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21/03/2024 | FRANCE | N°23/13899

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 21 mars 2024, 23/13899


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 21 MARS 2024



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/13899 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CID2K



Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 30 Juin 2023 -Président du TJ de BOBIGNY - RG n° 23/00104





APPELANTS



M. [O] [C]

[Adresse 1]

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[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentés par Me Camille JEREMIE, substituée à l'audience par Me Alexandre VIGNOLI, avocats au barreau de PARIS, toque : C1840





INTIMES



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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 21 MARS 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/13899 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CID2K

Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 30 Juin 2023 -Président du TJ de BOBIGNY - RG n° 23/00104

APPELANTS

M. [O] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Mme [M] [N] épouse [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentés par Me Camille JEREMIE, substituée à l'audience par Me Alexandre VIGNOLI, avocats au barreau de PARIS, toque : C1840

INTIMES

Mme [T] [D] épouse [I]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

M. [W] [B] [G] [I]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentés par Me Alice VINCENTI, avocat au barreau de PARIS, présente à l'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Février 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, conformément aux articles 804, 805 et du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Michèle CHOPIN, Conseillère

Laurent NAJEM, Conseiller

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

********

EXPOSE DU LITIGE

M. et Mme [I] sont propriétaires depuis décembre 2019 d'un appartement situé [Adresse 2].

Par acte notarié en date du 30 décembre 2021, régularisé en l'étude de Maître [V], ils ont signé une promesse unilatérale de vente de cet appartement avec M. et Mme [C], moyennant le prix de 220.000 euros.

Cet acte contient deux conditions suspensives stipulées au profit des acquéreurs :

- l'obtention d'un prêt d'un montant global de 243.000 euros, d'une durée maximale de remboursement de 25 ans avec un taux d'intérêt maximal hors frais de dossier, d'assurance et de garanties d'1,70% ;

- l'obtention préalable d'une autorisation de changement d'affectation de ce local à usage d'habitation en local professionnel pour l'exercice d'une activité médicale, Mme [C] souhaitant y installer son cabinet d'infirmière.

Les acquéreurs ont renoncé à la seconde condition suspensive. Seule la première fait débat entre les parties.

Un avenant à la promesse a été signé le 6 avril 2022, prorogeant la date de réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un prêt du 4 mars 2022 au 20 avril 2022, et prorogeant la date de réalisation de la vente du 30 mars 2022 au 10 mai 2022.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 26 novembre 2022, M. et Mme [I] ont mis en demeure M. et Mme [C] de justifier de l'obtention du prêt dans un délai maximum d'une semaine, les informant qu'à défaut la promesse serait caduque. Deux autres mises en demeure leur ont été adressées les 24 octobre et 18 novembre 2022.

Par acte du 26 décembre 2022, M. et Mme [I] ont assigné M. et Mme [C] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de les voir condamner à leur verser la somme de 22.000 euros correspondant à l'indemnité d'immobilisation prévue par la promesse de vente et la somme de 2.000 euros en réparation de leur préjudice moral.

M. et Mme [C] ont conclu au débouté, arguant de contestations sérieuses, et sollicité à titre reconventionnel le remboursement de la somme de 1.650 euros versée à tort.

Par ordonnance du 30 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a condamné solidairement M. et Mme [C] à régler à M. et Mme [I], à titre provisionnel, la somme de 21.150 euros, outre 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 2 août 2023, M. [C] et son épouse Mme [N] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 30 janvier 2024, ils demandent à la cour, au visa des articles 414-1, 1129 du code civil, et L. 313-41 du code de la consommation, de :

infirmer l'ordonnance rendue le 30 juin 2023 ;

Statuant à nouveau :

constater l'existence de contestations sérieuses liées à l'absence de faute des défendeurs (à titre principal) et au défaut de consentement (à titre subsidiaire) ;

dire n'y avoir lieu à référé et débouter Mme [D] et M. [I] de l'intégralité de leurs demandes ;

condamner Mme [D] et M. [I] à verser à Mme [C]-[N] la somme provisionnelle de 1.650 euros en remboursement des sommes versées à tort par cette dernière ;

condamner Mme [D] et M. [I] à payer à M. [C] et Mme [N] une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Mme [D] et M. [I] aux entiers dépens.

