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20/03/2024 | FRANCE | N°22/05119

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 20 mars 2024, 22/05119


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 20 MARS 2024





(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05119 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFWUR



Décision déférée à la Cour : Arrêt

Arrêt

Jugement du 03 Mars 2022 -Cour de Cassation de [Localité 5] - RG n° Z20-22.274



APPELANT



Monsieur [L] [H]

[Adresse

4]

[Localité 2]

Représenté par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477



INTIMEE



S.A.S. SERIS AIRPORT SERVICES prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Lo...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 20 MARS 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05119 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFWUR

Décision déférée à la Cour : Arrêt

Arrêt

Jugement du 03 Mars 2022 -Cour de Cassation de [Localité 5] - RG n° Z20-22.274

APPELANT

Monsieur [L] [H]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMEE

S.A.S. SERIS AIRPORT SERVICES prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Badia BRICK, avocat au barreau de PARIS, toque : R140

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Stéphane MEYER, président

Fabrice MORILLO, conseiller

Nelly CHRETIENNOT, conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par M. Stéphane MEYER,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 1999, M. [L] [H] a été engagé par la société Brink's Contrôle Sécurité, aux droits de laquelle est ensuite venue la société Brink's Security Services, en qualité d'agent de surveillance, l'intéressé exerçant en dernier lieu les fonctions de chef d'équipe, avec statut agent de maîtrise. La société Brink's Security Services, devenue Seris Airport Services, emploie habituellement au moins 11 salariés et applique la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

Après avoir été convoqué, suivant courrier recommandé du 25 juin 2014, à un entretien préalable fixé au 8 juillet 2014, M. [H] a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire d'une durée de 5 jours suivant courrier recommandé du 21 juillet 2014.

Contestant le bien-fondé de cette mise à pied disciplinaire et invoquant par ailleurs l'existence d'une inégalité de traitement ainsi que d'une modification illicite de son contrat de travail, M. [H] a saisi la juridiction prud'homale le 2 octobre 2014.

Par jugement du 12 mai 2016, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- condamné la société Brink's Security Services à payer à M. [H] la somme de 6 600 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice salarial du fait d'une inégalité de traitement, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

- ordonné que la décision soit assortie de l'exécution provisoire en toutes ses dispositions en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- débouté M. [H] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Brink's Security Services de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Brink's Security Services au paiement des dépens.

Par déclaration du 8 novembre 2016, M. [H] a interjeté appel du jugement.

Par arrêt du 28 novembre 2018, la cour d'appel de Paris a :

- déclaré caduque la déclaration d'appel de M. [H] en date du 8 novembre 2016,

- condamné M. [H] à payer à la société Seris Airport Services la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [H] aux dépens.

M. [H] s'est pourvu en cassation.

Par arrêt du 3 mars 2022, après avoir relevé que « Vu les articles 905 et 914 du code de procédure civile dans leur rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ;

9. Selon ces textes, dès qu'une affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre saisie en cas d'urgence ou si l'affaire est en état d'être jugée, le conseiller de la mise en état est dessaisi.

10. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel du 8 novembre 2016, l'arrêt, après avoir relevé que l'ordonnance du président de la chambre du 26 avril 2017 soumettant la procédure aux dispositions des articles 905,760 et 761 du code de procédure civile ne pouvait avoir d'effet rétroactif et énoncé que la caducité, qui sanctionne le non respect de l'obligation de remettre et de notifier ses conclusions dans le délai de trois mois suivant la date de l'appel, opère de plein droit et qu'elle est d'effet immédiat, retient que le délai imparti à M. [H] pour déposer et notifier ses conclusions expirait le 8 février 2017, qu'il n'a déposé ses conclusions que le 13 novembre 2017, soit postérieurement à l'expiration de ce délai, prévu par l'article 908 du code de procédure civile et que, dès lors, sa déclaration d'appel est caduque.

11. En statuant ainsi, alors que la demande de caducité formée par conclusions du 27 avril 2017 était irrecevable pour avoir été présentée postérieuremen t à l'orientation de l'affaire en circuit abrégé, le 26 avril 2017 dessaisissant le conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé les textes susvisés », la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris,

- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée,

- condamné la société Seris Airport Services aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Seris Airport Services et l'a condamnée à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros.

La cour de renvoi a été saisie dans le délai imparti à l'article 1034 du code de procédure civile par déclaration de saisine du 29 avril 2022.

