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27/03/2024 | FRANCE | N°22/08543

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 27 mars 2024, 22/08543


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 27 MARS 2024





(n° 046/2024, 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 22/08543 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFXWK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Avril 2022 -Tribunal Judiciaire de PARIS - 3ème chambre - 1ère section - RG n° 19/14824





APPELANTS



Monsieur [N] [F]

Demeurant [Adresse 5]

[Adresse 5]

(TAHITI)



Représenté et assisté de Me Antoine GITTON de la SELAS Antoine GITTON Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0096





Monsieur [L] [K]

Demeurant [Adresse 4]

[Adresse 4]



Repré...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 27 MARS 2024

(n° 046/2024, 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/08543 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFXWK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Avril 2022 -Tribunal Judiciaire de PARIS - 3ème chambre - 1ère section - RG n° 19/14824

APPELANTS

Monsieur [N] [F]

Demeurant [Adresse 5]

[Adresse 5] (TAHITI)

Représenté et assisté de Me Antoine GITTON de la SELAS Antoine GITTON Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0096

Monsieur [L] [K]

Demeurant [Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté et assisté de Me Antoine GITTON de la SELAS Antoine GITTON Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0096

S.A.R.L. CINÉMARINE

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 7]

[Adresse 7] (TAHITI)

Représentée et assistée de Me Antoine GITTON de la SELAS Antoine GITTON Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0096

INTIMES

Madame [B] [I]

Es-qualités de Mandataire de justice de la SARL CROQUEPLUME

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée de Me Nicolas REBBOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014

Monsieur [G] [J]

Né le 21 avril 1975 à [Localité 6]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assisté de Me Nicolas REBBOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [K] se présente comme un plongeur, réalisateur et directeur de la photographie de réputation internationale, ayant collaboré à de grands projets notamment cinématographiques consacrés à l'univers sous-marin et réalisé de nombreux documentaires animaliers sous-marins pour la télévision.

Il est le dirigeant de la société Cinémarine, immatriculée le 27 janvier 1988 au RCS de Papeete.

Le 21 février 2007, la société Cinémarine et la société Sorciers Productions ont conclu un contrat de coproduction pour la réalisation par M. [L] [K] d'un film documentaire animalier de 52 mn intitulé 'Requins sous haute surveillance'. Il était prévu, dans le cadre de cette production, un partage des droits de propriété de l''uvre de 63,55% pour la société Sorciers Productions et de 36,45% pour la société Cinémarine.

M. [N] [F] est co-auteur de ce film documentaire.

Le film a été achevé en 2007 et vendu et diffusé notamment dans l'émission [S] sous le titre 'Portrait de [D] [T]'.

Par un jugement du 6 octobre 2011, la société Sorciers Productions a été placée en liquidation judiciaire, la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [Y] [W], ayant été nommée mandataire liquidateur.

Par ordonnance du 28 mai 2013, le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la société Sorciers Productions a autorisé la cession de la propriété de l''uvre 'Requins sous haute surveillance' appartenant à la société Sorciers Productions, à savoir la cession de l'ensemble des éléments corporels et incorporels attachés à cette 'uvre, au profit de la 'société Studio 120 », au prix de 2.000 euros, le cessionnaire faisant son affaire personnelle des conditions d'exploitation de l''uvre, sans recours contre la société Sorciers Productions ou le liquidateur.

L'acte de cession a été régularisé le 1er juillet 2014, en application de l'article L.642-19 du code de commerce, au profit de la société « Croqueplume, nom commercial Studio 120 ».

Aux termes de ce contrat, Maître [W], ès-qualités de mandataire liquidateur, a cédé à la société Croqueplume, représentée, selon le contrat, par M. [G] [J], la quote-part des éléments corporels et incorporels de l''uvre 'Requins sous haute surveillance' appartenant à la société Sorciers Productions. Le contrat prévoyait que l'acquéreur s'obligeait 'à faire son affaire personnelle de tout recours ou action que pourrait former M. [L] [K] ou la société Cinémarine à l'encontre de la présente cession'.

Par un courriel du 24 septembre 2019, M. [G] [J] écrivait à M. [K] et lui demandait de le contacter à propos des recettes d'exploitation du film 'Requins sous haute surveillance' perçues par lui de la société de droit allemand ZDF alors qu'elles étaient dues, selon M. [J], à la société Studio 120.

Soutenant que la cession consentie à la société Croqueplume était nulle, M. [K] et la société Cinémarine ont fait assigner cette société et M. [J] devant le tribunal judiciaire de Paris par acte d'huissier du 16 décembre 2019.

Par des conclusions notifiées par la voie électronique le 8 décembre 2020, M. [N] [F] a déclaré intervenir volontairement à l'instance engagée par M. [K] en sa qualité de co-auteur de l''uvre 'Requins sous haute surveillance'.

