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21/03/2024 | FRANCE | N°22/06850

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 21 mars 2024, 22/06850


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 21 MARS 2024

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06850 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFS2C



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Février 2022 par le Tribunal Judiciaire de EVRY - RG n° 21/00014





APPELANTS

Monsieur [N] [P]

[Adresse 12]

[Localité 8]

représenté par Me Cédric JOBELOT, avocat au barreau de PARIS

, toque : P0154 substitué à l'audience par Me SOPHIE LAFFONT, avocat au barreau de PARIS, toque : 75008



Monsieur [V] [P]

[Adresse 27]

[Adresse 5]

[Localité 9]

représenté ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 21 MARS 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06850 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFS2C

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Février 2022 par le Tribunal Judiciaire de EVRY - RG n° 21/00014

APPELANTS

Monsieur [N] [P]

[Adresse 12]

[Localité 8]

représenté par Me Cédric JOBELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0154 substitué à l'audience par Me SOPHIE LAFFONT, avocat au barreau de PARIS, toque : 75008

Monsieur [V] [P]

[Adresse 27]

[Adresse 5]

[Localité 9]

représenté par Me Cédric JOBELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0154 substitué à l'audience par Me SOPHIE LAFFONT, avocat au barreau de PARIS, toque : 75008

INTIMÉS

[Adresse 13]

[Adresse 26]

[Localité 7]

représenté par Me Julie GARRIGUES de l'AARPI GARRIGUES BEAULAC ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0323 substituée à l'audience par Me Mathilde HERAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0323

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES

DE L'ESSONNE - SERVICE DU DOMAINE

[Adresse 4]

Courcouronnes

[Localité 6]

représentée par Madame [L] [Z], en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Valérie GEORGET, Conseillère

Madame Nathalie BRET, Conseillère

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Le 02 décembre 2020, la mairie de [Localité 20] a réceptionné une déclaration d'intention d'aliéner adressée par M. [N] [P] et M. [V] [P] (les consorts [P]) concernant le bien sis [Adresse 2]), édifié sur les parcelles cadastrées section [Cadastre 14] et [Cadastre 16], au prix de 525.000 euros, dont 15.000 euros TTC à titre de frais d'agence à la charge du vendeur.

Les parcelles cadastrées [Cadastre 14] et [Cadastre 16], d'une superficie respective de 210 m² et 682 m², sont situées en zone UA du plan local d'urbanisme. Elles sont situées en plein centre-ville de la commune de [Localité 20]. La parcelle supporte plusieurs constructions à savoir une maison édifiée en 1910 en R+1 de 80 m² avec un grenier ainsi qu'une grange de 66,8 m².

La commune de [Localité 20] a exercé son droit de préemption par une décision du 27 janvier 2021 au prix de 400.000 euros.

Cette proposition d'acquisition a été refusée par les consorts [P] par courrier du 07 mai 2021.

Par mémoire reçu au greffe le 25 mai 2021, la commune de Gometz-la-Ville a saisi le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny en vue de la fixation judiciaire du prix du bien préempté.

La commune de [Localité 20] justifie avoir consigné le 04 juin 2021 une somme de 67.110 euros.

Par un jugement contradictoire du 14 février 2022, après transport sur les lieux le 06 septembre 2021, le juge de l'expropriation d'[Localité 19] a :

Annexé à la décision le procès-verbal de transport du 06 septembre 2021 ;

Fixé la date de référence au 28 janvier 2020 ;

Retenu la méthode d'évaluation globale par comparaison ;

Fixé la surface utile habitable du bien exproprié à 80 m² (106,50 - 12,10 - 12,70 - 1,70) et la surface utile des annexes à 119,80 m² (93,30 + 12,10 + 12,70 + 1,70), soit une surface utile totale de 139,90 m² ;

Retenu une valeur unitaire de 3.300 euros/m² ;

Fixé le prix d'acquisition par la commune de [Localité 20] dans le cadre de l'exercice de son droit de préemption au vu de la d'intention d'aliéner en date du 02 décembre 2020 des parcelles cadastrées section [Cadastre 14] et [Cadastre 16] sises [Adresse 3]) appartenant aux consorts [P] à la somme de 461.670 euros (3.300 euros/m² × 139,90 m²) ;

Condamné la commune de [Localité 20] à payer aux consorts [P] une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la commune de [Localité 20] au paiement des dépens de la présente procédure.