Le greffe a notifié aux parties l'avis de fixation le 27 novembre 2023.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 décembre 2023, M. [H] demande à la cour de :

- débouter la société Seris Airport Services de sa demande tendant à ce que la caducité de l'appel soit constatée,

- infirmer dans l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 12 mai 2016, sauf du chef de la somme de 6 600 euros lui ayant été accordée à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice salarial du fait d'une inégalité de traitement et, statuant à nouveau,

- juger la mise à pied à titre disciplinaire du 21 juillet 2014 injustifiée et disproportionnée,

- condamner la société Seris Airport Services à lui payer les sommes suivantes :

- 756,10 euros à titre de rappel de salaire pour les journées du 25 au 29 juin 2014 outre 75,61 euros au titre des congés payés y afférents,

- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction injustifiée,

- juger que la société Seris Airport Services a modifié de façon illicite son contrat de travail,

- débouter la société Seris Airport Services de l'ensemble de ses demandes et prétentions amples et contraires,

- ordonner en conséquence à la société Seris Airport Services de lui communiquer un planning conforme à celui qu'il obtenait antérieurement au 1er avril 2015, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société Seris Airport Services à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour modification illicite de son contrat de travail,

- condamner la société Seris Airport Services au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Seris Airport Services aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 août 2022, la société Seris Airport Services demande à la cour de :

in limine litis,

- vérifier que la procédure de l'article 1037-1 du code de procédure civile a été respectée, notamment en ce qui concerne la signification de l'avis de fixation dans les 10 jours de sa réception, et de constater la caducité de l'appel de M. [H],

si l'appel était considéré comme régulier,

- à titre principal, infirmer partiellement le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [H] la somme de 6 600 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice salarial du fait d'une inégalité de traitement et, statuant à nouveau, condamner M. [H] à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire, soit la somme nette de 6 600 euros,

- à titre subsidiaire, infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a appliqué la prescription quinquennale à la réparation du préjudice et non la prescription triennale, et en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [H] la somme de 6 600 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice salarial du fait d'une inégalité de traitement, et, statuant à nouveau, limiter le préjudice éventuellement maximum à 3 900 euros,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- condamner M. [H] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'instruction a été clôturée le 19 décembre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 17 janvier 2024.

MOTIFS

Selon l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

Il résulte en outre de l'article 638 du même code que l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.

Sur la caducité de la déclaration de saisine

Selon l'article 1037-1 du code de procédure civile, en cas de renvoi devant la cour d'appel, lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l'article 905. En ce cas, les dispositions de l'article 1036 ne sont pas applicables.

La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration, relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président.

Les conclusions de l'auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration.

Les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration.

La notification des conclusions entre parties est faite dans les conditions prévues par l'article 911 et les délais sont augmentés conformément à l'article 911-2.

Les parties qui ne respectent pas ces délais sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.

En cas d'intervention forcée, l'intervenant forcé remet et notifie ses conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification la demande d'intervention formée à son encontre. Ce délai est prescrit à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président. L'intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire.

Les ordonnances du président de la chambre ou du magistrat désigné par le premier président statuant sur la caducité de la déclaration de saisine de la cour de renvoi ou sur l'irrecevabilité des conclusions de l'intervenant forcé ou volontaire ont autorité de la chose jugée. Elles peuvent être déférées dans les conditions des alinéas 2 et 4 de l'article 916.

Si la société intimée indique qu'il appartient à l'appelant de justifier de ce que la procédure de l'article 1037-1 prescrite à peine de caducité a été respectée et qu'à défaut, son appel sera jugé caduc, la cour relève cependant que, dans les dix jours de la notification par le greffe aux parties de l'avis de fixation intervenue le 27 novembre 2023, l'appelant a notifié le 6 décembre 2023 à l'avocat que la société intimée avait constitué le 24 mai 2022, tant la déclaration de saisine du 29 avril 2022 que l'avis de fixation précité, de sorte que cette diligence le dispensait de signifier la déclaration de saisine à la société intimée, cette signification étant devenue sans objet.

Par conséquent, il convient de rejeter la demande de la société intimée aux fins de voir constater la caducité de la déclaration de saisine.

Sur la mise à pied disciplinaire du 21 juillet 2014

L'appelant fait valoir que la mise à pied disciplinaire litigieuse est injustifiée et disproportionnée.

La société intimée réplique que la mise à pied disciplinaire infligée à l'appelant était justifiée et proportionnée en ce que les consignes de sécurité relatives au contrôle du personnel ainsi qu'aux objets interdits en zone réservée n'ont pas été respectées et en ce que l'intéressé a ainsi fait preuve d'une désinvolture et d'une négligence flagrantes en sa qualité de chef d'équipe.

