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21/03/2024 | FRANCE | N°20/06677

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 21 mars 2024, 20/06677


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRET DU 21 MARS 2024



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06677 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCPVE



Décision déférée à la Cour : Jugement

Jugement du 16 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/07432





APPELANTE



Association CAP' DEVANT !
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[Localité 4]

Représentée par Me Blandine BOULAY, avocat au barreau de PARIS







INTIMES



Madame [K] [Y]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Aurélie MARTINI...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 21 MARS 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06677 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCPVE

Décision déférée à la Cour : Jugement

Jugement du 16 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/07432

APPELANTE

Association CAP' DEVANT !

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Blandine BOULAY, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Madame [K] [Y]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Aurélie MARTINIE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0310

Monsieur [N] [J]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Laura NGUYEN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Carine SONNOIS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Mme Carine SONNOIS, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [N] [J] a été embauché par l'association Cap'Devant par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en date du 30 mai 2016, en qualité de responsable technique au sein de l'institut [D] [I].

L'association Cap'Devant accueille des personnes en situation de handicap moteur et gère 18 établissements en Île-de-France, notamment l'Institut d'Éducation Motrice [D] [I] qui accueille des enfants et des adolescents déficients moteurs, en internat et en externat.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, M. [J] percevait une rémunération mensuelle brute de 4 027,88 euros.

Le 3 juillet 2017, Mme [Y], directrice de l'établissement, a démissionné de ses fonctions.

M. [J] a été placé en arrêt de travail du 12 octobre 2017 au 18 novembre 2017.

Le 10 avril 2018, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 19 avril, assorti d'une mise à pied conservatoire.

Par lettre du 2 mai 2018, M. [J] a été licencié pour faute grave.

M. [J] a contesté l'ensemble des griefs par lettre du 12 juin 2018 et l'association Cap'Devant a maintenu sa décision dans une lettre du 11 juillet 2018.

Le 3 octobre 2018, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il sollicitait également le paiement d'heures supplémentaires, des dommages-intérêts pour non-respect des règles relatives à la contrepartie obligatoire en repos, une indemnité pour travail dissimulé, des dommages-intérêts pour manquements répétés à l'obligation de sécurité ainsi qu'un rappel de salaire sur mise à pied.

Le 13 septembre 2019, l'association Cap'Devant a assigné Mme [Y] en qualité d'intervenant forcé.

Par jugement rendu le 16 septembre 2020, en formation paritaire, et notifié le 25 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamné l'association Cap'Devant à payer à M. [N] [J] les sommes suivantes :

*4 027,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

*402,78 euros à titre de congés payés afférents

*1 923,31 euros à titre d'indemnité de licenciement

*2 453,24 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied du 14 avril au 2 mai 2018

*245,32 euros à titre de congés payés afférents

*5 484,50 euros à titre d'heures supplémentaires non rémunérées en 2016

*548,45 euros à titre de congés payés afférents

*4 914,70 euros à titre d'heures supplémentaires non rémunérées en 2017

*491,47 euros à titre de congés payés afférents

*482,30 euros à titre d'heures supplémentaires non rémunérées en 2018

*48,23 euros à titre de congés payés afférents

*24167,28 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu'au jour du paiement

- rappelé qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Fixe cette moyenne à la somme de 4 027,88 euros

*8 055,76 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

*2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquements répétés à l'obligation de sécurité et de résultat

Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement jusqu'au jour du paiement

*1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné à l'association Cap'Devant de rembourser à Pôle emploi les indemnités versées à M. [N] [J] dans la limite de six mois

- ordonné la communication des bulletins de paye et documents de fin de contrat rectifiés

- débouté M. [N] [J] du surplus de ses demandes

- débouté l'association Cap'Devant de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens

- débouté l'association CAP'DE\/ANT de l'ensemble des demandes et l'a condamnée aux dépens

- débouté Mme [C] [Y] de sa demande reconventionnelle.

L'association Cap'Devant a interjeté appel du jugement par déclaration déposée par voie électronique le 14 octobre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 7 janvier 2021, l'association Cap'Devant, appelante, demande à la cour de :

- juger que le licenciement de M. [J] est bien fondé

- juger que la preuve d'aucune heure supplémentaire effectuée par M. [J] n'est rapportée

- juger que M. [J] a commis un abus manifeste dans le cadre de la présente procédure

- juger que Mme [Y] a commis une faute lourde à l'encontre de son ancien employeur Cap'Devant

Et en conséquence,

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes

- condamner M. [J] à payer à Cap'Devant la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile

- condamner M. [J] à payer à Cap'Devant la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner Mme [Y] au versement de la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts

- condamner Mme [Y] à payer à Cap'Devant la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. [J] et Mme [Y] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 6 janvier 2023, M. [N] [J], intimé, demande à la cour de :

Sur l'appel principal :

- débouter l'association Cap'Devant de l'intégralité de ses demandes

- constater qu'il a formé appel incident concernant le quantum des sommes allouées au titre des heures supplémentaires non rémunérées pour les années 2016, 2017 et 2018, le quantum des dommages et intérêts alloués au titre des manquements répétés à l'obligation de sécurité de résultat et sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des règles légales relatives à la contrepartie obligatoire en repos à laquelle le jugement n'a pas fait droit

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse

- fixé sa rémunération moyenne à la somme de 4 027,88 euros

- condamné l'association Cap'Devant à lui payer les sommes suivantes :

* 4 027,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 402,78 euros à titre de congés payés afférents

* 1 923,31 euros nets à titre d'indemnité de licenciement

* 2 453,24 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied du 14 avril au 2 mai 2018

* 245,32 euros à titre de congés payés afférents

* 24 167,28 euros nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

* 8 055,76 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné à l'association Cap'Devant de rembourser à Pôle emploi les indemnités à lui versées dans la limite de six mois

- ordonné la communication des bulletins de paye et documents de fin de contrat rectifiés

- débouté l'association Cap'Devant de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens.

