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21/03/2024 | FRANCE | N°23/10751

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 21 mars 2024, 23/10751


Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 21 MARS 2024



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10751 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHZZ6



Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 23 Mai 2023 -Président du TJ de CRETEIL - RG n° 22/01008





APPELANTE



S.E.L.A.R.L. PHARMACIE [P], RCS de Créteil

n°879 828 242, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Antoine ATTIAS, avocat au barreau de PARI...

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 21 MARS 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10751 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHZZ6

Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 23 Mai 2023 -Président du TJ de CRETEIL - RG n° 22/01008

APPELANTE

S.E.L.A.R.L. PHARMACIE [P], RCS de Créteil n°879 828 242, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Antoine ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2306, présent à l'audience

INTIMEE

Mme [X] [I] épouse [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Représentée à l'audience par Me Sabine ABBOU, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Février 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Michèle CHOPIN, Conseillère

Laurent NAJEM, Conseiller

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

********

EXPOSE DU LITIGE

Par acte en date du 11 mai 1993, Mme [I] a donné à bail commercial à Mme [G], cédé finalement à la Selarl Pharmacie [P] par acte du 18 octobre 2019, des locaux situés [Adresse 1]) comprenant une boutique et un appartement, pour un loyer annuel de 114. 000 francs hors charges et hors taxes payable trimestriellement à terme échu.

Le 23 février 2022, Mme [I] a fait délivrer à la société Pharmacie [P] un commandement de payer la somme de 15.167,52 euros au titre du loyer et des charges du quatrième trimestre de l'année 2021, visant la clause résolutoire prévue au bail.

Par acte du 9 juin 2022, Mme [I] a assigné la société Pharmacie [P] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil, aux fins de voir :

constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail, à la date du 24 mars 2022 ;

ordonner l'expulsion de la Pharmacie [P] et celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si besoin ;

condamner la Pharmacie [P] à lui payer la somme provisionnelle de 21.170,13 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté à la date de résiliation du bail, majoré de l'intérêt au taux contractuel de 10% à compter de la décision ;

condamner la Pharmacie [P] au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle égale au montant du dernier loyer en vigueur, soit la somme de 14.052,76 euros par trimestres augmentée des charges, à compter de la date de résiliation du bail et jusqu'à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clés ou l'expulsion du défendeur ;

donner acte au propriétaire de la mise en oeuvre de l'article L. 143-2 du code de commerce.

La défenderesse a conclu à l'annulation du commandement de payer, au débouté de Mme [I] de l'ensemble de ses demandes, à l'octroi de délais de paiement et à la suspension des effets de la clause résolutoire.

Par ordonnance du 23 mai 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :

condamné par provision la Pharmacie [P] à payer à Mme [I] la somme de 15.167,52 euros, au titre du loyer du 4ème trimestre 2021, de la régularisation de charges, de la provision assurance PNO 2021, de la régularisation assurance PNO 2019 et des taxes sur les ordures ménagères 2021 avec intérêts au taux légal à compter du 23 février 2022 ;

autorisé la Pharmacie [P] à se libérer de cette somme en 2 mensualités consécutives de 7.583,76 euros chacune, outre une 3ème mensualité équivalant au solde des intérêts dus, payables le 5 de chaque mois, en plus du loyer courant et pour la première fois le 5 du mois suivant la signification de la présente décision ;

constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 24 mars 2022 ;

ordonné la suspension rétroactive des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais ;

dit que les loyers et charges courants devront être payés dans les conditions fixées par le bail commercial ;

dit que faute pour la Pharmacie [P] de payer à bonne date, en sus du loyer, charges et accessoires courants, une seule des mensualités, et huit jours après l'envoi d'une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception,

° le tout deviendra immédiatement exigible,

° la clause résolutoire sera acquise,

° il sera procédé à l'expulsion immédiate de la Pharmacie [P] et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance si nécessaire de la force publique des lieux loués, à savoir [Adresse 1],

° en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point ;

° une indemnité provisionnelle égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges sera mise à sa charge, en cas de maintien dans les lieux, jusqu'à libération effective des lieux par remise des clés ;

condamné la Pharmacie [P] aux entiers dépens ;

condamné la Pharmacie [P] à payer à Mme [I] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 19 juin 2023, la société Pharmacie [P] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 19 septembre 2023, elle demande à la cour, au visa des articles 1103 du code civil et 145-41 du code de commerce, de :

infirmer la décision entreprise ;

Statuant à nouveau :

annuler le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 23 février 2022 par Mme [I] ;

dire que le commandement de payer ne saurait produire le moindre effet ;

dire n'y avoir lieu à référé ;

débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes ;

En toute hypothèse :

suspendre les effets de la clause résolutoire insérée au bail ;

constater qu'en toute hypothèse, les causes du commandement ont été réglées à la date de l'arrêt ;

condamner Mme [I] à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

la condamner à payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En substance, la société Pharmacie [P] se prévaut du règlement de l'échéance litigieuse par virement bancaire effectué le 24 décembre 2023, sur le compte qui était mentionné par la bailleresse sur la demande de règlement qu'elle lui avait adressée, et de la mauvaise foi de cette dernière qui cherche à résilier le bail faute d'être parvenue à obtenir judiciairement le déplafonnement du loyer.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 02 f&vrier 2024, Mme [I] demande à la cour, au visa des articles 1343, 1343-2, 1353 et 1728 du code civil, de :

débouter la Pharmacie [P] de l'ensemble de ses demandes, prétentions, fins et conclusions ;

confirmer en tous points l'ordonnance de référé rendue le 23 mai 2023 ;

condamner Pharmacie [P] à lui régler la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Pharmacie [P] aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Maître Bellichach conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

