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20/03/2024 | FRANCE | N°21/14090

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 20 mars 2024, 21/14090


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 20 MARS 2024



(n° /2024, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14090 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEEWS



Décision déférée à la Cour : jugement du 11 mai 2021 - tribunal judiciaire de PARIS RG n° 18/03170





APPELANTE



S.A.S. HISTOIRE & PATRIMOINE DEVELOPPEMENT prise en la personne de ses représentants légaux en exerc

ice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 11]

[Localité 5]



Représentée par Me Mélanie HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : C0835





INTIMEES



S.A.S. Sociét...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 20 MARS 2024

(n° /2024, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14090 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEEWS

Décision déférée à la Cour : jugement du 11 mai 2021 - tribunal judiciaire de PARIS RG n° 18/03170

APPELANTE

S.A.S. HISTOIRE & PATRIMOINE DEVELOPPEMENT prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 11]

[Localité 5]

Représentée par Me Mélanie HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : C0835

INTIMEES

S.A.S. Société C3B prise en la personne de son président, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Véronique MAZURU, avocat au barreau de [Localité 12]

S.A. SMA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Véronique MAZURU, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. ATELIER MONCHECOURT & CO prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représentée par Me Alexandre DUVAL STALLA de la SELARL DUVAL-STALLA & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J128, substitué à l'audience par Me Mathilde THIBAUD

LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - MAF, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Alexandre DUVAL STALLA de la SELARL DUVAL-STALLA & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J128, substitué à l'audience par Me Mathilde THIBAUD

Madame [U] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 6]

N'a pas constitué avocat - Signification de la déclaration d'appel le 20 septembre 2021, remise à étude

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Ludovic JARIEL, président de chambre

Mme Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme [H] [L] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Céline RICHARD

ARRET :

- défaut.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Ludovic Jariel, président de chambre et par Manon Caron, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Histoire & patrimoine développement (la société Histoire & patrimoine) a entrepris, en qualité de maître d'ouvrage, la réhabilitation d'un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 10].

Sont notamment intervenues aux travaux de réhabilitation :

- la société Gestaful, maître d'ouvrage délégué ;

- la société Atelier Monchecourt & Cord (devenue la société Atelier Monchecourt & co), maître d''uvre, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF) ;

- la société C3B, entreprise générale, assurée auprès de la Sagena devenue SMA.

Avant le début du chantier, la société Histoire & patrimoine a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris d'une demande de désignation, à titre préventif, d'un expert chargé de dresser un constat des immeubles voisins pour éviter toutes contestations dans le cadre des travaux à entreprendre.

Le 15 mars 2012, le juge des référés a fait droit à la demande et a désigné M. [M] en qualité d'expert.

Mme [Y] a engagé des travaux de réaménagement et de rénovation de sa maison qui fait partie d'un ensemble immobilier situé au [Adresse 1] à [Localité 6], contigu à celui de la société Histoire & patrimoine, sous la maîtrise d''uvre de M. [B].

La société Baradam, chargée des travaux d'aménagement intérieur de cette maison, a constaté de l'humidité sur le mur séparatif.

Mme [Y] a informé la société Histoire & patrimoine de ce sinistre et attiré son attention sur le fait que les ouvriers marchaient sur son toit et balayaient leurs gravats dans ses tuyaux d'écoulement d'eau, lesquels ont fini par se boucher.

Les démarches amiables n'ont pas permis de remédier aux désordres.

Mme [Y] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris d'une demande d'expertise.

Le 2 septembre 2014, le juge des référés a accueilli favorablement la demande de Mme [Y] et a désigné M. [M] en qualité d'expert.

Cette ordonnance a été rendue commune à la MAF, à la SMA et à la société Baradam.

Le 20 juin 2016, l'expert a clos son rapport.

Le 7 mars 2018, Mme [Y] a assigné la société Histoire & patrimoine, devant le tribunal judicaire de Paris, pour la voir condamner à réparer ses préjudices.

