Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 27 MARS 2024
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03322 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHEOG
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Janvier 2023 -Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris - 9ème chambre 1ère section - RG n° 13/03477
APPELANTE
S.C.P. [S] [V] [Y] [A] [W]
Notaires [Adresse 2]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Valérie TOUTAIN DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de Paris, toque : D0848
Ayant pour avocat plaidant Me Nina MALBY, avocat au barreau de Bordeaux, toque : 706
INTIMÉS
Monsieur [B] [P] [X]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représenté par Me Danièle ABYAD DARLIGUIE, avocat au barreau de Paris, toque : C2407, avocat plaidant
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 6]
N°SIRET : 542.097.902
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de Paris, toque : J125
S.A.R.L. FINANCE CONSEIL INVESTISSEMENT MEDITERRANEE
représentée par monsieur [C] [I] es qualité de liquidateur judiciaire
[Adresse 8]
[Localité 5]
non constituée (signification déclaration d'appel en date du 18 avril 2023 - procès-verbal de remise à personne morale en date du 18 avril 2023)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, président de chambre, et M. Vincent BRAUD, président.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Marc BAILLY, président de chambre chargé du rapport
M. Vincent BRAUD, président
MME Laurence CHAINTRON, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRET :
- Réputé Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
M. [B] [X] s'est vu consentir par la société Bnp PARIBAS Personal Finance, par le biais de la société Finance Conseil Investissement et par offre du 23 septembre 2008, un prêt en francs suisses destiné à acquérir un bien en l'état futur d'achèvement.
Par actes des 22, 25 et 28 février 2013, M. [B] [X] a assigné la société
Bnpppf, la société Finance Conseil Investissement représentée par son liquidateur judiciaire, Maître [C] [I], et [G] [E], notaire instrumentaire de l'acte de vente devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par ordonnance rendue le 16 février 2016, sur un incident soulevé d'office, le juge de la mise en état a sursis à statuer 'dans l'attente d'une décision définitive à intervenir sur la procédure pénale instruite sous le n° 24/37/13/03 au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris' sur les informations commerciales trompeuses.
Par conclusions du 12 mai 2022, M. [B] [X] a sollicité du juge de la mise
en état la levée du sursis à statuer prononcé, la banque s'en étant rapportée à la justice tandis que la notaire s'y est opposée, le liquidateur judiciaire n'ayant pas constitué avocat.
Par ordonnance en date du 25 janvier 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a révoqué le sursis à statuer et renvoyé l'examen de l'affaire à la mise en état en réservant les demandes.
Par déclaration au greffe en date du 10 février 2023, la SCP [S] [V]
[Y] [A] [W] dont [G] [E] était membre, a interjeté appel de cette décision.
Par ses conclusions en date du 10 mai 2023, la SCP [S] [V] [Y]
[A] [W] sollicitait l'infirmation de l'ordonnance et le débouté de la demande de révocation du sursis en exposant que le motif du sursis est toujours d'actualité, qu'il est toujours justifié dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, que l'analyse des responsabilités, et, particulièrement, de son manquement à une obligation de conseil, est tributaire de la condamnation pénale de la banque, qu'il doit être observé que M. [B] [X] ne subi plus de préjudice, aucune urgence particulière n'exigeant qu'il soit statué alors que M. [B] [X] a fait le choix de ne pas se constituer partie civile.
Par ses conclusions en date du 1er juin 2023, M. [B] [X] fait
valoir, étant observé qu'il n'est pas partie civile au procès pénal, qu'il a subi la longueur de cette procédure, que la SCP notariale n'est pas concernée par ladite procédure dont la longueur justifie que le sursis soit abrégé, de même que l'exécution provisoire prononcée par le tribunal de commerce dans son jugement du 26 février 2020 qui favorise les emprunteurs qui se sont constitués parties civiles, qu'il importe qu'il obtienne une décision dans des délais raisonnables, qu'il n'existe pas de risque de contrariété entre la décision pénale et celle à rendre dans la présente instance puisqu'il reproche au notaire d'avoir outrepassé son mandat et de ne pas avoir vérifié le procuration de représentation, de sorte qu'il poursuit la confirmation de l'ordonnance et la condamnation de la SCP notariale à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses seules conclusions en date du 5 juin 2023, la société Bnpppf demande qu'il
lui soit donné acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice.
Maître [I], auquel les conclusions de M. [B] [X] ont été signifiées, ès qualités, n'a pas constitué avocat.
Par arrêt en date du 13 décembre 2023, la cour d'appel a soulevé d'office la fin de non recevoir tirée de l'éventuelle absence d'ouverture d'une voie de recours contre la décision entreprise et a renvoyé l'examen de l'affaire à la mise en état aux fins de satisfaire au principe du contradictoire.