Par des conclusions du 29 janvier 2021, la société Croqueplume et M. [J] ont soulevé l'irrecevabilité des demandes dirigées contre M. [J] et l'irrecevabilité de l'intervention volontaire accessoire de M. [F].

Par ordonnance du 6 mai 2021, le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent pour connaître des fins de non-recevoir soulevées par la société Croqueplume et M. [J].

La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 juillet 2021.

Il est apparu postérieurement à la clôture que la société Croqueplume avait fait l'objet d'une procédure de liquidation amiable depuis le 17 décembre 2020, la clôture des opérations de liquidation étant intervenue le 31 décembre 2020.

La société Croqueplume a été radiée du RCS le 26 avril 2021.

Relevant qu'il n'était pas justifié que cette procédure avait été portée, durant la procédure en cours devant le tribunal judiciaire de Paris, à la connaissance des demandeurs et du tribunal, le conseil des demandeurs indiquant, dans sa demande de rabat de clôture du 30 septembre 2021, qu'il venait d'en être informé par son huissier de justice correspondant, ce qui constituait une cause grave, l'ordonnance de clôture du 6 juillet 2021 a été révoquée par ordonnance du 4 octobre 2021.

Par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 15 octobre 2021, Mme [B] [U] a été désignée en qualité de mandataire de justice pour représenter la société Croqueplume devant le tribunal judiciaire de Paris.

Par exploit d'huissier du 29 octobre 2021, MM. [L] [K], [N] [F] et la société Cinémarine ont fait assigner Mme [B] [U], ès-qualités de mandataire de justice de la société Croqueplume, en intervention forcée devant le tribunal judiciaire de Paris.

Par jugement rendu le 14 avril 2022 dont appel, le tribunal judiciaire de Paris :

- déclaré M. [N] [F] recevable en son intervention volontaire,

- déclaré irrecevables les demandes formées contre M. [G] [J] par MM. [L] [K], [N] [F] et la société Cinémarine,

- débouté M. [L] [K] et la société Cinémarine de leur demande tendant à leur voir déclarer inopposable l'ordonnance rendue le 28 mai 2013 par le juge commissaire du tribunal de commerce relative au film Requins sous haute surveillance,

- débouté M. [L] [K] et la société Cinémarine de leur demande de nullité de la cession intervenue le 1er juillet 2014 entre le mandataire liquidateur de la société Sorciers Productions et la société Croqueplume,

- rejeté les demandes de M. [L] [K] et de la société Cinémarine en interdiction d'exploitation du film Requins sous haute surveillance, en communication des comptes d'exploitation du film et en restitution des supports matériels du film,

- débouté M. [L] [K] et la société Cinémarine de leurs demandes formées au titre du dénigrement,

- débouté M. [L] [K] et la société Cinémarine de leur demande formée au titre de l'exploitation illicite du film,

- déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles formées par la société Croqueplume,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum MM. [L] [K], [N] [F] et la société Cinémarine aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La société Cinémarine, M. [F] et M. [K] ont interjeté appel de ce jugement le 27 avril 2022.

Saisi par Mme [B] [M] née [U] ès-qualités de mandataire de justice de la société Croqueplume et M. [G] [J], le conseiller de la mise en état a, le 21 novembre 2023, rendu l'ordonnance suivante :

- Déclarons irrecevables les conclusions notifiées les 16 et 19 septembre 2023 par la société Cinémarine, M. [N] [F] et M. [L] [K], ainsi que les pièces communiquées, en ce qu'elles répondent à l'appel incident formé par Mme [B] [M] née [U] ès-qualités de mandataire de justice de la société Croqueplume et M. [G] [J] le 24 octobre 2022,

- Invitons la société Cinémarine, M. [N] [F] et M. [L] [K] à conclure à nouveau en excluant uniquement les passages tendant à répondre à l'appel incident avant le 11 décembre 2023 (...).

Dans leurs dernières conclusions numérotées 4, transmises le 21 novembre 2023, la société Cinémarine, M. [F] et M. [K], appelants, demandent à la cour de :

Vu les articles L.111-1, L.113-1, L.113-7, L.132-23, L.132-24, L.132-30, L.331-1 du Code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles 1199, 1240, 1241 du Code civil,

Vu les articles 15, 16, 66, 328 et 330, 564 et 914 du Code de procédure civile,

Vu le principe de loyauté des débats,

Vu le principe « fraus omnia corrumpit »,

Vu l'ordonnance du Conseiller de la mise en état du 21 novembre 2023,

- recevant M. [L] [K], la société Cinémarine SARL et M. [N] [F] en leur appel et en leurs demandes,

- débouter les intimés de leurs moyens en défense,

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré M. [N] [F] recevable en son intervention volontaire et déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles formées par la société Croqueplume,

- dire inopposable à M. [K] et à la société Cinémarine l'ordonnance rendue le 28 mai 2013 par le juge commissaire du Tribunal de commerce de Nanterre relative au film Requins sous haute surveillance,