Les 26 et 27 novembre 2018, la société Histoire & patrimoine a fait assigner en garantie la société C3B, la société Sagena (devenue SMA), en sa qualité d'assureur de la société C3B, la société Atelier Monchecourt & Co et la MAF, en sa qualité d'assureur de la société Atelier Monchecourt & Co.

Le 19 février 2019, l'instance en garantie a été jointe à l'instance principale.

Par jugement du 11 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :

Dit que la responsabilité de la société Histoire & patrimoine est engagée à l'égard de Mme [Y] au titre des désordres constatés par l'expert judiciaire ;

Condamne la société Histoire & patrimoine à réaliser les travaux de mise en 'uvre d'une barrière étanche au droit du mur mitoyen côté [Adresse 10], sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 3 mois à compter de la signification du présent jugement ;

Condamne la société Histoire & patrimoine à payer à Mme [Y] la somme de 3 187,20 euros TTC au titre du coût des travaux de réparation;

Rejette les autres demandes de Mme [Y] comme étant non fondées ;

Condamne la société Histoire & patrimoine aux dépens, comprenant les frais d'expertise ;

Condamne la société Histoire & patrimoine à payer à Mme [Y] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'exécution provisoire s'agissant du paiement de la somme de 3 187,20 euros TTC correspondant au coût des travaux de réparation du mur intérieur de la maison de Mme [Y] ;

Déclare la société Histoire & patrimoine irrecevable à agir contre la société Atelier Monchecourt & Co ;

Condamne la MAF, assureur de la société Atelier Monchecourt & Co, la société C3B et la SMA à garantir la société Histoire & patrimoine des condamnations prononcées contre elle dans les proportions suivantes :

- la MAF : 15 %,

- la société C3B et la SMA in solidum : 85 % ;

Condamne in solidum la MAF, assureur de la société Atelier Monchecourt & Co, la société C3B et la SMA à payer à la société Histoire & patrimoine la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Par déclaration en date du 20 juillet 2021, la société Histoire & patrimoine a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :

- Mme [Y] ;

- la société C3B ;

- la SMA, en sa qualité d'assureur de la société C3B ;

- la société Atelier Monchecourt & co venant aux droits de la société Atelier Monchecourt et Co ;

- la MAF en sa qualité d'assureur de la société Atelier Monchecourt & co.

Par acte du 4 janvier 2022, la société C3B et la SMA ont formé un appel incident.

Par acte du 10 janvier 2022, la société Atelier Monchecourt & co et la MAF ont formé un appel incident.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 janvier 2023, la société Histoire & patrimoine demande à la cour de :

Infirmer partiellement le jugement entrepris uniquement en ce que le tribunal judiciaire de Paris a condamné la société Histoire & patrimoine à réaliser les travaux de mise en 'uvre d'une barrière étanche au droit du mur mitoyen côté [Adresse 10] sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 3 mois à compter de la signification du jugement ;

Confirmer les autres chefs du jugement rendu 11 mai 2021 ;

Rejeter les demandes formulées par la MAF, la société C3B et son assureur ;

A titre subsidiaire, si la cour devait confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Histoire & patrimoine à faire réaliser les travaux dans la copropriété du [Adresse 10],

Condamner la MAF, la société C3B et son assureur à garantir la société Histoire & patrimoine de toutes les condamnations prononcées à son encontre en ce compris le coût des travaux à réaliser dans la copropriété du [Adresse 10] pour la réalisation de l'étanchéité du mur mitoyen avec la maison de Mme [Y],

En tout état de cause,

Condamner Mme [Y], la société Atelier Monchecourt & co et son assureur et la société C3B et son assureur à lui payer chacun la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner Mme [Y], la société Atelier Monchecourt & co, son assureur, la société C3B et son assureur aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 4 mai 2023, la société C3B et la SMA demandent à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la MAF, assureur de la société Atelier Monchecourt & co, la société C3B et la SMA à garantir la société Histoire & patrimoine des condamnations prononcées contre elle dans les proportions suivantes :

La MAF : 15 %

La société C3B et la SMA in solidum : 85 %

- condamné la MAF assureur de la société Atelier Monchecourt & co, la société C3B et la SMA à payer à la société Histoire & patrimoine la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société C3B et la SMA de leur demande en garantie.