Les consorts [P] ont interjeté appel du jugement le 14 avril 2022 sur le prix d'aliénation de l'immeuble préempté, la surface des constructions, et la valeur unitaire.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/ déposées au greffe le 13 juillet 2022 par les consorts [P], notifiées le 13 juillet 2022 (AR intimé le 15 juillet 2022 et AR CG le 18 juillet 2022), aux termes desquelles, il est demandé à la cour de :

Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Evry en date du 14 février 2022 en ce qu'il a fixé le prix d'acquisition par la commune de Gometz-la-Ville dans le cadre de l'exercice de son droit de préemption au vu de la déclaration d'intention d'aliéner en date du 02 décembre 2020 des parcelles cadastrées section [Cadastre 14] et [Cadastre 16] sises [Adresse 2]) appartenant en indivision aux consorts [P] à la somme de 461.670 euros ;

Et statuant à nouveau,

Fixer à 550.000 euros le prix d'acquisition du bien sis [Adresse 1] cadastré section [Cadastre 14] et [Cadastre 16] ;

En tout état de cause,

Condamner la commune de [Localité 20] à payer aux consorts [P] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

2/ déposées au greffe le 27 décembre 2022 par les consorts [P], notifiées le 05 janvier 2023 (AR intimé le 09 janvier 2023 et AR CG le 09 janvier 2023), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 14 février 2022 en ce qu'il a fixé le prix d'acquisition par la commune de Gometz-la-Ville dans le cadre de l'exercice de son droit de préemption au vu de la déclaration d'intention d'aliéner en date du 02 décembre 2020 des parcelles cadastrées section [Cadastre 14] et [Cadastre 16] sises [Adresse 2]) appartenant en indivision aux consorts [P] à la somme de 461.670 euros ;

Et statuant à nouveau,

Fixer à 550.000 euros le prix d'acquisition du bien sis [Adresse 1] cadastré section [Cadastre 14] et [Cadastre 16] ;

En tout état de cause,

Condamner la commune de [Localité 20] à payer aux consorts [P] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

3/ déposées au greffe le 17 janvier 2024 par les consorts [P], notifiées le 17 janvier 2024(AR intimé non daté, et AR du commissaire du gouvernement du 22 janvier 2024) aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

'Infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Evry en date du 14 février 2022 en ce qu'il a fixé le prix d'acquisition par la commune de Gometz-la-Ville dans le cadre de l'exercice de son droit de préemption au vu de la déclaration d'intention d'aliéner en date du 02 décembre 2020 des parcelles cadastrées section [Cadastre 14] et [Cadastre 16] sises [Adresse 2]) appartenant en indivision aux consorts [P] à la somme de 461.670 euros ;

'constater que la présente procédure est privée de son objet du fait de l'annulation de la décision de préemption par le jugement du tribunal administratif de Versailles du 28 septembre 2023 ;

'dire que la présente juridiction de l'expropriation a vidé sa saisine ;

à titre subsidiaire

Fixer à 550.000 euros le prix d'acquisition du bien sis [Adresse 1] cadastré section [Cadastre 14] et [Cadastre 16] ;

En tout état de cause,

Condamner la commune de [Localité 20] à payer aux consorts [P] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

4/ déposées au greffe le 26 septembre 2022 par la commune de [Localité 20], intimée, formant appel incident, notifiées le 27 septembre 2022 (AR appelant le 28 septembre 2022 et AR CG le 28 septembre 2022), aux termes desquelles, il est demandé à la cour de :

Fixer le prix des parcelles cadastrées section [Cadastre 14] et [Cadastre 16] d'une superficie totale de 892 m² à la somme de 447.000 euros.