En substance, ils exposent :

- que la condition suspensive prévue à la promesse est défaillie sans leur faute dès lors qu'ils ont déposé une demande de prêt dans le délai prévu à l'acte qui ne prévoyait pas le dépôt de plusieurs demandes, et que si les caractéristiques du prêt sollicité différaient de celles prévues à l'acte, cela ne peut leur être reproché puisqu'en tout état de cause le financement prévu à l'acte excédait leurs capacités financières, raison pour laquelle la banque leur a refusé ce prêt ;

- que la clause de l'acte selon laquelle les acquéreurs ont déclaré que rien dans leur situation juridique et dans leur capacité bancaire ne s'oppose aux demandes de prêts qu'ils se proposent de solliciter, leur a été opposée à tort par le premier juge, alors que selon la jurisprudence il ne peut être reproché à un acquéreur d'avoir commis une erreur sur ses capacités financières, la non- obtention du prêt tel que décrit à l'acte ou la justification de l'impossibilité de l'obtention d'un prêt suffisant à exonérer l'acquéreur ;

- que pour preuve de leur bonne foi, il doit être rappelé qu'ils ont vendu leur appartement de [Localité 4] afin de diminuer leur taux d'endettement puis ont déposé une nouvelle demande de prêt, qui leur a été aussi refusé ;

- que Mme [N] souffrait à l'époque où elle a conclu la promesse et l'avenant de troubles bien connus pour altérer le discernement (dépression grave et résistante aux traitement anti-dépresseurs, addiction à l'alcool et aux médicaments opioïdes), qu'elle a fait des séjours en hôpital psychiatrique à plusieurs reprises et en particulier quelques jours après la signature de l'avenant à la promesse, et elle a été arrêtée durant de longs mois, en sorte qu'elle n'avait pas la capacité de signer la promesse et son avenant ;

- que c'est à tort que le juge des référés a alloué 800 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral aux vendeurs, alors que l'indemnité d'immobilisation est fixée à titre forfaitaire et définitif ;

- que compte tenu des refus de prêts communiqués et de l'état psychologique de Mme [N], celle-ci n'avait manifestement pas la capacité de verser la somme de 1.650 euros aux vendeurs, qui doit leur être remboursée.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 12 février 2024, M. et Mme [I] demandent à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile, 1124, 1304-3, 1240, 1217, 414-1, 1129 et 414-3 du code civil, de :

A titre principal :

confirmer l'ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 30 juin 2023 en toutes ses dispositions et notamment ce qu'elle a :

- condamné solidairement les époux [C] à régler à aux époux [I], à titre provisionnel, la somme de 21.150 euros ;

- condamné solidairement les époux [C] à payer aux époux [I] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les époux [C] aux dépens ;

Et statuant à nouveau :

juger qu'il n'existe aucune contestation sérieuse tenant à la capacité financière des époux [C] d'obtenir un prêt conforme aux caractéristiques de la promesse ;

juger qu'il n'existe aucune contestation sérieuse quant à la validité de la promesse ;

juger que la condition suspensive d'obtention d'un prêt stipulée dans la promesse de vente consentie aux époux [C] le 30 décembre 2021 a défailli par l'inertie fautive des époux [C], qu'elle est donc réputée accomplie et que l'indemnité d'immobilisation est acquise aux époux [I] ;

condamner solidairement les époux [C] à verser aux époux [I] la somme de

20.350 euros à titre de provision à raison de l'indemnité d'immobilisation du bien de 22.000 euros, déduction faite de la somme de 1.650 spontanément versée ;

A titre subsidiaire :

juger qu'il n'existe aucune contestation sérieuse tenant à la capacité financière des époux [C] d'obtenir un prêt conforme aux caractéristiques de la promesse ;

juger que l'insanité d'esprit est une exception purement personnelle à Mme [C] ;

juger que la condition suspensive d'obtention d'un prêt a défailli par l'inertie fautive de M. [C] et qu'elle est donc réputée accomplie ;

juger que l'indemnité d'immobilisation est acquise aux promettants, les époux [I] ;

En conséquence :

condamner individuellement M. [C] à verser aux époux [I] à titre provisionnel la somme de 20.350 euros à raison de cette indemnité d'immobilisation de 22.000 euros déduction faite de la somme de 1.650 spontanément versée ;

