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27/03/2024 | FRANCE | N°20/07926

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 27 mars 2024, 20/07926


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 27 MARS 2024



(n° /2024, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07926 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWMA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/04729





APPELANTE



Madame [P] [L]

[Adresse 2]

[Localité

4]

Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075





INTIMEE



Association INSTITUT D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME DE LA REGION ILE DE FRANCE agissant...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 27 MARS 2024

(n° /2024, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07926 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWMA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/04729

APPELANTE

Madame [P] [L]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

INTIMEE

Association INSTITUT D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME DE LA REGION ILE DE FRANCE agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. DE CHANVILLE Jean-François, président de chambre rédacteur

Mme. BLANC Anne-Gaël, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

L'institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France, désignée sous le sigle IAU-IDF, est une association ayant pour objet la réalisation d'études et travaux relatifs à l'aménagement et à l'urbanisme sur le territoire de la région Ile-de-France.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 5 mars 2007, Mme [L] a été engagée à temps complet par l'Agence Régionale de l'Environnement et des Nouvelles Energies désignée sous le sigle ARENE, en qualité de secrétaire assistante, statut Employé.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [L] s'élevait à la somme de 2.362,18 euros.

En 2017, l'ARENE a été absorbée par l'IAU-IDF, le contrat de travail de Mme [L] lui ayant été transféré le 1er août 2017.

En arrêt de travail au cours de l'année 2017, Mme [L] a été placée en mi-temps thérapeutique du 12 septembre 2017 au 31 décembre 2017.

A partir du mois de janvier 2018, Mme [L] a poursuivi ses fonctions à temps partiel.

Du 8 octobre au 9 novembre 2018 inclus, Mme [L] a été placée en arrêt de travail.

Le 14 novembre 2018, l'IAU-IDF a modifié l'emploi-type de Mme [L], celui-ci étant désormais celui de 'secrétaire de direction - P5'.

Du 14 janvier 2019 au 24 février 2019 inclus, Mme [L] a été placée en arrêt de travail.

A l'issue de l'examen médical de reprise du 25 février 2019, Mme [L] a été déclarée inapte, avec la précision 'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'.

Du 26 février au 24 mars 2019, elle a été placée en arrêt de travail. Le 11 mars 2019, elle était informée de son impossibilité de reclassement.

Par lettre datée du 12 mars 2019, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé au 22 mars 2019.

Son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement lui a été notifié par lettre datée du 27 mars 2019.

A la date du licenciement, l'association occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant son licenciement et réclamant divers indemnités et dommages-intérêts, notamment pour harcèlement moral, Mme [L] a saisi le 29 mai 2019 le conseil de prud'hommes de Paris, qui par jugement du 30 octobre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes et laissé les dépens à la charge de Mme [L].

Par déclaration du 23 novembre 2020, Mme [L] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 4 novembre 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 août 2023, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [L] de l'ensemble de ses demandes, d'écarter des débats la pièce adverse 42 et la déclarer irrecevable, en ce qu'elle porte atteinte au principe de confidentialité des correspondances entre avocat et client, de dire et juger que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, en ce qu'il porte une atteinte disproportionnée aux droits de Mme [L] et en ce qu'il ne lui assure pas une indemnisation adéquate et de condamner l'association IAU-IDF à verser à Mme [L] les sommes suivantes :

* 30.000 euros net de dommages-intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement à défaut d'écarter le barème précité, 25.983,98 euros net de dommages-intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse,

* 15.000 euros net de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

* 15.000 euros net de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

* 15.000 euros net de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 7.086,54 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis, outre 708,65 euros brut d'indemnité de congés payés afférents,

* 590,54 euros brut de rappel de prime semestrielle, outre 59,05 euros brut d'indemnité de congés payés afférents,

* 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- avec intérêt au taux légal sur ces condamnations à compter de la date de réception par l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région d'Ile-de-France de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Il priait également la cour d'ordonner la remise d'un bulletin de paie récapitulatif, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision, de se réserver la liquidation de l'astreinte, de débouter l'association IAU-IDF, de l'intégralité de ses demandes, de condamner l'association IAU-IDF aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement serait effectué par la SELARL JRF & Associés, représentée par M. [D] [M], conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 septembre 2023, l'intimé demande la confirmation du jugement déféré ou à tout le moins de limiter les sommes allouées. En tout état de cause, il prie la cour de condamner Mme [L] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 novembre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 : Sur la pièce n° 42

La salariée demande d'écarter des débats la pièce n° 42, en ce qu'il s'agirait d'une preuve que l'IAU-IDF se constituerait à lui-même et d'un courrier confidentiel.