5/ déposées au greffe le 20 février 2023 par la commune de [Localité 20], intimé, formant appel incident, notifiées le 21 février 2023 (AR appelant le 27 février 2023 et AR CG le 27 février 2023), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Fixer le prix des parcelles cadastrées section [Cadastre 14] et [Cadastre 16] d'une superficie totale de 892 m² à la somme de 447.000 euros.

6/ adressées au greffe le 12 octobre 2022 par le commissaire du gouvernement, intimé, notifiées le 14 octobre 2022 (AR appelant le 17 octobre 2022 et AR intimé le 17 octobre 2022), aux termes desquelles il forme appel incident et demande à la cour de :

Fixer le prix de la préemption pour le bien sis [Adresse 2]) édifié sur les parcelles cadastrées section [Cadastre 14] et [Cadastre 16], à la somme de 447.000 euros.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :

Les consorts [P] font valoir dans leurs conclusions du 13 juillet 2022 :

Concernant la description du bien, il s'agit d'une unité foncière d'une superficie totale de 892 m². Les deux parcelles [Cadastre 14] et [Cadastre 16] sont situées en zone UA du plan local d'urbanisme, une zone correspondant au centre-ville de [Localité 20], proche de toutes les commodités et desservi par tous les réseaux.

Concernant la surface utile du bien, un géomètre-expert a établi plusieurs plans indiquant les surfaces du bâti (Pièce 5I) confirmant les mesures du plan fourni dès le transport sur les lieux par les consorts [P] (Pièce 8I). S'agissant de la qualification des surfaces mesurées, c'est à tort que le premier juge a refusé de considérer le grenier, l'atelier et la pièce dite « [28] » comme des surfaces habitables. Le géomètre-expert a exclu sans justifications la grange du calcul de la surface habitable. À l'inverse, il a justement qualifié le grenier de surface habitable. La grange doit pourtant être qualifiée de surface habitable dans la mesure où elle est parfaitement habitable et aménageable, qu'elle dispose d'une hauteur sous plafond de plus de 1,80 m et qu'elle ne constitue pas des « combles non aménagées, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs extérieurs au logement, vérandas » au sens de l'article R.156-1 du code de la construction et de l'habitation. Dès lors, la surface habitable est de 173,3 m² (106,5 + 66,8) et la surface des annexes est de 26,5 m² (19,3 + 7,2), soit une surface utile totale de 186,6 m². À titre subsidiaire, si la grange devait être considérée comme une surface annexe, la surface utile serait alors de 153,15 m² (106,5 + 93,2 ÷ 2).

Concernant la parcelle [Cadastre 16], il s'agit d'un terrain non bâti de plus de 700 m² en unité foncière avec la parcelle [Cadastre 14] conformément à la définition posée par le Conseil d'État (CE 264667). Ainsi, cette parcelle n'est pas enclavée et son potentiel de constructibilité doit être pris en compte.

Concernant la situation urbanistique, le plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 20] a été approuvé le 08 octobre 2019 et modifié le 28 janvier 2020. C'est cette dernière date qu'il convient de retenir à titre de date de référence.

Concernant la situation locative, le bien est libre de toute occupation.

Concernant l'offre proposée par la commune de [Localité 20], l'avis des Domaines du 29 octobre 2020 estime la valeur du bien à 447.000 euros avec une marge d'appréciation de 10%. C'est à tort que le premier juge a retenu les deux termes de comparaison sur lesquels se fonde la commune de [Localité 20]. En effet, les biens correspondants ne comprennent que des petits terrains de 366 m² et 292 m². Or, un grand terrain en centre-ville est extrêmement valorisable de sorte que la différence de superficie des terrains ne peut pas être occultée. Il est d'ailleurs rappelé que l'acquéreur avait précisément pour objet de démolir le bâti pour construire un ensemble immobilier. Au surplus, les superficies des pavillons des termes de comparaison sont également inférieures au bien préempté. S'agissant du coefficient de vétusté, l'avis des Domaines n'en fait pas mention. De plus, les termes de comparaison proposés portent sur des constructions de la même époque que le bien préempté. Par ailleurs, le terme de comparaison d'août 2018 sera écarté, car trop ancien. En outre, le caractère enclavé de la parcelle n'étant pas démontré en raison de l'unité foncière, il n'y a pas lieu d'appliquer l'abattement de 50% sollicité. Enfin, si la valeur unitaire de 3.208 euros/m² proposée par la commune de [Localité 20] devait être retenue, le prix de la préemption calculé serait de 598.612,80 euros pour une surface utile de 186,6 m² ou de 491.305,20 euros pour une surface utile de 153,15 m².