Sur l'appel incident :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- limité les heures supplémentaires non rémunérées en 2016 à la somme de 5 484,50 euros

- limité les congés payés afférents à la somme de 545,45 euros

- limité les heures supplémentaires non rémunérées en 2017 à la somme de 4 914,70 euros

- limité les congés payés afférents à la somme de 491,47 euros

- limité les heures supplémentaires non rémunérées en 2018 à la somme de 482,30 euros

- limité les congés payés afférents à la somme de 48,23 euros

- limité le montant des dommages et intérêts alloués au titre des manquements répétés à l'obligation de sécurité et de résultat à la somme de 2 000 euros

- et l'a débouté de sa demande d'un montant de 3 260,67 euros à de dommages et intérêts pour non-respect des règles légales relatives à la contrepartie obligatoire en repos

Statuant à nouveau, de :

- condamner l'association Cap'Devant à lui verser les sommes suivantes :

* 7 835 euros au titre des heures supplémentaires non rémunérées en 2016

* 783 euros au titre des congés payés afférents

* 7 021 euros au titre des heures supplémentaires non rémunérées en 2017

* 702,10 euros au titre des congés payés afférents

* 689,87 euros au titre des heures supplémentaires non rémunérées en 2018

* 68,99 euros au titre des congés payés afférents

* 3 260,67 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect des règles légales relatives à la contrepartie obligatoire en repos

* 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquements répétés à l'obligation de sécurité de résultat

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes

- condamner l'association Cap'Devant aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 8 février 2021, Mme [Y], intervenante forcée, demande à la cour de :

- juger l'association Cap'Devant mal fondée en son appel

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'association Cap'Devant de sa demande de dommages et intérêts pour prétendue faute lourde

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Et, statuant à nouveau,

- condamner l'association Cap'Devant à lui verser les sommes de :

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

* 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner l'association Cap'Devant aux entiers dépens.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 22 février 2023.

L'affaire a été fixée à l'audience du 8 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur les heures supplémentaires

La durée légale du travail effectif prévue à l'article L.3121-1 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré.

Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Selon l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

M. [J] soutient qu'il a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été intégralement payées, notamment parce qu'il était en charge du service de transport des enfants et devait être de façon quasi-systématique présent à 7 heures le matin pour pallier les absences fréquentes des chauffeurs et assurer lui-même les tournées.

Il pointe que la question du décompte de la durée du travail avait été évoquée par l'Inspection du travail dans un rapport du 10 août 2016 adressé à l'employeur, qui soulignait la nécessité d'effectuer quotidiennement un décompte des heures de chaque salarié ainsi qu'un récapitulatif mensuel, et enjoignait l'association de justifier du paiement ou de la récupération des heures supplémentaires.

A l'appui de sa demande, le salarié verse aux débats :

- des courriels envoyés tardivement depuis sa boite professionnelle entre 2016 et 2018

- trois tableaux récapitulant ses horaires de travail hebdomadaires de mai 2016 à février 2018

- des tableaux mensuels ayant le même objet pour les périodes de mai à décembre 2016 et d'août 2017 à février 2018, transmis à ses supérieurs hiérarchiques successifs et validés jusqu'en décembre 2016

- des tableaux mensuels ayant le même objet pour les mois de mai, juin, septembre, décembre 2016, janvier, février, mars, mai et juin 2017, tous validés d'une traite le 16 août 2017 par Mme [Y] avant son départ, laquelle a obtenu gain de cause s'agissant de sa demande d'heures supplémentaires devant la cour d'appel de Versailles.

M. [J] affirme qu'il ressort des trois premiers tableaux hebdomadaires et des bulletins de salaire que :

- en 2016, seules 25 heures supplémentaires sur les 292 effectuées ont été payées

- en 2017, seules 51 heures supplémentaires sur les 284 effectuées ont été payées.

- en 2018, aucune des 24 heures supplémentaires n'a été payée

Il présente ainsi des éléments suffisamment précis pour que l'employeur soit en mesure d'y répondre.

L'association répond que :

- M. [J] a été embauché pour une durée de 35 heures par semaine, portée ensuite à 38 heures et bénéficiait en contrepartie de 18 jours de congés supplémentaires; selon elle, il s'agit d'un forfait en heures en application de la convention collective du 15 mars 1966

- en cas de besoin, M. [J] devait faire une demande préalable à sa hiérarchie et les mails qu'elle produit montre que le salarié a eu recours à cette procédure

- M. [J] devait ensuite les déclarer auprès de la Direction, avant traitement par le service de la paie, ce qu'il a fait certains mois de manière ponctuelle et modérée, et toutes ces heures supplémentaires ont été payées

- les tableaux d'heures, qui remontaient pour les premiers à mai 2016, produits par le salarié n'ont pas été contresignés au fur et à mesure par son supérieur hiérarchique mais en bloc en juillet 2017 lorsque Mme [Y], qui a démissionné le 3 juillet 2017 et travaillé jusqu'au 28 juillet 2017, a demandé à M. [J] de les lui transmettre

- à compter d'août 2017, ces tableaux n'ont plus été signés par son nouveau supérieur hiérarchique et les heures supplémentaires ont été partiellement payées, après analyse, avant que le directeur n'indique en décembre 2017 qu'aucune heure supplémentaire ne serait plus autorisée sans validation préalable de la Direction.

