifique est imposé par une disposition législative ou réglementaire, ou par le règlement intérieur, ou par le contrat de travail, l'employeur a le choix entre le maintien de ce temps dans le temps de travail ou son exclusion contre payement d'une "prime d'habillage" due pour chaque jour effectivement travaillé, ou d'une contrepartie équivalente qui constitue une compensation forfaitaire à toutes les opérations d'habillage et de déshabillage nécessaires ».

Le code du travail et la convention collective prévoient ainsi un régime similaire applicable aux opérations d'habillage et de déshabillage à la double condition que le port d'une tenue de travail soit imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que ces opérations doivent être réalisées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

Dans ce cas, une contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage est due au salarié en argent ou en repos, sous réserve que ce temps ne soit pas assimilé à du temps de travail effectif. L'assimilation du temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif peut résulter d'un accord collectif, du contrat de travail ou encore d'usages.

L'employeur a ainsi le choix :

- entre inclure le temps d'habillage et de déshabillage dans le temps de travail effectif et ne pas attribuer de contrepartie en argent ou en repos,

- ou l'exclure du temps de travail et attribuer une contrepartie en argent ou en repos.

Les parties s'accordent sur l'obligation faite au salarié qui occupe un emploi d'agent d'exploitation de porter une tenue de travail fournie par l'employeur et sur la nécessité consécutive aux conditions de travail de la revêtir et de l'enlever au sein de l'entreprise.

Le régime afférent aux opérations d'habillage et de déshabillage est donc applicable à la situation du salarié.

Les parties divergent en revanche sur la qualification à donner à ces temps d'habillage et de déshabillage, la société SAEMES soutenant qu'inclus dans le temps de travail effectif, ils sont d'ores et déjà rémunérés comme tel, alors que le salarié fait valoir qu'il doit procéder à ces opérations avant et après ses horaires, sans contrepartie.

La société qui expose que le travail est organisé de sorte que les opérations d'habillage et de déshabillage soient incluses dans le temps de travail avec un chevauchement de 15 minutes entre les postes, s'appuie pour en justifier sur :

- un document mentionnant plusieurs parcs dans [Localité 5] et pour les agents d'exploitation les horaires suivants : postes de jour de 7 h 15 à 14 h 39 et de 14 h 21 à 21 h 45 et poste de nuit de 21 h 30 à 7 h 30,

- un courrier du 10 mai 2012 du directeur général qui indique aux délégués syndicaux UNSA et SUD, avec copie aux délégués syndicaux CFDT et CFTC, que 'la SAEMES a fait le choix, comme l'y autorise la loi et la convention collective, de maintenir les temps d'habillage et de déshabillage dans le temps de travail. Il existe un temps de chevauchement entre les postes durant lequel les salariés s'habillent et se déshabillent. Ces temps d'habillage et de déshabillage étant inclus dans le temps de travail effectif, ils sont d'ores et déjà rémunérés comme du temps de travail effectif. Aucune contrepartie supplémentaire n'est alors due',

- les attestations de plusieurs chefs de parc qui indiquent que les opérations d'habillage et de déshabillage des agents d'exploitation sont réalisées dans l'horaire de travail et pour exemple M. [F] atteste qu'il n'a jamais vu un collaborateur 'venir sur le lieu de son poste avant l'heure de celui-ci pour mettre ou défaire sa tenue de travail', M. [R] que 'les agents d'exploitation s'habillent et se déshabillent pendant leurs heures de travail' ou encore M. [O] atteste que les agents d'exploitation sous son autorité se sont toujours habillés et déshabillés durant leurs horaires de travail.

Le salarié qui conteste cette affirmation se fonde notamment sur :

- des attestations de collègues affirmant se changer avant la prise de poste et pour exemple: Mme [H] atteste mettre sa tenue de travail avant la prise de poste et être déjà en tenue pendant les 15 minutes de passation des consignes et MM. [X] et [G] qu'ils se changent à 21h15 pour prendre leur poste à 21h30 ; une attestation d'un chef de parc (M. [U]) qui confirme que les agents portent leur tenue avant leur prise de poste et se déshabillent à la fin de leur poste ;

- les règlements intérieurs de la société des 16 octobre 2013 et 10 avril 2017 comportant des dispositions sur le temps de travail ;

- un document à l'entête de la société faisant état des nouveaux horaires jour/nuit depuis le 1er avril et précisant que les 15 minutes de chevauchement servent 'à la transmission des consignes, au comptage contradictoire du fond de caisse et au comptage des places libres'.