En substance, elle soutient avoir délivré le commandement de payer de bonne foi faute de règlement par sa locataire de l'échéance du 4ème trimestre 2021, contestant l'authenticité des documents fournis par cette dernière pour attester du virement du montant de ce loyer, indiquant qu'elle n'a jamais utilisé d'autre compte que celui qu'elle détient au Crédit du Nord, et qui figure sur les appels de fonds pour domicilier la réception des loyers, et que le compte sur lequel sa locataire prétend avoir viré le loyer est un compte fictif et clos comme l'a établi l'enquête qu'elle a fait diligenter.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE, LA COUR

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'expulsion d'un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d'une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés du tribunal judiciaire en application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu'à tout le moins l'obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.

Il sera rappelé à cet égard :

- qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré pour une somme supérieure à la dette véritable reste valable pour la partie des sommes réclamées effectivement due ;

- qu'il n'appartient pas à la cour, statuant comme juge des référés, de prononcer la nullité d'un commandement de payer, sachant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat des référés de prononcer une telle nullité ; que le juge des référés ne peut que déterminer si les éventuelles irrégularités, invoquées à l'encontre du commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l'empêchant de constater la résolution du bail.

Il doit aussi être rappelé que la mise en oeuvre des dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce n'échappe pas à la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi, énoncée par l'article 1104 du code civil, de sorte que la clause résolutoire doit être invoquée de bonne foi par le bailleur.

En outre, aux termes des dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, allouer une provision au créancier.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En l'espèce, il est constant que le commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 23 février 2022 pour paiement d'un seul terme de loyer et charges, celui du quatrième trimestre 2021, pour un montant total de 15.167,52 euros.

L'appelante et locataire produit en pièces 19 la demande de règlement de ce terme de loyer, en date du 2 décembre 2021, sur lequel figure les références du compte bancaire sur lequel il convient de faire le règlement, Mme [I]-[M] étant mentionnée comme étant la titulaire de ce compte au Centre financier de [Localité 5].

La locataire justifie avoir procédé à un virement depuis son compte au Crédit Lyonnais vers ce compte bancaire au Centre financier de [Localité 5], comme en atteste l'ordre de virement de sa banque (pièce 22) et son relevé de compte courant au Crédit Lyonnais, qui porte mention du débit de la somme de 15.167,52 euros à la date du 24 décembre 2021.

La locataire établit aussi avoir écrit à sa bailleresse le 10 février 2022, en réponse à une mise en demeure, que le loyer réclamé avait été payé, lui en adressant le justificatif.

Par lettre en réponse du 22 février 2022, Mme [I] a contesté ce paiement, reprochant notamment à sa locataire de « chercher à travestir le défaut de paiement à date des loyers en inventant de toute pièce un prétendu virement au crédit d'un compte fictif avec un bénéficiaire fictif. »

Mme [I] produit une demande de règlement du loyer en cause, établi à la même date que celui se trouvant en la possession de sa locataire, mais dont les références bancaires sont différentes (celles de son compte au Crédit du Nord), outre l'attestation de cette banque du non- encaissement du loyer litigieux et un rapport d'enquête privée établi le 22 mars 2022, duquel il ressort que le compte sur lequel la locataire a viré le loyer litigieux est un compte ouvert à la Banque postale dont le bénéficiaire n'est pas Mme [I], et qui est clos.

Il n'est cependant pas établi que la demande de règlement versée au dossier de Mme [I], portant les références de son compte bancaire au Crédit du Nord, est bien celui qu'elle a adressé à sa locataire le 2 décembre 2021, plutôt que celui établi à la même date dont la société Pharmacie [P] est en possession et qui porte mention d'un autre compte.

Les raisons pour lesquelles Mme [P] aurait établi de faux documents pour simuler le paiement du loyer litigieux à sa bailleresse, au risque de perdre son bail et alors qu'elle est à jour de tous ses autres loyers et charges, ne sont pas expliquées par Mme [I], laquelle avait pour sa part intérêt, comme le soutient Mme [P], à se prévaloir du non-paiement d'un terme de loyer par sa locataire pour obtenir la résiliation du bail commercial, n'étant pas parvenue à faire déplafonner le loyer comme en attestent les décisions de justice produites aux débats par l'appelante.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments une contestation sérieuse tant sur le paiement du loyer litigieux par la locataire que sur la bonne foi de la bailleresse dans la délivrance du commandement de payer.

En conséquence, il sera donc dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes de Mme [I], l'ordonnance entreprise étant infirmée en toutes ses dispositions.

Partie perdante, Mme [I] sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Pharmacie [P] la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles exposés pour les deux instances.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes de Mme [I] épouse [M],

Condamne Mme [I] épouse [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

La condamne à payer à la société Pharmacie [P] la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/10751
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;23.10751 ?
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