Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 26 MARS 2024
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08917 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CERZW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/06427
APPELANT
Monsieur [D] [V]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Timothé LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0726
INTIMEES
S.A. GIL AMBULANCES
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Marie CORNELIE-WEIL, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 201
Maître [M] [B] de la SELARL S21Y ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société GIL AMBULANCES
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Marie CORNELIE-WEIL, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 201
AGS CGEA IDF EST
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Anne-France DE HARTINGH, avocat au barreau de PARIS, toque : R1861
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [D] [V], né en 1972, a été engagé par la S.A.R.L. Gil ambulances, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 mai 2017 en qualité de chauffeur ambulancier, échelon 2, groupe B.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires code APE 8690A (IDCC 16).
La société Gil Ambulances a été admise au bénéfice du redressement judiciaire par jugement du 10 avril 2019 du tribunal de commerce de Créteil lequel a désigné Mme [W] de la SELARL Baronnie-[W] ès qualité d'administrateur et Mme [B] de la SELARL S21, ès qualités de mandataire judiciaire.
Par lettre datée du 21 janvier 2020, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 30 janvier 2020, lequel n'a pas eu lieu et a été reporté au 26 février 2020.
M. [V] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 9 mars 2020, motifs pris d'une absence injustifiée depuis le 16 décembre 2019 et un comportement virulent à l'égard de son responsable.
A la date du licenciement, M. [V] avait une ancienneté de 2 ans et 9 mois, et la société Gil ambulances occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Par jugement du tribunal de commerce de Créteil du 21 juillet 2020, un plan de redressement a été adopté, Me [B] de la SELARL S21, étant désignée commissaire à l'exécution du plan.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires, notamment pour heures supplémentaires, ainsi que l'octroi de dommages et intérêts pour violation de la durée maximale de travail et préjudice moral, et une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, M. [V] a saisi le 8 septembre 2020 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 24 septembre 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
- met hors de cause l'AGS CGEA IDF Ouest,
- déboute M.[D] [V] de l'ensemble de ses demandes,
- déboute la SARL Gil ambulances de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M.[D] [V] aux dépens.
Par déclaration du 27 octobre 2021, M. [V] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 19 octobre 2021.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 janvier 2022, M. [V] demande à la cour de :
- annuler le jugement dont appel pour absence de motivation
ou, subsidiairement,
- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
statuant de nouveau :
au titre de l'exécution du contrat de travail,
- condamner la société Gil ambulances à verser à M. [V] la somme de 56 euros au titre des remboursements de frais bancaires,
-condamner la société Gil ambulances à verser à M. [V] la somme de 1.500 euros au titre des préjudices moral et d'anxiété,
-condamner la société Gil ambulances à verser à M. [V] la somme de 10.048,94 euros au titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires non payées, outre 1.004,89 euros au titre des congés payés afférents,
-condamner la société Gil ambulances à verser à M. [V] la somme de 2.000 euros au titre des dommages et intérêts pour violation de la durée maximale de travail,
-condamner la société Gil ambulances à verser à M. [V] la somme de 13.417,86 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
au titre de la rupture du contrat de travail,
- constater que le licenciement pour faute grave en date du 9 mars 2020 est sans cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
-condamner la société Gil ambulances à verser à M. [V] la somme de 1.103,63 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- condamner la société Gil ambulances à verser à M. [V] la somme de 4.472,62 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 447,26euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société Gil ambulances à verser à M. [V] la somme de 2.169,39euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 216,94euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société Gil ambulances à verser à M. [V] la somme de 7.827,08 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Gil ambulances au versement des intérêts au taux légal, outre l'anatocisme, sur les sommes concernées,
- ordonner la remise de bulletins de paie rectifiés sous astreinte de 20 euros par jour de retard,
- ordonner la remise d'une attestation pôle emploi rectifiée et conforme sous astreinte de 20 euros par jour de retard,
en tout état de cause,
- condamner la société Gil ambulances aux dépens de l'instance,
- condamner la société Gil ambulances au versement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure devant le conseil de prud'hommes,
- condamner la société Gil ambulances au versement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure devant la cour d'appel.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 avril 2022, la société Gil ambulances et sa commissaire à l'exécution du plan de redressement demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 24 septembre 2021, le conseil des prud'hommes de Paris en toutes ses dispositions,
