La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2024 | FRANCE | N°18/13858

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 22 mars 2024, 18/13858


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 22 Mars 2024



(n° , 2 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13858 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B65KY



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Novembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 18/1168





APPELANTE

Madame [C] [Z] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

rep

résentée par Me Emmanuelle POINTET, avocat au barreau de PARIS, toque : R018



INTIMEE

CPAM DU VAL DE MARNE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 22 Mars 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13858 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B65KY

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Novembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 18/1168

APPELANTE

Madame [C] [Z] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Emmanuelle POINTET, avocat au barreau de PARIS, toque : R018

INTIMEE

CPAM DU VAL DE MARNE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Monsieur Christophe LATIL, Conseiller

Greffier : Madame Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE - prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par [C] [Z] [I] (l'assurée) d'un jugement rendu le 7 novembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil dans un litige l'opposant à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS, ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que l'assurée, salariée en qualité de femme de ménage et ouvrière polyvalente par une pharmacie et d'autres employeurs depuis le 1er décembre 1989, a fait le

20 décembre 2016 une déclaration de maladie professionnelle, à l'appui d'un certificat médical initial du 19 décembre 2016, de type « tendinopathie chronique non rompue ni calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche objectivée par IRM » ; que la caisse a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de [Localité 5] Île-de-France au regard de l'absence d'une des conditions de prise en charge du tableau n° 57 ; que le CRRMP a émis un avis défavorable le 2 octobre 2017 ; que par décision du 5 octobre 2017, la caisse a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la maladie déclarée le

20 décembre 2016 en indiquant que la pathologie décrite ne respectait pas le délai de prise en charge ; qu'après avoir saisi en vain la commission de recours amiable (CRA), l'assurée a porté le litige le 22 janvier 2018 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil aux fins de bénéficier de la prise en charge de la pathologie dans le cadre de la législation professionnelle.

Par jugement du 7 novembre 2018, le tribunal a :

- rejeté la demande présentée par l'assurée tendant à voir reconnaître le caractère de maladie professionnelle à la pathologie déclarée le 20 décembre 2016 ;

- rappelé que la procédure devant le tribunal était sans dépens, sauf coût de la signification éventuelle de la décision.

Le tribunal a retenu que l'assurée n'apportait à l'appui de son recours aucun élément permettant de faire droit à sa demande ou encore de désigner un second CRRMP.

Le jugement a été notifié le 20 novembre 2018 à l'assurée qui en a interjeté appel le 11 décembre 2018.

Par arrêt du 25 mars 2022, la cour d'appel de Paris, avant dire droit, a désigné un second CRRMP et renvoyé l'affaire à l'audience du 16 janvier 2023.

Le CRRMP des Pays-de-Loire a émis un avis défavorable le 30 novembre 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du conseiller rapporteur du 18 décembre 2023, date à laquelle les parties étaient présentes ou représentées.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, l'assurée demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et fondé ;

- constater qu'elle produit des éléments de preuve de nature à établir l'existence d'un lien entre ses activités professionnelles et la maladie déclarée à titre de maladie professionnelle ;

- renvoyer le dossier au CRRMP de Paris Île-de-France pour réexamen de la demande ;

En tant que de besoin,

- dire et juger que la maladie qu'elle a déclarée présente un caractère professionnel ;

- condamner la caisse à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la caisse aux éventuels dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Pour un exposé complet des moyens et arguments de l'assurée, la cour renvoie expressément à ses conclusions écrites déposées à l'audience après avoir été visées par le greffe à la date du 18 décembre 2023.

Par observations orales à l'audience de son représentant, la caisse demande à la cour d'entériner les avis des CRRMP et de débouter l'assurée de toutes ses demandes dont la demande d'un troisième avis de CRRMP.

EXPOSÉ DU LITIGE

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale dans sa version issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 applicable au litige énonce que :

Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

Une maladie, telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles, peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail de la victime, même si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies.

En la présente espèce, l'assurée déclare le 20 décembre 2016 une maladie professionnelle, à savoir une tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche. Elle déclare avoir travaillé depuis 1974 dans des emplois physiques et notamment depuis le 1er novembre 1989 comme employée de cafétéria au sein d'une grande surface et depuis le 16 octobre 1995 de femme de ménage dans une pharmacie, ces deux emplois étant occupés en même temps à temps partiel, jusqu'au 18 avril 2015, date à laquelle elle a fait l'objet d'un arrêt de travail qui s'est prolongé de manière continue jusqu'à la reconnaissance de son invalidité de deuxième catégorie le 8 novembre 2016, puis les licenciements qui en ont découlé en 2017.

Le certificat médical initial du 19 décembre 2016 mentionne une « tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche objectivée par IRM ». Ce certificat médical précise une date de première constatation au 19 décembre 2016. Néanmoins, l'assurée verse un compte rendu de l'IRM de l'épaule gauche du 13 décembre 2016 ayant permis au médecin traitant d'établir le certificat médical initial.

Le tableau n° 57 A des maladies professionnelles applicable au jour de la déclaration, mentionne un délai de prise en charge de 6 mois (sous réserve d'une durée d'exposition de 6 mois).