Statuant à nouveau de ces chefs,

Débouter la société Histoire & patrimoine de sa demande en garantie dirigée contre la société C3B et la SMA.

Subsidiairement,

Si la responsabilité de la société C3B devait être retenue,

Juger celle-ci résiduelle.

En conséquence,

Limiter celle-ci à une quote-part qui ne saurait excéder 10 %,

En tout état de cause,

Condamner la société atelier Monchecourt & co et son assureur la MAF à relever et garantir la société C3B et son assureur la SMA des sommes éventuellement mises à leur charge,

Rejeter toutes demandes dirigées contre la société C3B et son assureur la SMA,

Débouter la société Atelier Monchecourt & co et la MAF de leur appel incident,

Débouter la société Atelier Monchecourt & co et la MAF de leurs demandes, fins et conclusions,

Condamner tous succombants in solidum à payer à la société C3B et à la SMA, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner tous succombants in solidum aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la société 2H avocats, en la personne de Me Hardouin, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 21 décembre 2022, la société Atelier Monchecourt & co et la MAF demandent à la cour de :

Infirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

- condamné la MAF, assureur de la société Atelier Monchecourt & co, la société C3B et la SMA à garantir la société Histoire & patrimoine des condamnations prononcées contre elle dans les proportions suivantes :

La MAF : 15 %

La société C3B et la SMA in solidum : 85 %

- condamné in solidum la MAF, assureur de la société Atelier Monchecourt & co, la société C3B et la SMA à payer à la société Histoire & patrimoine la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- débouté les parties de leur autres demandes.

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- déclaré la société Histoire & patrimoine irrecevable à agir contre la société Atelier Monchecourt & co ;

Et statuant de nouveau :

A titre principal,

Débouter toutes les parties de leurs demandes de condamnation formées à l'encontre de la société Atelier Monchecourt & co et de son assureur, la MAF;

A titre subsidiaire,

Rejeter toute demande de condamnation in solidum et/ou solidaire de la société Atelier Monchecourt & co et de son assureur, la MAF ;

Limiter la condamnation de la société Atelier Monchecourt & co et de son assureur la MAF à la seule part de responsabilité imputable à la société Atelier Monchecourt & co;

Condamner la société C3B et son assureur, la SMA, à garantir la société Atelier Monchecourt & co et son assureur, la MAF de l'ensemble des condamnations qui seront mises à leur charge, incluant les sommes dues au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens comprenant les honoraires de l'expert judiciaire ;

Limiter, dans les rapports entre codéfendeurs, la part de responsabilité de la société Atelier Monchecourt & co à 5 % ;

Juger que la MAF peut opposer aux tiers la limite de sa franchise contractuelle s'agissant de réclamation sur le fondement des garanties non obligatoires ;

Juger que la garantie de la MAF ne pourra être mobilisée que dans le cadre et les limites de la police souscrite par cette dernière ;

Juger que la franchise contractuelle, dont le montant sera calculé dans les conditions décrites au contrat, est opposable aux parties ;

En tout état de cause,

Condamner toute autre partie succombant, à payer à la société Atelier Monchecourt & co et à la MAF la somme de cinq mille (5 000) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le 21 septembre 2021, la déclaration d'appel de la société Histoire & patrimoine a été signifiée par remise en l'étude à Mme [Y] et celle-ci n'a pas constitué avocat.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 16 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 30 janvier 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

Le 16 février 2014, par un courrier du greffe, en application de l'article 445 du code de procédure civile, le président de la formation a informé les parties que la cour envisageait de relever d'office, en application de l'article 125 du même code, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de la société Histoire et patrimoine dès lors qu'un syndicat des copropriétaires ayant été constitué, celui-ci a, en application des dispositions d'ordre public de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, seul qualité pour défendre à une action concernant les parties communes de l'immeuble en cause.