La cour retient que le salarié présente un tableau détaillé de ses horaires de travail tandis que l'association ne verse aux débats aucune pièce permettant d'établir de manière objective et fiable le nombre d'heures de travail effectuées par M. [J] ; que ce faisant, l'association ne remplit pas la charge de la preuve qui lui incombe alors que le salarié a, de son côté, étayé sa demande en apportant à la cour des éléments précis.

En l'état des éléments d'appréciation dont la cour dispose, il sera accordé à M. [J] un rappel d'heures supplémentaires, après déduction des heures qui ont été payées, qui sera arbitré à :

- 167 heures pour l'année 2016, soit 4 581,13 euros,

- 136 heures pour l'année 2017, soit 3 729,20 euros,

- 15 heures pour l'année 2018, soit 401,85 euros,

outre l'indemnité de congés payés de 871,21 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé.

2/ Sur le non-respect de la contrepartie obligatoire en repos

Aux termes de l'article L. 3121-30 du code du travail : « Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.

Les heures supplémentaires ouvrant droit au repos compensateur équivalent mentionné à l'article L. 3121-28 et celles accomplies dans les cas de travaux urgents énumérés à l'article L. 3132-4 ne s'imputent pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires ».

M. [J] fait valoir que les 137,93 heures effectuées au-delà du contingent annuel n'ont fait l'objet d'aucune contrepartie en repos et sollicite en conséquence la somme de 3 260,67 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des règles applicables.

L'association déduit de l'absence d'heures supplémentaires, l'absence de droit à repos compensateur.

La convention collective prévoyant un contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures, le nombre d'heures supplémentaires retenus précédemment n'ouvre pas droit à indemnité pour le salarié.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande à ce titre.

3/ Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Aux termes des articles L.4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur est tenu à l'égard de chaque salarié d'une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé. Il doit en assurer l'effectivité.

M. [J] fait valoir que l'association n'a pris aucune mesure pour remédier à la situation de souffrance dénoncée par les salariés en dépit des mises en garde répétées du CHSCT, du médecin du travail et de l'Inspection du travail. Il ajoute qu'elle a , par son inertie, cautionné des méthodes de management inacceptables marquées par des procédés d'intimidation violents. Il soutient que cette absence de toute mesure de prévention a impacté directement sa santé psychique puisqu'il a été placé en arrêt de travail pour burn-out quelques mois avant son licenciement et que la dégradation de son état de santé était connue de la Direction, avant même qu'il ne soit placé en arrêt de travail. Enfin, il souligne que l'Inspection du travail a interpellé l'association sur sa situation le 2 mars 2018, et que sa convocation à un entretien préalable a été envoyée peu après.

L'association répond que la situation évoquée par M. [J] est la conséquence de la décision de Mme [Y] d'accueillir plus d'enfants que de places prévues dans son agrément, situation qu'elle a découverte à la rentrée de septembre 2017. Elle admet que la mobilisation importante des équipes éducatives de l'établissement a provoqué stress et urgence pour les chefs de service éducatifs, mais affirme que M. [J] n'était pas concerné par cet incident et que, s'il l'avait été, cela n'aurait été le cas que sur une courte période, jusqu'au 12 octobre 2017, début de son arrêt de travail.

Par ailleurs, l'association fait valoir que de très nombreuses réunions ont été organisées, qu'un comité de pilotage a été mis en place et que plusieurs recrutements ont été opérés.

La cour relève que, lors de la réunion du CHSCT du 27 septembre 2017 à laquelle M. [J] était présent sur la demande expresse de la présidente, Mme [B], celui-ci a publiquement exprimé (pièce 33 intimé) devant elle son incapacité à faire face à la surcharge de travail qui lui était imposée, et évoqué un état de stress avancé et de saturation, ainsi que des idées noires . Alors qu'aux termes de son contrat de travail, ses fonctions étaient celles d'un Responsable technique, il a indiqué qu'il était devenu contre son gré Responsable incendie, bâtiment, services généraux (chauffeurs, cuisine...), alors que l'hygiène et la cuisine n'étaient pas dans son champ de compétence, pas plus que la sécurité incendie, même s'il avait eu une formation en matière de sécurité incendie et d'assistance aux personnes (SSIAP3). Face à l'expression de son mal-être, le médecin du travail, présent à cette réunion, l'a invité à venir le rencontrer. A l'issue de l'examen réalisé le 12 octobre 2017, le médecin du travail a décidé d'une orientation immédiate pour soins qui a été suivie d'un arrêt de travail.

Force est de constater qu'aucune mesure n'a été prise par l'employeur, pourtant présent, à la suite de cette réunion afin d'évaluer la charge de travail du salarié et de mettre en place des mesures appropriées.

