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21/03/2024 | FRANCE | N°23/14176

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 21 mars 2024, 23/14176


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 21 MARS 2024



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14176 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIESB



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Juillet 2023 -Président du TJ de FONTAINEBLEAU - RG n° 23/00057



APPELANTE



Mme [S] [H] épouse [Z]

[Adresse 4]

[Localité 8]




Représentée par Me Bernard DUMONT, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU, présent à l'audience



INTIMÉS



M. [X] [B]

[Adresse 1]

[Localité 5]



S.A.M.C.V. MUTUELLE DES ARCHITECTES FR...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 21 MARS 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14176 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIESB

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Juillet 2023 -Président du TJ de FONTAINEBLEAU - RG n° 23/00057

APPELANTE

Mme [S] [H] épouse [Z]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Bernard DUMONT, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU, présent à l'audience

INTIMÉS

M. [X] [B]

[Adresse 1]

[Localité 5]

S.A.M.C.V. MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF), agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Ayants pour avocat postulant Me Oz rahsan VARGUN de la SELAS OZ & IZ, avocat au barreau de PARIS, toque : A0474, représentés par Me Florence FAURE à l'audience

S.A. AXA FRANCE IARD à conseil d'administration, RCS de Nanterre sous le n°722 057 460, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Julien LAMPE de l'AARPI FRECHE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R0211, substitué par Me Marie-Laure BERNASCONI à l'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère et Laurent NAJEM, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Michèle CHOPIN, Conseillère

Laurent NAJEM, Conseiller

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Mme [H] a confié en 2014 un projet de construction d'une maison individuelle à M. [B], architecte assuré auprès de la société MAF.

La société Décoplâtre, elle-même assurée auprès de la société Axa France Iard, s'est vue confier la réalisation des travaux.

La réception de l'ouvrage est intervenue le 22 juin 2016, avec réserves, qui ont été levées le 24 avril 2017.

Une expertise a été ordonnée par le tribunal judiciaire de Fontainebleau le 12 mars 2019, à la demande de Mme [H] se plaignant de la persistance de désordres.

Cette expertise est suspendue du fait du non-versement par la demanderesse du complément de provision de 6.700 euros qui a été fixé par le juge du contrôle de la mesure d'instruction par ordonnance du 7 octobre 2021.

Par acte du 13 mars 2023, Mme [H] a assigné M. [B] et la société MAF devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Fontainebleau, aux fins de les voir condamner in solidum à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de provision.

Par ordonnance contradictoire du 6 juillet 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Fontainebleau a :

rejeté la demande de jonction ;

rejeté la demande de provision de Mme [H] ;

rejeté la demande de garantie de M. [B] et de la MAF ;

condamné Mme [H] à payer à M. [B] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [H] à payer à la société MAF la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [H] à payer à la société Axa France Iard la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [H] aux entiers dépens ;

rejeté toutes les autres demandes des parties, plus amples ou contraires.

Par déclaration du 23 août 2023, Mme [H] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 21 janvier 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 835 al.2 du code de procédure civile et 1147 du code civil, de :

infirmer l'ordonnance en l'ensemble de ses dispositions ;

condamner M. [B] et la société MAF, celle-ci in solidum, à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de provision ainsi que celle de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

dire non fondées les demandes de M. [B], de la société MAF et de la compagnie Axa France, les en débouter ;

condamner M. [B] et la société MAF, celle-ci in solidum, aux frais d'expertise et en tous les dépens.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 13 octobre 2023, la société MAF et M. [B] demandent à la cour, au visa des articles 835 al. 2, 550 du code de procédure civile, L. 124-3 du code des assurances, de :

les déclarer recevables en leurs conclusions ;

A titre principal :

confirmer l'ordonnance de référé rendue le 6 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Fontainebleau en ce qu'il a :

* rejeté la demande de provision de Mme [H] ;

* condamné Mme [H] à payer à M. [B] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné Mme [H] à payer à la société MAF la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné Mme [H] aux entiers dépens ;

* rejeté toutes les autres demandes des parties, plus amples ou contraires ;

statuer ce que de droit sur le surplus ;

Y ajoutant :

condamner Mme [H] à leur payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Mme [H] aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire, si la cour devait infirmer l'ordonnance du 6 juillet 2023 :

condamner la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur de la société Decoplâtre, à relever et à les garantir indemnes de toutes condamnations notamment en principal, intérêts, dommages-intérêts, frais de l'article 700 du code de procédure civile et dépens qui seraient prononcées à leur encontre ;

condamner tout succombant à leur payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner tout succombant aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 31 janvier 2024, la société Axa France Iard demande à la cour, au visa des articles 1792 du code civil, 835 al. 2, 905-2 du code de procédure civile et L. 124-5 du codes des assurances, de :

A titre principal :

confirmer l'ordonnance de référé du 6 juillet 2023 en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire :

si par extraordinaire la cour de céans renversait la décision rendue, rejeter l'appel en garantie de M. [B] et de la société MAF formulé à son encontre ;

A titre très subsidiaire :

condamner M. [B] et la société MAF à la garantir de toute condamnation à son encontre ;

En tout état de cause :

condamner tout succombant à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner tout succombant aux entiers dépens de l'instance.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE, LA COUR

En application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En l'espèce, Mme [H] sollicite la condamnation in solidum de M. [B] et de son assureur la MAF au paiement d'une provision de 50.000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice résultant de la responsabilité contractuelle de l'architecte, qu'elle considère engagée au vu du rapport d'expertise extrajudiciaire qu'elle a fait établir et des notes techniques émises par l'expert judiciaire.

