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21/03/2024 | FRANCE | N°22/20480

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 21 mars 2024, 22/20480


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 21 MARS 2024

(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20480 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZXQ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Août 2022 par le Tribunal Judiciaire de CRÉTEIL - RG n° 22/00045





APPELANTE

S.A.R.L. LE PAIN ROYAL

Centre Commercial du Grand Ensemble

[Adresse 22]

[Localité 15]

représentÃ

©e par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, substitué à l'audience par Me Léa HADAD TAIEB, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 21 MARS 2024

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20480 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZXQ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Août 2022 par le Tribunal Judiciaire de CRÉTEIL - RG n° 22/00045

APPELANTE

S.A.R.L. LE PAIN ROYAL

Centre Commercial du Grand Ensemble

[Adresse 22]

[Localité 15]

représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, substitué à l'audience par Me Léa HADAD TAIEB, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 87

INTIMÉES

SOCIÉTÉ AVENIR DÉVELOPPEMENT - GPSEA AMÉNAGEMENT

Société publique locale d'aménagement, anciennement dénommée

SPLA GRAND PARIS SUD EST AVENIR DÉVELOPPEMENT

[Adresse 3]

[Localité 14]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 substitué à l'audience par Me Christine CASTERA, avocat au barreau de PARIS

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL

DE MARNE - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 1]

[Localité 14]

représentée par Mr [F] [R], en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Marie MONGIN, Conseillère

Madame Nathalie BRET, Conseillère

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Par délibération du 29 mars 2017, l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir Développement a créé la ZAC du centre commercial du Grand Ensemble. L'aménagement de la ZAC a été confié à la société publique locale d'aménagement Grand Paris Sud Est Avenir Développement (ci-après « SPLA GPSEAD »), en vertu d'un traité de concession du 09 novembre 2018. En 2022, la SPLA GPSEAD est devenue la société publique locale d'aménagement AVENIR DEVELOPPEMENT - GPSEA Aménagement (ci-après « SPLA AD - GPSEAA ») (Pièce 24I).

Une enquête publique et parcellaire a été menée du 12 octobre 2020 au 13 novembre 2020.

Par arrêté préfectoral du 15 février 2021, la [Adresse 24] a été déclarée d'utilité publique.

Un arrêté de cessibilité des biens a été pris le 15 avril 2021.

L'ordonnance d'expropriation, emportant transfert de propriété au profit de la SPLA GPSEAD, a été rendue le 08 juillet 2021.

Le centre commercial du Grand Ensemble est érigé sur la parcelle cadastrée section AD n°[Cadastre 12] d'une superficie totale de 6.010 m². Il s'agit d'une copropriété à usage commercial située au milieu d'une zone importante de logements.

Est notamment concernée par l'opération la SARL LE PAIN ROYAL, en tant que locataire du lot 9 à usage commercial situé au sein du centre commercial du Grand Ensemble à [Localité 15].

Faute d'accord sur l'indemnisation, la SPLA GPSEAD a saisi la juridiction de l'expropriation du Val-de-Marne par mémoire expédié le 17 février 2022 aux fins de fixation de l'indemnité d'éviction.

Par un jugement du 25 août 2022, après transport sur les lieux le 05 avril 2022, le juge de l'expropriation de [Localité 14] a :

Annexé à la décision le procès-verbal de transport du 05 avril 2022,

Fixé l'indemnité totale d'éviction due par la SPLA GPSEAD à la SARL Le Pain Royal au titre de l'opération d'expropriation des locaux commerciaux et d'activité situés du centre commercial Grand Ensemble à [Localité 15], à la somme de 207.466 euros ;

Précisé que cette indemnité totale d'éviction se décompose de la manière suivante :

Indemnité principale : 175.000 euros,

Indemnité de remploi : 16.350 euros,

Indemnité pour trouble commercial : 13.616 euros,

Frais divers : 2.500 euros ;

Sursis à statuer sur les frais de licenciement et sur les frais de déménagement ;

Constaté l'engagement de la SPLA GPSEAD de rembourser les frais de déménagement de la SARL Le Pain Royal sur présentation de facture acquittée ;

Condamné la SPLA GPSEAD à payer à la SARL Le Pain Royal la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SPLA GPSEAD aux dépens ;

Rejeté toutes les autres demandes des parties.

La SARL Le Pain Royal a interjeté appel du jugement le 28 septembre 2022 sur le montant de l'indemnité totale d'éviction.

Elle critique l'assiette de calcul de l'indemnité et le taux d'indemnisation retenu.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/ déposées au greffe par la SARL Le Pain Royal, le 21 décembre 2022, notifiées le 21 décembre 2022 (AR intimé le 22 décembre 2022 et AR CG non reçu), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Recevoir la SARL Le Pain Royal en son appel et la déclarer bien fondée ;

En conséquence,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité principale à la somme de 175.000 euros ;

Et statuant à nouveau, compte tenu des éléments versés aux débats et de la jurisprudence applicable,

Fixer le montant de l'indemnité principale à la somme de :

221756 euros X 130%=288.283 euros ;

Fixer le montant de l'indemnité de réemploi à la somme de 27.678,30 euros ;

Confirmer pour le surplus le jugement entrepris en ce qu'il a fixé :

L'indemnité pour trouble commercial à 6.557 euros,

La perte sur salaire et charges à 7.059 euros,

Pour les frais de licenciement, sursis à statuer,

Les frais divers à 2.500 euros,

Le coût du déménagement selon facture qui sera présentée ;

En tout état de cause,

Condamner la SPLA GPSEAD à régler à la SARL Le Pain Royal, une somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamner aux dépens.