Concernant l'offre proposée par le commissaire du gouvernement, celui-ci se fonde sur une surface de 78 m² de sorte qu'en respectant la moyenne des quatre termes de comparaison proposés, le prix de la préemption devrait s'élever à 577.527 euros (186,6 m² × 3.095,46 euros/m²). C'est également à tort que le premier juge a retenu les termes de comparaison du commissaire du gouvernement. En effet, ceux-ci concernent des biens d'une superficie ou d'une surface bâtie bien inférieure au bien préempté. En tout état de cause, deux des termes de comparaison datent de juillet et août 2018 et doivent donc être écartés, car trop anciens.

Concernant les termes de comparaison proposés par les consorts [P], la moyenne des trois termes de comparaison s'établit à 3.447,54 euros/m². C'est à tort que le premier juge les a écartées au motif qu'ils ne concernent que des maisons édifiées dans les années 2000. D'une part, il n'aurait pas dû faire prévaloir l'année de construction sur la superficie pour évaluer la comparabilité des termes de comparaison. D'autre part, la valeur du bien préempté dépend peu de l'année de construction du bâti dans la mesure où l'acquéreur avait pour projet de le démolir. Il est donc sollicité de fixer le prix de la préemption à hauteur de 550.000 euros.

Les consorts [P] font valoir dans un second jeu de conclusions que :

La position du commissaire du gouvernement selon laquelle il convient d'évaluer le bien préempté en fonction de la surface habitable du bâti et non de la surface utile est contredite par une jurisprudence constante (17-10.619 ; CA [Localité 24]/20315). La surface utile de 186,60 m² devra donc être retenue pour le calcul du prix de la préemption, ou à défaut, la surface de 139,9 m².

Deux nouveaux termes de comparaison comparables au bien préempté - en ce qu'ils concernent des biens d'une superficie équivalente sur lesquels sont édifiées des maisons anciennes construites en 1910 ' sont produits. S'agissant de maisons anciennes, il n'est pas nécessaire d'appliquer un coefficient de vétusté. Enfin, il sera noté que le bien préempté est situé dans un secteur plus attractif, à savoir en plein centre-ville, que celui des biens correspondants aux deux nouveaux termes de comparaison produits.

Ils font valoir dans un troisième jeu de conclusions que la procédure est privée de son objet du fait de l'annulation de la décision de préemption par le jugement du tribunal administratif de Versailles du 28 septembre 2023 (pièce numéro 12).

La commune de [Localité 20] rétorque que :

Concernant la date de référence, en application des article L.213-4 du code de l'urbanisme et L.322-2 du code de l'expropriation, il s'agit du 28 janvier 2020 (Pièce 5I ; Pièce 6I).

Concernant les caractéristiques du bâti, aux termes des articles R.156-1 et R.353-16 du code de la construction et de l'habitation, la surface utile est égale à la somme de la surface habitable et de la moitié des surfaces annexes (CA [Localité 24]/20315).