- dire nulle la cession intervenue le 1er juillet 2014 entre la société Sorciers Productions représentée ès-qualités par Me [W] et la société Studio 120, cessionnaire, sur le film Requins sous haute surveillance,

- dire cette cession frauduleuse,

- dire que ni la société Croqueplume en la personne de son mandataire judiciaire Mme [U] ni M. [J] ne sont titulaires de droits sur le film Requins sous haute surveillance,

- interdire à M. [J] et à la société Croqueplume en la personne de son mandataire judiciaire Mme [U], sous astreinte de mille euros par jour de retard passé le délai de 8 jours après la signification de la décision à intervenir, toute exploitation du film réalisé par M. [K] et coproduit par la société Cinémarine, intitulé Requins sous haute surveillance et sous sa version courte « Portrait de [D] [T] »,

- ordonner, sous la même astreinte, à M. [J] et à la société Croqueplume en la personne de son mandataire judiciaire Mme [U], de communiquer à M. [K] et à la société Cinémarine les comptes d'exploitation du film « Requins sous haute surveillance » et sous sa version courte « Portrait de [D] [T] »,

- ordonner sous la même astreinte, à M. [J] et à la société Croqueplume en la personne de son mandataire judiciaire Mme [U], de restituer à la société Cinémarine tous supports matériels de l''uvre permettant sa reproduction ou sa représentation et de n'en conserver aucune copie,

- dire que l'imputation fautive par M. [J] et par la société Croqueplume par voie de lettres officielles de prétendus faits délictueux qui auraient été commis par M. [L] [K] sont cause d'un préjudice moral subi par celui-ci,

- dire que M. [J] et la société Croqueplume ont dénigré la société Cinémarine,

- condamner M. [J] et Mme [U] ès qualités de mandataire judiciaire de la société Croqueplume in solidum au paiement de la somme de 20.000€ à M. [L] [K] en réparation de son préjudice moral,

- condamner M. [J] et Mme [U] ès qualités de mandataire judiciaire de la société Croqueplume in solidum au paiement de la somme de 20.000€ à la société Cinémarine en réparation du dénigrement,

- condamner M. [J] et Mme [U] ès qualités de mandataire judiciaire de la société Croqueplume in solidum au paiement de la somme de deux cent-soixante-treize mille euros (273.000€) ensemble à M. [K] et à la société Cinémarine en réparation du préjudice subi pour l'exploitation illicite par la société Croqueplume et par M. [J] du film Requins sous haute surveillance,

- condamner M. [J] et Mme [U] ès qualités de mandataire judiciaire de la société Croqueplume in solidum au paiement de la somme de 45.000 euros en remboursement des frais irrépétibles d'instance exposés par M. [L] [K], M. [N] [F] et la société Cinémarine en première instance et en appel,

- condamner M. [J] et Mme [U] ès qualités de mandataire judiciaire de la société Croqueplume in solidum au paiement des entiers dépens d'instance, avec bénéfice du droit de recouvrement direct à la Selas Aga, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 2, transmises le 18 décembre 2023, Mme [I] et M. [J], intimés et appelants incidents, demandent à la cour de :

Vu les articles 1103, 1217 et 1240 du Code Civil,

Vu les articles 699 et 700 du Code de procédure civile,

Vu l'article L.132-30 du Code de la propriété intellectuelle

Vu les éléments et pièces versés aux débats.

- réformer le jugement du tribunal judiciaire en date du 14 avril 2022 :

- déclarer messieurs [L] [K] et [N] [F] et la société Cinémarine irrecevables en leur demandes, fins et prétentions à l'égard de madame [B] [I], ès qualités de mandataire de justice de la SARL Croqueplume ;

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire en date du 14 avril 2022 pour le surplus :

- déclarer messieurs [L] [K] et [N] [F] et la société Cinémarine irrecevables en leur demandes, fins et prétentions à l'égard de monsieur [G] [J]

débouter monsieur [L] [K] et la société Cinémarine de toutes leurs demandes, fins et prétentions

- débouter monsieur [L] [K] et la société Cinémarine de leur demande tendant à leur voir déclarer inopposable l'ordonnance rendue le 28 mai 2013 par le juge-commissaire du tribunal de commerce relative au film 'requins sous haute surveillance',

- débouter monsieur [L] [K] et la société Cinémarine de leur demande de nullité de la cession intervenue le 1er juillet 2014 entre le mandataire liquidateur de la société sorciers productions et la société Croqueplume,

En conséquence :

- rejeter les demandes de M. [L] [K] et la société Cinémarine en interdiction d'exploitation du film 'requins sous haute surveillance', en communication des comptes d'exploitation du film et en restitution des supports matériels du film,

- débouter M. [L] [K] et la société Cinémarine de leurs demandes formées au titre du dénigrement,

- débouter M. [L] [K] et la société Cinémarine de leur demande formée au titre de l'exploitation illicite du film,

En tout état de cause :

- condamner solidairement MM. [L] [K] et [N] [F] et la société Cinémarine au versement d'une somme de 50.000 euros au titre des frais répétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les chefs non contestés du jugement

Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a déclaré recevable M. [N] [F] en son intervention volontaire et irrecevables les demandes reconventionnelles formées par la société Croqueplume.

