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20/03/2024 | FRANCE | N°22/06744

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 20 mars 2024, 22/06744


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 20 MARS 2024



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06744 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSQ4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Mars 2022 - tribunal judiciaire de Paris - 9ème chambre 2ème section - RG n° 19/06893





APPELANT



Monsieur [U] [R]

né le [Date naissance 5] 1974 à [Localité 8] (Ira

n)

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : B1055





INTIMÉS



Monsieur [X] [G]

né le [D...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 20 MARS 2024

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06744 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSQ4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Mars 2022 - tribunal judiciaire de Paris - 9ème chambre 2ème section - RG n° 19/06893

APPELANT

Monsieur [U] [R]

né le [Date naissance 5] 1974 à [Localité 8] (Iran)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : B1055

INTIMÉS

Monsieur [X] [G]

né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de Paris, toque : D2090

S.A.S. HEINEKEN ENTREPRISE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N°SIRET : 414.842.062

agissant poursuites et diligences de son président domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Xavier DE RYCK de l'AARPI A.S.A. - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : R018

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

MME Laurence CHAINTRON conseillère chargée du rapport

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

La société Spell, dont M. [R] était le dirigeant, détenait des participations au sein de différentes sociétés dont les société Branchi Brancha et DB 2002.

Par acte sous seing privé du 20 juin 2010, la banque CIC Est a accordé à la société DB 2002 un prêt professionnel d'un montant de 255 900 euros, destiné à financer des investissements dans un établissement de débit de boissons exploité par la société DB 2002, au taux d'intérêts de 6,50 %.

Aux termes de cet acte, la société Heineken Entreprise s'est portée caution solidaire de la société DB 2002 dans le remboursement du prêt à hauteur de la somme de 255 900 euros.

M. [R] s'est porté caution solidaire au profit de la société Heineken.

Selon quittance subrogative du 5 mars 2014, la société Heineken a payé à la banque, au titre de son engagement de caution, la somme de 152 986,41 euros, en lieu et place de la société DB 2002.

Par ordonnance de référé du 17 juillet 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a condamné in solidum la société DB 2002 et M. [R] à payer à la société Heineken la somme en principal de 111 161,40 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter du 13 juin 2014.

Par acte sous seing privé du 29 juin 2010, la banque CIC Est a accordé à la société Branchi Brancha un prêt professionnel d'un montant de 300 900 euros, destiné à financer des investissements dans un établissement de débit de boissons exploité par la société Branchi Brancha, au taux d'intérêts de 5,90 %.

Aux termes de cet acte, la société Heineken, s'est portée caution solidaire de la société Branchi Brancha dans le remboursement du prêt à hauteur de la somme de 300 900 euros.

M. [R] s'est porté caution solidaire au profit de la société Heineken.

Selon quittance subrogative du 10 mai 2014, la société Heineken a payé à la banque, au titre de son engagement de caution, la somme de 328 601,96 euros, en lieu et place de la société Branchi Brancha.

Par ordonnance de référé du 19 juin 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a condamné in solidum la société Branchi Brancha et M. [R] à payer à la société Heineken la somme en principal de 144 121,52 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter du 23 mai 2014.

Par jugement du 13 mai 2015, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée au bénéfice de la société DB 2002. Le 1er juin 2015, la société Heineken a déclaré sa créance au passif de la société DB 2002 qui a été admise à titre privilégié pour la somme de 117 893,52 euros.

Par jugement du 4 novembre 2015, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée au bénéfice de la société Branchi Brancha.

Le 18 novembre 2015, la société Heineken a déclaré sa créance au passif de la société Branchi Brancha qui a été admise à titre privilégié pour la somme de 148 501,85 euros.

Par acte sous seing privé du 20 juin 2008, M. [R] a prêté à M. [G] la somme de 140 000 euros remboursable au taux d'intérêt légal au plus tard le 19 juin 2018. Par courrier du 29 novembre 2018, M. [R] a sollicité le remboursement de ce prêt. En réponse, par courrier recommandé du 15 janvier 2019, M. [G] a contesté être redevable de la moindre somme. Par ordonnance du 19 mars 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris, saisi par requête, a autorisé la saisie de parts sociales de la société de M. [G]. M. [G] a saisi d'une demande de rétractation le juge de l'exécution qui, par jugement du 9 juillet 2019, a rétracté l'ordonnance sur requête du 19 mars 2019. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 novembre 2020. Parallèlement, M. [R] a saisi le juge des référés en paiement de ce prêt. Par ordonnance du 19 juillet 2019, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé.

Par acte du 18 avril 2019, la société Heineken a cédé à M. [G] les créances qu'elle détenait sur la société DB 2002, à hauteur de la somme de 117 893,52 euros, et sur la société Branchi Brancha, à hauteur de la somme de 148 501,85 euros, pour un prix de cession de 10.000 euros. Cette cession de créances a été signifiée le même jour à M. [R].