sur le licenciement :
- juger que le licenciement de M. [V] est fondé sur une faute grave,
en conséquence :
- débouter M. [V] de toutes ses demandes financières et demandes d'indemnités afférentes au licenciement,
en tout état de cause :
- débouter M. [V] de toutes ses demandes de rappel de salaires et accessoires de salaire,
- débouter M. [V] de toutes ses demandes fins et conclusions dirigées contre la société gil ambulances et notamment de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [V] à payer à la société gil ambulances la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner le même aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 octobre 2023, l'Unedic délégation AGS CGEA IDF Est demande à la cour de :
- débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes, moyens et conclusions,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- mis hors de cause l'AGS CGEA IDF Est,
- débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné M. [V] aux dépens,
en cas de réformation du jugement entrepris il est demandé à la cour de :
à titre principal :
- prononcer la mise hors de cause de l'AGS,
- juger que le licenciement intervenu sans l'assistance de l'administrateur judiciaire est inopposable aux organes de la procédure et prononcer cette inopposabilité,
en conséquence,
- juger que l'AGS ne sera, en toute hypothèse, pas tenue de garantir les éventuelles créances
de rupture du contrat de travail,
à titre subsidiaire,
- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
sur la garantie,
- juger et ordonner que toute condamnation relative au travail dissimulé sera exclue de la garantie de l'AGS,
- juger et ordonner que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,
- juger, ordonner et inscrire au dispositif de la décision à intervenir qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens et dans les limites et conditions des articles L 3253-8 et suivants du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts, indemnités, mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du code de procédure civile et dépens étant ainsi exclus de la garantie,
- juger, ordonner et inscrire au dispositif de la décision à intervenir qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, l'un des trois plafonds fixés, en vertu des dispositions des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,
- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'Unedic délégation AGS.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2023, et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 novembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR:
Sur l'exception de nullité du jugement
L'appelant poursuit la nullité du jugement déféré en faisant valoir que les premiers juges n'ont procédé à aucune analyse du fond de l'affaire, se bornant à reprendre les moyens des parties et à mentionner de manière indistincte « que le Conseil n'accueille pas favorablement cette demande » sans indiquer les moyens par lesquels ils se sont décidés.
Ni la société Gil Ambulances ni l'AGS n'ont conclu sur ce point.
L'article 455 du code de procédure civile prévoit que le jugement doit exposer succintement les prétentions et moyens respectifs des parties, il exige que celui-ci soit motivé sous peine de nullité prévue à l'article 458 du même code.
Au constat que pour toute motivation de leur décision les premiers juges se bornent à reprendre les moyens respectifs des parties et à conclure sans autre précision « le Conseil n'accueille pas favorablement cette demande », la cour en déduit que ce faisant ils ne permettent pas aux parties de comprendre les moyens par lesquels ils se sont déterminés au mépris de l'article 455 précité et qu'il s'impose d'annuler le jugement déféré.
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur la demande d'indemnité pour retard dans le paiement des salaires
M. [V] réclame une somme de 56 euros au titre des frais bancaires occasionnés par les retards de paiement de ses salaires ayant entraîné des rejets de prélèvements de sa banque mais aussi la somme de 1500 euros d'indemnité pour le préjudice moral et d'anxiété occasionné par la faute de l'employeur.
La société Gil Ambulance réplique qu'il est d'usage dans la profession de verser le salaire entre le 10 et le 15 de chaque mois, que les difficultés de paiement des salaires entre février 2019 et mai 2019 étaient liées à la mise en place de la procédure collective sur assignation de l'Urssaf et qu'elle a tenté dans la limite de ses possibilités de trésorerie d'atténuer cette situation pour les salariés en leur versant dans l'attente de la prise en charge des salaires par l'AGS des acomptes que l'appelant ne conteste pas avoir perçus. Elle s'oppose à la demande d'indemnité pour préjudice d'anxiété en rappelant que celle-ci ne rentre pas dans le champ d'application de ce préjudice spécifique.
L'AGS conclut au débouté de cette demande en l'absence de préjudice établi.
Il est avéré que les retards de paiement étaient en lien avec les difficultés de trésorerie de l'employeur justifiant une procédure collective à l'initiative de l'Urssaf mais qui a permis l'adoption d'un plan de redressement judiciaire toujours en cours. La cour en déduit que M. [V] est fondé à obtenir le remboursement des frais bancaires de rejet de prélèvements occasionnés par ses retards de paiements. Si cette situation a pu engendrer un stress et une inquiétude qu'il a qualifiés de préjudice d'anxiété, la cour retient que l'employeur par le paiement d'avances non contestées a tenté d'amortir le préjudice ainsi subi qui sera évalué à la somme de 250 euros. Les créances de l'appelant seront fixées aux montants de 56 euros et 250 euros.