Aux termes de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En application de l'article L. 1333-2 du code du travail, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l'espèce, la lettre de notification de la mise à pied disciplinaire est rédigée de la manière suivante :« ['] Les faits que nous vous reprochons sont les suivants :

Les 23 et 24 juin 2014, Mr [C] [P], chef d'agence de [7] a été sollicité par notre client ADP afin de s'expliquer sur les faits qui se sont produits la nuit du 22 juin 2014 au 23 juin 2014. Notre client a constaté que les salaries en poste ont fêté un anniversaire en zone réservée et que certaines mesures de sûreté n'avaient pas été appliquées.

Nous vous reprochons votre participation à cet évènement sur une zone réservée sans autorisation de l'entreprise. En effet, en tant que chef d'équipe, vous êtes le garant de la conduite d'un ensemble de postes de contrôle.

Or, durant cette fête 5 personnes sont passées sur le poste de travail sans aucune vérification de la biométrie. Par ailleurs, vous avez remis à un de vos collègues un couteau dépassant les 6 cm afin que celui-ci l'introduise en zone réservée en détriment de toutes les procédures en vigueur.

Nous ne pouvons tolérer le comportement que vous avez eu : vous avez fait preuve d'un manque de professionnalisme et de désinvolture flagrante face à votre métier. Vous avez nui totalement à notre image de marque auprès de notre client et des autorités compétentes de l'Etat.

Ainsi, au regard des faits reprochés et après observation du délai légal, nous vous notifions par la présente une mise à pied disciplinaire de 5 jours les 25, 26, 27, 28 et 29 juin 2014.

Pendant cette période, vous êtes dispensé de toute activité professionnelle et ne toucherez pas la rémunération afférente à ces journées non travaillées.

Cependant nous vous informons également que dans le cadre de la mise à pied conservatoire qui vous a été notifiée le 25 juin 2014 jusqu'à ce jour le 21 juillet 2014, l'ensemble de vos jours d'activité vous seront rémunérés à l'exception des 5 jours de mise à pied disciplinaire les 25, 26, 27, 28 et 29 juin 2014.

Nous espérons par là vous sensibiliser sur le professionnalisme, la rigueur et la motivation exigés par notre métier, afin que BRINK'S SECURITY SERVICES devienne chaque jour un acteur de référence dans son secteur d'activité.

Nous tenons à vous rappeler que si de tels agissements venaient à se reproduire, nous serions amenés à envisager des sanctions plus graves pouvant aller jusqu'au licenciement. »

Au vu des seules pièces versées aux débats par la société intimée, il sera tout d'abord constaté que celle-ci ne justifie pas suffisamment de la matérialité et des circonstances précises des faits allégués ainsi que de leur imputabilité à l'appelant relativement à l'organisation d'une fête d'anniversaire surprise en zone réservée, l'employeur se limitant notamment à produire le mail de signalement de l'entreprise cliente du 25 juin 2014 concernant l'organisation d'un « PICNIC au D Ouest » ne permettant pas d'imputer les faits litigieux à l'appelant, ainsi qu'une attestation établie par un responsable ressources humaines (M. [X]), qui n'a pas assisté aux faits litigieux et qui est de surcroît le rédacteur et le signataire du courrier de notification de la mise à pied disciplinaire. Il sera par ailleurs relevé, à la lecture des éléments produits en réplique par le salarié et notamment des attestations précises, circonstanciées et concordantes établies par des collègues de travail ayant été directement et personnellement témoins des faits litigieux (MM.[Z] et [D] ainsi que Mmes [R], [K], [E] et [I]), qu'il n'était ni à l'origine ni même informé de l'organisation d'une fête d'anniversaire en son honneur, qu'il se trouvait sur un autre poste (« le puits ») lors de la préparation de celle-ci et qu'il ne pouvait donc aucunement se voir imputer le fait d'avoir fait passer des salariés en zone réservée sans vérification de la biométrie ou d'avoir remis un couteau dépassant 6 cm afin qu'un collègue l'introduise en zone réservée, qu'il n'est arrivé sur le poste D Ouest que suite à un appel de M. [D] lui ayant demandé de venir, qu'il était en pause durant l'événement de sorte qu'il ne peut se voir reprocher d'avoir été absent de son poste de travail et, qu'enfin, il a été surpris et mis devant le fait accompli par ses collègues, en leur indiquant cependant qu'ils n'auraient pas dû organiser un tel événement sur le poste.