Par exploit d'huissier des 11 et 12 juin 2019, M. [R] a fait assigner la société Heineken et M. [G] devant le tribunal judiciaire de Paris afin, à titre principal, de voir annuler les engagements de caution consentis au profit de la société Heineken, à titre subsidiaire de le décharger de ses engagements de caution, par conséquent, dans les deux cas, de déclarer opposable à M. [G] le jugement à intervenir et de juger en conséquence que ce dernier, en qualité de cessionnaire des créances détenues par la société Heineken, ne pourra se prévaloir d'aucune créance à son encontre.

Par jugement contradictoire du 1er mars 2022 le tribunal judiciaire de Paris a :

- dit que la demande en nullité et en décharge des cautionnements, formée par M. [U] [R], constitue un moyen de défense au fond ;

- rejeté les contestations de M. [U] [R] ;

- dit que M. [U] [R] est créancier de M. [X] [G], à hauteur de la somme de 157 767,34 euros au 1er juin 2020, au titre du prêt du 20 juin 2008 ;

- dit que M. [X] [G] est créancier de M. [U] [R] à hauteur de la somme de 266 395,37 euros au 18 avril 2019, au titre de la cession de créances du 18 avril 2019 signifiée le même jour ;

- ordonné la compensation entre ces créances ;

- condamné en conséquence M. [U] [R] à payer à M. [X] [G] la somme de 108 628,03 euros ;

- condamné M. [U] [R] aux dépens et à payer à la SA Heineken Entreprise et à M. [X] [G], chacun, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- ordonné 1'exécution provisoire.

Par déclaration remise au greffe de la cour le 31 mars 2022, M. [R] a interjeté appel de cette décision contre M. [G] et la société Heineken Entreprise.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 décembre 2022, M. [R] demande, au visa des articles 1699 et suivants, 2288 du code civil, L. 341-2, L. 341-3, L. 341-4 du code de la consommation, L. 331-1, L. 331-2, L. 343-4 du code de la consommation suite à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et de l'article 503 du code de procédure civile, à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

- rejeté les contestations de M. [U] [R] ;

- dit que M. [U] [R] est créancier de M. [X] [G], à hauteur de la somme de 157 767,34 euros au 1er juin 2020, au titre du prêt du 20 juin 2008 ;

- dit que M. [X] [G] est créancier de M. [U] [R] à hauteur de la somme de 266 395,37 euros au 18 avril 2019, au titre de la cession de créances du 18 avril 2019 signifiée le même jour ;

- ordonné la compensation entre ces créances ;

- rejeté la demande de retrait litigieux de M. [U] [R] ;

- condamné M. [U] [R] aux dépens et à payer à la SA Heineken Entreprise et à M. [X] [G], chacun, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau,

Concernant la créance qu'il détient à l'encontre de M. [X] [G] :

- juger qu'il détient à l'encontre de M. [X] [G] une créance de 189 133 euros (principal de 140 000 euros + intérêts conventionnels de 49 133 euros) outre les intérêts légaux à compter du 29 novembre 2018,

Par conséquent,

- condamner M. [X] [G] d'avoir à lui payer la somme de 189 133 euros (principal de 140 000 euros + intérêts conventionnels de 49 133 euros) outre les intérêts légaux à compter du 29 novembre 2018,

- débouter M. [X] [G] de l'ensemble de ses demandes,

Concernant la créance de M. [X] [G] :

A titre principal :

- juger que la cession de créances du 18 avril 2019 signifiée le jour même est nulle pour défaut de paiement du prix de cession ;

- juger en conséquence que M. [X] [G], en qualité de cessionnaire des créances que détenait la société Heineken Entreprise à l'encontre de sa société au titre de ses engagements de cautions, ne peut se prévaloir d'aucune créance à son encontre,

- débouter la société Heineken et M. [X] [G] de l'ensemble de leurs demandes,

A titre subsidiaire :

- juger que M. [X] [G] ne peut se prévaloir d'aucune créance à son encontre compte tenu de l'absence de preuve de la signification des ordonnances de référé litigieuses et donc de titre exécutoire,

- juger en conséquence que M. [X] [G], en qualité de cessionnaire des créances que détenait la société Heineken Entreprise à l'encontre de sa société au titre de ses engagements de cautions, ne peut se prévaloir d'aucune créance à son encontre ;

- débouter la société Heineken et M. [X] [G] de l'ensemble de leurs demandes ;

- juger en tout état de cause que M. [X] [G] ne rapporte pas la preuve d'un titre exécutoire à l'encontre de M. [U] [R] lui permettant de se prévaloir d'une compensation de créance avec celle qu'il revendique à l'encontre de M. [U] [R],

A titre très subsidiaire :

- juger que la créance revendiquée par M. [X] [G] à son encontre n'est pas certaine dès lors que la société Heineken ne rapporte pas la preuve certaine de l'absence de paiement de ses créances ;

Par conséquent :