2/ déposées au greffe par la SARL Le Pain Royal, le 04 juillet 2023, notifiées le 13 juillet 2023 (AR intimé le 14 juillet 2023 et AR CG non reçu), aux termes desquelles, il est demandé à la cour de :

Recevoir la SARL Le Pain Royal en son appel et la déclarer bien fondée ;

En conséquence,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité principale à la somme de 175.000 euros ;

Et statuant à nouveau, compte tenu des éléments versés aux débats et de la jurisprudence applicable,

Fixer le montant de l'indemnité principale à la somme de 288.283 euros ;

Fixer le montant de l'indemnité de réemploi à la somme de 27.678,30 euros ;

Confirmer pour le surplus le jugement entrepris en ce qu'il a fixé :

L'indemnité pour trouble commercial à 6.557 euros,

La perte sur salaire et charges à 7.059 euros,

Pour les frais de licenciement, sursis à statuer,

Les frais divers à 2.500 euros,

Le coût du déménagement selon facture qui sera présentée ;

En tout état de cause,

Condamner la SPLA GPSEAD à régler à la SARL Le Pain Royal, une somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamner aux dépens.

3/ déposées au greffe par la SPLA AD - GPSEAA, intimée, le 21 mars 2023, notifiées le 12 avril 2023 (AR appelant non reçu et AR CG le 17 avril 2023), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Déclarer la SPLA AD - GPSEAA recevable et bien fondée en ses conclusions ;

Y faisant droit,

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions, en conséquence, déclarer mal fondé l'appel interjeté par la SARL Le Pain Royal et la débouter de toutes demandes formulées à ce titre ;

Condamner la SARL Le Pain Royal aux entiers dépens liés à la procédure d'appel et à verser une somme de 7.500 euros à la SPLA AD - GPSEAA au titre des frais irrépétibles exposés par elle en cause d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouter la SARL Le Pain Royal de toutes demandes contraires au présent dispositif.

4/ adressées au greffe par le commissaire du gouvernement, intimé, le 10 mars 2023, notifiées le 04 avril 2023 (AR appelant le 06 avril 2023 et AR intimé le 05 avril 2023), aux termes desquelles il forme appel incident et demande à la cour de :

Infirmer le jugement de première instance,

Fixer à la somme de : 206 691 euros X 80%=180.738 euros l'indemnité d'éviction commerciale due par la SPLA AD - GPSEAA à la SARL Le Pain Royal décomposée comme suit :

Indemnité principale : 165.353 euros,

Indemnité de remploi : 15.385 euros.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :

La SARL Le Pain Royal fait valoir dans un premier jeu de conclusions que :

Concernant les locaux loués, il s'agit d'un local érigé en parpaing en simple rez-de-chaussée, à usage de boulangerie. Le lot 7 bénéficie d'une situation d'angle pourvoyant à une bonne visibilité. Le local commercial à usage de boulangerie dispose d'une vitrine complète sur toutes ses façades, protégée par un volet motorisé. L'ensemble est climatisé et vidéo-surveillé. Le local comprend à l'arrière de la surface de vente : une réserve, un accès pour les livraisons, une salle avec WC et point d'eau, une salle de repos, un bureau, le laboratoire de boulangerie avec chambre froide, le laboratoire de pâtisserie, et sept places de stationnements.

Concernant les surfaces, les locaux s'étendent sur une surface de 250 m², occupés par le SARL Le Pain Royal à hauteur de 217 m².

Concernant la situation locative, les locaux sont partiellement donnés en location à la SARL Le Pain Royal en vertu d'un bail commercial du 31 mars 2011 (Pièce 1A). Le bail concerne le local à usage de boulangerie pour une surface de 217 m². Il a été consenti pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 2011. Le loyer, initialement fixé à la somme de 21.600 euros/an HT/HC, s'établit à ce jour à la somme de 27.600 euros/an HT/HC.

Concernant la nature de l'activité, la SARL Le Pain Royal développe une activité de fabrication et de vente de pains et pâtisseries au détail, qu'elle distribue dans les locaux à sa clientèle, essentiellement située dans l'immédiate proximité des locaux. Il s'agit de la seule boulangerie du quartier. L'entreprise satisfait à une clientèle aux faibles revenus fidélisée sur le long terme en fabriquant sur place la totalité des produits vendus. La situation du fournil et du laboratoire sur un même niveau est un atout majeur par rapport à la plupart des boulangeries.