Sur la demande relative aux heures supplémentaires
M. [V] soutient avoir effectué de très nombreuses heures au-delà de la durée légale de travail de 35 heures qui ne lui ont pas été payées et dont il réclame le règlement à hauteur de 10 048,94 euros outre 1004,89 euros de congés payés, en précisant que les dispositions spécifiques de modulation à la quatorzaine ne lui sont pas applicables faute de respect des conditions.
Pour s'opposer à la demande, la société Gil Ambulances réplique qu'elle n'a jamais appliqué un système de modulation mais qu'elle a toujours fait application du système d'équivalence et de la quatorzaine issu de l'accord de branche du 4 mai 2000. Elle indique en outre que conformément à la jurisprudence elle n'applique pas le décompte à la quatorzaine lorsqu' une semaine présente plus de 48 heures d'amplitude et que dans ce cas le décompte des heures supplémentaires se fait par semaine. Elle en conclut que c'est à tort que l'appelant présente des décomptes à la semaine civile uniquement, sur la base de 100% d'amplitude y compris les jours fériés où il n'a pas travaillé et qu'il s'inspire d'autres dossiers judiciaires dans lesquels des conciliations sont intervenues pour en déduire un aveu de l'employeur. Elle estime que la demande de l'appelant reposant sur une mauvaise application des règles conventionnelles, il doit être débouté de ses prétentions.
L'AGS conclut en faisant valoir que les éléments produits par le salarié ne sont pas probants.
***
Il est constant que le temps de travail des ambulanciers relève d'un régime juridique particulier qui a évolué dans le temps (accord cadre sur l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transports sanitaires du 4 mai 2000 puis l'accord cadre du 16 juin 2016 applicable à compter du 1er août 2018 et l'article D3312-7 du code des transports applicable à compter du 1er janvier 2017), prévoyant notamment un décompte horaire à la quatorzaine et non à la semaine,(sous réserve d'en respecter les conditions d'application à savoir comprenant 3 jours de repos sans travail de plus de 48 heures sur chacune de deux semaines) calculé en fonction d'une durée de travail effectif et non au regard de l'amplitude horaire moyennant l'application de coefficients de pondération en tout cas jusqu'au 1er août 2018.
En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, à l'appui de sa demande, le salarié présente les éléments suivants :
-des feuilles de route hebdomadaires faisant ressortir les heures de prise de service et les heures de fin de service pour en déduire une amplitude de travail de mai 2017 à avril 2018, variant entre 37 heures et 53 heures par semaine (pièces 5 et 6)
- un décompte des amplitudes horaires de travail des mois de mars à juin 2019(pièce 9).
La cour retient que le salarié apporte des éléments précis quant aux heures qu'il prétend avoir effectuées et qui ne lui ont pas été payées.
Si l'employeur fait à juste titre remarquer que le salarié calcule les heures supplémentaires à la semaine et en fonction d'une amplitude horaire et non en fonction du travail effectif, il ne produit pas plus aux débats un décompte précis des heures de travail comptabilisées pour le compte du salarié appliquant ou n'appliquant pas la quatorzaine lorsque les conditions n'étaient pas réunies et permettant de vérifier que le salarié a été rempli de ses droits.
La cour au vu des pièces produites et des arguments échangés a dès lors la conviction que M. [V] a effectué des heures supplémentaires notamment lorsque la quatorzaine n'était pas applicable, qui ne lui ont pas été payées à raison de 3 249,75 euros majorés de 324,97 euros de congés payés, montant auquel la créance de l'appelant sera fixée.
Sur l'indemnité pour non-respect des durées maximales de travail
Pour infirmation du jugement déféré, l'appelant réclame une indemnité de 2000 euros pour non respect de la durée maximale de travail ainsi que cela résulte de nombreuses feuilles de route produites au dossier.
Pour confirmation de la décision, la société Gil Ambulances réplique que l'appelant ne calcule pas ses dépassements sur le travail effectif mais sur l'amplitude ce qui génère un dépassement parfaitement inexact, de sorte que la demande doit être rejetée.
L'AGS n'a pas conclu sur ce point.