Le 21 février 2024, les sociétés C3B et SMA revendiquent, en réponse, la recevabilité de l'appel de la société Histoire & patrimoine en ce que celle-ci était dans la même situation devant le tribunal puisque le procès-verbal de livraison des parties communes au syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] est en date du 28 juillet 2014 et qu'elle ne peut donc pas effectuer la réalisation des travaux ordonnée. La société Histoire & patrimoine a fait appel d'une décision la concernant et elle est parfaitement recevable.

Le 1er mars 2024, la société Histoire & patrimoine a répondu qu'elle avait effectivement livré les parties communes au syndicat des copropriétaires de l'immeuble et que cette difficulté avait été soulevée devant le tribunal et qu'elle est dans l'impossibilité juridique et matérielle de faire réaliser ces travaux, qu'ainsi elle a donc bien qualité à agir et que son appel est parfaitement recevable.

MOTIVATION

Sur la condamnation sous astreinte de la société Histoire & patrimoine aux travaux de mise en 'uvre d'une barrière étanche au droit du mur mitoyen

Moyens des parties

Sur le fondement des articles L. 262-1, alinéa 2, et L. 262-2 du code de la construction et de l'habitation, la société Histoire & patrimoine fait valoir qu'elle n'a plus qualité pour intervenir et faire réaliser les travaux d'étanchéité ordonnés par le tribunal à moins d'obtenir une autorisation du syndicat des copropriétaires puisqu'elle n'est plus propriétaire de l'immeuble du [Adresse 10] à [Localité 12], depuis le 28 juillet 2014, date du procès-verbal de livraison des travaux.

Elle indique avoir sollicité Mme [Y] pour que celle-ci régularise la procédure à l'égard du syndicat, seul susceptible d'intervenir sur les parties communes de l'immeuble.

De plus, elle soutient qu'en application de l'article 1244 du code civil, seul le propriétaire du bâtiment peut faire exécuter les travaux sur son immeuble quand il cause un dommage du fait d'un vice de construction.

Elle en déduit que la demande de condamnation à effectuer les travaux d'étanchéité sous astreinte aurait dû être rejetée par le tribunal.

La société C3B et la SMA s'en rapportent à justice, en précisant néanmoins qu'il n'y aurait aucun sens à confirmer la décision de condamnation à effectuer les travaux d'étanchéité du mur mitoyen dès lors que l'immeuble n'appartient plus à l'appelante et qu'elle ne dispose plus de droit sur celui-ci.

A titre subsidiaire, elles discutent le montant des devis de réparation produits par la société Histoire & patrimoine en ce qu'ils contiennent des prestations inutiles, des doublons et des erreurs.

La société Atelier Monchecourt & co et la MAF s'en rapportent à justice concernant la demande d'infirmation de la condamnation de la société Histoire & patrimoine à effectuer les travaux.

Réponse de la cour

A titre liminaire, il est rappelé que le fait pour une partie de s'en rapporter à justice sur le mérite d'une demande, implique de sa part non un acquiescement à celle-ci mais sa contestation (1re Civ., 21 octobre 1997, pourvoi n° 95-16.224, Bulletin 1997, I, n° 283).

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, notamment pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt.

En application de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être présentées en tout état de cause.

Selon les dispositions d'ordre public de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes.

En l'occurrence, la recevabilité de la demande de condamnation à édifier une barrière étanche au droit du mur mitoyen du côté de l'immeuble du [Adresse 10] est soumise au droit du défendeur à pouvoir réaliser des travaux de ce côté du mur. A défaut, mal dirigée, elle est irrecevable pour absence de qualité du défendeur.

En l'espèce, pour contester sa qualité de propriétaire de l'immeuble, la société Histoire & patrimoine a produit devant le tribunal, le procès-verbal de livraison du 28 juillet 2014 concernant les parties communes, qu'elle a signé en qualité de maître d'ouvrage et de syndic du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 10] et avec le maître d''uvre, la société Atelier Monchecourt & Co.