Concernant les résultats financiers, au regard des liasses fiscales correspondant aux années d'exercice 2018 à 2020 (Pièces 2A, 3A, 7A), le chiffre d'affaires moyen pour les années 2018 et 2019 s'établit à 221.756 euros TTC.

Concernant la situation géographique, le bien exproprié est situé sur le territoire de la commune d'[Localité 15], en limite de la ville de [Localité 20], à proximité immédiate de la station Le Vert de Maison du RER et de la Seine. Il s'agit d'une zone d'habitation dense pourvue de commerces.

Concernant le premier motif d'appel, à savoir l'assiette de calcul de l'indemnité, le premier juge a retenu un chiffre d'affaires moyen HT alors que la jurisprudence s'est toujours fondée sur des chiffres d'affaires TTC. Seule la douzième édition du Traité de l'évaluation des biens propose de retenir un chiffre d'affaires HT, contrairement aux précédentes éditions. De plus, le recours au chiffre d'affaires HT se limite aux chiffres d'affaires obtenus en fonction des publications faites au BODACC, qui sont toujours exprimés HT. L'autorité expropriante n'a pas su présenter une seule décision ayant retenu le chiffre d'affaires HT. Par ailleurs, l'indemnité est destinée à permettre l'acquisition d'un fonds de commerce de remplacement, acquisition qui sera soumise à la TVA. Ainsi, le jugement doit être réformé et l'indemnité d'éviction doit être calculée sur la base du chiffre d'affaires moyen TTC sur trois ans.

Concernant le second motif d'appel, à savoir le taux retenu, les cinq termes de comparaison produits par la SARL Le Pain Royal font ressortir un coefficient oscillant entre 102% et 123% du chiffre d'affaires moyen. Trois autres termes de comparaison sont des décisions juridictionnelles fixant le coefficient de valorisation de fonds de commerce situés dans d'autres communes à 90%, 95% et 95% du chiffre d'affaires moyen. L'activité de boulangerie offre à leur propriétaire une forte rentabilité. Par ailleurs, il convient de valoriser les caractéristiques particulières du fonds de commerce, à savoir la grandeur des locaux, la zone d'accueil en parfait état d'entretien, la situation d'angle offrant une bonne visibilité au sein du centre commercial, l'existence de deux zones distinctes équipées pour la boulangerie et pour la pâtisserie, le bon état et l'équipement entier des locaux, la situation géographique de bonne qualité au sein d'une zone d'habitation, et la fidélisation d'une clientèle régulière. Le jugement, qui retient sans le justifier un taux de valorisation de 80% et une indemnité principale de 175.000 euros doit donc être réformé.

S'agissant du rapport établi par le cabinet Expercia, il est critiquable sur la forme car il n'a pas été rédigé dans le respect du principe du contradictoire, ayant été commandée par l'autorité expropriante et l'expert n'ayant même pas réalisé une visite intérieure des locaux. Sur le fond, le rapport produit plusieurs termes de comparaison imprécis ne présentant aucun intérêt pour la détermination de l'indemnité principale. L'expert retient, à tort, le chiffre d'affaires moyen HT au lieu de TTC, comme le font systématiquement les juridictions de l'expropriation. La valeur du droit au bail est calculée sur la base d'aucune référence exploitable, puisque celle-ci ne précise ni l'adresse exacte, ni les sources d'où elles proviennent. En tout état de cause, cette méthode ne retrouve ici aucune pertinence et n'a pas lieu d'être mise en 'uvre. S'agissant de la méthode dite « hypothèse 2 cessation de l'activité » à appliquer en l'espèce, elle doit être fondée sur un multiple du chiffre d'affaires et non pas sur un multiple de l'excédent brut d'exploitation, ce dernier chiffre n'étant jamais utilisé par les juridictions de l'expropriation. De plus, l'expertise ne produit que des offres qui ne sont pas des mutations définitivement intervenues, contrairement à ce qui est requis en la matière. En tout état de cause, la moyenne qui ressort des offres produites par l'expert s'établit à 104%. Ce coefficient de valorisation est bien supérieur au taux de 76,5% proposé par l'autorité expropriante, en contradiction avec les conclusions de son propre expert.

Aucune justification n'est produite afin de comprendre ce qui a conduit l'expert à retenir un taux inférieur à la moyenne dont il fait lui-même état. Enfin, s'agissant des indemnités annexes, l'expert n'en fait figurer aucune, alors qu'elles sont pourtant capitales. Le premier juge s'est donc fondé à tort sur les conclusions de cette expertise critiquable et incomplète. L'indemnité principale doit être fixée à la somme de 288.283 euros NR (221.756 euros × 130%). L'indemnité de remploi doit s'établir à 27.678,30 euros calculée comme suit : 5% du montant de l'indemnité principale jusqu'à 23.000 euros et 10% au-delà.

