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21/03/2024 | FRANCE | N°23/14112

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 21 mars 2024, 23/14112


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 21 MARS 2024



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14112 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIEKJ



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Juin 2023 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2023031103





APPELANTE



S.A.S. HOME PASSION, RCS de Rodez sous le n°792 358 145,

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représentée par Me Julie MANISSIER, avocat au barreau de PARIS...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 21 MARS 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14112 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIEKJ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Juin 2023 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2023031103

APPELANTE

S.A.S. HOME PASSION, RCS de Rodez sous le n°792 358 145, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Julie MANISSIER, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Matthieu LE BARS

INTIMÉE

S.A.R.L. DOUMIE, RCS de Paris sous le n°522 497 510, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-baptiste DURIEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : A0433, présent à l'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère et Laurent NAJEM, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Michèle CHOPIN, Conseillère

Laurent NAJEM, Conseiller

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société Doumie a notamment pour activité la distribution de linge de lit. La société Home passion est devenue l'un de ses fournisseurs depuis 2013. Le 15 juillet 2019, la société Home passion a changé d'actionnariat et de dirigeants.

La société Home passion s'est tournée vers d'autres distributeurs, tel que Veepee ou Bazarchic faisant suite à la cessation des relations commerciales avec la société Doumie courant de l'année 2020.

Le 22 septembre 2020, la société Home passion a enjoint par courriel à la société Doumie de régler des factures impayées.

Le 18 février 2021, la société Home passion a mis en demeure, par signification d'huissier, la société Doumie de lui régler la somme de 47 213,77 euros.

Le 3 octobre 2022, un conseil de la société Home passion a mis en demeure la société Doumie de régler la somme de 82 254,34 euros au titre de factures impayées.

Par acte du 27 janvier 2023, la société Home passion a assigné la société Doumie devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de, notamment :

- condamner, à titre provisionnel, la société Doumie à lui verser la somme de 4.7213,77 euros au titre des factures impayées ;

- désigner tel expert qu'il plaira au tribunal avec pour mission de :

* convoquer les parties en cause ainsi que leurs avocats par LRAR 15 jours au moins avant chaque accedit, le premier devant avoir lieu impérativement dans les 45 jours suivant l'avis de dépôt de consignation ;

* se faire remettre sans délai par les parties ou par tout tiers détenteur les documents qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ;

* recueillir les déclarations des parties et éventuellement celles de toute personne informée ;

* analyser tout document comptable de celle-ci et de la société Doumie relatif à leurs relations d'affaires ;

* vérifier les mouvements constatés dans les comptes de chacune des sociétés, Doumie et elle-même, relations à leurs relations d'affaires, faire un rapprochement d'écritures et vérifier leur réciprocité ;

* dire si la comptabilité de chacune des sociétés concernant les mouvements liés à leurs relations d'affaires a été tenue conformément aux textes et usages ;

* fixer le montant de l'éventuelle créance due entre les parties ;

(')

Par ordonnance contradictoire du 29 juin 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, a :

dit n'y avoir lieu à référé ni à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

renvoyé l'affaire à l'audience collégiale du 3 octobre 2023, 7ème chambre, à 14 heures pour qu'il soit statué au fond ;

condamné la société Home passion aux entiers dépens dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,93 euros TTC dont 6,79 euros de TVA.

Par déclaration du 5 août 2023, la société Home passion a interjeté appel de cette décision de l'ensemble des chefs du dispositif.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 1er février 2024, la société Home passion demande à la cour, au visa des articles 145, 146, 238, 383, 872, 873 du code de procédure civile et 1240, 1353 du code civil, de :

déclarer recevable son action ;

infirmer l'ordonnance du 29 juin 2023 en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau :

se déclarer compétente pour ordonner une mesure d'expertise judiciaire sur le fondement de l'article 872 du code de procédure civile et subsidiairement sur le fondement de l'article145 du code de procédure civile ;

désigner tel expert qu'il plaira au tribunal avec pour mission de :

(')