Sur la base de ce procès-verbal de livraison des travaux de réhabilitation des parties communes, l'appelante revendique l'application de l'article L. 262-2, alinéa 1, du code de la construction et de l'habitation relatif aux ventes d'immeuble à rénover (VIR) alors même qu'aucun élément supplémentaire n'est apporté concernant l'existence d'un contrat de VIR.

Néanmoins, cet acte démontre l'existence d'un syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 10] au 28 juillet 2014 ; ainsi à compter de cette date seul le syndicat avait qualité pour assurer la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes, dont il n'est pas contesté que l'espace situé au droit du mur mitoyen en fasse partie.

Il en résulte que, au jour de l'introduction de son action par Mme [Y], la société Histoire & patrimoine n'avait plus la qualité de propriétaire de l'espace situé au droit du mur mitoyen, devenu une partie commune d'un immeuble soumis au statut de la copropriété, de sorte que la demande de condamnation à y édifier une barrière étanche est irrecevable.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer la décision querellée du chef de la condamnation de la société Histoire & patrimoine à effectuer les travaux d'étanchéité sous astreinte.

Sur la garantie de la société Histoire & patrimoine par le maître d''uvre et l'entreprise et leurs assureurs respectifs

Moyens des parties

Pour soutenir leur appel incident visant à l'infirmation du jugement qui les a condamnées à garantir la société Histoire & patrimoine à hauteur de 85 % des condamnations prononcées contre elle ; les sociétés C3B et SMA font valoir que les ouvrages réalisés par la société C3B ne sont à l'origine d'aucun désordre et que celle-ci n'était débitrice au titre de sa mission, d'aucun devoir de conseil au regard du projet architectural.

Elles revendiquent le propre aveu du maître d'ouvrage qui a conclu devant le tribunal qu'aucun travaux d'étanchéité n'avait été prévu par le maître d''uvre au droit du mur alors même que l'architecte avait une mission complète.

Elles reprochent au tribunal de n'avoir pas tiré les conséquences de ses constatations au regard de l'enduit chaud situé en partie basse sur une hauteur de 1m, non arasé proprement en partie inférieure, de façon rectiligne et partiellement enterré ainsi que la verticalité du mur non constatée.

Elles rappellent que le maître d''uvre avait une mission complète comprenant la conception ainsi que le suivi des travaux qu'il n'a pas remplie en omettant de prévoir l'étanchéité du mur mis à nu et qu'il ne peut s'en déporter sur la société C3B qui n'avait pas été chargée de la réalisation de cette étanchéité et qui a parfaitement réalisé les travaux commandés.

Les sociétés C3B et SMA font encore valoir que l'entrepreneur n'était pas tenu à un devoir de conseil de l'architecte et qu'en tout état de cause, sa responsabilité à ce titre ne pourrait être que résiduelle et que dans l'hypothèse d'une condamnation de la société C3B, elles seraient bien fondées à rechercher la garantie de la société Atelier Monchecourt & co.

La société Atelier Monchecourt & co et la MAF demandent l'infirmation du jugement qui les a condamnées mais sa confirmation en ce qu'il a parfaitement retenu que la société C3B avait manqué à son obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vice et de non-conformités et qu'elle n'a émis aucune réserve sur l'absence d'étanchéité avant d'intervenir sur le mur.

Les appelantes incidentes concluent ainsi à l'absence de responsabilité de l'architecte et ce, d'autant que le fait de travailler sous l'autorité d'un maître d''uvre ne dispensait pas l'entreprise de son obligation de conseil.

Elles font valoir également les conclusions de l'expert qui mentionne clairement que les désordres constatés proviennent de malfaçons liées à l'exécution de prestations réalisées au niveau d'un jardin situé en limite séparative, les travaux n'ayant pas été exécutés conformément aux règles de l'art et qui retient la responsabilité intégrale de l'entreprise sur ce point.