Concernant l'article 700 du code de procédure civile, il sera sollicité la confirmation du montant de l'indemnité allouée en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile de 4.000 euros et l'allocation d'une indemnité complémentaire de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La SARL Le Pain Royal fait valoir dans un second jeu de conclusions que :

Concernant la réponse aux conclusions du commissaire du gouvernement, ce dernier sollicite la fixation d'un taux d'indemnisation de 80% en omettant toutes les indemnités annexes. Toutes les références sauf une retiennent le taux de 93%, ce qui suffit à démontrer que la référence concernant le fonds situé au [Adresse 7] à [Localité 15] est une mutation isolée. La médiane doit donc être retenue, soit un taux de 95%. Le commissaire du gouvernement ne justifie pas la réduction du taux qu'il propose, étant précisé que le bien exproprié était en parfait état et dans un environnement commercial extrêmement favorable. De même, le barème proposé par le commissaire du gouvernement concernant le chiffre d'affaires HT ne doit pas être retenu alors que la jurisprudence la plus courante admet un chiffre d'affaires TTC.

La SPLA AD - GPSEAA rétorque que :

Concernant la consistance, l'état et la situation du bien, le premier juge a repris les allégations sans fondement de la SARL Le Pain Royal. Le bien exproprié souffre de faiblesses, notamment en ce qu'il est peu liquide sur le marché, les acquéreurs potentiels étant des propriétaires exploitants. Le centre commercial dans lequel il est situé est en désuétude, la commercialité est en retrait par rapport aux autres secteurs de la ville et la localisation est difficile d'accès.

Le local est occupé par un propriétaire exploitant, à savoir le représentant légal des SCI LAMOUDENE et SARL Le Pain Royal. Par ailleurs, les revenus générés par la location du local sont faibles, soit 26.801 euros/an HT/HC pour une surface de 229 m² Carrez (Pièces 12I, 14I, 15I). L'usage du bien est mixte, le bail commercial ne portant que sur le local de 217 m², les deux autres locaux étant pour l'un vacant et aménagé en salle de classe pour l'autre. Le centre commercial au sein duquel est situé le bien exproprié est en désuétude et connaît un taux de vacance important, de nombreux commerces étant fermés depuis plus de dix ans (Pièce 16I). De plus, les commerces ne bénéficient d'aucune visibilité depuis l'extérieur. L'expropriée a tort en soutenant que la boulangerie bénéficie d'une situation d'angle, cette dernière n'étant pas visible depuis l'extérieur du centre commercial. Ces éléments ont motivé le lancement de l'opération d'aménagement en 2017 (Pièce 1I). Aussi, le bien exproprié est également vétuste en ce que la procédure porte à la fois sur les parties privatives et les tantièmes de parties communes du bien. Or, le mauvais état d'entretien des parties communes impacte nécessairement la valeur du lot de copropriété. C'est en ce sens que la SPLA AD - GPSEAA a fait valoir devant le juge de première instance des éléments de moins-value, dont le premier juge n'a pas tenu compte. Sur les treize lots de la copropriété composant le Grand Ensemble, sont recensés une supérette dont la fréquentation est à la baisse depuis plusieurs années, cinq commerces divers, une pharmacie, un local de stockage, un local professionnel occupé par une société d'ambulances, deux lots vacants et un local associatif. Les dysfonctionnements du centre commercial (enclavement, dégradation, accès par l'arrière, nature du bâti) rendent difficile l'intégration urbaine à l'échelle du territoire. En première instance, le commissaire du gouvernement a confirmé l'état vétuste et dégradé du centre commercial, l'absence d'exploitation de certains commerces autour du bien exproprié, et la situation d'enclave du centre commercial, en périphérie de la ville et en retrait par rapport aux axes de circulation. Enfin, la SARL Le Pain Royale affirme bénéficier de sept places de stationnement, ce qui est inexact car les emplacements matérialisés autour du centre commercial sont publics, de sorte qu'aucun emplacement n'est attaché au lot de copropriété. D'ailleurs, le bail commercial produit ne mentionne pas l'existence d'emplacements de stationnement privatifs (Pièce 15I). En somme, le local est affligé d'un certain nombre de facteurs de moins-value qui doivent être considérés pour évaluer le montant de l'indemnité d'éviction, et plus particulièrement pour déterminer le coefficient affecté au chiffre d'affaires HT moyen des trois dernières années.

Concernant la superficie du bien, l'appelante affirme que le local présenterait une surface de 250 m², sans plus d'explications. La DDFIP avait certes fait état d'une surface de 250 m² dans son avis du 12 octobre 2020 mais il s'agissait d'une surface utile approximative (Pièce 7I). Le procès-verbal de transport sur les lieux, annexé au jugement indique pourtant l'existence d'un désaccord sur les surfaces. Or, selon le relevé de géomètre en date du 25 mai 2022 produit en première instance, le local présente une superficie de 229 m² en surface loi Carrez (Pièce 24I). Cette superficie est partiellement occupée par une boulangerie, pour une surface de 217 m² selon le bail consenti à l'occupante (Pièce 28I), la surface de vente étant estimée à 50 m² par la DDFIP (Pièce 7I). Le jugement a purement et simplement fait droit aux demandes de la SCI LAMOUDENE, en méconnaissant l'article 46 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 relative à la copropriété, le mesurage issu de la loi Carrez s'appliquant aux lots de copropriété quel que soit leur usage (Pièce 29). Dès lors, le jugement doit être infirmé en ce qu'il retient une surface de 240 m² et l'indemnité principale sera fixée au regard de la superficie précise du lot ressortant du relevé de géomètre, soit 229 m² Carrez, et surtout en tenant compte de son occupation partielle par la boulangerie pour 217 m², le surplus n'étant pas exploité commercialement.