Il apparaît ensuite que M. [J] et quatre chefs de service ou cadre de l'association ont cosigné le 20 novembre 2017 une lettre adressée à la présidente (pièce 40 intimé) dans laquelle ils décrivent leurs conditions de travail depuis l'arrivée le 21 août 2017 de Mme [B] en qualité de manager de transition. Ces cinq salariés dénoncent une remise en question de leurs compétences, une absence de reconnaissance du travail accompli et de considération, un dénigrement de l'équipe cadre, des propos méprisants, humiliants et menaçants, un climat anxiogène, des pressions psychologiques constantes, les difficultés auxquelles ils ont été confrontés suite à la validation par la direction de l'accueil en septembre 2017 d'un nombre de jeunes externes supérieur à l'agrément et l'absence de prise en compte de l'impact d'une telle décision, et concluent en indiquant que cette lettre a pour objet d'activer leur droit d'alerte.

L'employeur ne justifie pas plus de mesures prises à la suite de la réception de cette lettre.

Ainsi donc, contrairement à ce que l'association soutient, les difficultés rencontrées par M. [J] ne peuvent être ramenées à la seule gestion d'une décision d'accueil d'enfants au-delà de l'agrément, puisque sont également pointés une surcharge de travail et un management agressif, et l'employeur, alerté à deux reprises, de façon très explicite, n'a pas estimé utile de réagir.

Ces éléments caractérisent un manquement à l'obligation de sécurité et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a alloué la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.

4/ Sur le travail dissimulé

En application de l'article L. 8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé, par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l'embauche, de se soustraire à la délivrance de bulletins de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Des articles L. 8221-3, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, il résulte que le salarié, en cas de rupture de la relation de travail, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

M. [J] souligne que l'Inspection du travail avait, dans son rapport du 10 août 2016, pointé la question des heures supplémentaires, de leur paiement ou de leur récupération. Pour autant, l'association a toujours mentionné un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué alors que sa hiérarchie en avait connaissance.

L'association qui conteste l'existence d'heures supplémentaires non payées, soutient qu'il est impossible de caractériser une intention frauduleuse de sa part.

La seule existence d'heures supplémentaires non payées est insuffisante à établir l'intention de l'employeur de dissimuler l'activité de M. [J].

En l'absence d'intention démontrée de l'employeur de dissimulation, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de M. [J] au titre de l'indemnité de travail dissimulé.

5/ Sur le licenciement pour faute grave

Selon l'article L 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à 1'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

« Vous avez été embauché par Cap'devant à compter du 30 mai 2016 en qualité de responsable technique au sein de l'IEM [D] [I]. À ce titre, vous avez notamment pour mission de planifier les interventions des entreprises extérieures dans le cadre des travaux et en fonction des devis acceptés par la direction, puis assurer le suivi de chantier, de gérer le suivi du des matériels mis à la disposition des résidents et des salariés ainsi que d'organiser les tournées de ramassage et les transports pour toutes les sorties éducatives et médicales. Vous avez également à ce poste, sous votre responsabilité, l'équipe de chauffeurs.

Le poste que vous occupez est donc central dans la bonne administration de l'établissement et il est donc nécessaire d'y exécuter ses fonctions avec probité, réactivité et sérieux, tout en faisant preuve d'une vigilance constante, compte tenu de l'activité de nos établissements.

Force est toutefois de constater que tel n'est pas votre cas.

En premier lieu, nous constatons que vous avez commis de nombreuses fautes professionnelles dans l'exercice de vos fonctions.

Ainsi, courant mars, à la suite de la venue des commissaires aux comptes, nous avons été interpellés par ces derniers sur l'utilisation importante des cartes essence par les salariés utilisant les véhicules de l'association. Monsieur [U] [E] vous a alors interrogé sur la vérification et le contrôle de ses cartes. Vous avez indiqué que l'état de consommation des véhicules était de 15 l/100, ce qui correspond à une utilisation moyenne normale.

En vérifiant les relevés de cartes essence, il nous est apparu que les consommations ne pouvaient être contrôlées de manière individuelle dans la mesure où une carte essence est utilisée simultanément par plusieurs véhicules. Au regard du nombre important de véhicules au sein de l'établissement, il était de votre devoir de procéder :

-à des contrôles élaborés

-de pouvoir suivre de manière concrète l'état de consommation des véhicules et ainsi éviter une surconsommation

- de plus vous validiez vous-même les paiements.

Il est de surcroît intolérable que vous ayez tenté de dissimuler cette faute en donnant des informations que vous saviez fausses.

Nous constatons de la même façon que l'état des lieux de la maintenance ainsi que le bilan des contrats de maintenance qui vous ont été demandés par le directeur par intérim de l'établissement Monsieur [A] [M] lors de son arrivée le 27 novembre 2017, n'ont toujours pas été remis à ce jour, ce qui fait là encore obstruction au contrôle de l'association sur la rationalisation des services auxquelles elle a recours et bloque également au contrôle de vos activités.

Les commissaires aux comptes nous ont également interrogés sur les dépenses réglées à la suite des sinistres correspondant au débordement des eaux pluviales du 22 juin 2017 sur l'établissement et de l'intervention des assureurs. Vous avez répondu à Monsieur [U] [E] que vous n'aviez aucune information à ce sujet et que cela ne relevait d'ailleurs pas de votre responsabilité, ce que vous avez maintenu lors de votre entretien préalable.