Il est donc définitif de ces chefs.

Sur l'intérêt à agir à l'encontre de M. [J]

La société Cinémarine, M. [F] et M. [K] soutiennent que c'est à tort que le tribunal a jugé que M. [J] avait reçu une délégation de pouvoir valable, alors qu'ils ont contesté cette délégation de pouvoir avec constance. Ils soutiennent en outre que le mandat est frauduleux, qu'il n'a pas de date certaine, qu'il n'est pas opposable aux tiers et ne donnait en aucun cas pouvoir à M. [J] de s'engager au nom de la société Croqueplume.

Ils considèrent que c'est par pure fraude que M. [J] s'est présenté comme directeur général de la société Studio 120 afin de signer l'acte de cession en date du 1er juillet 2014. Ils reprochent également au tribunal d'avoir mis hors de cause M. [J] avant tout examen au fond, sans vérifier la réalité du mandat social invoqué et son étendue. Ils en déduisent que M. [J] a commis une faute personnelle qui engage sa responsabilité.

Mme [U] [M] et M. [J] soutiennent que les appelants ne disposent d'aucun intérêt à agir à l'encontre de M. [J] en ce qu'il n'est aucunement détenteur des droits d'action sur le programme, objet du litige, puisque c'est la société Croqueplume qui a racheté le programme à la suite d'une offre de rachat émise par M. [J], en sa qualité de dirigeant de la société Croqueplume, exerçant sous la dénomination Studio 120, et non en son nom personnel.

Sur ce, il ressort de l'extrait KBIS de la société Croqueplume, qui a pour objet notamment la distribution et la production de tout programmes de télévision, qu'elle a été immatriculée le 14 mai 2003 au RCS de Paris, son siège social étant fixé au [Adresse 2] et que son gérant était Mme [B] [U], ayant comme nom d'usage [M].

Il est justifié, par ailleurs, d'une délégation de pouvoir manuscrite établie le 1er septembre 2013 par Mme [B] [M], qui, en sa qualité de gérante de la société Croqueplume donne à M. [G] [J] « pouvoirs nécessaires dans tous les domaines à M. [G] [A] [H] [J] pour me représenter sur les documents officiels et signer en ma qualité lorsque nécessaire ». Les appelants, tiers à cet acte, contestent la régularité de cette délégation de pouvoir mais ne motivent cependant pas en droit leur demande ni ne formulent dans le dispositif de leurs conclusions aucune prétention la concernant. En outre, la cour constate qu'il est établi que la gérante de la société Croqueplume était bien Mme [M], qu'elle avait pouvoir pour effectuer sa délégation de pouvoir, octroyant ainsi des pouvoirs de représentations larges à M. [J], dont il n'est pas contesté qu'il est son fils.

Par ailleurs, dans le cadre des opérations de la liquidation judiciaire de la société Sorciers Production prononcée le 6 octobre 2011 par le tribunal de commerce de Nanterre, un expert en audiovisuel a été désigné, compte tenu de l'activité spécifique de cette société.

Par requête du 5 mars 2013 adressée au juge commissaire de la liquidation judiciaire de la société Sorciers Production par Maître [W] agissant en qualité de liquidateur judiciaire, il a été sollicité l'autorisation de la cession de la propriété de l''uvre « Requins sous haute surveillance » au profit de « la société Studio 120 domiciliée [Adresse 2] » au prix de 2.000€ HT.

Par ordonnance du 28 mai 2013, le juge commissaire a autorisé la cession de la propriété de l''uvre « Requins sous haute surveillance » appartenant à la société Sorciers Production, à savoir la cession de l'ensemble des éléments corporels et incorporels attachés à cette 'uvre, au profit de la société Studio 120, au prix de 2.000€ hors taxe, hors frais et honoraires du rédacteur d'acte. 

Enfin, par acte de cession du 1er juillet 2014, Maître [W], agissant en tant que liquidateur de la société Sorciers Production a cédé à « la société Croqueplume, nom commercial Studio 120 (') immatriculée au RCS de Paris sous le n° B 448 467 548 ayant son siège social [Adresse 2] et ses bureaux [Adresse 3], représentée par son directeur général M. [G] [J], dûment habilité aux présentes , ci-après désigné « Studio 120 » ».

Il est établi par ailleurs que la société 120 a été immatriculée, le 11 mars 2019, au RCS de Paris son siège social étant fixé au [Adresse 1] et son gérant désigné étant M. [G] [J].

