Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 26 MARS 2024
(n° , 5pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06956 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEEO4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 17/02666
APPELANTE
Madame [J] [S]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Nadia TIAR, avocat au barreau de PARIS, toque : G0513
INTIMEE
SAS ATALIAN PROPRETE venant aux droits de la SASU ATALIAN PROPRETE ILE DE FRANCE (anciennement TFN PROPRETE ILE DE FRANCE)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Daniel SAADAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [J] [S], née en 1970, a été engagée par la SASU Atalian propreté Ile de France aux droits de laquelle intervient la SAS Atalian propreté(selon Kbis produits),, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2014, en qualité d'agent d'entretien AS2A, avec reprise d'ancienneté au 5 juillet 2001, date de son embauche par la société TFN.
Depuis 2016, elle était affectée aux salons d'Air France de Roissy.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des entreprises de propreté et services associés.
Par lettre datée du 6 mai 2016, Mme [S] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 17 mai 2016.
Mme [S] a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre datée du 9 juin 2016, motif pris d'avoir été trouvée lors d'un contrôle au poste d'inspection filtrage du T2f en possession de produits alimentaires et de boissons réservés à la consommation de passagers d'Air France.
A la date du licenciement, Mme [S] avait une ancienneté de 14 ans et 11 mois, et la société Atalian propreté IDF occupait à titre habituel moins de onze salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, Mme [S] a saisi le 23 août 2017 le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 26 mai 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
- requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- condamne la société Atalian propreté à verser à Mme [S] les sommes suivantes :
- 2956,50 € au titre de l'indemnité de préavis,
- 295,65 € au titre de congés afférents au préavis,
- 3301,43 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- rappelle que les créances de nature salariale porteront intérêt de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 1er septembre 2017, et les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux léglal à compter du jour du prononcé du présent jugement,
- condamne la société Atalian propreté à verser à Mme [S] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonne à la société Atalian propreté à remettre à Mme [S] les bulletins de salaires, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi, l'ensemble des documents conformes au présent jugement,
- ordonne l'exécution provisoire conformément à l'article 515 du code de procédure civile,
- déboute Mme [S] du surplus de ses demandes,
- condamne la société Atalian propreté aux dépens.
Par déclaration du 29 juillet 2021, Mme [S] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 1er juillet 2021.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 novembre 2023, Mme [S] demande à la cour de :
- juger que le licenciement de Mme [S] ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Atalian propreté IDF au paiement des sommes suivantes :
- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 24.000 €,
- indemnité légale de licenciement : 3301.43 €,
- indemnité compensatrice de préavis : 2956.50 € outre 295.65 € au titre des congés payés y afférents,
- débouter la société Atalian propreté IDF de sa demande tendant à voir infirmer le jugement,
- confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié la faute grave et alloué à Mme [S] l'indemnité légale de licenciement à hauteur de 3301.43 € et l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 2956.50 € outre 295.65 € au titre des congés payés y afférents,
- condamner la société Atalian propreté IDF au paiement des sommes suivantes :
- indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile : 3.500 €,
- intérêts au taux légal,
- dépens d'instance.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 avril 2023, la société Atalian propreté demande à la cour de :
- infirmer le jugement 17/02666 rendu le 26 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Bbobigny en ce qu'il a :
- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Atalian verser à les sommes suivantes :
- 2.956,50 € au titre de l'indemnité de préavis outre la somme de 295,65 € pour les congés payés,
- 3.301,43 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- rappelé que les créances de nature salariales porteront intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 1er septembre 2017, et que les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement,
- condamné la société Atalian à verser à Mme [S] la somme de 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à la société Atalian de remettre à Mme [S] les bulletins de salaires, un certificat de travail et une attestation pôle emploi et l'ensemble des documents conformes au présent jugement,
- condamné la société Atalian aux entiers dépens de l'instance ;
sur ce la cour statuant à nouveau,
- juger que le licenciement de repose sur une faute grave,
- débouter de l'intégralité de ses demandes,
- la condamner au paiement de la somme de 1.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 30 janvier 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Sur le bien fondé du licenciement
Pour infirmation du jugement déféré l'appelante fait valoir que le vol dont elle est accusée n'est nullement établi, puisque la fiche de non-conformité sur laquelle l'employeur se fonde ne mentionne pas son nom.
Pour infirmation du jugement sur appel incident, la société Atalian fait valoir que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu la faute grave mais une cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige était ainsi libellée :
« (...)Vous vous êtes présentée seule à cet entretien au cours duquel nous vous avons exposés les
faits reprochés, et qui sont les suivants : -
Vous êtes affectée sur le site « Salons Air France » à Roissy Charles de Gaulle.
Le 02 Avril 2016, vous avez fait l'objet, à votre sortie de poste, d'un contrôle au poste d'inspection filtrage du T2F.
Lors dudit contrôle par les autorités douanières, vous étiez en possession de produits alimentaires et de boissons réservées à la consommation des passagers AIR FRANCE.