En l'espèce, les parcelles cadastrées section [Cadastre 14] et [Cadastre 16] constituent une unité foncière d'une superficie totale de 892 m². La parcelle [Cadastre 14] supporte un bâtiment tandis que la parcelle [Cadastre 16] est en forme de jardin d'agrément. Il ressort de l'avis des Domaines que ce bâtiment est composé d'une maison construite dans les années 1910 d'une surface de 83 m², d'une grange d'une surface de 98 m², et d'une dépendance d'une surface de 34 m². Le bien est libre d'occupation. Il est rappelé que s'il convient de retenir les mesures établies par le géomètre-expert, les qualifications de surface habitable ou annexe données par ce dernier à chaque dernier ne lient évidemment pas le juge. S'agissant de l'atelier, le procès-verbal de transport retient qu'il s'agit d'une « dépendance de type remise non aménagée, au sol brut ['] dépourvue de moyen de chauffage ». Il s'agit donc d'une surface annexe. Les appelants ne contestent pas ce point. S'agissant de la chambre 3, il s'agit d'une remise située au-dessus de l'atelier « qui n'est accessible que par une échelle de meunier ». Il s'agit donc d'une surface annexe. S'agissant de la surface dite « Rgb », il s'agit d'un local de 1,7 m² situé à l'extérieur de la maison. Là encore, il s'agit d'une surface annexe. S'agissant de la grange, celle-ci est utilisée en tant que remise. La hauteur sous plafond de plus de 1,8 m est insuffisante à caractériser une surface habitable. Le sol est en terre battue, les murs ne sont pas doublés, la charpente est à nu. Le procès-verbal de transport a constaté que « la grange n'est pas aménagée, le sol est brut et il n'y a pas d'isolation ». En l'état, il s'agit donc d'une surface annexe. Ces quatre surfaces doivent donc être exclues du calcul de la surface habitable. Celle-ci s'établit donc à 106,5 - 12,7 - 1,7 - 12,1 = 80 m². La surface totale des annexes s'établit quant à elle à 93,3 + 12,7 + 1,7 + 12,1 = 119,8 m². La surface utile est donc de 80 + 119,8 ÷ 2 = 139,9 m². Le jugement doit ainsi être confirmé sur ce point.

Concernant la situation particulière de la parcelle cadastrée section [Cadastre 16] en espace de jardin, les consorts [P] semblent reprocher au premier juge de ne pas avoir intégré le potentiel de constructibilité de la parcelle à l'appréciation de la valeur globale du bien préempté. Pourtant, le premier juge a bien pris en compte ce potentiel de constructibilité en tant qu'élément de plus-value en retenant une valeur unitaire de 3.300 euros/m², supérieure à la moyenne des références retenues, à savoir 3.118,96 euros/m². L'application de la méthode par comparaison, unanimement sollicitée, empêche toute indemnisation accessoire au titre de ce terrain constructible intégré. Pour ce faire, il aurait fallu dissocier les deux parcelles et solliciter une indemnisation de la parcelle [Cadastre 16] sous la qualification de terrain à bâtir. S'agissant du caractère enclavé de la parcelle cadastrée [Cadastre 17], elle ne l'est pas lorsqu'elle est considérée comme une unité foncière avec la parcelle [Cadastre 14]. Cependant, ce faisant, l'indemnisation du terrain en fonction de sa constructibilité n'est pas possible. À l'inverse, prise isolément, la parcelle [Cadastre 16] est constructible à la condition de la création d'un passage privé sur la parcelle cadastrée [Cadastre 14]. C'est ce qu'avait prévu l'acquéreur et ce qu'a justement rappelé le premier juge. En l'état, la parcelle [Cadastre 16] n'est donc pas constructible au sens des dispositions du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme. Ce règlement prévoit en effet que « pour être constructible, tout terrain doit disposer d'un accès sur une voie publique ou privée, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur le fonds voisin ». La parcelle [Cadastre 16] ne peut donc pas être valorisée autrement que comme un terrain en forme de jardin rattaché à la parcelle [Cadastre 14]. Au demeurant, les autres parcelles limitrophes D [Cadastre 22] et [Cadastre 18] sont des jardins détenus par la commune de [Localité 20] et non pas une voie publique, de sorte que les riverains ne disposent pas d'un droit d'accès sur elles.