A titre infiniment subsidiaire :

condamner solidairement les époux [C] à verser aux époux [I] à titre provisionnel la somme de 21.150 euros en réparation de leur préjudice financier conformément à l'article 414-3 du code civil ;

En tout état de cause :

débouter les époux [C] de toutes leurs demandes ;

confirmer l'ordonnance de référé du 30 juin 2023 en ce qu'elle a condamné solidairement les époux [C] à verser à 800 euros aux époux [I] à titre de provision sur préjudice moral ;

confirmer l'ordonnance de référé du 30 juin 2023 en ce qu'elle a condamné solidairement aux époux [C] aux entiers dépens de première instance et à verser 1.500 euros aux époux [I] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner solidairement les époux [C] aux entiers dépens d'appel et à verser aux époux [I] la somme de 2.000 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile et exposés en cause d'appel.

Ils font essentiellement valoir :

- que la condition suspensive est défaillie par la faute des acquéreurs qui n'ont déposé dans le délai qu'une seule demande de prêt aux caractéristiques non-conformes à celles prévues à la promesse ;

- que la preuve n'est pas faite par les acquéreurs de l'insuffisance de leur capacité financière, les époux [C] se contentant de produire des documents établis pour les besoins de la cause par leur courtier qui est le frère de Mme [C], et le refus du prêt sollicité auprès de la Caisse d'épargne n'est pas motivé ;

- qu'en outre les acquéreurs avaient déclaré à l'acte que rien dans leur situation ne s'opposait à l'achat, sans jamais évoquer leur appartement de [Localité 4] ; ils avaient transmis à l'agent immobilier une simulation bancaire démontrant qu'ils disposaient de la capacité financière requise; en tout état de cause, ayant vendu cet appartement au prix de 235.000 euros avant la date limite prévue à l'avenant, ils disposaient manifestement de liquidités ;

- qu'ainsi, en près de neuf mois les époux [C] sont sollicité seulement deux banques, la première en janvier 2022 et la seconde bien après l'expiration du délai prorogé à leur demande, dans les deux cas pour des prêts non conformes aux caractéristiques prévues dans la promesse ;

- qu'au vu des éléments produits par les époux [C], rien n'établit une altération grave du discernement de Mme [C] le 30 décembre 2021, jour de la signature de l'acte et le 6 avril 2022, jour de la signature de l'avenant, que Mme [C] a elle-même sollicité par email ;

- qu'a contrario, les éléments versés démontrent un consentement lucide et éclairé : Mme [C] ne fait pas l'objet d'une mesure de protection, elle a visité l'appartement à deux reprises avant de faire l'offre, elle avait mûrement réfléchi l'achat comme en atteste l'agent immobilier, elle a bénéficié de l'assistance d'un architecte et de son frère, les époux ont manifesté leur consentement à quatre reprises (signature de la proposition d'achat, signature de la promesse, demande d'avenant, signature de cet avenant), la promesse a été régularisée devant notaire, en la présence d'un témoin, l'agent immobilier Mme [R] , les acquéreurs ont bénéficié du délai de rétractation de dix jours, ils ont vendu en mars 2022 un appartement d'investissement locatif;

- que la nullité pour insanité d'esprit est relative et ne peut être invoquée par M. [C] ;

- que les vendeurs se sont se sont trouvés dans une situation financière difficile par la faute des acquéreurs, ayant dû payer le loyer de leur nouveau domicile à compter du 4 août 2022, en sus des charges afférentes au bien objet de la promesse ;

- que le versement de 1.650 euros effectué par les époux [C] (correspondant à deux mois de prise en charge du loyer du nouveau logement des époux [I]), est causé par leur manquement à leurs obligations contractuelles.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE, LA COUR

En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Selon l'article 1304-3 du code civil, « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.»

En l'espèce, la promesse de vente signée par les parties le 30 décembre 2021 prévoit au bénéfice des acquéreurs une condition suspensive d'obtention d'un ou plusieurs prêts répondant aux caractéristiques suivantes :

- un montant global maximum du ou des prêts envisagés de 243.000 euros,

- une durée maximale de remboursement de 25 ans,

- un taux d'intérêt maximal hors frais de dossier, d'assurance et de garanties de 1,70%.