Le délai de 6 mois étant dépassé, il convenait de faire application des dispositions de l'alinéa 3 de l'article précité.

Pour affirmer que sa maladie est d'origine professionnelle, l'assurée dépose huit certificats médicaux établis entre le 15 janvier 2015 et le 19 mars 2021, faisant état de consultations et de soins entre 2011 et 2016 pour des polyalgies chroniques touchant le rachis cervical et les quatre membres, sans réalisation d'imageries jusqu'à l'IRM de l'épaule droite réalisée en 2016, ainsi que d'une pathologie sans rapport avec les épaules, à savoir méningiome responsable d'apathies et de troubles de mémoire, lequel a été opéré le 27 novembre 2015. Elle rappelle que ses emplois l'exposaient à des travaux répétitifs qui sont à l'origine de la pathologie des épaules.

L'assurée fait valoir que ses troubles ont été longtemps rattachés à sa seule humeur alors qu'ils étaient provoqués par le méningiome, tumeur cérébrale, diagnostiqué tardivement, de sorte que ses plaintes concernant les douleurs ressenties au niveau des épaules ont été minimisées jusqu'à ce que des soins en kinésithérapie pour ses épaules soient prescrits les 15 janvier 2015, 18 décembre 2015 et 1er février 2016. C'est dans ce contexte que l'IRM a été prescrite et réalisée en décembre 2016, laquelle a révélé un conflit sous acromial avec bursite sous acromiale liée à une arthropathie acromio-claviculaire et tendinopathie du supra épineux. C'est à cette occasion que le médecin a donc constaté qu'elle souffrait d'une tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs des deux épaules.

Elle critique ainsi la date de première constatation médicale retenue par le médecin-conseil, à savoir le 13 décembre 2016, date de l'IRM, puisque les premières manifestations de la maladie sont apparues en 2011. Elle ajoute que les certificats médicaux qu'elle verse au débat n'avaient pas pu être obtenus plus tôt.

Le premier CRRMP a émis un avis défavorable le 2 octobre 2017 au motif que : « L'importance du délai par rapport à la fin de l'exposition professionnelle (atteignant quasiment 20 mois) ne permet pas de retenir un lien direct entre le travail habituel et la maladie qui est déclarée par certificat médical du 19 décembre 2016 ».

Le second CRRMP a également émis un avis défavorable le 30 novembre 2023 compte tenu « de la pathologie présentée par l'intéressée, tendinopathie chronique non rompue de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche ; de sa profession femme de ménage dans une pharmacie; du dépassement du délai de prise en charge » .

Les deux comités n'ayant pas eu connaissance des certificats produits à hauteur d'appel, l'assurée s'étant défendue seule en première instance, un doute apparaît sur le fait que qu'ils aient eu connaissance de toutes les informations médicales utiles, dont les différentes prescriptions médicales de soins en kinésithérapie des deux épaules depuis 2015.

Si le rejet de la reconnaissance tient à la distance entre la première constatation et la cessation de l'exposition au risque, il convient de remarquer que cette constatation médicale par imagerie tardive permet de justifier la première constatation médicale conformément à l'examen requis par le tableau mais ne correspond pas nécessairement aux premières manifestations médicalement constatées de la pathologie, en dehors de toute imagerie, et prises en charges par des soins par les médecins ayant suivi l'assurée dans le contexte du méningiome dont les comités ne font pas état. Il s'ensuit que le lien direct entre les gestes professionnels réalisés et la pathologie n'est pas suffisamment écarté par ces deux avis qui s'en tiennent essentiellement au délai excessif entre la fin de l'exposition au risque et la première constatation médicale apparente fixée à la date de l'IRM.

Dans ces conditions, il convient d'ordonner la saisine d'un troisième CRRMP, en invitant l'assurée de lui transmettre l'ensemble des pièces médicales en sa possession depuis 2015 relatives à ses pathologies et les prises en charges en kinésithérapie des douleurs des deux épaules.

Il sera sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente de l'avis du second comité.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Avant dire droit,

ENJOINT à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne de saisir sans délai le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelle de Bourgogne, pour qu'il donne un avis motivé sur la question de savoir si la maladie dont souffre [C] [Z] [I] a été directement causée par son travail habituel en tenant compte du dossier médical de l'assurée depuis 2015 ;

ENJOINT aux parties de communiquer les documents médicaux en leur possession en vue de la constitution du dossier prévu à l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale, et notamment les certificats et prescription versées par l'appelante en pièces n° 2 à 9, 14 et 15 ;

SURSOIT à statuer sur les autres demandes ;

RENVOIE l'affaire à l'audience du :

Mercredi 15 JANVIER 2025 à 09h00

en salle d'audience Madeleine Huot-Fortin 1 H 09 - 1er étage Escalier H,

pour la procédure y suivre son cours après l'avis du comité régional ;

Dit que la notification de la présente décision vaudra convocation des parties à cette audience.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/13858
Date de la décision : 22/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-22;18.13858 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award