Concernant l'évaluation du bien, l'avis des Domaines du 29 octobre 2020 évalue l'unité foncière à la somme de 447.000 euros (Pièce 8I). La méthode retenue est la méthode par comparaison terrain intégré. Seules six mutations de maisons d'une superficie comprises entre 60 m² et 150 m² ont eu lieu depuis 2020 sur le territoire de la commune de [Localité 20]. Quatre d'entre elles concernent des constructions récentes, voire très récentes, de sorte qu'elles ne sont pas comparables avec une bâtisse ancienne comme en l'espèce. La première des deux mutations restantes concerne une maison construite en 1900 d'une surface de 120 m² mais « dans un parfait état » d'après son acquéreur (Pièce 9I ; Pièce 13I). La seconde mutation concerne une maison d'une surface de 117 m² dans un « état quasi neuf » d'après son acquéreur (Pièce 10I ; Pièce 12I). La moyenne de ces deux termes de comparaison s'établit à 3.208 euros/m². Contrairement à ce qu'affirment les consorts [P], il s'agit de termes de comparaison pertinents concernant des maisons anciennes sur le territoire de la commune de [Localité 20]. S'agissant de l'évaluation du jardin, celle-ci est incluse dans la valeur unitaire retenue. Il est de jurisprudence constante que les jardins sont exclus du calcul d'évaluation du prix du bien préempté (CA [Localité 24]/20315). Les deux termes de comparaison sont des ventes pour lesquelles le jardin a été valorisé directement dans la valeur unitaire de la surface habitable, sans faire l'objet d'une valorisation spécifique. Autrement dit, les termes de comparaison produits prennent aussi en compte la surface du terrain dans leur valorisation. Par ailleurs, l'argument selon lequel les termes de comparaison doivent être écartés au motif qu'ils concernent des maisons à la surface bien moindre que le bien préempté est inopérant, dès lors que la surface utile dudit bien n'est pas de 186,6 m² mais de 139,9 m². Enfin, au regard de la différence d'état entre les deux termes de comparaison et le bien préempté, il convient de retenir un abattement pour vétusté. Dans une autre affaire, un abattement de 25% pour extrême vétusté a pu être appliqué par le juge de l'expropriation (CA [Localité 25]/04600). En l'espèce, il ressort du procès-verbal de transport sur les lieux que les pièces d'habitation sont dans un mauvais état d'entretien avec des fissures par endroits, le tableau ne paraît pas être aux normes, la toiture n'est pas étanche, et la deuxième chambre ne dispose pas d'un accès autonome et est dépourvue de fenêtre. Il ressort de ces éléments que le bien préempté nécessite d'importants travaux de mise aux normes justifiant un abattement pour vétusté de 10%, étant rappelé l'état quasi neuf des termes de comparaison.

Concernant le prix de la préemption, en retenant une surface de 139,9 m², une valeur unitaire de 3.208 euros/m² et un abattement pour vétusté de 10%, le prix est de 403.919,28 euros. Le prix proposé, à savoir 447.000 euros, aligné sur celui de l'avis des Domaines, est donc parfaitement justifié.

Concernant les termes de comparaison des consorts [P], ils concernent des biens construits dans les années 2000 dont la superficie est bien supérieure à celle du bien préempté. Ils ne sont donc pas comparables et doivent être écartés. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de valoriser à part le terrain à usage de jardin , puisque l'évaluation est faite terrain intégré et que ce terrain n'est au demeurant pas constructible.

Concernant les termes de comparaison du commissaire du gouvernement, ceux-ci sont pertinents puisqu'ils portent sur des bâtisses anciennes comprenant des dépendances et situées sur le secteur de la commune de [Localité 20].

La commune de [Localité 20] rétorque dans un second jeu de conclusions que :

Concernant l'atelier, les consorts [P] persistent à considérer cette surface comme un atelier habitable et non comme une remise non aménagée. Concernant la chambre 3, les appelants se bornent à soutenir que les modalités d'accessibilité de cette pièce, à savoir par une échelle amovible, ne sauraient suffire à l'écarter des surfaces habitables. Concernant le grenier, il est rappelé que le premier juge a retenu qu'il s'agissait d'une surface annexe, en raison notamment de l'impossibilité de le visiter lors du transport sur les lieux pour des raisons de sécurité et de son accès depuis l'extérieur par une échelle de meunier.