Concernant le calcul de l'indemnité principale, contrairement à ce que soutient la SARL Le Pain Royal, il n'incombe pas à l'autorité expropriante d'indemniser le montant des taxes qui ne sont pas en lien direct avec la procédure d'expropriation. Si le montant de la TVA devait être versé, la SARL Le Pain Royal bénéficierait d'un enrichissement sans cause puisqu'elle la percevrait une seconde fois via sa déclaration comptable. D'ailleurs, le Traité de l'évaluation des biens se réfère au chiffre d'affaires moyen HT pour évaluer les fonds de commerce (Pièce 18I). La SPLA AD - GPSEAA a commis le cabinet Expercia qui propose de retenir un taux de valorisation de 76,5% au regard du grand nombre de fonds de commerce similaires (Pièce 11I). L'indemnité principale calculée sur la base des trois derniers chiffres d'affaires HT s'établit à 158.119 euros (206.691 euros × 76,50%). L'indemnité principale calculée en fonction de l'excédent brut d'exploitation s'établit à 191.993 euros (28.234 × 6,80). L'indemnité proposée par la SPLA AD ' GPSEAA s'élève à 175.000 euros, soit la moyenne entre les indemnités principales calculées selon les deux méthodes. La SARL Le Pain Royal n'a pas communiqué en cause d'appel son chiffre d'affaires pour 2021, en baisse par rapports aux années précédentes, à 191.906 euros HT. La moyenne des chiffres d'affaires HT pour 2019, 2020 et 2021 s'établit à 202.281 euros, moins que la somme de 206.691 euros retenue par le cabinet Expercia. Au regard des tensions sur l'approvisionnement en énergie, le chiffre d'affaires pour 2022 sera nécessairement moins favorable. Les mutations dont se prévaut la SARL Le Pain Royal ne sont pas comparables, car elles concernent des fonds de commerce à la consistance inconnue implantés dans des zones de chalandise différentes, sur le territoire d'autres communes. Au surplus, le taux de valorisation de 130% retenu par la SARL Le Pain Royal est incohérent avec les mutations dont elle se prévaut elle-même, avec la réalité du marché à [Localité 15], avec la la désuétude et l'enclavement du centre commercial, avec le taux de valorisation retenu par le Traité de l'évaluation des biens entre 70% et 90% (Pièce 18I), avec la baisse constante du chiffre d'affaires ces trois dernières années, et enfin avec le taux retenu par le caractère courant de ce type de commerce. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il retient un coefficient de 80%.

Concernant les frais irrépétibles, la SPLA AD - GPSEAA a été contrainte pour faire valoir ses droits de mandater un expert immobilier aux fins d'établissement de deux rapports. Dans les circonstances de l'espèce, il lui sera alloué la somme de 7.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le commissaire du gouvernement conclut que :

Concernant la description du bien pris à bail, la parcelle cadastrée section AD n°[Cadastre 12], d'une superficie de 6.010 m², est sise [Adresse 11] à [Localité 15] (94). Il s'agit d'une copropriété à usage commercial. Le centre commercial dans lequel se situe le lot exproprié est vétuste et dégradé. Le bien exproprié est entouré de commerces non exploités. Le centre commercial est enclavé au milieu d'un grand ensemble d'immeubles d'habitation. Le bien exproprié est le lot 9. Les locaux sont répartis en trois surfaces, qui disposent d'une vitrine complète sur toutes ses façades, protégées par un volet métallique motorisé. Les locaux sont parfaitement aménagés et en bon état d'entretien.

S'agissant de la situation locative, le lot 9 est pris en location par la SARL Le Pain Royal qui y exerce son activité de « Boulangerie et boulangerie-pâtisserie » en vertu d'un bail commercial du 31 mars 2011.

Concernant la date de référence, en vertu des articles L.322-2 du code l'expropriation et L.213-6 du code de l'urbanisme, puisque le bien exproprié est soumis au droit de préemption urbain, la date de référence est celle du 02 octobre 2019, date à laquelle la modification du plan local d'urbanisme a été approuvée par le Conseil territorial.

Concernant la situation d'urbanisme, la parcelle AD n°[Cadastre 12] est située en zone Ube à la date de référence. La zone UB correspond à des espaces à dominante d'habitat collectif. Le bien est dans le secteur Ube, correspondant au secteur sud-ouest du Grand ensemble, dans lequel les dispositions réglementaires organisent la rénovation urbaine.

Concernant l'indemnité principale, l'estimation repose sur les liasses fiscales des trois derniers exercices comptables clos, en appliquant sur le chiffre d'affaires HT les barèmes en usage dans la profession et corroborés par des mutations de fonds de commerce similaires.