Cet acte est intolérable. En effet, par votre comportement, vous vous êtes approprié à titre personnel d'un bien appartenant à l' entreprise utilisatrice.
Votre attitude s'inscrit en violation de vos obligations légales. De plus, vous n'êtes pas non plus sans ignorer que votre attitude est non conforme au règlement intérieur et plus particulièrement à l'article 9, alinéa 2 qui stipule :
« Il est interdit d'emporter des objets appartenant à l'entreprise utilisatrice comme à la société, sauf accord écrit du responsable hiérarchique ».
Un tel agissement est préjudiciable à l'image de marque de la société et est susceptible de remettre en cause le contrat commercial qui nous lie à notre client, ce dernier n'ayant pas manqué de nous faire part de son insatisfaction par écrit.
Un tel geste est également loin d'être conciliable avec la conscience professionnelle que tout salarié se doit d'avoir envers son entreprise et l'entreprise utilisatrice.
Lors de notre entretien, vous avez reconnu les faits, ce qui ne nous a donc pas permis de modifier notre appréciation de leur gravité.
En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave,sans préavis ni indemnité de licenciement.
Vous cesserez donc de faire partie définitivement de la société à la date d'envoi de présente notification à votre domicile.(...) »
Aux termes de l'article 1232-1 du Code du travail tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il résulte des dispositions des article L 1234-6 et L 1234-9 du code du travail que le salarié licencié pour faute grave n'a pas droit aux indemnités de préavis et de licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié constituant une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
La preuve des griefs reprochés au salarié doit être rapportée par l'employeur.
Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l'article 12 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Au soutien de la preuve de la réalité des faits qui lui incombe, l'employeur produit une fiche de non-conformité prestataire en l'occurrence la société Air France (pièce 6) rapportant que « suite à un contrôle douanier au PIF central du terminal F1 dans la soirée du 2 avril 2016, un agent TFN détenait de la marchandise AF (Air France) des salons dans ses effets personnels » avec la mention « récupération des marchandises et remise en place F2 » (pièce 6), le courriel de l'entreprise Air France daté du 4 avril 2016 prévenant la direction de la société Atalian envisageant une pénalité au vu de cet incident en considération de son préjudice et accompagné de photographies de canettes et autres boissons et bananes dans une valise ouverte (pièce 7), et le courriel daté du 4 avril 2016 d'une salariée de la société TFN à sa hiérarchie, avec l'intitulé « [S] [J] » affirmant « Pour info. J'ai eu la salariée qui me dit avoir pris 4 canettes, une bouteille d'eau 3 bananes et 1 pomme à la poubelle »(pièce 8).
C'est de façon pertinente que Mme [S] qui conteste les faits expose que la fiche de non-conformité n'identifie pas le personnel de TFN qui a fait l'objet du contrôle et a été surpris en possession de produits appartenant à Air Fance et que les denrées subtilisées ne sont aucunement précisées ni dans la fiche d'incident ni dans la lettre de licenciement. Elle fait observer que sa culpabilité n'est pas démontrée notamment par le courriel du 4 avril 2016 produit par l'employeur faisant état d'une reconnaissance des faits par téléphone qu'elle conteste. (pièce 6, précitée).
La cour en déduit par infirmation du jugement déféré, que la réalité des faits de vol imputés à Mme [S] n'est pas établie avec certitude et que le licenciement doit être jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a accordé à la salarié les indemnités de rupture suivantes non contestées dans leur quantum :
-2 956,50 euros majorés de 295,65 euros de congés payés au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
-3 301,43 euros d'indemnité légale de licenciement.
Revendiquant l'application de l'article L1235-5 du code du travail en considération des effectifs de l'entreprise et de la date du licenciement, Mme [S] réclame une indemnité de 24 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il est constant aux termes de cet article précité que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue. Au regard de l'ancienneté de la salariée, de sa situation de famille avec deux enfants à charge dont un handicapé, des conditions de son éviction de l'entreprise, et au vu des justificatifs produits quant la perception du RSA, le préjudice résultant du licenciement doit être arrêté à la somme de 15 000 euros. Le jugement est infirmé en conséquence.
Partie perdante la société Atalian Propreté venant aux droits de la société Atalian propreté IDF est condamnée aux dépens d'instance et d'appel, le jugement étant infirmé sur ce point et à verser à l'appelante une somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SASU Atalian Propreté IDF aux droits de laquelle intervient la SAS Atalian Propreté à payer à Mme [J] [S] les sommes suivantes :
-2 956,50 euros majorés de 295,65 euros de congés payés au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
-3 301,43 euros d'indemnité légale de licenciement.
L'INFIRME quant au surplus.
Et statuant à nouveau des chefs infirmés :
JUGE que le licenciement de Mme [J] [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
CONDAMNE la SAS Atalian Propreté venant aux droits de la SASU Atalian Propreté IDF à payer à Mme [J] [S] les sommes suivantes :
-15 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-1500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la SAS Atalian Propreté venant aux droits de la SASU Atalian Propreté IDF aux dépens d'instance et d'appel.
La greffière, La présidente.