Le 7 juillet 2017, vous aviez pourtant confirmé par mail à la direction la réalisation de la déclaration du sinistre. Il apparaît à ce jour qu'aucune déclaration de sinistre n'a été réalisée, ce qui induit un coût financier avec des pertes sèches, puisque les commissaires aux comptes n'ont pas pu clôturer le dossier, et qu'aucun expert n'a pu intervenir pour estimer les dégâts et les autres risques potentiels liés à ce débordement.

Il s'agit là d'une faute majeure dans l'exercice de vos fonctions, qui a des conséquences importantes pour l'association et aurait pu avoir des impacts catastrophiques sur les personnes présentes au sein de l'établissement. Le déni que vous affichez et l'absence de toute explication montrent l'absence de prise de conscience de la gravité de vos actes.

Plus que cela, la tentative de dissimulation qui a une fois de plus été révélée montre l'irresponsabilité professionnelle dont vous faites preuve, en dépit des enjeux en termes d'hygiène et de sécurité qui se jouent à votre poste de travail.

En deuxième lieu, vous prenez des initiatives isolées et dépourvues de tout fondement.

Le 28 mars 2018, votre collègue coordinatrice pédagogique, Madame [G] [L], a découvert avec effroi que les éléments figurant dans la réserve dédiée aux enseignants avaient été jetés (soit trois imprimantes, six panneaux de séparation type « cloison », des matelas, des grosses lampes de bureau, des grandes images plastifiées Nathan, des mallettes pédagogiques sur l'eau, la sécurité routière et quatre ou cinq autres, des jeux de kermesse en quantité ' petites voitures par exemple ' du matériel de manipulation de maths, des anciens jeux de société, une caisse de matériel sur l'eau, une caisse de matériel sur l'électricité').

Lorsque cette dernière vous a questionné sur ce point, vous lui avez répondu que cela avait été validé avec son prédécesseur, Madame [V], et que des notes de services sur cette question avaient été adressées au préalable. Madame [G] [L] n'ayant jamais eu connaissances desdites notes de service, elle a contacté Madame [V] qui n'intervient plus au sein de l'IEM depuis la mi-juillet 2017, afin de corroborer ces informations. Cette dernière certifie qu'elle n'a pas donné son autorisation pour jeter ces éléments.

Il est également apparu que vous avez refusé de remettre à Madame [G] [L] la clé de la réserve où sont rangés les matériels pédagogiques de l'établissement depuis le mois de septembre 2017 et sans justification.

Nous vous avons de nouveau interrogé sur ces faits lors de l'entretien préalable, en mettant en avant la réalisation de vos actes sans concertation ni autorisation avec votre hiérarchie et vos collègues. Vous n'avez pas souhaité répondre sur ce sujet.

Cette initiative inadmissible et dénuée d'explication, outre qu'elle perturbe le bon déroulement des activités pédagogiques, a également un impact financier pour l'association, puisque l'établissement doit à nouveau se doter de matériels pédagogiques adaptés aux jeunes accueillis, ce qui n'était naturellement pas prévu dans son budget.

Vous avez également commis à cette occasion une erreur de management, puisqu'on ne vous concertant pas avec la coordinatrice pédagogique, cette dernière s'est sentie mise à l'écart et dévalorisée.

En dernier lieu, nous avons été informés de nombreux faits caractérisant une insubordination manifeste à l'égard de Monsieur [W] [Z], directeur adjoint, qui est à ce titre votre supérieur hiérarchique à qui vous tenaient régulièrement des propos déplacés et arrogants.

Votre comportement a donné lieu à plusieurs incidents, préjudiciables pour l'activité des services.

Malgré les nombreux appels au calme, vous n'avez pas fait évoluer votre comportement, rendant la situation parfaitement ingérable.

Le 9 avril 2018, un nouvel incident a eu lieu. Lors de la réunion des chefs de service, aux environs de 11 heures, vous avez été sollicités par téléphone par le directeur adjoint, Monsieur [W] [Z], afin de procéder au rapatriement à son domicile d'un jeune qui était souffrant. Il vous était demandé d'avoir recours à un chauffeur, compte tenu du sous-effectif des professionnels éducatifs qui ne pouvaient se détacher, afin d'être présent pour l'accompagnement au repas des autres jeunes de l'établissement. En présence de vos collègues de travail, vous avez répondu que les chauffeurs n'étaient plus présents à sept heures. Le directeur adjoint vous fait alors remarquer qu'un chauffeur était bien présent au sein de l'établissement et vous avez répliqué en prétextant que ce dernier était occupé et que ce type de mission n'était pas du ressort du chauffeur.

Monsieur [W] [Z] a réitéré sa demande, mettant en avant le grand état de fatigue du jeune et la nécessité de le reconduire au plus vite à son domicile. Devant l'insistance de votre hiérarchie, vous avez raccroché le téléphone et n'avez pas décroché aux appels suivants du directeur adjoint qui tentait de vous rappeler.

Une rencontre a été sollicitée par le directeur adjoint auprès de Monsieur [A] [M], directeur de l'établissement par intérim, pour échanger sur cet événement. Il a été convenu que cet échange ait lieu à l'occasion d'une réunion de travail prévu l'après-midi même entre vous et le directeur. Lorsque Monsieur [W] [Z] s'est présenté, vous avez refusé sa présence et avait affirmé à nouveau que « les chauffeurs ne sont pas là pour ça ». Monsieur [W] [Z] vous a fait remarquer qu'il n'est pas acceptable que vous puissiez couper une communication de manière abrupte avec la hiérarchie et que vous ne répondiez plus au téléphone a fortiori devant certains de vos collègues de travail. Au lieu de vous excuser vous avez réaffirmé votre position en lui disant « qu'il en sera désormais ainsi ».