Le bénéficiaire s'est obligé à effectuer toutes démarches nécessaires à l'obtention de son financement dans les meilleurs délais et notamment à déposer le dossier d'emprunt au plus tard le 31 janvier 2022. Il a déclaré sous son entière responsabilité que rien dans sa situation juridique et dans sa capacité bancaire ne s'oppose aux demandes de prêts qu'il se propose de solliciter, et que le montant de ses emprunts ainsi que de ses ressources mensuelles lui permettent d'obtenir le financement qu'il entend solliciter.

Il est précisé que l'obtention du ou des prêts devra, pour réaliser la condition suspensive, intervenir au plus tard le 4 mars 2022, délai qui a été prorogé au 20 avril 2022 suivant l'avenant signé par les parties le 6 avril 2022.

Il est prévu que le bénéficiaire ne sera redevable d'aucune indemnité s'il justifie que le ou les prêts lui ont été refusés dès lors qu'il a respecté les conditions convenues et que toute somme versée par lui au titre de l'indemnité d'immobilisation devra lui être restituée après justification au notaire rédacteur du refus de financement. Dans le cas contraire, il sera redevable d'une indemnité d'immobilisation de 22.000 euros, somme qui , dans l'hypothèse où la vente ne serait pas réalisée, restera acquise au promettant à titre de prix forfaitaire de l'indisponibilité du bien objet de la promesse.

Les acquéreurs, M. et Me [C], ont bien fait une demande de financement dans le délai imparti, et justifié du refus qui leur a été opposé le 20 janvier 2022 par la Caisse d'épargne à leur demande d'un prêt de 170.000 euros au taux de 1,40 % sur 240 mois.

Toutefois, comme l'a relevé le premier juge, cette demande de financement ne présente pas les caractéristiques prévues à la promesse, en ce sens qu'il était possible aux acquéreurs de solliciter un emprunt plus long de 25 ans à un taux plus élevé de 1,70 %, conditions a priori plus favorables à l'obtention du financement.

S'il est vrai que la Cour de cassation juge que l'acquéreur peut échapper à l'application des dispositions de l'article 1304-3 du code civil lorsqu'il démontre que, s'il avait présenté une demande conforme aux caractéristiques stipulées dans la promesse de vente, cette demande aurait aussi été rejetée, M. et Mme [C] ne font pas suffisamment cette preuve sur la foi d'une simple attestation de leur courtier, sujette à caution s'agissant du frère de Mme [C] ayant intérêt à témoigner en faveur de celle-ci, selon lequel la demande de prêt a été refusée par la Caisse d'épargne compte tenu du taux d'endettement trop élevé des emprunteurs. Seule une attestation de la banque émettrice du refus permettrait de confirmer ce motif avec objectivité, non produite en l'espèce.

Par ailleurs, il résulte de la correspondance électronique échangée entre l'agent immobilier, Mme [R], et M. et Mme [C], qu'une information importante n'a été fournie par ces derniers que le 23 mars 2022, date à laquelle Mme [C] a écrit à Mme [R] que « l'achat du bien de [Localité 5] est conditionné à la vente d'une résidence locative que je détiens à [Localité 4] (...) ».

Le notaire s'est étonné de cette information par un mail du 23 mars 2022, dans lequel il écrit à Mme [R] : « L'acquisition de M et Mme [C] n'a pas été conditionnée à la vente d'une résidence locative à [Localité 4]. »

Mme [R] indique en outre dans un mail du 25 mars 2022 que Mme [C] lui a expliqué qu'elle avait vendu son appartement de [Localité 4] juste avant de signer la promesse avec M. et Mme [I], avec paiement comptant, mais que son acheteur s'étant rétracté il a fallu retrouver une autre acquéreur, qu'elle n'a rien dit au moment de la promesse car elle était confiante avec le paiement comptant et ensuite, quand la vente a cassé, elle n'a pas prévenu Mme [R] et a préféré ne rien dire le temps de trouver un nouvel acquéreur.

Il en résulte un manquement manifeste des acquéreurs à leur obligation contractuelle de déclarer sous leur entière responsabilité que rien dans leur situation juridique et dans leur capacité bancaire ne s'oppose aux demandes de prêts qu'ils se proposent de solliciter.