Il n'est pas discuté qu'en l'espèce la durée maximale journalière de travail applicable est de 12 heures et la durée maximale hebdomadaire est de 48 heures sur une même semaine. (article 4 D1 et D2 de l'accord cadre du 16 juin 2016 précité)
Il est de droit que la durée maximale de travail est déterminée sur la base du temps de travail effectif et non sur celle des amplitudes horaires dont doit être déduite la part de l'activité qui ne correspond pas à du travail effectif .
Au constat que les tableaux produits par l'appelant fondés sur une amplitude horaire et non sur le travail effectif, ne font pas apparaître un dépassement des durées maximales de travail, l'appelant est débouté de sa demande d'indemnité de ce chef.
Sur le travail dissimulé
Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
La preuve de cette intention de dissimulation n'est pas rapportée dans un contexte où il n'est pas justifié de réclamation d'heures supplémentaires avant la rupture du contrat de travail.Le salarié est débouté de sa demande de ce chef.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement était ainsi libellée :
« Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement fautif.
En effet, nous sommes restés sans nouvelles de votre part depuis le 13 décembre 2019, et ce, malgré de nombreuses relances par sms et appels de la part de votre régulation et moi-même à la suite de votre arrêt de travail.
Nous vous avions donc convoqué pour un entretien pour absence injustifiée le 30 janvier 2020 afin d'entendre vos explications.
Entre temps, vous avez eu un comportement inacceptable envers moi par sms à plusieurs reprises (langage déplacé et menaces).
Le 30 janvier 2020, lorsque je suis arrivé je vous ai trouvé à tenir des propos déplacés envers votre régulateur et plus grave encore vous étiez en présence de 2 hommes qui ne faisaient pas partie du personnel et qui n'étaient donc pas autorisés à pénétrer au sein de nos locaux.
Lorsque je leur ai demandé de quitter les locaux vous m'avez répondu « non ils restent ici ce sont mes frères ! ''
Nous avons dû vous demander à plusieurs reprises de faire sortir ces gens, devant votre refus j'ai été contraint d'annuler notre entretien (alors qu'un conseiller des salariés était venu avec vous)
En repartant vous avez continué sur un ton invectif en me traitant de voleur et me menaçant.
Plusieurs personnes étaient témoins de cette scène et peuvent témoigner à tout moment.
Cette conduite met en cause la bonne marche du service. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 26 février 2020 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.(...) »
Aux termes de l'article 1232-1 du code du travail tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il résulte des dispositions des article L 1234-6 et L 1234-9 du code du travail que le salarié licencié pour faute grave n'a pas droit aux indemnités de préavis et de licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié constituant une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
La preuve des griefs reprochés au salarié doit être rapportée par l'employeur.
Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l'article 12 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Au soutien de la preuve de la réalité des faits reprochés qui lui incombe, la société Gil Ambulances produit la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 décembre 2019 qu'elle a adressée à l'appelant, de justifier de son absence et de reprendre le travail sans délai. (pièce4, société). Elle verse également aux débats des photographies de la vidéo-surveillance d'un bureau de l'entreprise où l'on peut distinguer un attroupement de 3 personnes dans l'entrée (pièce 9, société) et aussi un témoignage du régulateur M. [G] [J] par courrier du 30 janvier 2020 qui confirme cette intrusion le 30 janvier 2020 et les propos vulgaires et déplacés tenus par M. [V] à l'égard du gérant à cette occasion mais aussi des photographies de captures d'écran d'échanges de SMS datés du 6 janvier 2020 au 16 janvier 2020, entre le gérant et M. [V] qui révèlent que le ton a monté entre les deux protagonistes au sujet de l'absence de reprise du travail du salarié après son arrêt de maladie. (pièce 11-1 société).
Il ressort du dossier que l'appelant a été en arrêt de travail jusqu'au 12 décembre 2019. Il soutient avoir été à la disposition de son employeur dès le 13 décembre 2019, mais qu'il n'a pas été appelé par le régulateur comme il est d'usage, lequel en principe envoie un planning la veille pour le lendemain, ainsi que le confirment par courriers d'autres salariés (pièces 17 et 18).
Il n'est pas contesté que M. [V] n'a pas repris le travail à compter du 13 décembre 2019 ni après la mise en demeure du 26 décembre 2019 qu'il a bien réceptionnée.