* analyser tout document comptable des sociétés Home passion et Doumie relatif à leurs relations d'affaires ;

* vérifier les mouvements constatés dans les comptes de chacune des sociétés Home passion et Doumie relatifs à leurs relations d'affaires, faire un rapprochement d'écritures et vérifier leur réciprocité ;

* dire si la comptabilité de chacune des sociétés Home passion et Doumie concernant les mouvements liés à leurs relations d'affaires a été tenue conformément aux textes et usages ;

* fixer le montant de l'éventuelle créance due entre les parties ;

* analyser la pièce comptable numérotée BRA0437 dans les comptes de la société Doumie d'un montant de 40 515, 50 € avec le libellé " transport CK " et indiquer quelle est la contrepartie de la prestation facturée par la société Doumie ;

(')

débouter la société Doumie de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;

condamner la société Doumie à verser à lui verser la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Doumie aux entiers dépens ;

confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 29 juin 2023 en ce qu'elle a renvoyé l'affaire au fond devant la 7ème chambre par l'application de la passerelle.

Elle soutient que, au visa de l'article 872 du code de procédure civile, une expertise judiciaire peut être ordonnée en référé, en cas d'urgence, à deux conditions alternatives, l'absence de contestation sérieuse ou l'existence d'un différend ; que le premier juge a considéré que la situation relevait de l'urgence. Elle considère qu'une décision de rejet d'une demande d'expertise fondée uniquement sur l'existence d'une contestation sérieuse sans que le juge des référés n'ait recherché si la mesure d'expertise n'était pas justifiée par l'existence d'un différend, encourt la censure.

Elle soutient que l'article 145 du code de procédure civile ne conditionne nullement l'expertise à l'absence de contestation sérieuse contrairement à ce qu'a retenu le premier juge.

Elle fait valoir que la condition d'urgence de l'article 872 est caractérisée par le fait que depuis 2019, elle tente vainement de recouvrer sa créance en multipliant les mises en demeure et les actes d'huissier ; que l'urgence est également démontrée par l'expiration prochaine de délais de prescription ; que le débat démontre l'existence d'un différend.

A titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, elle estime justifier d'un intérêt légitime au regard d'une créance, chaque société se fondant sur ses propres documents comptables ; que la perspective d'un procès futur potentiel est incontestable ; que l'expertise impliquera la comparaison entre les pièces comptables ; qu'elle n'a aucune difficulté à communiquer tous les éléments comptables, ce qui n'est pas le cas de l'intimée.

Elle allègue qu'en matière de mesure d'instruction in futurum, la jurisprudence relative à l'article 145 du code de procédure civile admet largement le recours à cette mesure et considère que ce texte est complètement autonome par rapport à l'article 146 ; que l'action intentée sur le fondement de l'article 145 ne saurait être paralysée par le fait que le demandeur est en situation de carence probatoire ; qu'elle produit de nombreux éléments concordants justifiant la demande d'expertise sollicitée, tels un relevé de la société Doumie portant sur la période du 1er avril 2016 au 26 mars 2020 et un tableau récapitulatif ; qu'elle a produit les factures et les relevés bancaires.

Elle rappelle que les deux sociétés étaient en relation d'affaire depuis des années sans que la société Doumie ne réclame la communication de bons de commande et de livraison ; que la difficulté concerne la période antérieure à 2020 pour laquelle l'incohérence dans la compatibilité justifie l'expertise judiciaire sollicitée ; que l'existence d'une créance est certaine.

Elle fait état d'un doute sérieux sur une déduction sous le libellé " transport CK " et soutient qu'il ne s'agit pas d'un fournisseur.

Elle estime que l'ensemble des chefs de mission est régulier, la fixation du montant d'une créance n'étant que la conséquence des chefs de mission précédents.