L'ensemble de cette situation caractérise une situation d'insubordination à l'encontre de votre hiérarchie.

Nous vous rappelons que l'organisation des tournées et des transports pour toutes sorties éducatives ou médicales est au c'ur de vos missions.

D'une manière générale, il vous appartient à votre poste de travail d'exécuter les directives qui vous sont données et non d'en discuter le bien-fondé de créer des polémiques stériles.

À la fin de notre entretien, vous avez lu un texte dactylographié, par lequel vous dénoncez l'ensemble des griefs reprochés mettant directement en corrélation le courrier des cadres adressés à la DIRECCTE dont vous êtes également signataire, et votre mise à pied.

Nous réfutons tout lien entre les deux événements, dans la mesure où vous êtes seuls responsables de la procédure qui a été initiée à l'encontre, rendu nécessaire par vos agissements.

Votre comportement mais l'ensemble des personnes travaillant avec vous en difficulté et crée indirectement une dégradation de la prise en charge des jeunes accueillis, ceux à quoi il convie de mettre un terme dans les plus brefs délais.

L'ensemble de ces faits nous conduise donc à vous licencier pour faute grave ».

L'association fait valoir à l'appui de cette lettre que :

- il appartenait à M. [J] de mettre en place un système de contrôle des cartes essence et que, faute de l'avoir fait, il a transmis des informations fausses à M. [E], Directeur administratif et financier,

- M. [J] n'a pas créé un listing des contrats de maintenance en cours, contrairement à ce qui lui avait été demandé,

- si, suite à un débordement des eaux dans l'établissement le 22 juin 2017, Mme [Y], en l'absence de M. [J], en congés, a averti l'assureur du sinistre, il appartenait à ce dernier de reprendre ensuite le dossier et d'envoyer les pièces nécessaires, ce qu'il n'a pas fait, tout en affirmant le contraire à M. [E] le 6 septembre 2017, avant de prétendre, à tort, qu'il n'était pas en charge de ce dossier

- si le désencombrement des réserves a été demandé au service technique dirigé par M. [J], à la suite de la visite de l'Inspection du travail, il lui appartenait de faire le tri au lieu de tout mettre à la poubelle et il a refusé de remettre la clé à Mme [L] qui la lui réclamait

- le 9 avril 2018, alors que M. [Z] demandait à M. [J] d'organiser le retour d'un enfant souffrant à son domicile, ce dernier a répondu qu'aucun chauffeur n'était présent, puis que le chauffeur était occupé et enfin qu'il ne ressortait pas de la mission des chauffeurs de reconduire des personnes accueillies à leur domicile, avant de raccrocher au nez de son supérieur hiérarchique devant trois chefs de service, cette attitude caractérisant un manque de respect et une insubordination manifeste. M. [J], en présence du directeur, a maintenu sa position et refusé de s'excuser.

M. [J] répond que :

- il a appliqué les consignes de M. [X] datant de septembre 2016, s'agissant des factures d'essence, à savoir alerter si la consommation est supérieure à 15 litres

- il ne lui a jamais été demandé de mettre à jour le bilan des contrats de maintenance, lesquels étaient en la possession de la direction

- il n'avait pas de délégation pour gérer les sinistres et Mme [Y] lui avait indiqué qu'elle s'en chargeait

- la réserve a été vidée sur ordre de la directrice, à la demande de l'Inspection du travail, huit mois avant sa mise à pied et il n'était pas présent lors de cette opération

- il a répondu à Mme [L] que la clé de la réserve était à sa disposition sur son bureau, lorsque celle-ci lui a demandé

- les trajets pour raison médicale étant assurés par des ambulanciers extérieurs et non par les chauffeurs, il a légitimement refusé d'accomplir cette tâche.

La cour retient les éléments suivants :

- l'association ne justifie pas avoir demandé au salarié de mettre en place un contrôle individualisé de l'utilisation des cartes essence, tandis que M. [J] produit un courriel daté du 23 septembre 2016 du Directeur général, M. [X] (pièce 43 intimé) aux termes duquel il lui était seulement demandé de s'assurer que les tickets des cartes étaient joints à la facture et que la consommation ne dépassait pas 15 litres. Par ailleurs, contrairement à ce qu'allègue l'association, M. [J] n'a pas répondu à M. [E] que les conducteurs consommaient 15 litres/100 kms, mais que les contrôles devaient « se faire sur une consommation moyenne de 15 litres/100kms », ce qui correspond au courriel précité ; il ne peut donc lui être reproché d'avoir donné de fausses informations.

Ce premier grief n'est pas fondé.

- l'association ne justifie pas plus de la demande qui aurait été faite à M. [J] d'élaborer un listing des contrats de maintenance en cours.

Ce second grief n'est donc pas fondé.