Concernant la proposition de termes de comparaison, la moyenne des coefficients entre le prix de cession et le chiffre d'affaires moyen HT des quatre termes de comparaison produits s'établit à 81%, et la médiane à 95%. D'après le Traité de l'évaluation des biens de [O] [M], le barème oscille entre 70% et 90% du chiffre d'affaires moyen HT pour une activité de boulangerie. En tenant compte de la baisse du chiffre d'affaires et de la rentabilité de l'activité, il est proposé de retenir un coefficient de 80%. La moyenne du chiffre d'affaires s'établit à 206.691 euros HT, ce montant étant à parfaire avec la communication de la dernière liasse fiscale déposée au titre de l'exercice clos en 2021.

Concernant la détermination des indemnités proposées par le commissaire du gouvernement, l'indemnité principale s'élève à la somme arrondie de 165.353 euros (206.691 euros × 0,80). L'indemnité de remploi doit être fixée à la somme arrondie de 15.385 euros, calculée comme suit : 5% du montant de l'indemnité principale jusqu'à 23.000 euros et 10% au-delà.

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017 - article 41 en vigueur au 1er septembre 2017, l'appel étant du 28 septembre 2022, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de la SARL Le Pain Royal du 21 décembre 2022, de la SPLA AD-GPSEAA du 21 mars 2023 et du commissaire du gouvernement du 10 mars 2023 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

Les conclusions de la SARL Le Pain Royal du 4 juillet 2023 sont de pure réplique à celles de la SPLA AD - GPSEAA et à celles du commissaire du gouvernement, appelant incident,ne formulent pas de demandes nouvelles, sont donc recevables au-delà des délais initiaux.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de la SARL Le Pain Royal porte sur le montant de l'indemnité totale d'éviction ; elle conteste le calcul, en demandant de retenir le CA TTC et non HT et un taux de valorisation de 130% et non de 80%.

L'appel incident du commissaire du gouvernement concerne le CA HT, avec le maintien d'un taux de valorisation de 80%.

S'agissant de la date de référence, le premier juge a retenu la date de l'ordonnance d'expropriation, soit le 8 juillet 2021.

La SARL Le Pain Royal et la GPSEAD n'ont pas conclu sur ce point ; le commissaire du gouvernement retient en application des articles L322-2 du code de l'expropriation et L213-6 du code de l'urbanisme, le bien exproprié étant soumis au droit de préemption urbain, la date du 2 octobre 2019.

Le bien exproprié étant soumis au droit de préemption urbain, en application de l'article L213-6 du code de l'expropriation, la date de référence prévue à l'article L 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est celle prévue à l'article L 213-4 du code de l'urbanisme, soit la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ; il s'agit donc du PLU approuvé par le conseil territorial du 14 décembre 2016, modification numéro un, approuvée le 2 octobre 2019 par le conseil territorial.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

S'agissant des données d'urbanisme, à cette date la parcelle AD numéro [Cadastre 12] est située en zone Ube, correspondant à des espaces dominantes d'habitats collectifs, soit le secteur sud ouest du Grand Ensemble, dans lequel les dispositions réglementaires organisent la rénovation urbaine.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'un bâtiment élevé sur terre-plein d'un simple rez-de-chaussée, correspondant à un local à usage de boulangerie qui bénéficie d'une situation d'angle.

Des locaux sont répartis en trois surfaces, disposant d'une vitrine complète sur toutes ses façades, protégée par un volet métallique motorisé ; les locaux sont parfaitement aménagés et en bon état d'entretien.

La SARL Le Pain Royal souligne en produisant des photographies, que les locaux bénéficient de 7 places de parking.

Elle indique que les locaux lui ont été donnés à location aux termes d'un bail commercial du 31 mars 2011 (pièce n°1) avec un loyer actuel de 27'600 euros annuels.

Elle a donc une activité de fabrication et vente de pains et tous produits qualifiables, pâtisseries occidentales et orientales, pains orientaux et que sa clientèle est surtout une clientèle de proximité importante compte tenu de son implantation au centre des tours avoisinantes, et qu'elle est la seule boulangerie dans le secteur.

Elle ajoute que la configuration des lieux présente cette particularité que tous les éléments sont de plain-pied (fournil, laboratoires, boutiques et arrière-boutiques) ce qui constitue un atout majeur pour la fabrication et la vente.

SPLA AD-GPSEAA précise qu'il ne s'agit pas d'un bien de rapport mais d'un bien d'un propriétaire exploitant, tel que l'a relevé l'expert qu'elle commis afin de procéder à l'évaluation du bien (pièce n° 14) selon lequel le bien exproprié souffre de faiblesses notamment en ce qu'il est peu liquide sur le marché, les acquéreurs potentiels étant des propriétaires exploitants ; que la SCI LAMOUDENE (propriétaire du lot de copropriétés) et la société Le Pain Royal (titulaire d'un bail commercial), sont toutes deux représentées par M. [U], leur gérant (pièce n° 15) ; que les revenus générés par la location du local sont relativement faibles au regard de la surface ; que l'usage du bien exproprié est mixte ; que les deux autres locaux à l'arrière de la boulangerie sont vacants ; que le centre commercial, en désuétude, connaît un taux de vacance important ; que le bien exproprié est également vétuste, en raison du mauvais état d'entretien des parties communes ; que les emplacements matérialisés autour du centre commercial sont publics et qu'aucun emplacement n'est attaché au lot occupé par la SARL Le Pain Royal, et le bail commercial en fait d'ailleurs pas état.