Il résulte de ces différents éléments que la mise à pied disciplinaire litigieuse n'est pas justifiée, celle-ci apparaissant en toute hypothèse manifestement disproportionnée eu égard au caractère isolé des faits litigieux et compte tenu par ailleurs de l'importante ancienneté de l'appelant ainsi que de l'absence de tout antécédent disciplinaire de l'intéressé, de sorte que ladite mise à pied disciplinaire d'une durée de 5 jours sera annulée, l'appelant devant se voir accorder un rappel de salaire de ce chef d'un montant de 756,10 euros pour la période du 25 au 29 juin 2014 outre 75,61 euros au titre des congés payés y afférents ainsi qu'une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction injustifiée, et ce par infirmation du jugement.

Sur l'égalité de traitement

L'appelant fait valoir qu'il subit une inégalité de traitement en ce que ses plannings correspondent à ceux d'un superviseur, soit 10h30 de vacation avec des horaires 19h30/6h00, alors que tous les autres chefs d'équipe travaillent pendant 3 jours puis bénéficient de 2 jours de repos (roulement 3/2), avec 9 heures de vacation, et ont de ce fait plus d'heures de nuit, avec les majorations y afférentes, les heures de nuit commençant à 21h00 et se terminant à 6h00 pour ceux qui sont en 3/2, ces derniers étant donc payés en horaire de nuit pour toutes leurs heures de travail, lui-même effectuant 1h30 hors heures de nuit (19h30/21h00) et perdant de ce fait des heures de majoration de nuit.

La société intimée réplique que l'appelant n'a subi aucune inégalité de traitement, l'ensemble des chefs d'équipe travaillant de nuit ayant les mêmes horaires que lui, son salaire étant par ailleurs équivalent voire même supérieur à celui de ses homologues. Subsidiairement, elle indique qu'une partie des demandes est prescrite, l'action se prescrivant par 3 ans s'agissant d'une demande de rappel de salaire.

En application du principe d'égalité de traitement, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique, et il lui appartient, le cas échéant, de démontrer qu'il existe des raisons objectives à la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale dont il revient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, étant rappelé que c'est à celui qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de démontrer qu'il se trouve dans une situation identique ou similaire à ceux auxquels il se compare en établissant qu'il exerçait des fonctions identiques ou similaires à celles des salariés concernés.

En l'espèce, outre le fait que l'appelant ne démontre pas, au vu des seuls éléments versés aux débats, qu'il se trouvait dans une situation identique ou similaire à ceux auxquels il se compare, l'intéressé se limitant à affirmer, sans en justifier, que tous les autres chefs d'équipe travailleraient en 3/2, soit 3 jours de travail puis 2 jours de repos (la demande du 26 avril 2013 de divers salariés réclamant de pouvoir bénéficier du roulement en 3/2 apparaissant émaner, à l'exception de l'appelant, d'agents de nuit n'exerçant pas les fonctions de chef d'équipe), la cour relève en toute hypothèse qu'il résulte des pièces justificatives produites en réplique par la société intimée que, concernant les trois chefs d'équipe travaillant de nuit (M. [D], Mme [J] ainsi que l'appelant), les intéressés avaient tous des horaires de travail identiques, soit des vacations de 19h30 à 6h00, l'appelant apparaissant de surcroît avoir bénéficié d'un salaire brut moyen d'un montant plus élevé que celui de ses deux collègues au titre de l'année 2014.

S'agissant par ailleurs du protocole d'accord relatif à l'aménagement du temps de travail sur l'établissement de [6] 2AB en date du 16 juin 2008 qui a été retenu par les premiers juges, s'il est effectivement prévu l'application, dans le cadre d'un cycle de 5 semaines, de roulements dits en 3/2, la mise en place desdits roulements ayant pour objet de permettre l'attribution aux salariés concernés (employés, superviseurs et chefs d'équipe) de « 2 jours de repos hebdomadaires, sans qu'il soit toujours possible de laisser 2 dimanches de repos par mois en moyenne sur une période de 13 semaines », il ne résulte cependant aucunement de ce même protocole, qui concerne indifféremment les salariés travaillant de jour et ceux travaillant de nuit, qu'un tel passage en roulement 3/2 serait de nature à garantir aux chefs d'équipe travaillant de nuit qui viendraient à en bénéficier, que leurs vacations seraient effectuées en intégralité sur la plage horaire 21h00/6h00 ou à leur garantir l'application de majorations pour heures de nuit sur l'ensemble de leur temps de travail.