Elles ajoutent que l'engagement de la responsabilité de droit commun de l'architecte nécessite la démonstration d'une faute puisque celui-ci est débiteur d'une simple obligation de moyen et qu'en l'espèce sa mission n'imposait pas sa présence permanente sur place et qu'il ne peut pas répondre des défauts d'exécution ponctuels et limités imputables à l'entrepreneur sur lequel il n'a pas de pouvoir de direction.

La société Atelier Monchecourt & co et la MAF sollicitent, en cas de confirmation du jugement, que la société C3B et la SMA les garantissent au titre des condamnations mises à leur charge incluant les dépens et les frais irrépétibles.

La société Histoire & Patrimoine qui demande la confirmation du jugement de ce chef de condamnation fait valoir que la société C3B en n'attirant pas l'attention du maître d'ouvrage ni celle du maître d''uvre sur la question de l'étanchéité et qui a exécuté les travaux sans émettre de réserve, a commis une faute ayant contribué à la réalisation du dommage alors même qu'elle était débitrice d'une obligation de résultat au regard de l'ouvrage qu'elle devait livrer exempt de vice et de non-conformité.

Elle souligne que la société C3B n'a jamais réalisé les travaux préconisés par l'expert dans le cadre du référé préventif et que la présence du maître d''uvre ne suffisait pas à la dispenser d'un devoir de critique à l'égard du projet architectural proposé ni de son obligation à émettre des réserves en cas de défaillance de la conception des travaux.

Elle soutient encore qu'un devoir général d'information, de conseil et de mise en garde pèse sur l'entrepreneur au bénéfice du maître d'ouvrage et que la société C3B ne l'a pas rempli en acceptant délibérément un risque au regard de l'étanchéité du mur.

La société Histoire & patrimoine sollicite donc la garantie de la société C3B et de son assureur SMA au titre des condamnations pécuniaires relatives aux travaux chez Mme [Y] (3 187,20 euros), aux frais d'expertise (9 335,40 euros), aux frais du procès alloué à Mme [Y] (6 000 euros), au coût des travaux d'étanchéité à réaliser dans l'hypothèse où la cour n'infirmerait pas la condamnation à exécuter les travaux et qu'elle estime à la somme de 109 564,24 euros.

Réponse de la Cour

En application de l'article 1787 du code civil, lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on peut convenir qu'il fournira seulement son travail ou son industrie ou bien qu'il fournira également la matière.

Selon les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Au cas d'espèce, dans le cadre de la réhabilitation de l'immeuble, selon l'ordre de service n° 1, la société C3B a été chargée d'exécuter les travaux tous corps d'état de réhabilitation de l'immeuble conformément à son acte d'engagement du 5 septembre 2011 et au marché du 5 décembre 2011, lesquels ne sont pas produits au débat, pour un montant TTC de 9 399 766, 98 euros et moyennant un délai d'exécution de 20 mois incluant quatre mois de préparation de chantier et les congés été-hiver.

Au cours des travaux qui ont débuté dans le courant du premier semestre 2013, le mur séparatif côté pignon a été mis à nu après la démolition de la verrière qui y était adossée, provoquant l'endommagement de la toiture de la maison de Mme [Y] et des phénomènes d'humidité dans celle-ci.

L'expert judiciaire a relevé que du côté de l'immeuble en rénovation du [Adresse 10], le mur séparatif, revêtu d'un enduit à la chaux toute hauteur, présentait un gonflement important en partie basse.

M. [M] a retenu que la verticalité du mur n'était pas constatée entraînant la projection des eaux de ruissellement sur celui-ci lesquelles restaient bloquées par l'enduit chaud présent en partie basse dans lequel elles pénétraient.

Il a aussi relevé que les travaux préconisés dans le cadre du référé préventif, consistant dans l'établissement d'une barrière étanche, n'avaient pas été réalisés et il a retenu en conséquence la responsabilité intégrale de la société C3B.

De par sa compétence technique dans son domaine, l'entrepreneur se doit de réaliser un ouvrage en conformité avec les règles de l'art et son devoir de conseil impose une participation active de sa part aux côtés des autres intervenants à l'acte de construire.