Elle sollicite la confirmation de la décision en ce qu'elle a décidé une passerelle au fond, étant relevé qu'elle a demandé un sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 29 janvier 2024, la société Doumie demande à la cour, au visa des articles 145, 146, 238, 872, 873 du code de procédure civile, 1240, 1353 du code civil et L. 110-4 du code de commerce, de :

confirmer l'ordonnance de référé du 29 juin 2923 en toutes ses dispositions ;

dire n'y avoir lieu à référé ;

rejeter la demande de mesure d'expertise formée par la société Home passion ;

rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Home passion ;

condamner la société Home passion au paiement d'une somme de 5 000 euros à son profit au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maitre Duriez en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que l'article 146 du code de procédure civile fait obstacle à toute mesure d'expertise ; que la société Home passion aurait dû fournir les pièces contractuelles démontrant sa prétendue créance mais qu'elle n'est pas en mesure de produire des bons de commande ou justificatifs de livraison ; qu'il n'appartient pas à un comptable ou un expert de pallier cette carence.

Elle précise que la société Transport CK était un prestataire de la société Home passion et qu'il n'est pas étonnant que certaines de ses prestations lui aient été refacturées.

S'agissant des dispositions de l'article 872 du code de procédure civile, elle soutient que la condition d'urgence fait à l'évidence défaut ; que l'appelante a d'ailleurs sollicité un sursis à statuer devant le tribunal de commerce. Elle allègue que le fait que la société Home passion prétende être titulaire d'une créance indue n'est ainsi pas de nature à constituer un « différend » propre à justifier une quelconque mesure, l'expertise ne constituant pas une mesure conservatoire ; qu'en tout état de cause, la mesure d'expertise sollicitée est insusceptible de conduire à la démonstration de l'existence et du montant de la créance alléguée, parfaitement imaginaire.

S'agissant des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, elle relève de nouveau l'absence de bons de commande et justificatifs de livraison et elle fait valoir que les demandes formées pour les années 2016 et 2017 sont prescrites ; que la société Home passion a renoncé à agir pour l'année 2018 ; qu'elle justifie par des comparaisons de signatures de la validité des documents versés à ce titre ; qu'il est manifeste que la société Home passion a procédé à une opération d'affacturage ; que la cession de créances prive le cédant de tout intérêt à agir en recouvrement de créances ; que la subrogation à ce titre ne nécessite aucune notification.

Elle allègue que la comptabilité a été établie a posteriori et se trouve affectée de carences rendant toute perspective d'opération d'expertise inutile. Elle considère que le chef de mission relatif à la fixation d'une créance conduit à une appréciation juridique relevant du seul juge.

Elle fait état d'un comportement de l'appelante qu'elle considère harcelant.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2024.

SUR CE, LA COUR

La cour n'est saisie que de la demande d'expertise, l'ordonnance n'est pas critiquée en ce qu'elle n'a pas accueilli la demande provisionnelle, ni en ce qu'elle a renvoyé l'affaire devant le juge du fond.

Le tribunal de commerce a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de la présente décision.

Sur la demande d'expertise au visa de l'article 872 du code de procédure civile

Selon l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Si le premier juge a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce statuant au fond en visant l'urgence, il convient de relever que s'agissant de la demande d'expertise, cette condition n'est pas remplie.

En effet, il résulte des pièces versées aux débats que la société Home passion réclamait déjà la somme de 47.213,77 euros dans un courrier du 10 février 2021, signifié par voie d'huissier. L'existence de cette créance alléguée fonde sa demande d'expertise. Elle n'a cependant engagé une action en justice pour ce même montant que par assignation délivrée près de deux années plus tard, le 27 janvier 2023. Le fait qu'une partie de sa créance encourt désormais la prescription (période 2016-2017) ne saurait caractériser une urgence mais démontre une inertie.

Un tel délai avant l'introduction de la présente instance est dès lors incompatible avec l'urgence requise par l'article 872 du code de procédure civile.

La demande n'est donc pas fondée à ce premier titre.

Sur la demande d'expertise au visa de l'article 145 du code de procédure civile

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.