- il ressort du courriel du 20 juillet 2017 de Mme [Y] que celle-ci a elle-même avisé l'assureur de la survenance du sinistre du 22 juin (pièce 21 intimé). Alors qu'il est indiqué dans la lettre de licenciement qu'aucune déclaration de sinistre n'a été réalisée, la cour relève que M. [E] indique dans un courriel de 5 septembre 2017 qu'« un dossier sinistre a été déclaré auprès de la MAIF, référencé M 170626460J ». Si M. [J] soutient qu'il n'avait pas de délégation pour ce type de sinistre, la cour relève pourtant que le salarié a répondu le 6 septembre 2017 à M. [E] qu'il avait fait le point avec la MAIF et lui avait envoyé deux factures, lui a ensuite fait un bilan des dégâts et des travaux de nettoyage réalisés par l'équipe de maintenance, a expliqué l'origine du sinistre, évalué les travaux pouvant être réalisés et proposé de lancer un appel d'offre (pièce 29 appelante). Il ne peut donc être sérieusement prétendu par M. [J] qu'il n'était pas légitime à intervenir. Pour autant, les premières démarches auprès de l'assureur ayant été effectuées par Mme [Y], le salarié ne peut se voir reprocher que rien n'a été transmis, alors qu'il démontre avoir de son côté adressé des factures à l'assureur, ce que l'association ne conteste pas. Enfin, l'association affirme que l'absence de diligence de M. [J] a engendré un coût financier pour l'association mais ne verse aux débats aucune pièce justificative.

Ce troisième grief n'est donc pas fondé.

- l'association ne justifie pas des demandes de Mme [L] auprès de M. [J] d'obtenir la clé de la réserve depuis septembre 2017, hormis une affirmation de la part de celle-ci, tandis que ce dernier produit un échange de courriels en avril 2018 (pièce 44 intimé) dans lequel il lui indique que la clé est à sa disposition dans son bureau.

Ce quatrième grief n'est donc pas fondé

- il n'est pas contesté qu'à la suite du rapport établi par l'Inspection du travail le 10 août 2016 qui en joint l'association de « dégager les locaux de travail et leurs annexes de tout encombrement, afin de permettre leur accès en toute sécurité », le service technique a été chargé de cette intervention. La cour relève que la lettre de licenciement ne précise pas la date à laquelle il est reproché à M. [J] d'avoir jeté les objets déposés dans les réserves et l'association n'apporte aucune pièce permettant de la déterminer. Il ressort par contre de l'attestation de M. [S] (pièce 25 intimé) que cette opération a été réalisée entre le 20 et le 27 juin 2017, sous les ordres de Mme [Y], alors que M. [J] était en congé formation professionnelle (pièce 4 intimé). Ces éléments sont corroborés par un courriel de Mme [Y] du 11 juillet 2017 (pièce 24 intimé) qui indique que « le ménage a été fait dans les réserves ». Ainsi, rien ne permet de retenir l'implication fautive de M. [J].

Ce cinquième grief n'est pas fondé.

- il ressort des attestations de Mmes [H], [F] et [L] (pièces 25, 26, 27 appelante) que le 9 avril 2018, l'agent d'accueil a prévenu qu'un jeune était malade et que sa famille ne pouvait venir le chercher puis précisé qu'un chauffeur était présent, que M. [Z], directeur adjoint, a alors contacté téléphoniquement M. [J] pour qu'il organise le trajet, et que ce dernier a refusé, avant de lui raccrocher au nez et de ne plus répondre. M. [J] ne conteste pas ces faits et soutient que son refus était justifié par une directive donnée par Mme [Y] le 19 mai 2017 (pièce 28 intimé), à savoir que « tous les trajets pour raison médicale sont maintenant pris en charge par une société de transport sanitaire qui assure des transports médicalisés en VSL ».

La cour retient que raccompagner un jeune malade à son domicile ne s'analyse pas comme un trajet pour raison médicale, que M. [J] ne pouvait légitimement pas refuser d'organiser un tel trajet comme le lui demandait son supérieur hiérarchique, d'autant qu'un chauffeur était présent, et que son attitude consistant à lui raccrocher au nez puis à ne plus décrocher est inacceptable.

Ce dernier grief est donc caractérisé mais ne constitue pas, à lui seul, une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'association, et la sanction de licenciement est disproportionnée par rapport à la faute qui a été commise.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, le juge octroie au salarié une indemnité dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux déterminés selon l'ancienneté du salarié.

M. [J] ayant une ancienneté d'une année au jour de l'envoi de la lettre de licenciement, dans une association employant habituellement plus de onze salariés, le montant de cette indemnité est compris entre 1 mois et 2 mois de salaire brut.

Eu égard à l'âge de M. [J], à savoir 54 ans à la date du licenciement, au montant de son salaire, soit 4 027,88 euros, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il lui a alloué les sommes suivantes :

- 8 055,76 euros en réparation de son préjudice au titre de la rupture abusive

- 4 027,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 402,78 euros au titre des congés payés afférents

- 2 453,24 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied

- 245,32 euros au titre des congés payés afférents.

6/ Sur la responsabilité civile contractuelle de Mme [Y]

Aux termes de l'article 331 du code de procédure civile, un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal.

La cour rappelle que la responsabilité civile contractuelle d'un salarié ne peut être engagée par son employeur qu'en cas de faute lourde, laquelle doit témoigner de son intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise.