- juger en conséquence que M. [X] [G], en qualité de cessionnaire des créances que détenait la société Heineken Entreprise à l'encontre de sa société au titre de ses engagements de cautions, ne peut se prévaloir d'aucune créance certaine, liquide et exigible à son encontre,

- débouter la société Heineken et M. [X] [G] de l'ensemble de leurs demandes,

A titre infiniment subsidiaire :

- décharger M. [U] [R] de ses engagements de caution consentis au profit de la société Heineken Entreprise en garantie des obligations des sociétés Branchi Brancha et DB 2002,

Par conséquent :

- juger en conséquence que M. [X] [G], en qualité de cessionnaire des créances que détenait la société Heineken Entreprise à l'encontre de sa société au titre de ses engagements de cautions, ne peut se prévaloir d'aucune créance à son encontre,

- débouter la société Heineken et M. [X] [G] de l'ensemble de leurs demandes,

Par conséquent,

- condamner M. [X] [G] d'avoir à lui payer la somme de 189 133 euros (principal de 140.000 euros + intérêts conventionnels de 49 133 euros) outre les intérêts légaux à compter du 29 novembre 2018,

- débouter M. [X] [G] et la société Heineken de l'ensemble de leurs demandes,

Concernant l'exercice du retrait litigieux :

- ordonner le retrait litigieux de M. [X] [G] des cessions de créances réalisées par la société Heineken à son profit au bénéfice de M. [U] [R],

- débouter la société Heineken et M. [X] [G] de l'ensemble de leurs demandes,

- confirmer le jugement pour le surplus et notamment en ce qu'il a jugé recevable la demande de nullité et en décharge de ses engagements de caution,

- juger que la demande en décharge des cautionnements formée par M. [U] [R] n'est pas prescrite,

En tout état de cause

- débouter M. [X] [G] et la société Heineken de leurs demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [X] [G] et la société Heineken à lui payer solidairement la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M [X] [G] et la société Heineken aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2022, la société Heineken Entreprise SAS demande au visa des articles 2225 du code civil, L. 331-1, L. 331-2 et L. 343-4 du code de la consommation, à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la demande en nullité et en décharge des cautionnements formés par M. [R] constitue un moyen de défense au fond,

- déclarer irrecevable car prescrite l'action engagée par M. [R],

Subsidiairement,

- débouter M. [R] de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions,

- condamner M. [R] au paiement d'une indemnité de 7 500 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- condamner M. [R] aux entiers frais et dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 août 2022, M. [G] demande au visa des article 122 du code de procédure civile, du principe de non-contradiction et de loyauté processuelle, des articles 1103, 1321, 1347 et 1353 du code civil, et de l'article L. 343-4 du code de la consommation, à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 1er mars 2022 en ce qu'il a :

- rejeté les contestations de M. [U] [R] ;

- dit que M. [X] [G] est créancier de M. [U] [R] à hauteur de la somme de 266 395,37 euros ;

- ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties ;

- condamné en conséquence M. [U] [R] à payer à M. [X] [G] la somme de 108 628,03 euros ;

- condamné M. [U] [R] à payer à M. [X] [G] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens ;

- l'infirmer pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

- déclarer M. [U] [R] irrecevable en sa demande de nullité des engagements de caution consentis au bénéfice de la société Heineken Entreprise pour cause de prescription,

- déclarer M. [U] [R] irrecevable en toutes ses demandes pour non-respect du principe de non-contradiction et de loyauté processuelle en vertu duquel 'nul ne peut se contredire au détriment d'autrui',

A titre subsidiaire, si la cour d'appel de Paris devait estimer que les demandes de M. [R] étaient recevables,

- débouter M. [U] [R] de toutes ses demandes fins et conclusions,

En tout état de cause :

- condamner M. [U] [R] au paiement d'une somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024 et l'audience fixée au 5 février 2024.

MOTIFS

Sur la prescription de la demande en nullité et en décharge des cautionnements

M. [G] fait valoir, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, que l'action en nullité du cautionnement se prescrit par cinq ans à compter de la date de signature des actes.

Ainsi, la prescription de l'action est acquise et l'action de M. [R] est irrecevable. L'action de la société Heineken devant le juge des référés n'est pas interruptive de prescription car cette société procédait seulement au recouvrement de sa créance et la prétendue nullité des actes de caution n'a jamais été soulevée par l'une des parties. De surcroît, M. [R] s'est lui-même reconnu débiteur solidaire de la société Heineken. Cette fin de non-recevoir n'est pas une défense au fond car M. [R] a directement et volontairement agi par voie d'action, pour soulever cette nullité.