En premier lieu, s'agissant des attestations produites de part et d'autre, celles-ci ne peuvent être écartées ni parce qu'elles émanent de chefs de poste en lien de subordination avec l'employeur, ni parce qu'elles émanent de salariés eux-mêmes en litige avec la société, la cour devant toutefois en apprécier la valeur probante, notamment au regard des autres éléments produits, étant d'ores et déjà relevé que les témoignages sont généraux, les chefs de poste ne mentionnant pas un agent en particulier et les agents n'attestant que pour leur compte sans citer de collègues de travail.

En deuxième lieu, si comme le soutient l'employeur, il existe bien un chevauchement entre les heures de prise et de fin de poste, de 15 ou 18 minutes, la cour constate toutefois une certaine incohérence dans la démonstration proposée par l'employeur.

En effet, si, comme il le soutient, 'un agent d'exploitation qui prend son poste à 7 h 15 commence par revêtir sa tenue de travail, entre 7 h 15 et 30" et si 'un agent d'exploitation qui termine son poste à 7 h 30 enlève sa tenue de travail entre 7 h 15 et 7 h 30", il en ressort qu'entre 7h15 et 7h30, les deux agents se retrouvent tous deux dans les vestiaires, et non dans le local pour accueillir la clientèle. Même en considérant un temps d'habillage et de déshabillage de 10 minutes comme le suggère la société en 'grand maximum' (page 8 de ses conclusions), il n'en demeure pas moins que le local où est située notamment la caisse se trouverait alors pendant plusieurs minutes sans agent.

En outre, s'agissant de la note à l'entête de la société produite en pièce 17 par l'appelant, si l'intimée fait valoir que ce document est 'non daté, non signé et dont on ne sait à quel parking il a pu s'appliquer', elle ne conteste pas pour autant en être l'auteur et force est de constater qu'il y est expressément indiqué que 'les 15 mn de chevauchement servent à la transmission des consignes, au comptage contradictoire du fond de caisse et au comptage des places libres', sans aucune mention des opérations d'habillage et de déshabillage.

Cette note est au demeurant corroborée par un courriel en date du 13 avril 2017, par lequel un chef de parc, M. [A], a indiqué à ses collègues que les 'horaires de prise de poste doivent être respectés' et qu''avant d'ouvrir le poste, vous devez être en tenue et compter le fond de caisse avec votre collègue'.

Par ailleurs, la cour constate que si la société conteste l'utilisation du temps de chevauchement aux opérations pourtant mentionnées dans une note à son nom, elle n'en produit pas d'autre exposant la procédure applicable à la transmission des consignes, au comptage de la caisse et au recensement des places libres, affirmant par exemple sur ce dernier point que cela n'est pas fait à chaque prise de poste mais en moyenne une fois par semaine et 'pas forcément pendant ce temps de chevauchement' sans aucune pièce produite aux débats en ce sens.

En troisième lieu, il ressort du règlement intérieur de la société, dans ses versions postérieures au courrier du 10 mai 2012 susvisé du directeur général, des directives claires données au personnel quant à la prise de poste. En effet :

- la version du 16 octobre 2013 énonce que 'les salariés doivent respecter l'horaire de travail affiché ; en conséquence, chacun doit se trouver à son poste, à l'heure fixée pour le début du travail et jusqu'à la fin de celui-ci' ;

- celle du 10 avril 2017 dispose que 'la durée du travail s'entendant du travail effectif au sens des dispositions légales et conventionnelles, le personnel doit être à son poste et en tenue de travail aux heures de début et de fin de séance de travail prévues par l'horaire affiché'.

Or, toutes les pièces versées aux débats indiquent les mêmes heures (soit 7h15/14h39 ; 14h21 /21h45 et 21h30/7h30) que ce soit au titre des 'horaires' de travail ou du 'début et de la fin de poste', sans aucune autre mention.

Etant rappelé que l'agent d'exploitation doit être en tenue pour exercer ses missions, en application du règlement intérieur qui impose qu'il soit à 'son poste' aux heures fixées et affichées pour le 'début du travail', le salarié doit donc revêtir sa tenue avant 7h15, 14h21 ou 21h30 et doit la conserver jusqu'à la fin de la 'séance de travail' soit 14h39, 21h45 et 7h30.