Concernant l'abattement pour vétusté, les appelants confondent la notion de vétusté et de maison ancienne afin d'empêcher l'application d'un tel abattement. Or, ces notions sont indépendantes. En l'espèce, ce n'est pas l'ancienneté de la construction mais la vétusté des équipements et installations qui justifie l'application d'un abattement pour vétusté de 10%.

Concernant les termes de comparaison produits par les consorts [P], il convient de rappeler que la méthode d'évaluation par comparaison impose de ne retenir que des mutations de biens situés dans un secteur géographique proche (CA [Localité 23] 21/164357). Or, les deux nouveaux termes de comparaison dont les consorts [P] se prévalent dans leurs dernières conclusions concernent des biens situés à [Localité 10], au-delà d'un rayon de 1 km. De plus, les biens sont des maisons rénovées d'une surface d'habitation supérieure à celle du bien préempté, à savoir 139 m² et 122 m².

Le commissaire du gouvernement conclut que :

Concernant l'origine de propriété, elle découle d'une attestation notariée du 13 décembre 2017.

Concernant la description physique et la consistance du bien, celui-ci est une unité foncière composée d'une parcelle bâtie d'une superficie de 210 m² cadastrée [Cadastre 14] et d'une parcelle non bâtie d'une superficie de 682 m² cadastrée [Cadastre 16]. La parcelle cadastrée [Cadastre 16] est issue de la division de l'ancienne parcelle [Cadastre 15], en deux parcelles cadastrées [Cadastre 16] et [Cadastre 18], cette dernière, d'une superficie de 180 m², ayant été cédée à la commune de [Localité 20] le 11 mars 2020. Le bâti est composé d'une maison construite en 1910 en R+1 avec un grenier, une grange attenante et des appentis. Le bien est situé en centre-ville, à 4 km de la ligne B du RER.

Concernant la situation locative, le bien est libre d'occupation.

Concernant la date de référence, les parties s'accordent sur la date du 28 janvier 2020. En application de l'article L.213-4 du code de l'urbanisme, le plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 20] a été modifié par délibération du 29 janvier 2020. La date de référence à retenir est donc le 29 janvier 2020, sous réserve de connaître la date de publicité de cette modification.

Concernant la situation au regard de la règlementation d'urbanisme, à la date de référence, le bien est situé en zone UA. Elle correspond au c'ur du village de [Localité 20]. Elle est équipée et desservie par tous les réseaux et accueille quelques commerces et activités artisanales. Elle englobe le tissu ancien implanté le long des routes de [Localité 11] et de [Localité 21]. L'emprise en sol des constructions ne peut excéder 40% de la superficie de l'unité foncière. La hauteur maximale des constructions est de 10 m, soit R+1 avec combles.

Concernant la surface du bien, la surface habitable est de 80 m². C'est cette surface qu'il convient de prendre en compte dans la mesure où les prix unitaires des cessions de maisons cités comme termes de comparaison ont été calculés à partir de la surface habitable des biens et non de leur surface utile, laquelle comprend les dépendances (même si le prix unitaire constaté peut tenir compte de l'importance de celles-ci). La grange doit être valorisée à part.

Concernant les termes de comparaison des consorts [P], il s'agit de biens de construction récente de grande surface. Ces termes de comparaison ne sont donc pas comparables au bien préempté et doivent être écartés.

Concernant les termes de comparaison de la commune de [Localité 20], le prix unitaire du premier d'entre eux n'a pas été retraité du montant de la commission d'agence, à savoir 11.000 euros TTC à la charge du vendeur. Le prix de 447.000 euros proposé et indiqué dans l'avis des Domaines du 29 janvier 2020 ne vaut qu'ordre de grandeur en l'absence de visite du bien et du mesurage précis des surfaces.

Concernant la parcelle cadastrée [Cadastre 16], il s'agit d'un terrain non bâti et enclavé, donc peu valorisable. Toutefois, le prix peut prendre en compte un potentiel de constructibilité au regard du règlement applicable à la zone UA, à condition de créer un accès à la voie publique. La transformation de la parcelle en terrain à bâtir implique alors des travaux d'aménagement et de démolition de la grange.