Dès lors, aucune atteinte au principe d'égalité de traitement ne pouvant être retenue en l'espèce, la cour infirme le jugement de ce chef et déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice salarial du fait d'une inégalité de traitement.

En application de l'article 561 du code de procédure civile, l'obligation de rembourser les sommes versées en vertu d'une décision de première instance résulte de plein droit de la réformation de cette décision. La cour n'a donc pas à statuer sur la demande de remboursement formée par l'employeur mais rappelle, en toute hypothèse, que l'infirmation d'un jugement ayant prononcé des condamnations emporte de plein droit obligation de rembourser les sommes versées en exécution de ladite décision de première instance.

Sur la modification du contrat de travail

L'appelant fait valoir qu'alors qu'il occupait un poste de nuit depuis l'année 1999, l'employeur a tenté de lui imposer, à compter du 1er avril 2015, une modification d'un élément substantiel de son contrat de travail (horaires passant de 19h30/6h00 à 4h00/13h30), l'intéressé précisant qu'il était également en droit de refuser une telle modification compte tenu du changement profond dans l'organisation quotidienne de sa vie personnelle et familiale en résultant ainsi que de la baisse de rémunération y afférente. Il souligne ne jamais avoir refusé le transfert de son contrat de travail au profit de la société SECURITAS lors de la perte du marché du terminal 2 ABCD.

La société intimée réplique que, compte tenu de la perte du marché et du refus de l'appelant d'être transféré, elle n'a pu l'affecter que sur le terminal F, seul marché restant sur le site [6], que l'intéressé était soumis à un régime de temps de travail dérogatoire du droit commun avec un aménagement des horaires par cycle modifiable unilatéralement par l'employeur, qu'il avait accepté contractuellement cet aménagement continu de son temps de travail inhérent au secteur d'activité de la sécurité et qu'il ne pouvait donc se prévaloir d'un horaire de travail fixe et non modifiable. Elle précise qu'en tout état de cause, suite à la perte du marché, elle était dans l'impossibilité matérielle de maintenir les horaires de l'appelant.

S'agissant de la modification litigieuse, étant observé que l'avenant au contrat de travail signé par les parties le 28 septembre 2009 fait état du fait que « vous êtes informé que vous pourrez exercer vos fonctions de jour comme de nuit quels que soient les jours de la semaine, y compris les dimanches et jours fériés. Vous êtes informé que vous pourrez être planifié sur des plannings mixtes (matin et/ou après midi). Vous pourrez être occupé dans le cadre d'un cycle de travail sur la base d'un horaire collectif ou individuel », si la société intimée fait état de la mise en oeuvre au sein de l'entreprise de cycles de travail en application des dispositions de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité prévoyant notamment que « En raison du caractère spécifique de la sécurité et de la continuité de ses obligations, les parties reconnaissent la nécessité d'assurer un service de jour comme de nuit, quels que soient les jours de la semaine. En conséquence, le fait pour un salarié d'être employé indistinctement soit de jour, soit de nuit, soit alternativement de nuit ou de jour constitue une modalité normale de l'exercice de sa fonction » (article 7.01), une telle organisation sous forme de cycles impliquant l'établissement de plannings de service et, pour toute modification ayant pour effet de remettre en cause l'organisation du cycle, de porter celle-ci à la connaissance des salariés par écrit au moins 7 jours avant son entrée en vigueur (article 7.07), il résulte cependant des éléments versés aux débats par l'appelant qu'aux termes d'un mail en date du 16 février 2015 lui ayant été envoyé par M. [X], responsable ressources humaines de l'entreprise, ce dernier lui a expressément confirmé que « la lecture de vos plannings permet d'apprécier le fait que vous êtes considéré au regard de la loi comme étant un salarié de nuit », de sorte qu'il apparaît que l'intention des parties était d'ériger l'horaire de nuit pratiqué depuis de nombreuses années comme un élément essentiel du contrat de travail de l'appelant.