Il résulte de cet ensemble d'éléments que, dans la présente affaire, M. [J] n'a pas agi en son nom personnel, mais dans le cadre de la délégation de pouvoir établie par la gérante de la société Croqueplume, et donc au nom de cette société clairement identifiée dans l'acte de cession sous le nom de Croqueplume et son numéro de RCS, exerçant sous le nom commercial 'Studio 120', mais sans confusion possible avec la société Studio 120 qui présente un numéro de RCS distinct et qui a été, au demeurant, immatriculée bien postérieurement à la cession en cause.

C'est en conséquence à juste titre que le tribunal a retenu que M. [J] n'avait pas agi à titre personnel en signant l'acte de cession contesté, celui-ci représentant la société Croqueplume, et qu'en l'absence de preuve d'une faute personnelle détachable de ses fonctions de représentant de la société Croqueplume, MM. [K] et [F] et la société Cinémarine n'avaient pas d'intérêt à agir contre lui, de sorte que leurs demandes doivent être déclarées irrecevables le concernant.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé de ce chef.

Sur l'irrecevabilité des demandes présentées à l'encontre de Mme [B] [I]

Mme [U] [M] et M. [J] soutiennent qu'au moment de sa liquidation, la société Croqueplume n'était plus propriétaire des éléments corporels et incorporels rattachés au programme car elle les avait cédés à la société Studio 120, par acte du 1er décembre 2020. Ils en déduisent que les demandes formulées contre Mme [I] en sa qualité de mandataire de justice de la société Croqueplume sont irrecevables.

En vertu de l'article 1377 du code civil, « l'acte sous signature privée n'acquiert date certaine à l'égard des tiers que du jour où il a été enregistré, du jour de la mort d'un signataire, ou du jour où sa substance est constatée dans un acte authentique. »

Sur ce, il est produit pour la première fois à hauteur d'appel un acte daté du 1er décembre 2020 intitulé « convention de cession d'un catalogue d''uvres audiovisuelles » conclu entre la société Croqueplume et la société Studio 120 listant un certain nombre de films dont « Requins sous haute surveillance » moyennant le prix de 1 euros.

La cour s'étonne d'abord que ce document n'ait pas été produit en temps utiles devant le tribunal judiciaire alors qu'il a été fait état, déjà, tardivement de la liquidation amiable de la société Croqueplume décidée le 17 décembre 2020 avec une clôture des opérations de liquidation le 31 décembre 2020, justifiant une révocation de l'ordonnance de clôture le 4 octobre 2021 par le tribunal judiciaire.

Elle constate, ensuite, que ce document ne comporte aucune date certaine au sens de l'article 1377 du code civil, de sorte qu'il ne peut être opposé tardivement pour la première fois en cause d'appel, dans l'unique perspective de faire échec à l'examen du bien-fondé des demandes des appelants et, ainsi, de mauvaise foi.

En outre, cette cession sans date certaine et opérée dans un contexte de liquidation amiable ne respecte pas l'ensemble des dispositions prévues aux articles L. 237-6 et suivants du code du commerce qui imposent le respect d'un certain nombre de conditions dont le non-respect peut être sanctionné sur le terrain pénal, selon l'article L. 247-8 du code du commerce.

Aussi, cet acte de cession n'ayant pas date certaine et étant produit par les intimés pour la première fois le 24 octobre 2022 ne peut établir à l'égard des tiers que le catalogue d''uvres audiovisuelles de la société Croqueplume aurait été cédé à cette date à la société Studio 120.

Par voie de conséquence, il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les intimés et de déclarer recevables les demandes formulées contre Mme [U] [M] en sa qualité de mandataire de justice de la société Croqueplume.

Sur la validité de la cession

Sur la titularité des droits

La cour constate que la titularité des droits des appelants sur le film « Requins sous haute surveillance », soit M. [K] en qualité d'auteur et la société Cinémarine, en qualité de coproducteur, n'est pas contestée par les intimés.

Sur l'inopposabilité de la cession

La société Cinémarine, M. [F] et M. [K] soutiennent que la cession intervenue le 1er juillet 2014 entre la société Sorciers Productions, représentée par son liquidateur, et la société Croqueplume 120 est frauduleuse et que par conséquent, ni la société Croqueplume, ni M. [J] ne sont titulaires des droits sur le film « Requins sous haute surveillance ». Ils soulignent dans ce cadre qu'ils n'ont pas été avisés de la cession des droits sur ce film en violation des dispositions de l'article L.132-30 du code de propriété intellectuelle, alors que M. [K] bénéficiait d'un droit de résiliation et de préemption qu'il n'a pu en conséquence exercer. Ils en déduisent que cette cession est nulle et, en tout de cause, qu'elle leur est inopposable.