Concernant la méthode d'évaluation, la méthode d'évaluation par comparaison est utilisée, car il existe un marché immobilier local avec des biens comparables à celui du bien préempté.

Concernant le prix unitaire de la maison, la moyenne des quatre termes de comparaison produits s'établit à 3.095,46 euros. Les prix mentionnés ont été calculés à partir de la surface habitable des biens correspondants. Le commissaire du gouvernement ne retient qu'un seul terme de comparaison d'une surface de 107 m², qui comprend également un grenier et une petite dépendance. La différence de surface entre ce terme de comparaison et le bien préempté invite à appliquer une majoration de 15% sur le prix unitaire de 2.906 euros/m², soit 3.341,90 euros/m² arrondi à 3.340 euros/m². Il est précisé que l'état de ce terme de comparaison est moyen, l'acte de vente précisant qu'un permis de construire était déposé pour l'aménagement de cinq logements. En revanche, le bien préempté ne présente que deux chambres en enfilade, et une troisième chambre d'une surface de 7,70 m², inférieure au minimum de 9 m². Le prix de la maison s'élève donc à 267.200 euros (80 m² × 3.340 euros/m²).

Concernant le prix unitaire de la grange, la moyenne des trois termes de comparaison s'établit à 1.106,02 euros, soit de l'ordre de 1.100 euros/m². Le prix de la grange s'élève donc à 73.480 euros (66,80 m² × 1.100 euros/m²).

La valeur totale ressort ainsi à 329.480 euros. L'offre de l'autorité préemptrice à 447.000 euros est donc satisfactoire.

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R 311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017 - article 41 en vigueur au 1er septembre 2017, l'appel étant du 14 avril 2022, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions des consorts [P] du 13 juillet 2022, de la commune de Gometz-la- Ville du 26 septembre 2022 et du commissaire du gouvernement du 12 octobre 2022 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

Les conclusions des consorts [P] du 27 décembre 2022 sont de pure réplique à celles de la commune de Gometz- la- Ville, appelant incident et à celles du commissaire du gouvernement ne formulent pas de demandes nouvelles, sont donc recevables au-delà des délais initiaux.

Les conclusions de la commune de Gometz- la-Ville étant également de pure réplique sont recevables.

Les conclusions des consorts [P] du 17 janvier 2024 sont recevables puisqu'elles indiquent que la procédure est privée de son effet du fait de l'annulation de la décision de préemption par le jugement du tribunal administratif de Versailles du 28 septembre 2023 et les pièces à l'appui sont également recevables.

- Sur le fond

Les consorts [P] demandent dans leurs conclusions du 17 janvier 2024 de constater que la procédure est privée de son objet du fait de l'annulation de la décision de préemption par le jugement du tribunal administratif de Versailles du 28 septembre 2023 et de dire que la cour a vidé sa saisine.

Ils produisent le jugement du tribunal administratif de Versailles du 28 septembre 2023 (pièce numéro 12) et un courrier de la cour administrative d'appel de Versailles du 12 janvier 2024 (pièce numéro 13) indiquant qu'à ce jour, elle n'a été saisie d'aucun appel contre le jugement du 28 septembre 2023 rendu par le tribunal administratif de Versailles.

La commune de Gometz- la-Ville et le commissaire du gouvernement n'ont pas déposé de conclusions en réplique.

Il convient suite au jugement du tribunal administratif de Versailles du 28 septembre 2023 et de son caractère définitif de constater que la procédure est privée de son objet et que la cour est en conséquence dessaisie.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de débouter les consorts [P] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Sur les dépens

Au regard de la solution du litige, chaque partie supportera la charge de ses dépens exposés en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Constate que la procédure est privée de son objet du fait de l'annulation de la décision de préemption par le jugement définitif du tribunal administratif de Versailles du 28 septembre 2023 ;

Se déclare dessaisie ;

Déboute les consorts [P] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 22/06850
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.06850 ?
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