SPLA AD- GPSEAA en conclut que le local est affligé d'un certain nombre de facteurs de moins-value qui doivent être considérés pour évaluer le montant de l'indemnité d'éviction, et plus particulièrement pour déterminer le coefficient affecté au chiffre d'affaires moyen des trois dernières années.

Le commissaire du gouvernement indique que le bien est situé dans un centre commercial vétuste et dégradé composé de 13 locaux commerciaux , que le bien exproprié est entouré de commerces inexploités et que le centre commercial est enclavé au milieu d'un grand ensemble d'immeubles d'habitation ; que les locaux sont parfaitement aménagés et en bon état d'entretien.

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 25 août 2022.

- Sur l'indemnité d'éviction

1° Sur la méthode

La méthode de l'indemnisation de la perte du fonds de commerce n'est pas contestée par les parties.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

2° sur l'assiette de calcul de l'indemnité

Le premier juge a retenu l'expertise produite par la SPLA GPSEAD pour un montant de 175 000 euros, en retenant le chiffre d'affaire moyen sur 3 ans HT.

La SARL Le Pain Royal demande l'infirmation, pour retenir le chiffre d'affaire moyen TTC de 221 756 euros.

SPLA AD- GPSEAA demande la confirmation.

Le commissaire du gouvernement retient le chiffre d'affaire moyen de 2018 à 2020 d'un montant de 206 691 euros HT, montant à parfaire avec la communication de la dernière fiscale déposée au titre de l'exercice clos en 2021.

Le jugement étant du 25 août 2022, il convient de retenir les trois derniers exercices clos à savoir 2019, 2020 et 2021 (pièces n° 3, 7 et n°17).

S'agissant de la moyenne du CA des trois derniers exercices clos, sur la question du CA HT ou TTC, par arrêt de la 3° Civ, 5 février 2014 n° 13-10174 la Cour de cassation a jugé que la TVA doit être prise en compte en fonction des usages professionnels.

La GPSEAD verse aux débats (pièce n°18) le traité de l'évaluation des biens 13° édition prévoyant pour la boulangerie pour un fonds bien installé [Cadastre 12] à 90 % du chiffre d'affaire annuel HT.

L'expert mandaté par SPLA, le cabinet Expercia a retenu une moyenne des CA HT de 206 691 euros, plus favorable à l'exproprié mais basé sur les années 2018, 2019 et 2020 (pièce n°11), la cour retenant les années 2019, 2020 et 2021.

Le commissaire du gouvernement propose quatre références récentes de 2019 à 2021 qui sont toutes CA moyen HT.

S'agissant de l'activité de boulangerie, il convient donc de retenir les usages de la profession soit la moyenne des 3 derniers chiffres d'affaires clos HT, toutes les références récentes proposées par le commissaire du gouvernement étant HT, soit :

211 560+203 377+191 906 / 3= 202 281 euros HT.

3° sur le taux d'indemnisation

Le premier juge a retenu l'expertise susvisée, mais selon une moyenne de la méthode EBE moyen pour 191 993 euros et de la méthode CA HT pour 158 119 euros (avec un coefficient multiplicateur de 76, 50%), soit 175 000 euros arrondis.

Il convient d'examiner les références proposées par les parties :

a) Les références de la SARL Le Pain Royal

Elle sollicite d'appliquer un taux de 130%.

Elle invoque les références suivantes :

N° du terme

Date de vente

Adresse

CA Moyen

loyer annuel

valeur vénale

prix:

(en % du CA)

Observations

T1

13 août 2018

[Adresse 16]

[Adresse 23] à [Localité 21]

2015'

2016'

2017

445'299

19'000

incorporels : 480 400 euros

corporels : 66'000 euros

123

boulangerie'

pâtisserie'

confiserie'

glace

T2

21 décembre 2018

[Adresse 10] à [Localité 17]

2015'

2016'

2017

136'109

18'987,12

incorporels : 98'120

corporels : 41'880

102

boulangerie

T3

premier décembre 2017

[Adresse 13] à [Localité 18]

2014'2015'2016

290'904

13'400

corporels : 50'000

incorporels : 250'000

103

boulangerie, pâtisserie et confiserie

T4

21 décembre 2018

[Adresse 10] à [Localité 17]

136'109

18'897,12

140'000

102

boulangerie

T5

1er décembre 2017

[Adresse 13] à [Localité 18]

290'904

13'400

300'000

103

boulangerie, pâtisserie et confiserie

T6

cour d'appel de Paris

7 avril 2016

RG 14/ 18 493

[Adresse 6] à Cachan

indemnité principale : 366'967

407'741

90

boulangerie

pièce numéro cinq

T7

tribunal de grande instance de Bobigny du 30 juillet 2019

[Adresse 5] à [Localité 21]