La cour relève enfin que sur les trois seules pages du 'cahier de consignes' versées aux débats par la société sans plus de précision sur le parc concerné, il est fait état à plusieurs reprises d'une heure de 'prise de poste' dans le local d'accueil conforme aux horaires susvisés (pour exemple les 11 et 12 mars 2020 à 14h21, puis 21h30 ; les 17 et 18 mars à 7h15).

Il découle de ces observations que contrairement à l'affirmation de l'employeur, le temps d'habillage et de déshabillage n'est pas compris dans les horaires de travail des agents d'exploitation et n'est donc pas rémunéré comme du temps de travail effectif.

Dès lors, la société est redevable d'une contrepartie.

Sur la contrepartie financière pour le temps d'habillage et de déshabillage

Il n'est pas contesté qu'aucune contrepartie, que ce soit sous forme de repos ou sous forme financière, n'a été donnée au salarié, en violation des dispositions de l'article L.1312-3 du code du travail et de la convention collective.

Le salarié fonde ses demandes pécuniaires sur trois durées décroissantes de temps d'habillage et de déshabillage (30, puis 20 puis 15 minutes par jour) et sur le taux horaire brut applicable à ses heures de travail effectif.

Il demande, d'une part, une somme calculée sur la période comprise entre septembre 2007 et le 30 juin 2017 (tableau en pièce 38) et, d'autre part, la désignation d'un expert pour la détermination de la somme due à compter du 1er juillet 2017.

Si les temps d'habillage et de déshabillage ne caractérisent pas un temps de travail effectif devant être rémunéré comme tel, ils doivent faire l'objet d'une contrepartie notamment sous forme financière, laquelle constitue un complément de salaire soumis à cotisations et devant être intégré dans l'assiette de calcul des congés payés.

A défaut de précision conventionnelle ou contractuelle sur le montant de la prime d'habillage, il appartient au juge de procéder à sa fixation.

Eu égard aux éléments de la cause, il convient de fixer la prime d'habillage due au salarié à la somme de 30 euros bruts par mois complet travaillé et de préciser qu'en cas d'absence cette prime sera versée au prorata du nombre de jours de présence et que cette contrepartie doit figurer sur une ligne à part du bulletin de paie. Il n'y a pas lieu d'assortir d'une astreinte la condamnation de la société au paiement de cette prime.

Par ailleurs, il n'apparaît pas nécessaire d'ordonner l'expertise sollicitée par l'appelant, les parties étant à même de procéder au calcul de la somme due au salarié en fonction :

- du début de la période réclamée et de la date du départ éventuel du salarié de la société;

- des périodes travaillées par le salarié.

Enfin, comme sollicité par l'appelant, ces modalités de calcul seront applicables 'tant qu'aucun accord collectif n'aura été signé' sur ce point.

Sur les demandes accessoires

La créance arrêtée au jour de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes produit des intérêts au taux légal à compter de cette date.

Par ailleurs, la prime d'habillage étant due mensuellement, pour la période postérieure à cette convocation, les intérêts au taux légal courent à compter de la date d'exigibilité de chaque prime mensuelle.

La société, qui succombe en appel, est condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à l'appelant la somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu par conseil de prud'hommes de Paris le 28 août 2020,

Statuant à nouveau :

CONDAMNE la société SAEMES à payer à M. [S] une prime d'habillage et de déshabillage d'un montant de 30 euros bruts par mois complet travaillé, à compter de septembre 2007 jusqu'à son départ éventuel de la société et tant qu'aucun accord collectif n'aura été signé sur ce point ;

PRECISE :

- qu'en cas d'absence du salarié, cette prime mensuelle sera versée au prorata du nombre de jours de présence ;

- qu'elle doit figurer sur une ligne à part du bulletin de paie ;

- qu'elle doit être intégrée dans l'assiette de calcul des congés payés ;

REJETTE la demande d'expertise ;

RENVOIE les parties à établir le compte des sommes dues par l'employeur ;

ORDONNE la remise par la société SAEMES au salarié d'un bulletin de paie récapitulatif de la somme due à ce jour en application de la présente décision dans un délai de trois mois à compter de sa signification ;

REJETTE les demandes d'astreinte ;

DIT que la créance arrêtée au jour de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes produit des intérêts au taux légal à compter de cette date ;

DIT que pour la période postérieure à cette convocation, les intérêts au taux légal courent à compter de la date d'exigibilité de chaque prime mensuelle ;

REJETTE les plus amples demandes des parties ;

CONDAMNE la société SAEMES à verser au salarié la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SAEMES aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 20/06091
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;20.06091 ?
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