Mme [U] [M] et M. [J] contestent la nullité invoquée. S'agissant du respect des dispositions de l'article L.132-30 du code de propriété intellectuelle, ils considèrent que l'expert judiciaire désigné par le tribunal dans la cadre des opérations de cession a entrepris différentes actions afin d'accomplir ces formalités ainsi que la purge du droit de péremption mais que M. [K] a montré un désintérêt certain pour le programme et n'a pas communiqué les informations demandées par l'expert. Ils en déduisent que c'est avec mauvaise foi que M. [K] invoque une violation de ces dispositions alors qu'il n'a pas fourni à l'expert les informations demandées empêchant par là même que son droit de préemption lui soit notifié et puisse éventuellement être exercé et alors qu'il continuait de percevoir les redevances d'une société allemande au titre de l'exploitation du film. Ils rappellent en outre que le juge-commissaire auprès du tribunal de Nanterre a autorisé le projet de cession de droits sur le programme au profit de Croqueplume et que, postérieurement à l'autorisation du juge-commissaire, un acte de cession a été conclu entre les sociétés Croqueplume et Sorciers Productions, représentée par Maître [Y] [W] ès-qualités le 1er juillet 2014, afin de régulariser la cession de droits patrimoniaux sur le programme au profit de Croqueplume, de sorte que cette dernière est bien la propriétaire légitime des droits d'exploitation sur ce film.

La cour rappelle qu'en vertu de l'article L.132-30 du code de propriété intellectuelle, « La procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire du producteur n'entraîne pas la résiliation du contrat de production audiovisuelle.

Lorsque la réalisation ou l'exploitation de l''uvre est continuée en application des articles L. 621-22 et suivants du code de commerce, l'administrateur est tenu au respect de toutes les obligations du producteur, notamment à l'égard des coauteurs.

En cas de cession de tout ou partie de l'entreprise ou de liquidation, l'administrateur, le débiteur, le liquidateur, selon le cas, est tenu d'établir un lot distinct pour chaque 'uvre audiovisuelle pouvant faire l'objet d'une cession ou d'une vente aux enchères. Il a l'obligation d'aviser, à peine de nullité, chacun des auteurs et des coproducteurs de l''uvre par lettre recommandée, un mois avant toute décision sur la cession ou toute procédure de licitation. L'acquéreur est, de même, tenu aux obligations du cédant.

L'auteur et les coauteurs possèdent un droit de préemption sur l''uvre, sauf si l'un des coproducteurs se déclare acquéreur
1: Mise en gras ajoutée par la cour.

. A défaut d'accord, le prix d'achat est fixé à dire d'expert.

Lorsque l'activité de l'entreprise a cessé depuis plus de trois mois ou lorsque la liquidation est prononcée, l'auteur et les coauteurs peuvent demander la résiliation du contrat de production audiovisuelle. »

Sur ce, comme il a été vu, dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire de la société Croqueplume, un expert a été désigné afin de valoriser les différents actifs et organiser la procédure de cession propre à chacune des 'uvres en cause.

Dans ce cadre, il ressort des pièces versées au débat que le 1er février 2013, M. [O], l'expert ainsi désigné par le tribunal de commerce, a adressé à M. [K] un mail rédigé en ces termes « Cher Monsieur, J'interviens en qualité d'expert audiovisuel près le mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Sorciers Productions. Je dois vous écrire concernant le documentaire « Requins sous haute surveillance ». Auriez-vous l'amabilité de me communiquer votre adresse postale, ou celle de la société Cinémarine. »

Il est produit également par les intimés un mail en réponse du 1er février 2013 : « suite à votre courrier nous vous informons que la société Cinémarine dont le siège social est en Polynésie Française a déposé le bilan et est en cessation d'activité depuis octobre 2012. Il n'y a plus d'adresse pour cette société et je suis moi-même à la retraite et ai cessé toute activité. Cordialement [L] [K] »

La cour considère, à la différence du tribunal, que l'envoi de ce seul mail, qu'au demeurant M. [K] conteste avoir reçu et y avoir répondu, ne peut suffire à démontrer que les démarches telles qu'imposées par l'article L.132-30 du code de propriété intellectuelle, à peine de nullité, ont été respectées.

Ainsi, à supposer que le mail de l'expert ait effectivement été adressé à M. [K], il ne remplit pas les conditions telles que rappelées, l'article L.132-30 mentionnant clairement que le liquidateur a l'obligation d'aviser, à peine de nullité, notamment l'auteur par lettre recommandée, un mois avant toute décision sur la cession, et ce alors que ce dernier possède un droit de préemption ou qu'il peut solliciter la résiliation du contrat de production audiovisuelle, sous certaines conditions.