95

boulangerie

pièce numéro six

T8

juridiction d'expro

priation

[Adresse 5] à [Localité 21]

chiffre d'affaires 2015 2017:

421'888

95

fonds de commerce exploité pour des locaux commerciaux

avec un espace de vente,

une arrière-boutique, appartement situé au premier étage de l'immeuble et un sous-sol aménagé

La SARL Le pain Royal souligne que son commerce présente quelques caractéristiques :

-du point de vue des installations, il s'agit de locaux particulièrement vastes, bénéficiant d'une façade et d'une zone d'accueil de la clientèle en parfait état d'entretien, et d'une bonne visibilité au sein du centre;

-A l'arrière, les locaux sont équipés de deux zones différentes, l'une entièrement équipée pour l'activité de fabrication de boulangerie, l'autre pour la préparation des pâtisseries et produits traiteur.

-l'ensemble des locaux est en bon état d'entretien et entièrement équipé.

-la situation géographique est de bonne qualité, au sein d'une zone d'habitation ou elle développe la seule activité de boulangerie de la zone.

Elle indique que ces paramètres concourent à la détermination d'un taux supérieur.

Les taux proposés dans ces références varient donc de 95% à 123%.

Cependant, ces termes concernant des localités non comparables en terme de marché seront écartés, puisque le commissaire du gouvernement propose ci après des références de boulangerie dans la même localité à savoir à [Localité 15].

b) Les références de SPLA D-GPSEA

Elle indique que le taux de 130% demandé est incohérent aves les cessions citées et est décorrélé de la réalité du marché à [Localité 15], pour ce type de commerce et au regard de son emplacement. En effet, le centre commercial est en désuétude et son enclavement justifie la création de la ZAC qui a pour objet de requalifier le quartier et de le redynamiser commercialement (pièce n°1).

En outre ,le traité de l'évaluation des bien retient un taux de valorisation situé entre 70 et 90%. Il convient de prendre en compte la baisse constante du CA des trois dernières années. Enfin le rapport EXPERCIA justifie le taux retenu par le caractère courant de ce type de commerce.

Elle demande donc la confirmation du taux de 80%, sans proposer de termes de référence.

c) Les références du commissaire du gouvernement

Il propose de retenir un ratio de 80% et invoque les termes suivants situés à [Localité 15] avec les références de publication :

N° du terme

Date de vente

Adresse

CA Moyen HT

Prix de cession en euros

% CA en fonction du prix de cession

CG1

31/08/2021

boulangerie

de la gare

[Adresse 4]

924'610

900'000

97

CG2

08/01/2021

[Adresse 9]

193'358

180'000

93

CG3

15/05/2019

boulangerie

[Adresse 19]

[Adresse 2]

259'755

260'000

100

CG4

09/04/2019

[Adresse 8]

127'561

42'000

33

Le commissaire du gouvernement indique que la moyenne des ratios des prix de cession des éléments incorporels sur la moyenne des chiffres d'affaires hors taxes déclarées dans les années de cession est de 81% avec une médiane à 95%.

Il ajoute que le barème appliqué du traité l'évaluation des biens 13e édition est pour l'activité boulangerie de 70 à 90 % du chiffre d'affaires hors taxes ; qu'en tenant compte de la baisse du chiffre d'affaires et de la rentabilité d'activités, il propose de retenir un ratio de 80 %.

Ces termes récents, comparables en terme d'activité et situés dans localité d'Alforville comme le bien exproprié seront retenus.

En tenant compte de l'évolution du marché, il convient de retenir un taux de 85%.

Il en ressort :

202 281 euros (CA moyen des trois dernières années HT) X 85%= 171 938,85 euros.

En tenant compte des éléments de moins value liés à un centre commercial en désuétude, à un bien peu liquide sur le marché mais également des éléments de plus value plus importants liés à un bien de taille moyenne pouvant intéresser plusieurs types d'activités, au fait qu'il s'agit de l'unique boulangerie du secteur et de la forte densité de population au sein du quartier, le premier juge a exactement fixé une indemnité d'un montant supérieur de 175 000 euros.

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.

- sur l'indemnité de remploi

Elle est égale selon le barème habituel non contesté :

5% jusqu' à 23 000 euros : 1 150 euros

10 % pour le surplus= 15 200 euros

soit un total de 16 350 euros.

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la SPLA GPSEAD devenue la SPLA AD-GPSEA à payer à la SARL Le Pain Royal la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter la SARL le Pain Royal de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel et de la condamner sur ce fondement à verser la somme de 3 000 euros à SPLA AD- GPSEA Aménagement.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.

La SARL Le Pain Royal perdant le procès sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Statuant dans la limite des appels ;

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Fixe la date de référence au 2 octobre 2019 ;

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la SARL Le Pain Royal à verser la somme de 3 000 euros à GPSEAD Aménagement en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Le Pain Royal aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 22/20480
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.20480 ?
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