L'employeur s'oppose à cette demande.

Une partie peut produire une pièce communiquée entre elle-même et son avocat, puisqu'il s'agit d'une règle énoncée en sa faveur à laquelle elle est libre de renoncer.

La question de la force probante de cette pièce à raison de son caractère préconstitué relève de l'appréciation du juge et n'a pas trait à sa recevabilité.

En conséquence, cette pièce ne sera pas écartée des débats.

2 : Sur l'exécution du contrat de travail

2.1 : Sur le harcèlement moral

Mme [P] [L] invoque un harcèlement moral caractérisé par une modification du contrat de travail, l'absence de fourniture de travail avec retrait d'outil informatique, l'absence de réponse à la procédure de recours introduite en application de l'accord d'entreprise.

Aux termes de l'article L 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc d'examiner la matérialité des faits invoqués, de déterminer si pris isolément ou dans leur ensemble ils font présumer un harcèlement moral et si l'employeur justifie les agissements invoqués par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

2.1 1: La matérialité des faits

S'agissant de la modification du contrat de travail :

La salariée fait valoir qu'alors qu'elle avait été engagée comme secrétaire assistante, son poste avait évolué et consistait aux termes de sa fiche de poste dans la réalisation de videos pour le pôle communication et assistante du pôle transition énergétique et écologique, et ses missions principales étaient 'les videos reportages et interviews', 'la création graphique de documents de communication', 'l'assistance à l'organisation d'événements', 'la contribution à l'animation du site web et à la newsletter', 'l'appui aux projets et activités du pôle'.

L'IAU-IDF répond que l'essentiel du poste occupé Mme [P] [L] au sein de l'Arene, qui ne comportait qu'une vingtaine de salariés était le suivi administratif et l'assistanat événementiel du pôle. L'employeur souligne que, ponctuellement, parmi ses fonctions d'assistanat, elle avait une mission maquettage et 'video', la salariée se bornant à faire le lien entre le prestataire et les chargés de projets pour la préparation des contenus des interviews, menait les interviews avec le prestataire, intervenait dans le montage des videos et leur mise en ligne sur la chaîne 'you tube' de l'Arene. L'association explique qu'elle compte 213 salariés en contrat à durée indéterminée et qu'elle n'avait pas de mission d'appui à la réalisation de video à lui confier, recourant exceptionnellement à un prestataire extérieur, mais que pour répondre aux demandes du médecin du travail, elle lui a confié des tâches créatives, telles que mise en page à partir de gabarits fournis, recensement des videos de l'Arene, mise en ligne de quelques videos sur la chaîne 'You Tube'.

Sur ce

La modification du contrat de travail porte sur les éléments essentiels du contrat de travail tels que la rémunération, la qualification du salarié ou encore la durée du travail applicable. Elle requiert, en toute hypothèse, l'accord exprès du salarié. Le refus de la modification du contrat de travail ne peut pas constituer une faute ni à lui seul une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le changement des conditions de travail relève, quant à lui, du pouvoir de direction de l'employeur. À ce titre, il peut l'imposer au salarié. Le refus de l'intéressé constitue une faute pouvant donner lieu à la mise en 'uvre d'une sanction disciplinaire susceptible d'aller jusqu'au licenciement.

Certes les échanges de courriels entre les parties, des captures d'écran, l'attestation de M. [K] et les évaluations de la salariée font ressortir que celle-ci réalisait au sein de l'Arene à côté de ses tâches administratives le montage de videos et d'interview avec le service communication et de maquettage.

Toutefois, cela n'entre pas dans les fonctions contractuelles de secrétaire assistante et il n'est pas démontré qu'au-delà du goût qu'avait Mme [P] [L] pour le montage de videos, cela constituât un élément essentiel du contrat de travail.