La vente de cet appartement de [Localité 4] est intervenue le 13 avril 2022. M. et Mme [C] se sont néanmoins vu opposer un autre refus de prêt par la Société Générale, notifié le 13 septembre 2022 après un accord de principe donné par cette banque en juin 2022, l'établissement bancaire indiquant que la demande de crédit refusée portait sur un montant de 220.000 euros sur 20 ans au taux de 2,10 %, ne précisant pas le motif de son refus.

Outre qu'il n'est pas expliqué par M. et Mme [C] la raison pour laquelle la vente de leur appartement de [Localité 4], au prix de 235.000 euros, n'a pas permis de réaliser la vente du bien de [Localité 5] avec les époux [I], au prix de 220.000 euros, il n'est pas non plus attesté par la Société Générale que si la demande de financement avait été faite sur une durée de 25 ans au lieu de 20 ans, ce que permettait la promesse, elle aurait été tout autant rejetée.

Pour le motif précédemment exposé, l'attestation du frère de Mme [C] en tant que courtier ne suffit pas à établir que ce second refus de financement résulte bien comme il l'affirme d'une mauvaise tenue des comptes de Mme [C].

Il apparaît ainsi non sérieusement contestable que la condition suspensive a défailli par la faute des acquéreurs, lesquels sont dès lors tenus au paiement de l'indemnité d'immobilisation de 22.000 euros, dont à déduire le versement de 1.650 euros qu'ils ont effectué entre les mains des époux [I] pour les dédommager des conséquences du retard dans la réalisation de la condition suspensive.

Il n'est pas sérieusement soutenu par les appelants que Mme [C] était insane d'esprit au moment de la signature de la promesse de vente du 30 décembre 2021 et de son avenant du 6 avril 2022, alors que :

- selon l'article 414-1 du code civil, c'est à ceux qui agissent en nullité pour cause d'insanité d'esprit de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte,

- qu'au vu des bulletins d'hospitalisation produits, Mme [C] n'a été hospitalisée qu'à partir du 15 avril 2022, soit après la signature de la promesse et de l'avenant,

- que ces bulletins ne mentionnent pas le motif de l'hospitalisation,

- que les arrêts de travail fournis portent aussi sur une période postérieure au 7 avril 2022, et ont été délivrés pour un Covid long et un épisode dépressif,

- que le compte rendu d'hospitalisation psychiatrique, établi le 9 février 2023, n'évoque pas d'altération des facultés mentales de Mme [C] en conséquence des troubles dont elle souffre,

- que l'intéressée n'est l'objet d'aucune mesure de protection,

- que l'agent immobilier atteste que Mme [C] lui est apparue tout à fait claire dans ses intentions d'achat lors de la visite du bien et que lors de la contre-visite, elle était accompagnée d'un architecte et de son frère,

- que le promesse a été conclue devant notaire, lequel ne peut instrumenter l'acte sans s'être assuré des facultés mentales des acquéreurs,

- que le mail adressé le 23 mars 2022 par Mme [C] à l'agent immobilier traduit en des termes très clairs sa volonté d'obtenir la prorogation de la promesse pour satisfaire aux exigences posées par sa banque.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné solidairement M. et Mme [C] à payer M. et Mme [I] la somme provisionnelle de 20.350 euros, de même qu'en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles, justement appréciés.

Elle sera en revanche infirmée en ce qu'elle a alloué à M. et Mme [I] une provision de 800 euros en réparation de leur préjudice moral, les appelants opposant contestation sérieuse à cette demande en ce qu'elle contrevient au caractère forfaitaire et définitif de l'indemnité d'immobilisation, rappelé au contrat.

Le premier juge ayant globalisé le montant de la provision allouée (21.150 euros = 20.350 + 800), sa décision sera infirmée sur le montant total de 21.150 euros.

Perdant en appel, M. et Mme [C] seront condamnés aux entiers dépens de cette instance et à payer à M. et Mme [I] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a alloué une provision de 800 euros à M. et Mme [I] en réparation de leur préjudice moral,

Statuant à nouveau de ce chef,

Déboute M. et Mme [I] de leur demande de provision au titre de l'indemnisation de leur préjudice moral,

Condamne en conséquence M. et Mme [C], solidairement, à régler à M. et Mme [I] la somme de 20.350 euros à titre de provision,

Y ajoutant,

Condamne M. et Mme [C] aux dépens,

Les déboute de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne à payer à ce titre à M. et Mme [I] la somme de 2.000 euros.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/13899
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;23.13899 ?
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