Il sera observé que c'est en vain qu'il est fait état par l'intimée de l'application de l'article 146 du code de procédure civile dans ce litige, alors que les dispositions de cet article, selon lequel une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, ne s'appliquent qu'au cours du procès et non lorsque le juge est saisi d'une demande fondée sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile qui permet précisément à une partie de demander, avant tout procès et en vertu du droit à la preuve, une mesure d'instruction in futurum, à condition qu'elle repose sur un motif légitime et soit légalement admissible.

Selon l'article L. 110-4 du code de commerce en son premier alinéa, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

A la délivrance de l'assignation, le 27 janvier 2023, il s'était écoulé plus de cinq années s'agissant des factures émises en 2016 et 2017, comme relevé précédemment, et les demandes à ce titre encourent la prescription, de sorte qu'une mesure d'expertise portant sur cette période ne présente nécessairement aucune utilité dans un procès au fond manifestement voué à l'échec ; il n'est donc pas justifié d'un intérêt légitime pour cette période. La prescription est encourue pour toutes les factures antérieures au 27 janvier 2018.

Comme le relève la société Doumie, le solde impayé allégué au mois de janvier 2018 était de 66.654,52 euros (pièce 3 5/9 de l'appelante), Ce montant est supérieur à celui réclamé devant le premier juge (47.213,77 euros). Il en résulte que, déduction faite des sommes concernées par la prescription, l'existence même d'une créance susceptible de justifier de l'utilité d'une mesure d'instruction, est remise en cause.

Par ailleurs, la société Home passion a adressé le 22 mars 2019 (pièce 1- Doumie) un courrier aux termes duquel elle a fait état d'un avoir "clôturant financièrement et comptabilité [son] activité pour l'année 2018 sur la base d'un chiffre d'affaire de 241.804,86 euros". Un tableau mentionne une remise exceptionnelle sur l'année 2018 de 29.769,33 euros.

Dans la mesure où la clôture de la comptabilité pour l'année 2018 est évoquée, il existe un débat, de fond, pour déterminer si une somme quelconque peut être réclamée pour cette période. Le débat sur l'authenticité et la valeur probante de ce document est également un débat de fond.

Il n'appartient pas à un expert de trancher une question juridique tenant à l'interprétation de la commune intention des parties, la force probante et même la sincérité de leurs pièces, pourtant préalable à l'analyse de la comptabilité.

La question de la déduction de la somme de 40.515,50 euros sous l'intitulé «transport CK», dont la société Home passion conteste aussi la sincérité, n'est pas non plus une question de nature technique mais requiert d'être tranchée par le seul juge du fond, au demeurant déjà saisi.

Il en résulte que la mesure d'expertise ne saurait être utile sans que ces différents points soient préalablement tranchés.

En tout état de cause, la mesure d'expertise sollicitée vise pour l'essentiel à vérifier les mouvements constatés dans les comptes de chacune des sociétés Home passion et Doumie relatifs à leurs relations d'affaires, faire un rapprochement d'écritures, vérifier leur réciprocité et à dire si la comptabilité de chacune des sociétés Home passion et Doumie concernant les mouvements liés à leurs relations d'affaires a été tenue conformément aux textes et usages.

Or, une des pièces comptables produite par la société Home passion consiste en un extrait des grands-livres de comptes clients (sa pièce 4) correspondant à la période du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021 et les écritures qui y figurent sont pour l'essentiel datées du 1er juillet 2020, ce qui ne correspond à l'évidence pas à la date réelle des opérations. Il en résulte qu'il ne s'agit que d'une reconstitution de la comptabilité a posteriori et non des éléments comptables contemporains des factures litigieuses. Par conséquent, aucune comparaison utile ne peut intervenir à partir d'une comptabilité ainsi recomposée dans le cadre d'une expertise. Il appartient au seul juge du fond d'en apprécier le caractère probant et non à l'expert de pallier des lacunes de comptabilité en lieu et place des parties.

Dès lors, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise, les motifs de la cour se substituant à ceux du premier juge.

Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement tranché par le premier juge.

La société Home passion sera condamnée aux dépens mais l'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme la décision déférée ;

Condamne la société Doumie aux dépens d'appel ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/14112
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;23.14112 ?
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