De plus, elle continuait à faire au sein de l'IAU-IDF, du maquettage et même fût-ce de manière résiduelle, de la video.

Dans ces conditions, l'évolution due au changement d'employeur qui a conduit à modifier l'organisation de la société et à retirer ces tâches, pour les confier à un prestataire extérieur, s'analyse comme un changement des conditions de travail, contrairement à ce que soutient l'intéressée.

S'agissant de la non-fourniture de travail :

La salariée fait grief à l'employeur d'avoir cessé de l'inviter aux réunions de son département, de ne pas lui avoir fourni d'objectifs pour l'année 2018 et de l'avoir privée de ses outils de travail à plusieurs reprises entre septembre 2017 et mars 2019.

La société répond que, sur l'insistance de Mme [P] [L], il lui a été remis le logiciel qu'elle réclamait, que des tâches lui ont été confiées en septembre 2017, notamment des mises en page, des mises en ligne de quelques videos sur You Tube et qu'elle était convoquée aux réunions d'équipe du département énergie climat qui concernaient l'ensemble des salariés du département.

Sur ce

Il ressort des évaluations de la salariée pour les années 2017 et 2018, des courriels versés aux débats et des préconisations du médecin du travail, que la salarié a été en mi-temps thérapeutique au dernier trimestre de 2017, après avoir été en arrêt maladie le reste de l'année, puis qu'elle a été en temps partiel à 80 % en 2018 avant d'être à nouveau en arrêt maladie 2019 jusqu'à ce qu'elle fasse l'objet de son licenciement.

Il apparaît qu'elle a eu une activité relativement réduite ne comblant pas son temps de travail, puisqu'elle a eu essentiellement à faire la mise en page d'une brochure sur les freins et leviers du financement de la rénovation des copropriétés, deux études sur les concurrences d'usage du bois et de la paille et le docu spécimen sur l'économie circulaire.

Il n'a pas été fixé d'objectif à la salariée pour l'année 2018.

En revanche, il n'est pas retenu par la cour qu'on lui a retiré ses outils informatiques, les échanges faisant apparaître que le logiciel Indisign qu'elle réclamait ne devait être placé que sur un seul poste dans la nouvelle organisation de l'IAU-IDF, mais que pour satisfaire la salariée, à titre exceptionnel, il a été installé sur son poste personnel.

S'agissant de l'absence de réponse à la procédure de recours introduite par Mme [L] :

Mme [P] [L] soutient qu'à issue de son entretien annuel du début de l'année 2018 qui ne la gratifiait que d'une augmentation de 25 euros pas mois, elle a saisi la direction générale d'une procédure de recours par un courrier du 13 mars 2018, ce qui a donné lieu à une note du 27 avril 2018, à une évaluation, qui n'a pas été organisée, de ses compétences en matière de réalisation audiovisuelle et de maquettage.

La société répond que la salariée a effectué un recours, non sur l'augmentation de salaire qu'elle juge dérisoire, mais sur sa demande d'affectation au pôle communication.

Par lettre du 13 mars 2018, la salariée a saisi le directeur général d'une demande de rendez-vous 'dans le cadre de la procédure de recours', sans plus d'explication.

A la suite d'un entretien intervenu 27 avril 2018, une note du directeur général rappelle qu'elle a demandé à changer de département pour se recentrer essentiellement sur des missions de videos et lui propose 'une évaluation en matière de réalisation audiovisuelle et de maquettage'.

Il est constant que cette évaluation n'a pas eu lieu.

2.1.2 : Sur l'existence du harcèlement moral

Sur les trois agissements imputés à l'employeur, deux seuls sont établis, à savoir la quantité de travail insuffisante et l'absence de réponse au recours de la salariée.

Sur la quantité de travail insuffisante, les échanges entre la salariée et les cadres de l'association démontrent qu'elle n'a pas fait l'objet d'une mise à l'écart, étant invitée à des réunions mais que sa situation était difficile à maîtriser, au moins à titre provisoire, dans la mesure où d'une part il fallait préserver sa santé, marquée par des arrêts maladies et les plaintes qu'elle manifestait dans ses écrits, et d'autre part sa volonté de faire des videos, alors que la société au sein de laquelle son contrat était transféré avait une organisation autre que celle de l'Arène, structure d'une taille réduite incomparable à celle du nouvel employeur, qui pouvait avoir recours à des prestataires.