La cour rappelle qu'il lui appartient d'apprécier la force probante des courriers de témoignages produits quand bien même ils ne sont pas conformes aux dispositions des articles 202 et suivants du code de procédure civile, ce qui est en l'occurrence le cas pour les témoignages de salariés produits par l'appelant comme celui du régulateur dont se prévaut l'employeur. Il n'apparaît pas en l'état justifié de les écarter des débats.
La cour retient aux termes des pièces produites de part et d'autre, que s'il est fait état d'un usage d'envoi du planning par le régulateur la veille pour le lendemain à défaut de quoi le salarié n'est pas de service, il ressort d'un SMS produit aux débats par l'employeur en pièce 10 que le salarié a été interrogé le vendredi 13 décembre 2019 sur le point de savoir « s'il est de retour lundi », sans qu'il soit justifié d'une réponse de ce dernier. Il résulte par ailleurs tant des photographies produites aux débats issues de la vidéo-surveillance de la société, non contestées par le salarié que du courrier du régulateur daté du 30 janvier 2020 (pièce 5, société), que le salarié s'est présenté à l'entreprise le jour même prévu pour l'entretien préalable accompagné de deux personnes étrangères au service ainsi qu'il l'avait évoqué dans son SMS daté du 15 janvier 2020 lorsqu'il évoque sa venue « au bureau avec ses frères d'armes » pour récupérer son chèque et son solde de tout compte (pièce 12-1,société) et qu'il a traité l'employeur de menteur à cette occasion en employant selon le témoin des propos vulgaires.(pièce 5 précitée).
Il résulte de l'ensemble de ces constatations, que les faits reprochés au salarié étaient de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail et constitutifs d'une faute grave. L'appelant est par conséquent débouté de ses prétentions indemnitaires de ce chef.
Sur les demandes de l'AGS
L'AGS conclut d'une part à sa mise hors de cause au constat qu'un plan de redressement a été adopté au profit de la société Gil Ambulances, laquelle se trouve désormais in bonis mais indique toutefois que les créances doivent être fixées au passif de la société Gil Ambulances et d'autre part à l'inopposabilité à son égard du licenciement prononcé sans l'assistance de l'administrateur judiciaire.
Il est constant que la société bénéficiant d'un plan de redressement reste sous le régime des procédures collectives, de sorte qu'il convient de fixer les créances éventuellement dues mais que pour autant l'AGS ne saurait de ce fait être mise hors de cause.
La demande tendant à dire que le licenciement prononcé est inopposable à l'AGS n'a pas d'objet au regard de la solution donnée au litige sur ce point.
En revanche, la cour rappelle que ce présent arrêt est opposable à l'AGS qui devra sa garantie dans les limites légales et réglementaires.
Sur les autres dispositions
La cour rappelle qu'en application de l'article L.622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous intérêts de retard et majorations et qu'il n'y a pas lieu à capitalisation.
Il est ordonné à la société Gil Ambulances la remise d'une fiche de paye récapitulative des créances salariales allouées sans qu'il y ait lieu à application d'une astreinte.
Les dépens d'instance et d'appel sont fixés, par infirmation du jugement déféré, au passif de la société Gil Ambulances, partie perdante même partiellement, ainsi que l'octroi à l'appelant d'une somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, par instance.
PAR CES MOTIFS
PRONONCE l'annulation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 24 septembre 2021.
Et statuant à nouveau :
FIXE les créances de M. [D] [V] au passif de la SA Gil Ambulances en présence de Mme [M] [B] de la SELARL S21Y en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement aux sommes suivantes :
-56 euros de remboursement de frais bancaires,
-250 euros d'indemnité pour préjudice moral,
-3 249,75 euros majorés de 324,97 euros de congés payés à titre de rappel d'heures supplémentaires.
-1000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile par instance, au titre de la première instance et de celle d'appel.
RAPPELLE que le jugement d'ouverture d'une procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous intérêts de retard et majorations et DIT qu'il n' y a pas lieu à capitalisation.
ORDONNE à la SA Gil Ambulances la remise d'une fiche de paye récapitulative des créances salariales allouées dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.
DIT que la demande tendant à l'inopposabilité du licenciement à l'AGS est sans objet.
RAPPELLE que le présent arrêt est opposable à l'AGS qui devra sa garantie dans les limites légales et réglementaires.
DEBOUTE M. [D] [V] du surplus de ses prétentions.
FIXE les dépens d'instance et d'appel au passif de la SA Gil Ambulances.
La greffière, La présidente.