L'association fait valoir que Mme [Y] qui a signé de fausses feuilles d'heures supplémentaires, sans aucune vérification, a volontairement commis un acte fautif dans l'exercice de ses fonctions en attestant de faits faux, et a agi dans le but de lui nuire. Cette faute lourde lui a causé un préjudice puisque l'association a été assignée en paiement d'heures supplémentaires et pour travail dissimulé. Aucune prescription ne saurait être invoquée puisque la procédure n'est pas disciplinaire mais judiciaire et se voit appliquer les délais de prescription de droit commun en matière de responsabilité contractuelle, à savoir deux ans à compter du jour où le demandeur en a eu connaissance. En l'espèce, c'est dans le cadre de la présente procédure que l'association a été informée des agissements de Mme [Y] et a donc agi dans les délais impartis.

Elle fait observer que, si M. [J] avait communiqué chaque fin de mois les tableaux récapitulatifs de ses éventuelles heures supplémentaires, Mme [Y] n'aurait pas eu à les valider rétroactivement lors de son départ. En procédant ainsi, cette dernière savait qu'elle allait contredire les précédentes déclarations de M. [J] auprès des services de paie de l'association.

L'association estime donc que la volonté de frauder de Mme [Y] est caractérisée.

Mme [Y] répond que les faits sont prescrits et qu'il lui est reproché une faute alors que son contrat de travail est rompu depuis juillet 2017. Par ailleurs, elle fait valoir que la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que d'une faute lourde. Or, l'association ne démontre en rien une intention de nuire, le seul fait de valider les relevés d'heures d'un collaborateur ne pouvant suffire à la caractériser, et Mme [Y] ajoute qu'elle n'a pas à assumer les manquements de l'association en matière de paiement d'heures supplémentaires.

Aux termes de l'article 2224 code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». L'association n'ayant pris connaissance des tableaux d'heures supplémentaires réalisés par M. [J] et visés par Mme [Y] qu'à l'occasion de la présente procédure, la prescription n'est pas acquise.

La cour retient que le fait, qui est admis, pour Mme [Y] d'avoir signé, avant de quitter ses fonctions au sein de l'association, plusieurs tableaux récapitulatifs d'heures supplémentaires établis par l'un de ses subordonnés ne peut être qualifié de faute lourde, en l'absence de toute démonstration d'une intention de nuire.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté l'association de sa demande.

7/ Sur la demande de dommages-intérêts de l'association pour procédure abusive à l'encontre de M. [J]

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile « celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés ».

L'exercice d'une action en justice ou d'un recours constitue en son principe un droit, lequel ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts que s'il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice ou une erreur grossière équivalente au dol.

L'association forme une demande pour procédure abusive en raison de la mauvaise foi et de l'abus caractérisé par la démarche de M. [J].

La preuve du caractère dilatoire de l'action, celle de la mauvaise foi de M. [J] ou de sa malice n'étant pas rapportée, pas plus que celle d'un préjudice subi par l'association, distinct de celui résultant de la nécessité d'assurer la défense de ses intérêts dans le cadre de la présente instance devant la cour d'appel, sauf au titre des frais irrépétibles et des dépens dont l'analyse se fera ensuite, il convient de rejeter la demande de dommages-intérêts de l'appelante.

8/ Sur la demande de dommages-intérêts de Mme [Y] pour procédure abusive à l'encontre de l'association

Mme [Y] soutient qu'en la faisant intervenir dans le cadre de la procédure l'opposant à M. [J], et en formulant à son encontre des demandes irrecevables et infondées, l'association doit être condamnée à lui verser des dommages-intérêts pour procédure abusive, puisqu'elle est de nature à lui causer un préjudice.

La cour retient qu'aucun abus de droit n'est caractérisé et que Mme [Y] ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui résultant de la nécessité d'assurer la défense de ses intérêts dans le cadre de la présente instance devant la cour d'appel,

Dès lors, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

9/ Sur le remboursement des indemnités de chômage

Aux termes de l'article L1235-4 du code du travail : « Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées ».

S'agissant en l'espèce d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné d'office le remboursement des allocations de chômage du jour du licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois, les organismes intéressés n'étant pas intervenus à l'audience et n'ayant pas fait connaître le montant des indemnités.

10/ Sur les autres demandes

La cour rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et que la capitalisation est de droit conformément à l'article 1343-2 du code civil.

L'association Cap'devant sera condamnée à verser à M. [J] et à Mme [Y], chacun, la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens d'appel.

L'association Cap'devant sera, par voie de conséquence, déboutée de ses demandes à ces deux titres.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a alloué à M. [N] [J] les sommes suivantes :

- 10 881,50 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2016, 2017 et 2018

- 1 088,15 euros au titre des congés payés afférents

- 24 167,28 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE l'association Cap'devant à payer à M. [N] [J] les sommes suivantes :

- 4 581,13 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2016

- 3 729,20 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2017

- 401,85 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2018

- 871,21 euros au titre des congés payés afférents,

RAPPELLE que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et que la capitalisation est de droit conformément à l'article 1343-2 du code civil,

DEBOUTE M. [N] [J] de sa demande au titre du travail dissimulé,

DEBOUTE l'association Cap'devant de ses demandes au titre de la procédure abusive, de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

DEBOUTE Mme [C] [Y] de ses demandes au titre de la procédure abusive, et sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'association Cap'devant à payer à M. [N] [J] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'association Cap'devant à payer à Mme [C] [Y] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'association Cap'devant aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 20/06677
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;20.06677 ?
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