La société Heineken fait valoir que l'action en nullité du cautionnement se prescrit par cinq ans à compter de la date de signature des actes. Or, en l'espèce, les actes ont été signés par M. [R] les 20 et 29 juin 2010 et toute action relative à leur validité ou au caractère manifestement disproportionné des actes devait être engagée avant les 20 et 29 juin 2015, ce qui n'est pas le cas. Cette fin de non-recevoir n'est pas une défense au fond car M. [R] sollicitait à titre principal dans son assignation la nullité de ses engagements de cautions. Il n'a pas contesté la validité de ses actes de cautionnements, ni soulevé leur caractère disproportionné, dans le cadre des procédures de référé engagées par la société Heineken. Au contraire, il n'a pas contesté les créances de la société Heineken et n'a sollicité que des délais de paiements. Les procédures engagées n'ont pas interrompu les délais de prescription car l'interruption de la prescription ne profite qu'à celui dont elle émane. Dès lors l'interruption de la prescription de l'action principale ne peut s'étendre à la demande reconventionnelle. Enfin, en matière de référé, l'effet interruptif cesse dès que l'ordonnance est rendue.

M. [R] fait valoir que compte tenu de la production en première instance des engagements de caution litigieux, il a renoncé à se prévaloir de la nullité de ses engagements. Il ne se prévaut à ce jour que de la décharge de ses engagements de caution en raison de leurs caractères manifestement disproportionnés à ses biens et revenus. Aucune prescription ne pourra donc lui être opposée compte tenu du caractère perpétuel des exceptions de nullité. Ainsi, et dès lors que, quand bien même M. [G] aurait acquis la créance dont se prévaut la société Heineken à son encontre, il peut lui opposer l'ensemble des exceptions qu'il pouvait opposer à la société Heineken et donc la nullité

ou la décharge de ses engagements de caution. Il s'est contenté de répondre aux demandes reconventionnelles de première instance de M. [G] et est donc intervenu en qualité de défendeur sur ces demandes, de sorte qu'aucune prescription ne saurait lui être opposée.

Il ressort des dispositions de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

S'agissant de la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en annulation des engagements de cautionnement des 20 et 29 juin 2010 respectivement souscrits par M. [R] au bénéfice des sociétés DB 2002 et Branchi Brancha, M. [R] indique dans ses écritures qu'il renonce à se prévaloir de la nullité de ses engagements de cautionnement, de sorte que la fin de non recevoir de son action en nullité soulevée par M. [G] et la société Heineken est sans objet.

S'agissant de la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action de M. [R] tendant à la décharge de ses engagements de caution en raison de leurs caractères manifestement disproportionnés à ses biens et revenus, il est de jurisprudence constante que le délai de prescription de l'action intentée par la caution contre un créancier professionnel pour obtenir sa libération, sur le fondement de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation, en raison de la disproportion manifeste de son engagement, ne court qu'à compter du jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui a été adressée ou les voies d'exécution diligentées contre elle, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal.

En l'espèce, les intimés ne produisent aucune mise en demeure adressée à M. [R] et ne justifient d'aucune voie d'exécution à son encontre qui seraient antérieures de plus de cinq ans à l'exploit introductif d'instance de M. [R] délivré les 11 et 12 juin 2019, de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a considéré que M. [R] ne pouvait se voir opposer une prescription de sa demande tendant à être déchargé de ses engagements de cautionnement.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription.

Sur le non-respect du principe du contradictoire et de loyauté processuel

M. [G] soulève ensuite l'irrecevabilité des demandes de M. [R] pour non respect du principe de non-contradiction et de loyauté processuelle au motif que dans le cadre des actions ayant donné lieu à la condamnation de M. [R] en référé, ce dernier avait reconnu sa 'dette de cautionnement' et 'l'absence de toute contestation sérieuse sur cette dette', de sorte qu'il est désormais irrecevable à invoquer la nullité et la disproportion de son cautionnement.

Il est constant que la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions.

En l'espèce, M. [G] échoue à démontrer que le fait pour M. [R] de se prévaloir de la disproportion de son cautionnement serait constitutif d'un changement de position de nature à l'induire en erreur sur ses intentions, dès lors que M. [G] n'était pas partie à la procédure de référé devant le tribunal de commerce de Nanterre et que dans le cadre de la présente instance, M. [R] n'a nullement changé de position dès lors qu'il a assigné M. [G] devant le tribunal judiciaire de Paris afin, notamment, de voir annuler ses engagements de caution au profit de la société Heineken et subsidiairement d'en être déchargé.

Cette fin de non recevoir sera donc rejetée.

Sur la créance de M. [R] à l'encontre de M. [G]

M. [R] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu qu'il était titulaire d'une créance de 140 000 euros en principal à l'encontre de M. [G], mais son infirmation en ce qu'il a assorti le montant de la condamnation prononcée à son encontre des intérêts au taux légal et non des intérêts au taux conventionnel. Il fait valoir qu'il a prêté à M. [G] la somme de 140 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2008 et critique le jugement déféré en ce qu'il a retenu que les parties ayant été en relation d'affaires, 'le taux d'intérêt légal à retenir n'est pas celui applicable lorsque le créancier est une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels, au sens de l'article L. 313-2 du code monétaire et financier.' Il sollicite en conséquence la condamnation de M. [G] à lui payer la somme de 189 133 euros, soit 140 000 euros en principal, outre la somme de 49 133 euros au titre des intérêts conventionnels, outre les intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2018.