Le fait qu'une année, un jeune homme en contrat formation compétent dans ce domaine ait pu travailler sur les videos, ce qui était nécessaire à sa formation, n'engageait pas l'organisation de l'entreprise autour d'un service permanent consacré à la video. Ce n'est pas le signe qu'un salarié devait y être affecté.

Il ressort des courriers et attestations versées aux débats, que la période de réorganisation liée au transfert des salariées de l'Arene à l'IAU-IDF n'a pas permis de fixer des objectifs aux personnes dont le poste était en voie de redéploiement. Cette contrainte ponctuelle n'a pu qu'être plus forte encore s'agissant de Mme [P] [L], qui était souvent en arrêt maladie et s'opposait à tout changement de ses conditions de travail.

Si la société Arene envisageait de donner en 2017 de l'importance à la communication par video, il apparaît que par la suite, cette fonction a été suivie temporairement par une salariée en emploi formation et par des sociétés extérieures.

Le coût de l'évaluation décidée pour la salariée était selon un devis du 3 mai 2018 versé aux débats de 5 160 euros HT, ce qui était d'une utilité douteuse au regard de l'absence d'intégration possible de la salarié dans un service consacré à une telle activité.

Ainsi les agissements imputés à l'employeur étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et le harcèlement moral est écarté.

La demande de dommages-intérêts sollicités en réparation sera donc rejetée.

Ainsi l'employeur apporte des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement justifiant sa position. Le harcèlement n'est pas constitué et la demande de dommages-intérêts en réparation sera rejetée.

2.2 : Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Mme [P] [L] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts en réparation du manquement de l'IAU-IDF à l'obligation de sécurité d'une part en ce qu'il n'a pas organisé d'enquête interne malgré les alertes de la salariée sur son état de santé et sa parfaite connaissance de la situation de celle-ci et d'autre part en ce qu'il s'est abstenu de mettre en oeuvre les préconisations du médecin du travail, ce qui aurait causé une aggravation de son état de santé.

L'IAU-IDF répond que Mme [P] [L] a été régulièrement vue par la médecine du travail, qu'une enquête n'était pas nécessaire en l'absence d'évocation par la salariée avant la procédure judiciaire d'un harcèlement, qu'aucune alerte n'a été faite de la part des institutions représentatives notamment et qu'en réalité les difficultés connues par la salariée étaient d'origine personnelle.

Sur ce

En vertu de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé physique et mentale de ses préposés. Il doit mettre en oeuvre des mesures nécessaires pour garantir la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés, à savoir tant des actions de prévention que l'organisation de moyens adaptés et l'amélioration des situations existantes. Il doit assurer l'effectivité des mesures tendant à identifier, prévenir et gérer les situations pouvant avoir un impact négatif sur la santé du salarié.

L'article L.4121-2 prévoit que l'employeur met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l'état d'évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1, rendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle et donner les instructions appropriées aux travailleurs.

La version de la salariée s'appuie largement sur des courriers nombreux de sa part, dans lesquels elle se plaint de n'être pas affectée à un poste de videaste, ou à tout le moins à la confection de videos, en prétendant que ceci lui cause de la souffrance. Jamais elle ne se plaint de harcèlement.

Par ailleurs elle a été soumise à de nombreuses visites de la médecine du travail, qui loin d'imposer un travail lié à la video ou au maquettage, se bornait à indiquer que ce serait préférable, reprenant ainsi les doléances répétitives de la salariée.

La direction a respecté les conseils de la médecine du travail en lui confiant la mise en page de documents à partir de gabarits, le recensement de videos de l'Arene et la mise en ligne de quelques videos 'youtube'.

Les documents versés aux débats, courriers, courriels, comptes rendus d'évaluation et attestations des cadres de l'association, précis et concordants, confortant les autres éléments produits, démontrent que l'employeur qui faisait face à une réorganisation, qui ne concernait pas seulement le poste de Mme [P] [L] mais aussi d'autres salariés, a confié à Mme [P] [L] à la suite des préconisations du médecin du travail, des travaux de maquettage et de recensement de videos et a accepté de faire une exception pour elle n'installant sur son poste de travail le logiciel, qui était en principe uniquement sur un poste commun.