Par ses dernières conclusions en date du 25 janvier 2024, la SCP [S] [V] [Y] [A] [W] poursuit la réformation de l'ordonnance, le débouté de la demande de révocation du sursis à statuer et que les dépens soient réservés en exposant :
- que [G] [E], ancien membre de la SCP notariale est décédée en cours de procédure,
- que l'article 380 du code de procédure civile réserve la possibilité d'un appel qu'aux décisions qui ordonnent un sursis à statuer auxquelles ne sauraient être assimilées celle révoquant un tel sursis,
- mais que, toutefois, en tant que la décision de révocation d'un sursis à statuer constitue une exception de procédure au sens de l'article 795 2° du code de procédure civile, l'ordonnance d'un juge de la mise en état qui rejette une demande de sursis peut faire l'objet d'un appel immédiat sur le fondement de l'article 795 alinéa 2 du Code de procédure civile d'autant que son opposition à la révocation du suris constitue bien une demande de nature à suspendre le cours de l'instance au sens de l'article 73,
- que ne rendre l'appel sur une révocation d'un sursis recevable qu'avec l'appel de la décision statuant sur le fond serait vain dès lors que le sursis à statuer vise à attendre la survenance d'un événement déterminé, ce qui ne serait pas le cas dès lors que la juridiction aura statué au fond,
- que ce qui a motivé le sursis à statuer prononcé le 16 février 2016 dans l'attente de l'issue définitive de la procédure pénale est toujours pertinent puisqu'un appel a été interjeté par la banque du jugement correctionnel du 26 février 2020 et que la décision était conforme à une bonne administratif de la justice puisque 'les développements de la procédure pénale en cours sont susceptibles d'exercer une influence sur la solution de la présente instance, s'agissant en particulier de la détermination des conditions dans lesquelles les prêts en cause ont été consentis et du rôle des différents intervenants' et de la constitution du délit de pratique commerciale trompeuse,
- qu'il doit être observé que M. [B] [X] ne subit plus de préjudice, aucune urgence particulière n'exigeant qu'il soit statué alors que M. [B] [X] a fait le choix de ne pas se constituer partie civile.
Par ses dernières conclusions en date du 4 février 2024, M. [B] [X] expose :
- qu'en vertu de l'article 795 du code de procédure civile l'appel immédiat de la décision du juge de la mise en état n'est pas recevable puisqu'il est renvoyé, en matière de sursis à statuer, aux articles 379 et 380 du code de procédure civile qui ne prévoient d'appel que ppour les décision ordonnant le suris et sur autorisation du premier président,
- subsidiairement, que le maintien du sursis à statuer ne s'impose pas, de sorte qu'il demande à la cour de :
' -JUGER l'appel interjeté par la SCP [S] [V] [Y] [A] [W] irrecevable imméditement.
- CONFIRMER en toutes ses dispositions l'ordonnance du Juge de la mise en état en date du 25 Janvier 2023 ayant révoqué le sursis prononcé par ordonnance du 16 Février 2016
Y ajoutant,
- CONDAMNER la SCP « [F] [S], [N] [V], [O] [R], [P] [Y], [H] [A] [W] » à payer à Monsieur [B] [P] [X] la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens'.
Les autres parties n'ont pas conclu postérieurement à l'arrêt avant dire du 13 décembre 2023.
MOTIFS
L'article 795 du code de procédure civile dispose que :
'Les ordonnances du juge de la mise en état et les décisions rendues par la formation de jugement en application du neuvième alinéa de l'article 789 ne sont pas susceptibles d'opposition.
Elles ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'avec le jugement statuant sur le fond.
Toutefois, elles sont susceptibles d'appel dans les cas et conditions prévus en matière d'expertise ou de sursis à statuer.
Elles le sont également, dans les quinze jours à compter de leur signification, lorsque :
1° Elles statuent sur un incident mettant fin à l'instance, elles ont pour effet de mettre fin à celle-ci ou elles en constatent l'extinction ;
2° Elles statuent sur une exception de procédure ou une fin de non-recevoir. Lorsque la fin de non-recevoir a nécessité que soit tranchée au préalable une question de fond, l'appel peut porter sur cette question de fond ;
3° Elles ont trait aux mesures provisoires ordonnées en matière de divorce ou de séparation de corps ;
4° Dans le cas où le montant de la demande est supérieur au taux de compétence en dernier ressort, elles ont trait aux provisions qui peuvent être accordées au créancier au cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable'.