Si, effectivement, dans le mail de réponse, à supposer qu'il émane de M. [K], il n'est pas apporté les précisions réclamées par l'expert, il n'en demeure pas moins que M. [K] n'était pas informé des raisons pour lesquelles ses coordonnées étaient sollicitées de sorte qu'il ne peut être déduit de son message qu'il aurait clairement manifesté son désintérêt pour l''uvre, et ainsi son absence de désir d'exercer son droit de préemption pour lui ou sa société qui, à l'époque, n'était pas liquidée mais placée en cessation temporaire d'activité à compter du 19 octobre 2012, activité reprise le 8 décembre 2017. En outre, même si M. [K] mentionnait avoir pris sa retraite, cela ne dispensait pas le liquidateur de l'informer de la décision de cession.

Il ne peut davantage être retenu que M. [O] ou le liquidateur se serait trouvé dans l'impossibilité d'envoyer les lettres recommandées tel qu'imposées par l'article L.132-30 du code de propriété intellectuelle, alors que la société immatriculée était réputée disposer d'un siège social et que l'adresse de M. [K], en sa qualité de gérant, figurait également sur son KBIS.

Il s'ensuit que, faute d'avoir respecté les conditions prescrites qui auraient dû permettre à l'auteur et à la société coproducteur d'être informés de la cession et, par conséquent, de purger le droit de préemption, la cour rappelant que l'autorisation donnée par le juge-commissaire ne peut avoir pour effet d'écarter les dispositions impératives de l'article L. 132-30 du code de la propriété intellectuelle fixant les conditions de validité d'une cession portant sur des 'uvres audiovisuelles (Civ 1ère 16 juillet 1997 n°95-13197), la cession opérée le 1er juillet 2014 entre Maître [W] en qualité de liquidateur de la société Sorciers Productions et la société Croqueplume portant sur l''uvre documentaire « Requins sous haute surveillance » doit être déclarée nulle et, en tout état de cause, inopposable aux appelants.

De même, l'ordonnance rendue le 28 mai 2013 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Nanterre relative à la cession des droits sur le film « Requins sous haute surveillance » est inopposable à M. [L] [K] et à la société Cinémarine.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Sur le préjudice économique

La société Cinémarine, M. [F] et M. [K] dénoncent l'exploitation illicite du film par M. [J] et la société Croqueplume et sa dévalorisation, puisqu'il a été diffusé sur Youtube à compter du 26 septembre 2017, ruinant toute possibilité ultérieure d'exploitation du film, alors que la réalisation de ce dernier a coûté plus de 273.000€.

Mme [U] [M] et M. [J] soutiennent que M. [K] et/ou la société Cinémarine ont perçu l'intégralité des recettes d'exploitation du programme depuis la liquidation judiciaire de SORCIERS PRODUCTIONS et contestent l'existence du moindre préjudice économique. Par ailleurs, quant à la prétendue dévalorisation du programme, Mme [U] [M] et M. [J] soutiennent qu'avant cession, les titulaires étaient fondés à assurer l'exploitation du programme comme bon leur semblait.

Sur ce, il n'est pas contesté que la société Croqueplume a exploité le film « Requins sous haute surveillance » qui a notamment été diffusé sur Youtube à compter du 26 septembre 2017, le film comptant 87889 vues au 19 avril 2021, ce qui a contribué à banaliser l''uvre et à réduire les chances de pouvoir l'exploiter de manière rentable par la suite.

Il n'est également pas contesté que le coût de production du film s'élève à plus de 273.000€.

Cependant, les appelants confirment eux-mêmes que ce film a été vendu et diffusé sur une chaîne française ainsi qu'en version courte dans l'émission [S] sous un autre titre, générant des recettes ayant permis d'assurer son coût de production.

En conséquence, les appelants ne sont pas fondés à réclamer à la société Croqueplume, représentée par sa mandataire, le remboursement des coûts de production, et ce d'autant que les intimés démontrent que M. [K] et sa société Cinémarine ont perçu de la société ZDF en contrepartie du film près de 50.000€ sur une période comprise entre 2010 et 2017, sans qu'il soit justifié au demeurant de reversements à la société coproductrice Sorciers Productions puis à son liquidateur.

Par ailleurs, si la cour a prononcé la nullité de la cession, la société Croqueplume a pu croire exploiter légitimement le film en cause, à tout le moins jusqu'en décembre 2019, date de l'assignation délivrée par M. [K] pour voir reconnaître ses droits. Il doit cependant être relevé qu'elle a organisé sa liquidation amiable durant la procédure en cours devant le tribunal judiciaire, sans en informer ni la juridiction ni ses adversaires.

Au vu de cet ensemble d'éléments, il convient de dire que le préjudice subi en conséquence par M. [K] et la société Cinémarine sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts.

Sur le préjudice moral

La société Cinémarine et M. [K] soutiennent qu'ils ont été victimes d'un préjudice de nature moral apprécié à hauteur de 20.000€, résultant d'un dénigrement fautif.