Les échanges entre la médecine du travail et la direction telles qu'ils ressortent en particulier de la réunion du CHSCT du 26 mars 2019, révèlent que l'intéressée avait des problèmes de santé étrangers au travail et lui procurant des déficiences en matière de concentration.

Si la salariée a été déclarée 'travailleur handicapé', l'IAU-IDF ne se l'est pas vu notifier avant le licenciement et surtout, ceci n'apparaît pas lié à son travail au sein de la société.

Il suit de ces observations qu'aucun manquement à l'obligation de sécurité ne peut être reproché à l'institut et la demande de dommages-intérêts correspondante sera rejetée.

2.3 : Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

La déloyauté de l'employeur est déduite par Mme [P] [L] de la privation de ses tâches principales, de l'absence d'assignation d'objectifs en janvier 2018, à la privation de ses outils de travail et de toute activité et du refus de répondre à la procédure de recours qu'elle avait intentée.

Il a été démontré précédemment qu'aucun de ces griefs ne peut être imputé à faute à l'employeur.

La demande de dommages-intérêts sera rejetée.

3 : Sur le licenciement

Mme [P] [L] soutient que le licenciement est nul en ce qu'il résulte du harcèlement moral dont elle se dit victime, de ce qu'il n'a pris aucune mesure pour tenir compte de son statut de travailleur handicapé en violation des dispositions de l'article L. 5213-6 du Code du travail, de l'avoir discriminée à raison de son handicap en violation des articles L. 1132-1 et L. 1133-3 du Code du travail et de ne pas avoir consulté régulièrement les représentants du personnel dans les conditions prévues par l'article L. 1226-2 du Code du travail comme en témoignerait le compte rendu de la consultation qui ne restituerait pas correctement l'avis des élus.

L'IAU-IDF répond qu'elle n'était pas tenue à une recherche de reclassement, dès lors que l'avis d'inaptitude disposait que tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, que la consultation des représentants du personnel n'est même pas obligatoire dans ce cas, qu'en l'espèce elle a néanmoins eu lieu et que les critiques adverses sont inopérantes, dés lors que cette consultation n'est soumise à aucune forme.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1226-2 du Code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1226-2-1, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

Il ressort de la combinaison de ces textes que l'employeur doit consulter les institutions représentatives du personnel avant de proposer un poste de reclassement en cas d'inaptitude.

En l'absence d'obligation de reclassement en l'espèce, dés lors que l'avis d'inaptitude précisait que tout maintien de la salariée dans l'entreprise était gravement préjudiciable à la santé de celle-ci, la consultation des délégués du personnel était sans objet.

En tout état de cause, celle-ci a eu lieu.

Le défaut de précision du compte rendu établi par l'IAU-IDF dans la retranscription de l'avis oral des représentants du personnel n'a pas d'effet sur la validité de la consultation, qui ne requiert qu'un avis consultatif sans forme particulière.

Aucune preuve n'est rapportée d'une notification à l'employeur de l'invalidité de Mme [P] [L] avant la rupture du contrat de travail. En tout état de cause une telle notification n'aurait pas engendré d'obligation supplémentaire de l'employeur de nature à éviter le licenciement.

L'inaptitude n'est pas imputable à un harcèlement moral par l'employeur, puisque celui-ci est écarté par la cour.

S'agissant de la discrimination, aux termes de l'article L 1132-1 du Code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucune salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualiste, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L 1134-1 du Code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au vu des développements qui précèdent, Mme [P] [L] n'apporte aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, à raison de son état de santé.

Par suite la discrimination n'est pas retenue.

Ainsi l'inaptitude n'est pas imputable à l'employeur et la cour rejette les demandes de Mme [P] [L] en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et de prime semestrielle au prorata du préavis qu'elle n'a pas effectué.

4 :Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de rejeter les demandes de l'une et l'autre des parties au titre des frais irrépétibles et de mettre les dépens à la charge de la salariée qui succombe.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

DIT n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce communiquée par l'IAU-IDF sous le numéro 42 ;

CONFIRME le jugement déféré ;

REJETTE les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [P] [L] aux entiers dépens ;

Le greffier Le président de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/07926
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;20.07926 ?
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