Même en présence d'un maître d''uvre, il appartenait bien à la société C3B, professionnel qualifié, de s'assurer, ou à tout le moins de conseiller la mise en 'uvre d'une protection étanche du mur mitoyen sur lequel elle était amenée à appliquer un enduit.

Compte tenu de sa compétence avérée en matière d'appréciation des supports et des préconisations de l'expert dans le cadre du référé préventif auquel elle avait été appelée, la société C3B ne peut se retrancher derrière le maître d''uvre pour se dégager de son obligation de conseiller la mise en 'uvre d'une barrière d'étanchéité avant la pose de l'enduit (3e Civ., 13 juin 1973, pourvoi n° 71-11.675, Bull., 1973, III, n° 412).

En conséquence, la responsabilité de droit commun de la société C3B est engagée à l'égard du maître d'ouvrage.

S'agissant de l'architecte, sa mission telle qu'elle est définie dans le contrat du 29 novembre 2011, lui imposait la direction de l'exécution des contrats de travaux et lui interdisait à ce titre de donner directement des ordres à l'entrepreneur ou de lui imposer des choix techniques ou de matériaux.

Ainsi pour la réalisation de l'ouvrage, la mission de l'architecte était distincte et indépendante de celle de l'entrepreneur auquel il incombait de réaliser les travaux dans le respect des règles de l'art, des documents techniques unifiés et des normes en vigueur.

Les études d'exécution de l'architecte comprenaient celles fondées sur le projet pour la consultation des entreprises et devaient permettre le développement technique du projet et ne dispensaient pas l'entrepreneur d'établir ses études et plans d'exécution nécessaires à la mise en 'uvre du chantier.

La société C3B ne rapporte donc pas la preuve que l'architecte a commis une faute dans l'exécution de sa mission.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société C3B et de l'infirmer en ce qu'il a retenu celle de l'architecte et, statuant à nouveau, de dire que la société C3B supportera l'entière responsabilité du défaut de mise en 'uvre de la barrière d'étanchéité sur le mur mitoyen sans qu'elle puisse rechercher la garantie du maître d''uvre et de la MAF.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens de la société Histoire & patrimoine qui ne demande d'ailleurs pas l'infirmation du jugement du chef de sa condamnation à ce titre.

En revanche, le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement en ce que seules la société C3B et son assureur SMA supporteront in solidum, la condamnation à payer à la société Histoire & patrimoine la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, la société C3B et la SMA, parties succombantes, seront condamnées aux dépens et à payer la somme globale de 4 000 euros à la société Atelier Monchecourt & co et la MAF et celle de 4 000 euros à la société Histoire & patrimoine, au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il :

- condamne la société Histoire & patrimoine à réaliser les travaux de mise en 'uvre d'une barrière étanche au droit du mur mitoyen côté [Adresse 10], sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 3 mois à compter de la signification du jugement,

- condamne la Mutuelle des architectes français, assureur de la société Atelier Monchecourt & co, à garantir la société Histoire & patrimoine des condamnations prononcées contre elle dans la proportion de 15 %,

- condamne la Mutuelle des architectes français, assureur de la société Atelier Monchecourt & co, in solidum avec la société C3B et la société SMA, à payer à la société Histoire & patrimoine la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare Mme [Y] irrecevable en sa demande de condamnation sous astreinte de la société Histoire & patrimoine à réaliser les travaux de mise en 'uvre d'une barrière étanche au droit du mur séparatif du [Adresse 10] ;

Condamne la société C3B et son assureur la société SMA à garantir intégralement la société Histoire & patrimoine des condamnations prononcées contre elle ;

Condamne in solidum les sociétés C3B et la société SMA aux dépens d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société C3B et la société SMA à payer à la société Histoire & développement la somme de 4 000 euros et la somme globale de 4 000 euros à la société Atelier Monchecourt & co et à la Mutuelle des architectes français ; rejette les autres demandes.

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/14090
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;21.14090 ?
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