Mme [U] [M] et M. [J] soutiennent que les appelants ne démontrent pas avoir subi un préjudice et que le courrier adressé par les intimés sur lesquels les appelants s'appuient, est un courrier adressé à ZDF société allemande distribuant le programme qui ne serait en aucun cas être considéré comme péjoratif et n'a nullement vocation à être rendu public.

La cour rappelle que le dénigrement consiste à porter atteinte à l'image d'une entreprise ou d'un produit, désignés ou identifiables, afin de détourner sa clientèle en usant de propos ou d'arguments répréhensibles, ayant ou non une base exacte, diffusés ou émis afin de toucher les clients de l'entreprise visée, concurrente ou non de celle qui en est l'auteur.

Or, il ne ressort d'aucune des pièces versées que les intimés ont porté atteinte à l'image de la société Cinémarine en usant de propos ou d'arguments répréhensibles, n'ayant manifestement que fait valoir les droits que la société Croqueplume pensait détenir sur le film « Requin sous haute surveillance », notamment auprès de la société ZDF.

S'agissant de M. [K], la cour considère que les courriers adressés par l'avocat des intimés au conseil de M. [K] dans le cadre du litige les opposant, rappelant les droits de ses clients, formulant un certain nombre de griefs et mentionnant les dispositions civiles et pénales applicables selon lui, s'agissant de courriers entre avocats dans un contexte pré-contentieux, n'ayant pas vocation à être rendus publics, ne peuvent être considérés comme dénigrants et donc fautifs, et ouvrant droit à dommages et intérêts pour préjudice moral. Il convient en conséquence de débouter les appelants des demandes formulées de ces chefs et de confirmer le jugement déféré sur ces points.

Sur les autres demandes des appelants

Dans la mesure où la cour a annulé l'acte de cession intervenu le 1er juillet 2014 entre la société Sorciers Productions représentée par son liquidateur et la société Croqueplume portant sur les droits du film « Requins sous haute surveillance », il convient de faire droit aux demandes formulées par M. [K] et la société Cinémarine visant à interdire à la société Croqueplume, représentée par son mandataire de justice, toute exploitation du film et d'ordonner à Mme [U], ès-qualités, de communiquer les comptes d'exploitation, et de restituer les supports matériels de l''uvre dans les conditions précisées au dispositif.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Mme [B] [U], ès-qualités de mandataire de la société Croqueplume, succombant, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés en première instance et en appel, les dispositions prises sur les dépens de première instance étant infirmées.

Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de dire n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a :

- déclaré M. [N] [F] recevable en son intervention volontaire,

- déclaré irrecevables les demandes formées contre M. [G] [J] par MM. [L] [K], [N] [F] et la société Cinémarine,

- débouté M. [L] [K] et la société Cinémarine de leurs demandes formées au titre du dénigrement,

- déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles formées par la société Croqueplume,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Dit que MM. [L] [K] et [N] [F] et la société Cinémarine sont recevables à agir à l'encontre de Mme [B] [U], es-qualités de mandataire de la société Croqueplume,

- Prononce la nullité de l'acte de cession intervenu le 1er juillet 2014 entre la société Sorciers Productions représentée par Maître [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire, et la société Croqueplume, portant sur les droits du film « Requins sous haute surveillance »,

- Dit en conséquence que l'ordonnance rendue le 28 mai 2013 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Nanterre relative à la cession des droits sur le film « Requins sous haute surveillance » est inopposable à M. [L] [K] et à la société Cinémarine,

- Dit en conséquence que la société Croqueplume prise en la personne de son mandataire de justice, Mme [B] [U], n'est pas titulaire de droits sur le film « Requins sous haute surveillance »,

- Condamne la société Croqueplume prise en la personne de son mandataire judiciaire Mme [B] [U] à verser à M. [L] [K] et à la société Cinémarine une somme de 5.000€ en réparation du préjudice subi pour l'exploitation du film « Requins sous haute surveillance »,

- Interdit à la société Croqueplume, prise en la personne de son mandataire de justice Mme [B] [U], sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours après la signification de la présente décision, toute exploitation du film réalisé par M. [L] [K] et coproduit par la société Cinémarine, intitulé « Requins sous haute surveillance » et sous sa version courte « Portrait de [D] [T] »,

- Ordonne à la société Croqueplume prise en la personne de son mandataire de justice Mme [B] [U], de communiquer à M. [L] [K] et à la société Cinémarine les comptes d'exploitation du film « Requins sous haute surveillance » et sous sa version courte «Portrait de [D] [T]», sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, l'astreinte courant sur une période de trois mois,

- Ordonne à la société Croqueplume prise en la personne de son mandataire judiciaire Mme [B] [U], de restituer à la société Cinémarine tous supports matériels de l''uvre permettant sa reproduction ou sa représentation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours après la signification de la présente décision, l'astreinte courant sur une période de trois mois,

- Condamne Mme [B] [U], es-qualités de mandataire de la société Croqueplume aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 22/08543
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;22.08543 ?
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