Elle impute à M. [B], pour l'essentiel, les manquements suivants :

- avoir fait appel à une entreprise incompétente pour faire les travaux, qui se sont révélés atteints de nombreuses malfaçons dont la reprise se chiffre à plus de 200.000 euros ;

- s'être totalement désintéressé du suivi du chantier, qu'il soit technique ou financier, le déléguant à l'un de ses collaborateurs, architecte d'intérieur, et incitant Mme [H] à régler la totalité du prix du marché en dépit de sa mauvaise exécution ;

- n'avoir pas fait mention dans le procès-verbal de réception de l'absence de réalisation par l'entreprise du complexe de végétalisation sur la toiture-terrasse.

Mme [H] produit un rapport d'expertise technique établi le 22 décembre 2018 par le cabinet d'expertise en bâtiment C-P-E Expertises, qu'elle a mandaté, qui conclut en ce sens :

« Cette construction n'a pas été réalisée conformément aux règles de l'art, l'architecte n'a pas abouti la mission qui lui a été donnée et pour laquelle il a perçu 13% HT d'honoraires soit 43.000 euros TTC environ.

Le descriptif des travaux initial établi par l'architecte n'a pas été respecté par l'entreprise Décoplâtre, et l'ensemble des travaux n'ont pas été totalement réalisés et notamment au regard du permis de construire délivré par la mairie de [Localité 8].

Cette maison présente de très nombreuses pathologies notamment microfissures sur les façades lesquelles se sont très nettement accentuées au cours de l'année 2018, ainsi que de nombreux problèmes sur les menuiseries extérieures et les volets roulants dont l'absence de débrayage manuel ne permet pas à la requérante de pouvoir ouvrir un volet au minimum.

La responsabilité de l'architecte M. [B] est totalement avérée dans ce dossier, lequel a laissé une entreprise travailler sans aucun contrôle et a délégué la maîtrise d'oeuvre à un architecte d'intérieur n'ayant pas les compétences techniques dans le cadre d'un suivi de travaux TCE. »

Il s'agit là des conclusions d'une expertise extrajudiciaire, établie contradictoirement à la seule demande de Mme [H].

Or, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, d'ailleurs rappelée par les parties, « Hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de celles-ci. » (Cass. 3ème civ., 14 mai 2020, n°19-16.278 et 19-16.279)

Mme [H] considère que les conclusions du rapport d'expertise extrajudiciaire sont corroborées par les notes techniques qui ont été établies par l'expert judiciaire, même si celui-ci n'a pas déposé de rapport à défaut du versement de la consignation complémentaire.

Tel n'est cependant pas le cas, l'expert judiciaire dressant certes la liste des désordres dans sa première note mais n'émettant pas d'avis sur les responsabilités dans aucune de ses notes, pas plus que sur le coût de la reprise des désordres et les préjudices, relevant au contraire dans sa note technique n°4, établie le 3 mai 2022 : « Les opérations d'expertise ne sont pas achevées et ma mission n'est pas terminée. Il reste à donner un avis sur le coût des travaux en réparation, débattre des imputations, des responsabilités et préjudices, produire les documents de synthèse et rédiger le rapport d'expertise », et concluant dans sa note technique n°5, établie le 14 novembre 2023 :

« Comme il fallait s'y attendre, en l'absence de prescriptions de maîtrise d'oeuvre, les devis fournis ne correspondent pas aux travaux à réaliser. Les devis ou factures de réparation de la chaudière n'ont pas été versés aux débats.

Les préjudices n'ont pas été abordés par la demanderesse.

Les pièces demandées dans la note technique n°2 n'ont pas été fournies :

- le dossier de consultation d'entreprises (CCTP),

- les documents graphiques de la phase Projet,

- l'ensemble des pièces de vérification des situations (acomptes) et factures d'entreprises. En l'état des opérations, l'Expert ne peut pas répondre à la totalité des chefs de mission :

- avis sur les travaux de réfection et leur coût,

- troubles et préjudices liés aux désordres,

- éléments permettant de déterminer les responsabilités et les dédommagements.»

Or, la demande de provision de Mme [H], fondée sur la responsabilité contractuelle de l'architecte, ne peut prospérer en référé que si la responsabilité de ce dernier (contestée par l'intéressé) peut être retenue avec évidence.

Tel n'est pas le cas faute de conclusions de l'expert judiciaire venant corroborer celles de l'expert extrajudiciaire, étant observé que la mesure d'expertise judiciaire a été sollicitée et obtenue par Mme [H] pour lui permettre de faire la preuve de la responsabilité de l'architecte qu'elle entend engager, et que cette mesure d'instruction in futurum a été interrompue de son fait, Mme [H] n'ayant pas consigné la provision complémentaire mise à sa charge par le juge du contrôle de l'expertise, bien qu'affirmant dans ses conclusions devant la cour avoir obtenu un prêt pour ce faire.

Dans ces conditions, comme exactement jugé en première instance, la demande de provision se heurte à une contestation sérieuse sur la responsabilité de M. [B].

L'action en garantie formée par ce dernier et son assureur à l'encontre de l'assureur de la société Decoplâtre est pareillement sérieusement contestable.

L'ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux frais d'instance et dépens dont il a été fait une juste appréciation.

Perdant en appel, Mme [H] sera condamnée aux dépens de la présente instance et à payer aux intimés une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne Mme [H]-[Z] aux entiers dépens de la présente instance,

La condamne à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à M. [B] et la société MAF la somme de 1.500 euros, à la société AXA France Iard la somme de 1.000 euros,

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/14176
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;23.14176 ?
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