Par ailleurs, étant constaté que la société intimée ne justifie pas de l'existence d'un refus de l'appelant de voir son contrat de travail repris par la société entrante lors de la perte du marché du terminal 2 ABCD de l'aéroport de [6], il apparaît que la nouvelle affectation de l'intéressé sur le terminal 2 F à compter du 1er avril 2015, qui entraînait un bouleversement de l'économie du contrat (horaires de travail passant de 19h30/6h00 à 4h00/13h30), portait en toute hypothèse une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, et ce compte tenu des conséquences du changement litigieux qui n'apparaissait pas compatible avec ses obligations personnelles et familiales impérieuses résultant du fait que sa compagne (Mme [R]), également salariée dans l'entreprise et travaillant en horaires de nuit sur le même site en qualité d'opératrice de sûreté confirmée, rencontrait d'importants problèmes de santé ne lui permettant pas de conduire et impliquant qu'ils puissent venir travailler ensemble, étant observé que l'employeur était nécessairement informé de l'incompatibilité du changement d'horaires avec la situation personnelle et familiale de son salarié ainsi que cela ressort des mails d'alerte des représentants du personnel en date des 27 et 28 mars 2015, des courriers du contrôleur du travail des 30 avril et 22 juillet 2015 ainsi que des différents courriers échangés tant avec M. [H] qu'avec Mme [R], outre l'entretien organisé avec ces derniers le 9 avril 2015. Il sera de surcroît constaté à la lecture des courriers du contrôleur du travail que certains salariés bénéficiaient effectivement d'horaires de nuit au sein du terminal 2 F (alors que pour certains, ils n'en bénéficiaient pas auparavant) et qu'il avait été sollicité par le contrôleur la transmission par l'employeur d'un certain nombre de documents ainsi que d'éléments d'explication concernant notamment l'absence de justification du refus des salariés d'être transférés auprès de la société entrante ainsi que la situation actuelle des salariés travaillant de nuit, en ce compris M. [H] et Mme [R], demande d'explication à laquelle la société intimée ne justifie pas avoir donné suite au regard des seuls éléments produits.

Dès lors, au vu de ces éléments, la société intimée ayant procédé à une modification unilatérale abusive du contrat de travail de l'appelant et ayant dès lors manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail, la cour accorde à ce dernier, en réparation du préjudice subi, une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, somme au paiement de laquelle la société intimée sera condamnée, et ce par infirmation du jugement.

S'agissant de la demande de l'appelant aux fins de voir ordonner à la société intimée de lui communiquer sous astreinte un planning conforme à celui qu'il obtenait antérieurement au 1er avril 2015, en l'absence de tout élément produit par l'intéressé concernant l'évolution de sa situation professionnelle, personnelle et familiale depuis 2015, compte tenu par ailleurs de l'absence de précision concernant l'évolution des marchés de sécurité au sein de l'aéroport de [6] depuis 2015, la cour ne dispose dès lors pas d'éléments d'information suffisants pour ordonner une telle communication, de sorte que ladite demande sera rejetée, et ce par confirmation du jugement.

Sur les autres demandes

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur sera condamné à payer au salarié la somme de 4 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ainsi qu'en cause d'appel, et ce par infirmation du jugement.

L'employeur, qui succombe, supportera les dépens d'appel sur le fondement de l'article 639 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Rejette la demande de la société Seris Airport Services (anciennement dénommée Brink's Security Services) aux fins de voir constater la caducité de la déclaration de saisine ;

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande aux fins de voir ordonner à la société Seris Airport Services (anciennement dénommée Brink's Security Services) de lui communiquer sous astreinte un planning conforme à celui qu'il obtenait antérieurement au 1er avril 2015, et sauf en ce qu'il a condamné la société Seris Airport Services (anciennement dénommée Brink's Security Services) aux dépens et l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Annule la mise à pied disciplinaire du 21 juillet 2014 ;

Condamne la société Seris Airport Services (anciennement dénommée Brink's Security Services) à payer à M. [H] les sommes suivantes :

- 756,10 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 25 au 29 juin 2014 outre 75,61 euros au titre des congés payés y afférents,

- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction injustifiée,

- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour modification unilatérale abusive du contrat de travail ;

Rappelle que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Seris Airport Services (anciennement dénommée Brink's Security Services) de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires ;

Condamne la société Seris Airport Services (anciennement dénommée Brink's Security Services) à payer à M. [H] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ainsi qu'en cause d'appel ;

Déboute M. [H] du surplus de ses demandes ;

Rappelle que l'infirmation d'un jugement ayant prononcé des condamnations emporte de plein droit obligation de rembourser les sommes versées en exécution de ladite décision de première instance ;

Déboute la société Seris Airport Services (anciennement dénommée Brink's Security Services) du surplus de ses demandes reconventionnelles ;

Condamne la société Seris Airport Services (anciennement dénommée Brink's Security Services) aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 22/05119
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;22.05119 ?
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