M. [G] fait valoir que la créance dont se prévaut M. [R] résulte d'un contrat de prêt qui prévoit une exigibilité anticipée en cas de 'liquidation judiciaire, cessation d'exploitation ou cessation d'activité de l'Emprunteur'. Cette stipulation démontre qu'il s'agit d'une créance professionnelle. Consécutivement, l'intérêt légal (qui est le seul prévu au contrat) couru sur cette créance professionnelle, conformément à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier entre le 20 juin 2008 (indiqué comme étant la date de début du contrat) et le 1er juin 2020 est égal à la somme de 17 767,34 euros.

En application des dispositions de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l'espèce, M. [R] justifie être créancier de M. [G] au titre du prêt qu'il lui a consenti puisqu'il produit le contrat de prêt conclu entre les parties le 20 juin 2008, enregistré auprès de l'administration fiscale le 22 juillet 2008 (pièce n° 5), ainsi que le justificatif d'encaissement du chèque d'un montant de 140 000 euros établi au nom de l'emprunteur et débité du compte du prêteur le 23 juillet 2008 (pièces n° 6 et 7). Il justifie également avoir mis en demeure M. [G] de lui rembourser cette somme par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 novembre 2018 (pièce n° 8).

Il est constant que M. [G] n'a procédé à aucun remboursement au titre de ce prêt.

Il ressort de l'article 1 du contrat de prêt du 20 juin 2008 que le montant du prêt était de 140 000 euros, d'une durée de 10 ans à compter du 20 juin 2008 au taux d'intérêt légal publié annuellement, le prêt étant remboursable en un versement en principal qui devait intervenir au plus tard le 19 juin 2018.

Il en résulte que les parties étaient convenues de l'application du taux d'intérêt légal et non, comme le soutient vainement M. [R] d'un quelconque taux d'intérêt conventionnel, de sorte qu'il sera fait application du taux d'intérêt légal à compter du 20 juin 2008, sans qu'il soit nécessaire de rentrer dans le détail de l'argumentation des parties sur le caractère professionnel ou non du prêt souscrit et partant de l'application de l'article L. 313-2 alinéa 3 du code monétaire et financier.

Le décompte produit par M. [G] applique les intérêts légaux sur la somme de 140 000 euros du 20 juin 2008 au 1er juin 2020, de sorte qu'il sera retenu à hauteur de la somme de 17 767,34 euros (pièce n° 15).

C'est donc à juste titre que le tribunal a dit que M. [R] était créancier de M. [X] [G] à hauteur de la somme de 157 767,37 euros (140 000 euros + 17 767,34 euros) au 1er juin 2020 au titre du prêt du 20 juin 2008, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Sur la demande de nullité de la cession de créance entre la société Heineken Entreprise et M. [X] [G]

M. [R] fait valoir que M. [G] ne détient aucune créance à son encontre car la cession de créance du 18 avril 2019 est nulle pour défaut de paiement du prix de cession. Il expose que la réalité de la cession effective de créance n'est pas rapportée en raison de l'absence de preuve du paiement du prix de cession pourtant mentionné dans l'acte de cession. Il soutient que dès lors qu'une cession de créance lui est opposée, il est en droit de remettre en cause sa validité et que l'absence de prix est sanctionnée par une nullité absolue de l'acte de cession, ce qui lui permet de se prévaloir de cette nullité.

M. [G] fait valoir que l'allégation de non règlement du prix de cession est inexacte et n'aurait pas pour conséquence de rendre nulle la cession car les articles 1321 et suivants du code civil ne prévoient pas que la validité d'une cession de créance soit soumise au règlement effectif du prix de cession par le cessionnaire au cédant. De surcroît, l'effet relatif des conventions fondé sur l'article 1103 du code civil empêche les tiers à cette convention de se prévaloir d'une quelconque inexécution.

La société Heineken fait valoir que M. [R] soulève pour la première fois à hauteur d'appel la nullité de l'acte de cession de créance au motif de l'absence de paiement de la somme de 10 000 euros. Toutefois, il ne justifie pas que le prix de la cession n'aurait pas été payé. Ensuite, le paiement du prix de cession, qui n'est pas contesté par le cédant, n'est pas une condition de validité de la cession. Enfin, il n'est pas partie à l'acte de cession et ne peut opposer à la cession que des exceptions inhérentes à la dette ou nées de ses rapports avec le cédant conformément aux dispositions de l'article 1324 du code civil.

En application du principe de l'effet relatif des conventions, le contrat ne créée d'obligations qu'entre les parties.

Il s'en induit que M. [R], qui n'est pas partie au contrat de cession de créance conclu le 18 avril 2019 entre la société Heineken et M. [G], ne peut se prévaloir du défaut de paiement allégué du prix de cession, dont au demeurant il ne rapporte pas la preuve.

De surcroît, comme le relèvent pertinemment les intimés, en application des dispositions de l'article 1321 du code civil, le paiement du prix de cession n'est pas une condition de validité de la cession et selon l'article 1324 alinéa 2 de ce code, le débiteur ne peut opposer au cessionnaire que les exceptions inhérentes à la dette ou nées de ses rapports avec le cédant.

La demande de M. [R] tendant à obtenir l'annulation de l'acte de cession de créance du 18 avril 2019 ne peut donc qu'être rejeté.

Sur l'inopposabilité des créances de M. [G] à l'encontre de M. [R] pour défaut de signification des ordonnances de référés

M. [R] fait valoir qu'aucun élément produit n'établit que les ordonnances de référé invoquées soient définitives. Or, selon l'article 503 du code de procédure civile,

les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés. Aucune copie exécutoire n'est produite et la preuve de la signification n'est pas rapportée. Aucun élément ne permet donc de démontrer que la société Heineken était effectivement titulaire d'une créance certaine, liquide et exigible à l'encontre des débiteurs cédés. M. [G] ne démontre pas en conséquence la réalité effective des créances qu'il aurait acquises auprès de la société Heineken. Ce dernier ne dispose d'aucun titre exécutoire, ce qui ne l'autorise pas à faire exécuter les ordonnances de référé et à prétendre à une compensation entre les créances réciproques des parties.

M. [G] fait valoir qu'il importe peu que les ordonnances de référé aient été notifiées ou non dans la mesure où cela n'a aucune incidence sur le fait que ces créances étaient, à la date de la cession et jusqu'à ce jour certaines, liquides et exigibles. De surcroît, M. [R] n'a jamais contesté sa qualité de débiteur, mais a simplement sollicité des délais de paiement devant le juge des référés.

La société Heineken fait valoir que les copies produites des ordonnances de référés sont revêtues de la formule exécutoire. Il n'était pas nécessaire de faire signifier ces ordonnances rendues contradictoirement lesquelles sont devenues définitives à l'expiration du délai de deux ans de péremption de l'appel. Aucun appel n'a été interjeté contre ces ordonnances dès lors que les créances n'étaient pas contestées et que les délais de paiement sollicités avaient été accordés par le juge des référés.

En l'espèce, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :

- par ordonnance du 17 juillet 2014, condamné in solidum la société DB 2002 et M. [R], en sa qualité de caution, à payer à la société Heineken la somme en principal de 111 161,40 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 13 juin 2014,

- par ordonnance du 19 juin 2014, condamné in solidum la société Branchi Brancha et M. [R], en sa qualité de caution, à payer à la société Heineken la somme en principal de 144 121,52 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter du 23 mai 2014.

Ces ordonnances sont revêtues de la formule exécutoire et il est constant que M. [R] n'en a pas interjeté appel.

Contrairement, à ce que soutient M. [R], le défaut de signification de ces ordonnances est sans incidence sur le caractère certain, liquide et exigible de la créance de la société Heineken en l'absence de saisine du juge du fond, la signification d'une ordonnance de référé n'étant exigée que pour son exécution.

C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré qu'il importe peu que ces ordonnances n'aient pas été notifiées.

Sur l'inopposabilité des créances de M. [G] à l'encontre de M. [R] pour absence de caractère certain, liquide ou exigible de ces créances

M. [R] fait valoir que M. [G] ne détient aucune créance certaine, liquide et exigible à son encontre car l'affirmation selon laquelle les créances de la société Heineken auraient été admises définitivement au passif des procédures de liquidation judiciaire des sociétés DB 2002 et Branchi Brancha n'est étayée par aucun commencement de preuve. M. [G] ne démontre donc pas la réalité effective des créances qu'il aurait acquises auprès de la société Heineken. Aucun certificat d'irrecouvrabilité des créances cédées n'est produit par M. [G]. Par ailleurs, aucun élément ne permet de garantir que la société Heineken n'a effectivement pas été réglée des créances litigieuses dans le cadre des procédures de liquidation judiciaire des sociétés DB 2002 et Branchi Brancha. Ainsi, un paiement d'un montant de 55 580,70 euros a été réalisé au profit de la

société Heineken le 24 avril 2015. Il ne ressort pas de l'acte de cession que les démarches de recouvrement entreprises à l'encontre de la société Compagnie Financière du [Adresse 4], également caution, ont été vaines. Rien ne démontre que la société Heineken n'aurait pas été désintéressée, en tout ou partie, dans le cadre des opérations de liquidation.

M. [G] fait valoir que M. [R] n'apporte aucun élément de preuve pour démontrer ses allégations alors que, codébiteur solidaire des sociétés DB 2002 et Branchi Brancha, il n'aurait pas manqué de produire des éventuels règlements s'ils étaient intervenus. En vertu de l'article 1353 du code civil, s'il s'estime libéré de son obligation de cautionnement en raison d'un paiement intervenu, il lui appartient de le prouver. L'admission au passif des créances n'est pas sérieusement contestable et M. [R], ancien dirigeant de ces sociétés et condamné à une interdiction de gérer dans les deux procédures de liquidation judiciaire pourrait rapporter la preuve que les créanciers chirographaires ont été désintéressés.

La société Heineken fait valoir qu'elle a déclaré ses créances au passif des sociétés DB 2002 et Branchi Brancha, ces créances ont été admises sans que M. [R] ne les conteste en sa qualité de dirigeant de ces sociétés. La société Heineken était donc clairement et définitivement créancière de M. [R] lorsqu'elle a cédé sa créance à M. [G] le 18 avril 2019.

La société Heineken justifie avoir respectivement déclaré ses créances au passif des sociétés DB 2002 et Branhi Brancha par courriers des 1er juin 2015 et 18 novembre 2015, lesquelles ont été admises :

- le 19 juillet 2016 au passif de la société DB 2002 à hauteur de la somme de 117 893,52 euros à titre privilégié,

- le 27 octobre 2016 au passif de la société Branchi Brancha à hauteur de la somme de 148 501,85 euros à titre privilégié (pièces n° 4, 5, 9 et 10).

M. [R] ne démontre pas avoir formé une quelconque réclamation devant le juge commissaire contre l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce de Paris en qualité de tiers intéressé. Il y a donc lieu de considérer que ces admissions de créances sont définitives et s'imposent à la caution qui n'est en conséquence pas fondée à contester les sommes dont le paiement lui est réclamé.

D'autre part, elles sont intervenues avant la cession de créance du 18 avril 2019, de sorte que M. [R] soutient vainement que M. [G] ne démontre pas la réalité effective des créances cédées.

Par ailleurs, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que M. [R] ne démontre pas que tout ou partie de ces sommes aurait été réglé.

En effet, si le paiement de la somme de 55 580,70 euros est invoqué par la société Heineken dans sa déclaration de créance du 1er juin 2015 au passif de la société DB 2002, elle précisait expressément que le sort de ce paiement restait en suspens.

Or, comme l'a relevé le tribunal, M. [R] ne justifie pas de ce paiement. En effet, s'il produit un ordre de virement d'un même montant, en date du 31 mars 2015, le verso de cette pièce qui est censée être la preuve de l'exécution de ce virement est inexploitable car illisible, le montant débité du compte n'étant pas déterminable, pas plus qu'il ne peut être vérifié que cet extrait de compte correspond à celui sur lequel l'ordre de virement a été donné.

La demande de M. [R] tendant à l'inopposabilité des créances de M. [G] à son encontre pour absence de caractère certain, liquide ou exigible de ces créances ne peut donc qu'être rejetée.

Sur l'inopposabilité des créances de M. [G] à l'encontre de M. [R] pour disproportion

M. [R] fait valoir que ses deux engagements de cautions étaient disproportionnés par rapport à ses biens et revenus au sens de l'article L. 341-4 du code de la consommation. Il expose qu'à la date de signature des engagements de caution des 20 et 29 juin 2010, il était déjà obligé envers la société Heineken en qualité de caution à hauteur de plus de 450 000 euros en garantie des obligations des sociétés Théâtre du Renard et Chez Moune. Son groupe de sociétés était déjà fortement endetté et dans une situation financière extrêmement précaire, tel que le savait parfaitement la société Heineken. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle a souhaité obtenir son engagement de caution. Il allègue avoir perçu en 2013 un revenu de 60 000 euros et en 2014 de 40 000 euros.

M. [G] fait valoir que M [R] n'a jamais contesté le principe même des cautionnements qu'il prétend disproportionnés cinq années plus tard et qu'il a même reconnu sa dette dans le cadre des procédures de référé devant le tribunal de commerce de Nanterre. En tout état de cause, il ne rapporte pas la preuve que ses engagements étaient disproportionnés à la date de la signature des actes de caution des 20 et 29 juin 2010 et à ce jour.

La société Heineken fait valoir que les actes de cautionnement comportent les mentions manuscrites prévues par les dispositions des articles L.331-1 et L.331-2 du code de la consommation et sont parfaitement conformes. M. [R] était représenté par un avocat lors des débats ayant donné lieu aux deux ordonnances de référé et il n'a contesté, ni le montant de la créance, ni la validité de ses engagements de caution, mais n'a fait que solliciter des délais de paiement, de sorte que la validité de ses engagements de caution ne saurait être contestée. M. [R] ne fournit aucune preuve d'une disproportion au sens de la jurisprudence. Il se contente d'affirmer qu'il a souscrit de nombreux engagements de caution au profit des sociétés dont il était dirigeant et associé. Il affirme sans l'établir qu'il percevait en 2013 un revenu de 60 000 euros et en 2014 un revenu de 40 000 euros. Au moment des engagements de caution en juin 2010, M. [R] était l'unique associé des sociétés DB 2002, Branchi Brancha et Spell. La société DB 2002 a réalisé en 2010 un bénéfice de 1 217 561 euros. La société SPELL a réalisé en 2010 un bénéfice de 28 832 euros. Les comptes de la société Branchi Brancha ne sont pas publiés. La société le Théâtre du Renard dont M. [R] était gérant et associé via la société Admus a réalisé en 2009, date de l'engagement de caution du demandeur au profit de cette société un bénéfice de 66 024 euros. Dès lors, la disproportion n'est pas établie.

En application des dispositions de l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation devenu l'article L. 332-1 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui entend opposer au créancier les dispositions des textes précités du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné du cautionnement à ses biens et revenus. La disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution suppose que cette dernière se trouve, lorsqu'elle s'engage, dans l'impossibilité manifeste de faire face à son obligation avec ses biens et revenus (Com., 28 fév. 2018, no 16-24.841). Cette disproportion s'apprécie lors de la conclusion de l'engagement, au regard du montant de l'engagement, de l'endettement global, des biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.

En l'espèce, si M. [R] justifie qu'à la date des engagements de caution litigieux, il s'était déjà porté caution au profit de la société Heineken le 9 septembre 2009 du prêt souscrit par la société Chez Moune auprès du CIC Est dans la limite de la somme de 180 600 euros et le 1er octobre 2009 du prêt souscrit par la société Le Théâtre du Renard auprès du CIC Est dans la limite de la somme de 361 080 euros, soit pour la somme totale de 541 680 euros (pièces n° 1 et 2), il ne verse aux débats aucun élément sur ses revenus et sa situation patrimoniale à la date de ses engagements de cautionnement des 20 et 29 juin 2010, se contentant d'affirmer sans le démontrer, qu'il aurait perçu en 2013 un revenu de 60 000 euros et en 2014 de 40 000 euros.

C'est donc à juste titre que le tribunal a débouté M. [R] de sa demande tendant à être déchargé de ses engagements de cautionnement pour disproportion.

Sur le droit de retrait litigieux

M. [R] sollicite le bénéfice du droit au retrait litigieux sur le fondement des articles 699 et suivants du code civil. Il fait valoir que les créances cédées sont litigieuses dès lors qu'elles sont issues d'ordonnances de référé non définitives.

M. [G] réplique que la demande de retrait litigieux n'a pas été rejetée au motif que la créance n'était pas litigieuse, mais au motif que M. [R] est le demandeur à l'action et qu'il est de jurisprudence constante que seul le défendeur à l'action peut former une telle demande.

En application de l'article 1699 du code civil, celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite.

Aux termes de l'article 1700 du même code, la chose est censée litigieuse dès qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit.

Le retrait litigieux, institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte, ne peut être exercé que par un défendeur à l'instance qui conteste le droit litigieux (1re Civ., 20 janv. 2004, no 00-20.086).

Or, force est de constater que, comme l'a relevé le tribunal, M. [R] n'a pas la qualité de défendeur à l'instance, mais de demandeur à l'instance puisqu'il est à l'origine de l'action en paiement initée à l'encontre de M. [G].

Au surplus, les créances cédées avaient été admises au passif des sociétés DB 2022 et Branchi Brancha avant la signification de la cession de créance intervenue au profit de M. [G] et les droits cédés n'étaient plus litigieux à la date de la demande d'exercice du droit au retrait litigieux formée en première instance.

C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré que M. [G] ne pouvait qu'être débouté de sa demande d'exercice du droit au retrait litigieux.

Sur la compensation

M. [R] fait valoir que M. [G] ne peut se prévaloir d'aucune créance à son encontre de sorte qu'aucune compensation de créance ne saurait donc être autorisée.

M. [G] réplique que les articles 1347 et suivant du code civil prévoient un mécanisme de compensation entre les créances réciproques. Les conditions de certitude,

fongibilité, liquidité et exigibilité sont remplies en raison des condamnations dont M. [R] a fait l'objet.

Il ressort des développements qui précèdent que la créance de M. [G] à l'encontre de M. [R] est certaine liquide et exigible.

Le jugement déféré n'étant pas autrement critiqué en ce qu'il a :

- dit que M. [X] [G] est créancier de M. [U] [R] à hauteur de la somme de 266 395,37 euros au 18 avril 2019, au titre de la cession de créances du 18 avril 2019 signifiée le même jour,

- ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties,

- condamné en conséquence M. [U] [R] à payer à M. [X] [G] la somme de 108 628,03 euros,

il sera confirmé de ces chefs.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'appelant sera donc condamné aux dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, M. [U] [R] sera condamné à payer à M. [X] [G] et à la société Heineken Entreprise la somme de 3 000 euros, chacun, au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

LA COUR, PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 1er mars 2022 ;

Y ajoutant,

REJETTE la fin de non recevoir tirée du principe de non-contradiction et de loyauté processuel;

CONDAMNE M. [U] [R] à payer à M. [X] [G] et à la société Heineken Entreprise la somme de 3 000 euros, chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [U] [R] aux entiers dépens ;

REJETTE toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 22/06744
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;22.06744 ?
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