Les articles 379 et 380 du code de procédure civile, relatifs au sursis à statuer dispose respectivement que :
- ' Le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. A l'expiration du sursis, l'instance est poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d'ordonner, s'il y a lieu, un nouveau sursis.
Le juge peut, suivant les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai' et que :
- ' La décision de sursis peut être frappée d'appel sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime.
La partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue selon la procédure accélérée au fond. L'assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.
S'il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l'affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l'article 948, selon le cas'.
Il résulte de la première de ces dispositions que, par exception au principe selon lequel les décisions du juge de la mise en état ne sont pas susceptibles d'appel indépendamment du jugement sur le fond, d'une part, les recours contre les décisions en matière de sursis à statuer sont régis par les règles spéciales les concernant, c'est à dire par les articles 378 et suivants du code de procédure civile et, d'autre part notamment, que les décisions statuant sur une exception de procédure sont susceptibles d'appel immédiat.
La qualification d'exception de procédure conférée à la demande tendant au sursis à statuer ne permet toutefois pas de rendre susceptible d'appel immédiat toute décision rendue en la matière en vertu de l'article 795 alinéa 4-4° du code de procédure civile dès lors qu'il est renvoyé par son alinéa 3, exclusivement, aux règles spéciales des articles 378 et suivant gouvernant cette matière.
Or, à la suite des modifications des pouvoirs du juge de la mise en état, sont demeurés inchangés les articles 544 et 545 du code de procédure civile qui prévoient respectivement que :
- 'Les jugements partiels, les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les jugements qui tranchent tout le principal.
Il en est de même lorsque le jugement qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident met fin à l'instance' et que :
-'Les autres jugements ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi'.
Il résulte de l'ensemble de ces dispositions - gouvernées par le principe, visant à l'efficacité et la célérité de la procédure, que si la faculté de faire appel d'une décision qui met fin à l'instance ou en suspend le cours doit être ouverte immédiatement à la partie qui en subi les conséquences mais que tel ne doit pas être le cas de celle qui laisse l'instance se poursuivre - que l'appel contre une décision du juge de la mise en état qui rejette une demande de sursis à statuer ou qui révoque un sursis à statuer précédemment ordonné n'est pas recevable immédiatement, indépendamment de la décision sur le fond.
L'article 380 du code de procédure civile n'ouvre ainsi la voie de l'appel immédiat, dans les conditions qu'il fixe, qu'à la seule décision qui ordonne effectivement le sursis à statuer, aucun recours dérogeant au principe de non appel immédiat des jugements et des décisions du juge de la mise en état contre une décision refusant un sursis à statuer ou révoquant un sursis précédemment ordonné n'étant prévu.
C'est ainsi qu'il est jugé, s'agissant de la procédure sans mise en état devant le tribunal de commerce, que 'les jugements qui ne tranchent pas une partie du principal ou qui statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident sans mettre fin à l'instance, ne peuvent être frappés d'appel, indépendamment des jugements sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi', et qu'excède ses pouvoirs une cour d'appel qui 'déclarant à tort recevable l'appel formé contre un jugement d'un tribunal de commerce rejetant une demande de sursis à statuer, ordonne ledit sursis à statuer' (Civ 2ème , 10 novembre 2016, 15-15.928).
C'est encore ainsi qu'il est jugé que, quoique statuant sur une exception de procédure, l'ordonnance du juge de la mise en état qui rejette la demande de révocation du sursis à statuer n'est pas susceptible d'appel immédiat. (Civ 2ème, 21 décembre 2023, 21-23.700).
C'est également par application du même principe, s'agissant des arrêts statuant en matière de sursis à statuer, qu'il n'est prévu de dérogation au principe que le pourvoi n'est ouvert que contre les décisions statuant sur une exception de procédure mettant fin à l'instance, en matière de sursis à statuer, seulement et exclusivement par l'article 380-1 du code de procédure civile dans l'hypothèse où le sursis à statuer a été ordonné et dans les conditions qu'il fixe, tenant à la violation d'une règle de droit.
En conséquence, l'appel interjeté contre l'ordonnance entreprise doit être déclaré irrecevable.
Il ne peut qu'être observé, mais au surplus, que la cour d'appel a statué, par arrêt du 28 novembre 2023, sur l'appel du jugement du tribunal correctionnel du 26 février 2020, la cour étant laissée dans l'ignorance d'un éventuel pourvoi en cassation.
La SCP [S] [V] [Y] [A] [W] doit être condamnée aux dépens de l'incident mais l'équité commande de ne pas prononcer de condamnation au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE irrecevable immédiatement l'appel interjeté ;
DIT n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCP [S] [V] [Y] [A] [W] aux entiers dépens de l'incident.
* * * * *
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT