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20/03/2024 | FRANCE | N°21/09981

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 20 mars 2024, 21/09981


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 2



ARRET DU 27 MARS 2024



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09981 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDX77



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mai 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS RG n° 17/16586





APPELANTE



Madame [U] [B] divorcée [I]

née le 17 Mars 1948

[Adresse 1]

[LocalitÃ

© 5]



Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

ayant pour avocat plaidant : Me Chloé SOULARD de la SELARL A.K.P...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRET DU 27 MARS 2024

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09981 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDX77

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mai 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS RG n° 17/16586

APPELANTE

Madame [U] [B] divorcée [I]

née le 17 Mars 1948

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

ayant pour avocat plaidant : Me Chloé SOULARD de la SELARL A.K.P.R., avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 388

INTIMEES

S.C.I. BASTILLE

[Adresse 3]

[Localité 5]

N° SIRET : 450 539 101

Représentée par Me Dorothée BARBIER DE CHALAIS de l'AARPI ANTES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R0250

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 4] représenté par son syndic la SAS FONCIA GIEP

C/O Société FONCIA GIEP

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant : Me Catherine FRANCESCHI de la SELEURL FRANCESCHI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1525

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre

Madame Perrine VERMONT, Conseillère

Madame Caroline BIANCONI-DULIN, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, et par Dominique CARMENT, Greffière présente lors de la mise à disposition.

* * * * * * * * * * * *

FAITS & PROCÉDURE

L'ensemble immobilier sis [Adresse 4] est composé de 4 bâtiments, 2 sur rue (A et B) élevés sur 5 étages, et 2 sur fond de cour composés d'un rez-de-chaussée et d'un étage (C et D) et soumis au statut de la copropriété.

La société civile immobilière Bastille a acquis en viager, au sein du bâtiment D de cet immeuble, le lot n°100, correspondant à une pièce située au rez-de-chaussée, qui avait été aménagée en studio par son vendeur en 1981, sachant que le bâtiment D comporte au rez-de-chaussée comme au 1er étage, 9 studios ou chambres.

Mme [U] [B] divorcée [I] est propriétaire dans le bâtiment D, d'un studio situé au 1er étage, exactement au-dessus du studio de la société Bastille.

En 2015, récupérant la pleine propriété de ce bien, la société Bastille constate, outre la vétusté du studio nécessitant des travaux de rénovation, la présence de canalisations d'évacuation en provenance du 1er étage traversant son local verticalement et horizontalement, vétustes et pour l'une percée, déversant au sol, liquides et excréments.

S'agissant d'une canalisation en provenance du 1er étage, la société Bastille a tenté de prendre contact avec Mme [U] [I], sans toutefois y parvenir, ses travaux de rénovation étant impossibles dès lors que 2 canalisations d'eaux usées en provenance du 1er étage traversaient en diagonale les murs de son lot, que le conduit de cheminée de son lot avait été obturé par le plancher du lot du 1er étage et qu'enfin, le conduit de ventilation de son lot était partiellement obturé par une gaine qui y cheminait et une paroi qui venait le sectionner, enfin qu'il devait constater que les poutres du plancher haut, partie commune visibles de son lot pour avoir ouvert son plafond plein d'humidité, étaient rongées d'humidité nécessitant de la part de la copropriété une intervention rapide.

Dans l'impossibilité d'avoir le moindre contact avec Mme [U] [I] et le syndic considérant qu'il n'était pas concerné, la société Bastille faisait intervenir la mairie de [Localité 7] qui par mise en demeure du 12 septembre 2017 constatait la réalité des désordres et la situation de péril et enjoignait la copropriété à renforcer et remplacer les éléments de structure du plancher haut endommagé et exécuter les travaux de suppression des infiltrations d'eau en provenance du logement de Mme [U] [I].

Devant l'immobilisme de Mme [U] [I], la société Bastille avait saisi le juge de proximité par déclaration au greffe du 15 mars 2016, dossier transféré au tribunal d'instance, du fait de la disparition du juge de proximité, qui par ordonnance du 17 novembre 2017, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris 8ème chambre en raison de la nature de l'affaire.

La société Bastille avait alors par incident, sollicité du juge de la mise en état, la condamnation de Mme [U] [I] à la réfection du plancher haut, la dépose de la tuyauterie traversant le conduit de ventilation, la restauration du conduit de cheminée et la dépose des canalisations des eaux usées sous astreinte.

Le juge de la mise en état par ordonnance du 12 juillet 2019, déboutait la société Bastille de sa demande en indiquant qu'il apparaissait nécessaire de mettre en cause le syndicat des copropriétaires.

Par acte d'huissier du 9 octobre 2019, la société Bastille a alors appelé dans la cause le syndicat des copropriétaires et les deux dossiers ont été joints.

La SCI Bastille a demandé au tribunal, pour l'essentiel, de :

- condamner Mme [U] [I] à faire effectuer le raccordement de l'ensemble de ses installations sanitaires et de cuisine, au niveau du 1er étage, à l'aplomb de la nouvelle descente privative en fonte posée dans le lot n°100, à rétablir le conduit de cheminée desservant le lot n°100, à retirer la gaine privative obstruant le conduit de ventilation desservant le lot n°100, et à réparer ce conduit ; le tout à ses frais exclusifs sous le contrôle de l'architecte de la copropriété, par une entreprise qualifiée et assurée et dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte définitive de 300 € par jour de retard passé ce délai,

- constater que les travaux de reprise du plancher haut, votés par l'assemblée générale du 10 avril 2018 n'ont été réalisés qu'en novembre/décembre 2019 par le syndicat des copropriétaires malgré la situation de péril et l'injonction de travaux délivrée par la Mairie de [Localité 7] dès le 12 septembre 2017,

- dire que l'absence de réalisation de travaux de réparation des désordres par Mme [U] [I] et le retard dans la réalisation des travaux par le syndicat des copropriétaires constituent des fautes engageant leur responsabilité,

- dire que la société Bastille est totalement privée de la jouissance du lot n°100 lui appartenant depuis le 1er septembre 2016,

- dire que le syndicat des copropriétaires et Mme [U] [I] doivent réparation du trouble de jouissance qu'elle a subi, respectivement, pour les périodes courant du 1er décembre 2016 au 30 novembre 2019, et du 1er septembre 2016 jusqu'à la date de réalisation des travaux ordonnés par le jugement à intervenir,

- évaluer ce préjudice à la somme de 650 € par mois à compter du 1er septembre 2016 et jusqu'à réalisation de l'ensemble des travaux ordonnés par le jugement à intervenir,

- sous réserve de l'appréciation du tribunal, opérer le partage des responsabilités entre les parties défenderesses, à hauteur de 25% pour le syndicat des copropriétaires et de 75% pour Mme [U] [I],

- condamner en conséquence chacune des parties défenderesses au paiement des sommes correspondantes à son profit soit:

pour le syndicat des copropriétaires, 650 x 36 x 25% = 5.850 € au titre de la période décembre 2016 /novembre 2019,

pour Mme [U] [I], 650 x 36 x 75% = 17.550 € au titre de la période décembre 2016 / novembre 2019, outre 650 x 3 = 1.950 € au titre de la période septembre/novembre 2016 et 650 € par mois à compter du 1er décembre 2019 et jusqu'à réalisation des travaux ordonnés par le jugement à intervenir,

- débouter les parties défenderesses de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [U] [I] à rembourser au syndicat des copropriétaires la somme de 3.854,61 € au titre des travaux afférents au remplacement de la canalisation privative desservant le lot 110 lui appartenant,

- condamner solidairement Mme [U] [I] et le syndicat des copropriétaires aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui payer la somme de 4.000 € par application de l'article 700 du même code,

- la dispenser de toute participation à la dépense commune des frais de procédure,

Mme [U] [B] divorcée [I], a demandé au tribunal, essentiellement, de :

- déclarer la société Bastille irrecevable en ses demandes en ce qu'elles sont dirigées à son encontre,

par suite de son intervention forcée,

- déclarer le syndicat des copropriétaires irrecevable en ses demandes en ce qu'elles sont dirigées à son encontre,

en toute hypothèse,

- déclarer la société Bastille mal fondé en ses demandes et prétentions et l'en débouter intégralement,

- déclarer le syndicat des copropriétaires mal fondé en ses demandes et prétentions et l'en débouter intégralement,

reconventionnellement,

- condamner la société Bastille à régler à Mme [U] [I] une somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4], a demandé au tribunal, pour l'essentiel, de :

à titre principal,

- débouter la société Bastille de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions formulées à son encontre,

à titre subsidiaire,

- constater que les désordres constatés sur la plancher haut du studio de la société Bastille proviennent des canalisations privatives de Mme [U] [I],

en conséquence,

- condamner Mme [U] [I] à le garantir de toutes condamnations éventuellement prononcées à son encontre,

à titre infiniment subsidiaire,

- constater que le préjudice indemnisable allégué correspond à une perte de chance de pouvoir donne à bail un local exempt de tous vices,

- constater que les désordres pour lesquels sa responsabilité est recherchée sont limités au plancher haut du bien de la société Bastille sur une surface de trois mètres depuis le mur situé au fond de son appartement,

en conséquence,

- juger que cette perte de chance ne saurait excéder 20 % de la valeur locative au prorata de la durée du préjudice prétendument subi, ce qui correspond, au 28 novembre 2019, à une somme de 4.550 €,

- juger que sa responsabilité ne saurait excéder 5 % du préjudice indemnisable susvisé,

- juger qu'il ne sera tenu de supporter que la part de responsabilité lui revenant tous chefs de préjudices confondus,

à titre reconventionnel,

- condamner in solidum la société Bastille et de Mme [U] [I] à lui verser la somme de 5.275 € TTC, au titre des travaux de confortation de plancher haut et honoraires spéciaux de syndic qu'il a engagés,

en toute hypothèse,

- condamner tout succombant aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui payer la somme de 7.000 € par application de l'article 700 du même code.

Par jugement du 7 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- condamné Mme [U] [I] à faire effectuer par une entreprise qualifiée et assurée, à ses frais exclusifs et sous la surveillance et le contrôle de l'architecte de la copropriété, les travaux suivants :

le raccordement de l'ensemble de ses installations sanitaires et de cuisine, au niveau du 1er étage à l'aplomb de la nouvelle canalisation en fonte installée dans le lot en rez-de-chaussée et raccordée au tout-à-l'égout,

le rétablissement du conduit de cheminée desservant le rez-de-chaussée,

retirer la gaine privative obstruant le conduit de ventilation desservant le rez-de-chaussée et rétablir ce conduit,

ces travaux devant être effectués dans le délai de deux mois de la signification du présent jugement, et passé ce délai sous astreinte de 100 € par jour de retard, pendant 60 jours,

- fixé à la somme de 20.685 € la réparation du préjudice de jouissance subi par la société Bastille arrêté au 30 novembre 2019, dont la responsabilité incombe à hauteur de 90% à Mme [U] [I] et à hauteur de 10% au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4],

en conséquence,

- condamné Mme [U] [I] à payer à la société Bastille la somme de 18.616,50 € (soit 90 % de 20.685 €) au titre du préjudice de jouissance,

- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] à payer à la société Bastille, la somme de 2.068,50 € (soit 10 % de 20.685 €) au titre du préjudice de jouissance,

- débouté les parties de toute autre demande,

- condamné in solidum Mme [U] [I] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la sociéét civile immobilière Bastille la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du même code,

- dit que la répartition des condamnations au titre des frais et dépens s'effectuera dans la proportion de 90 % à la charge de Mme [U] [I] et 10 % à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4],

- dit que la société Bastille sera dispensée des frais de procédure exposés par le syndicat des copropriétaires, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,

- ordonné l'exécution provisoire.

Mme [U] [B] divorcée [I] a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 27 mai 2021.

La procédure devant la cour a été clôturée le 29 novembre 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions notifiées le 20 novembre 2023 par lesquelles Mme [U] [B] divorcée [I], appelante, invite la cour, à :

- infirmer le jugement en ce qu'il :

l'a condamnée à faire effectuer par une entreprise qualifiée et assurée, à ses frais exclusifs et sous la surveillance et le contrôle de l'architecte de la copropriété, les travaux suivants :

le raccordement de l'ensemble de ses installations sanitaires et de cuisine, au niveau du 1er étage à l'aplomb de la nouvelle canalisation en fonte installée dans le lot en rez-de-chaussée et raccordée au tout-à-l'égout, dans le délai de deux mois de la signification du présent jugement, et passé ce délai sous astreinte de 100 € par jour de retard, pendant 60 jours,

a fixé à la somme de 20.685 € la réparation du préjudice de jouissance subi par la société Bastille arrêté au 30 novembre 2019, dont la responsabilité lui incombe à hauteur de 90% et à hauteur de 10% au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4],

l'a condamnée à payer à la société Bastille la somme de 18.616,50 € (soit 90% de 20.685 €) au titre du préjudice de jouissance,

l'a condamnée in solidum avec le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsiqu'à payer à la société Bastille la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du même code,

dit que la répartition des condamnations au titre des frais et dépens s'effectuera dans la proportion de 90 % à sa charge et 10 % à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4],

dit que la société Bastille sera dispensée des frais de procédure exposés par le syndicat des copropriétaires, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,

- déclarer en conséquence mal fondée la société Bastille en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- prendre acte de ce qu'elle se réserve de demander à la société Bastille le remboursement des travaux qu'elle aura été contrainte de faire entre la date de signification de ses premières conclusions d'appel et la date de l'arrêt à intervenir mais aussi le coût des remises en état qui s'avéreraient nécessaires,

- déclarer mal fondé le syndicat des copropriétaires en son appel incident en ce qu'il est dirigé à son encontre et par voie de conséquence le débouter des demandes indemnitaires formées à son encontre,

- condamner la société Bastille à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société Bastille aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à lui payer la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions notifiées le 14 novembre 2023 par lesquelles la société civile immobilière Bastille, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles 9, 10-1, 14 de la loi du 10 juillet 1965, 637 et suivants et 1242 du code civil, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il :

a condamné Mme [U] [I] à faire exécuter divers travaux listés par la décision dans un délai de deux mois à compter de la signification à partie et passé ce délai, sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant 60 jours,

a condamné Mme [U] [I] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] :

à l'indemniser du préjudice de jouissance subi,

aux dépens et à lui payer somme de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

l'a dispensée de toute participation aux frais de procédure,

y ajoutant,

- dire que Mme [U] [I] lui est redevable de la somme de 6.000 € au titre de l'astreinte ordonnée par le tribunal (signification à partie le 1er juin 2021),

- porter l'astreinte à 300 € par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois compter de la signification de l'arrêt à intervenir, dans le cas où Mme [U] [I] n'aurait toujours pas exécuté les travaux ordonnés,

- dire que le préjudice de jouissance qu'elle a subi a couru à compter du 1er septembre 2016 et augmenter le quantum des condamnations au titre de la période 1er septembre 2016 / 30 novembre 2019 à la somme de 23.049 € (591 x 39 mois),

- condamner Mme [U] [I] et le syndicat des copropriétaires au paiement de cette somme, selon partage des responsabilités à fixer par la Cour,

- condamner Mme [U] [I] à l'indemniser de son préjudice de jouissance à hauteur de 650 € par mois à compter du 1er décembre 2019 et jusqu'à exécution desdits travaux,

- débouter Mme [U] [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son encontre

- condamner Mme [U] [I] aux dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui payer la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du même code ;

Vu les conclusions notifiées le 2 novembre 2023 par lesquelles le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4], intimé ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles 10, 25 b de la loi du 10 juillet 1965, 1353, 1383 du code civil, et 9 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement, sauf en ce qu'il :

a retenu sa responsabilité à hauteur de 10 %,

l'a débouté de ses demandes indemnitaires reconventionnelles,

l'a condamné à indemniser la société Bastille au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

et, statuant à nouveau,

à titre principal,

- débouter la société Bastille de toutes les demandes formulées à son encontre,

à titre subsidiaire,

- déclarer que le préjudice indemnisable allégué correspond à une perte de chance de pouvoir donné à bail un local exempt de tous vices,

- déclarer que cette perte de chance ne saurait excéder 20 % de la valeur locative au prorata de la durée du préjudice prétendument subi, ce qui correspond, au 28 novembre 2019, à une somme de 4.137 €,

- déclarer que les désordres pour lesquels sa responsabilité est recherchée sont limités au plancher haut du bien de la société Bastille sur une surface de trois mètres depuis le mur situé au fond de son appartement,

- déclarer que sa responsabilité ne saurait excéder 5 % du préjudice indemnisable susvisé,

- déclarer qu'il ne sera tenu de supporter que sa part de responsabilité lui revenant (à hauteur de 5 %) tous chefs de préjudices confondus,

en toute hypothèse,

- condamner in solidum la société Bastille et de Mme [U] [I] à lui verser la somme de 5.275 € TTC, au titre des travaux de confortation de plancher haut et honoraires spéciaux de syndic qu'il a engagés,

- condamner tout succombant aux dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui payer la somme de 10.000 € par application de l'article 700 du même code ;

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Sur les demandes de travaux

Aux termes de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il en use et en jouit librement sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ;

Aux termes de l'article 544 du code civil, l'exercice du droit de propriété, même sans faute, est générateur de responsabilité lorsque le trouble qui en résulte pour autrui dépasse la mesure des obligations ordinaires du voisinage ;

Il s'agit d'une responsabilité de plein droit, il n'est pas nécessaire de démontrer une faute du copropriétaire ;

Aux termes de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes ; il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires ;

Il s'agit également d'une responsabilité de plein droit ;

Il ressort des pièces versées au débat qu'en prenant possession en 2015 du studio acquis en viager, la société Bastille ne pouvait que constater que celui-ci était vétuste et devait faire l'objet d'une rénovation importante, le logement ayant été squatté ;

Elle en a manifestement été empêchée du fait de l'existence de canalisations d'évacuation des eaux traversant son lot en provenance du 1er étage alors que les autres studios du 1er étage du bâtiment D, avaient leurs évacuations en façade extérieure ;

Les canalisations

Il est établi par les pièces versées aux débats que les conduits d'évacuation des eaux usées du studio du 1er étage traversaient le lot de la société Bastille, Mme [U] [I] se contentant d'indiquer que ces conduits et équipements auraient été mis en place avant son acquisition et en même temps de soutenir que ses installations sanitaires sont récentes et conformes, sans cependant justifier ni des travaux effectués ni de la date de leur réalisation ;

Il est également justifié que le syndicat des copropriétaires a décidé en septembre 2016 un audit des bâtiments C et D, compte tenu de problèmes d'humidité de ceux-ci, ayant donné lieu à un rapport de l'architecte dans lequel celui-ci relate qu'il a pu constater la présence d'un conduit d'évacuation en fonte vertical dans le coin au fond du lot de la société Bastille, pour l'évacuation des eaux usées du 1er étage de Mme [U] [I], l'entreprise Denos présente au rendez-vous indiquant l'avoir remplacé à la demande de la copropriété en août 2016 sans que Mme [U] [I] n'accepte de se raccorder directement sur cette canalisation afin de pouvoir déposer la partie en PVC située en écharpe du plancher haut sur plus d'un mètre de long ;

Compte tenu de ces travaux effectués par la copropriété, la société Bastille sollicite exclusivement que Mme [U] [I] soit condamnée à effectuer à ses frais exclusifs le raccordement à l'intérieur de son lot, des différentes évacuations de son studio directement à l'aplomb de la colonne en fonte ;

¿ Sur le caractère commun ou privatif des conduits d'évacuation des eaux usées du studio du 1er étage traversant le lot de la société Bastille

Selon le règlement de copropriété (piéce syndicat n° 1, article 3 pages 16 et 17) sont parties communes à tous les copropriétaires 'les canalisations et tuyaux du tout à l'égout, d'écoulement des eaux pluviales, les chutes des water-closets (sauf cependant pour les parties intérieures à l'usage exclusif et particulier de chaque appartement) et sont parties communes à chacun des bâtiment 'les canalisations d'égout, du gaz et de l'électricité (sauf cependant pour les parties de ces diverses canalisations se trouvant à l'intérieur de chaque appartement ou local et affectées à l'usage exclusif et particulier de chaque appartement ou local), les tuyaux du tout-à l'égout, ceux d'écoulement des eaux pluviales, ceux conduisant les eaux ménagères au tout-à-l'égout (sauf les parties intérieures à l'usage exclusif et particulier de chaque appartement ou local)'... et 'enfin, d'une façon générale, toutes les parties qui ne sont pas affectées à l'usage exclusif de l'un des copropriétaire ou qui sont communes selon la loi ou l'usage';

Aux termes du même règlement (article 4, page 18) 'les parties privées sont celles qui sont affectées à l'usage exclusif et particulier de chaque copropriétaire et qui ne se trouvent pas comprises dans les choses ou parties communes énoncées à l'article 3 qui précède' ;

Il résulte du règlement de copropriété que dès lors qu'une canalisation ou un tuyau est affecté à l'usage exclusif et particulier d'un appartement ou local, il constitue une partie privée ;

Il n'est pas contesté que les conduits d'évacuation des eaux usées du studio du 1er étage qui traversent le lot de la SCI Bastille sont affectés à l'usage exclusif et particulier de l'appartement de Mme [I] ; cette dernière, qui est devenue propriétaire en 1998 du lot n° 110 qui comportait le droit en commun avec les lots n°111 et 112 aux water-closets et au poste d'eau situés sur le palier du même étage, a ultérieurement acquis de la copropriété, une partie du couloir dans lequel se trouvait le water-closet et le poste d'eau situés sur le palier, ainsi que des combles situés au-dessus du lot 110 ; deux nouveaux lots numérotés 137 et 138 ont ainsi été créés (pièces [I] n° 1, 2 et 3) ; elle a réalisé des travaux à l'occasion desquels elle a fait déposer le water-closet à la turque, l'évier en fonds de couloir et le lave-mains qui dépendaient anciennement des parties communes qui lui avaient été cédées ; l'évacuation existante a été conservée, l'ensemble des eaux usées de l'appartement y étant déversées ; ces canalisations qui avaient pour vocation de recueillir toutes les eaux usées des locaux du premier étage, dont celles des water-closets et du poste d'eau situés sur le palier dans le couloir étaient des parties communes avant qu'elles ne soient cédées par le syndicat des copropriétaires à Mme [I] ; depuis, en application du règlement de copropriété, elles sont devenues parties privatives puisqu'elles sont affectées à l'usage exclusif et particulier des nouveaux lots 137 et 138 désormais propriété de Mme [I] ; il n'est nullement démontré que la SCI Bastille devra nécessairement les utiliser pour évacuer ses propres eaux usées lorsqu'elle aura fait réaliser les travaux de réaménagement de son studio ; en effet, contrairement à ce que soutient Mme [I], le lot 100 appartenant à la SCI Bastille n'est pas desservi par les mêmes canalisations, car il existe, au sol du rez de chaussée, des canalisations distinctes reliées directement aux canalisations communes existant dans la cour ;

Il est à noter que la société Denos & Fouquet s'est rendue dans les locaux de la SCI Bastille et a établi un devis le 14 mars 2026 qui constate l'état de vétusté des canalisations en grès verticale et horizontale, l'existence de plusieurs raccordements en PVC ayant modifié l'installation d'origine, la nécessité de déposer l'ensemble de l'existant puisque 'tout tombe dans le local' et la nécessité, pour effectuer les travaux de reprise, d'accéder au logement du premier étage puisque ces canalisations ne servent qu'au local du 1er étage propriété de Mme [I] ;

La société Denos & Fouquet est intervenue dans le local de la SCI Bastille en août 2016 pour remplacer et déplacer dans l'angle gauche la canalisation verticale, ce qui est rappelé par l'architecte mandaté par le syndic dans son rapport du 23 septembre 2016 : 'l'entreprise Denos & Fouquet présente à ce rendez-vous précise qu'effectivement leur entreprise avait remplacé en août 2016 les anciennes canalisations en grès en déplaçant la canalisation verticale existante au centre du panneau pour la positionner dans l'angle gauche' ;

En revanche, elle n'a pas pu déposer l'intégralité des canalisations en PVC puisqu'elle n'a pas eu accès à l'appartement de Mme [I] ; il subsiste donc un raccordement en PVC courant sur plus d'un mètre de long sur l'un des murs et le plafond du local de la SCI Bastille, ainsi qu'il résulte du procès verbal de constat d'huissier du 10 avril 2018 (pièce SCI Bastille n°53) :

'Tout à fait au fond du local se trouve une colonne d'évacuation en fonte rouge, manifestement assez récente puisque propre, installée sur une section à peu près horizontale le long du mur du fond et verticalement le long du mur de gauche.

Cette canalisation permet l'écoulement des eaux usées du premier étage et j'ai noté que la section supérieure est en PVC, section qui n'est pas récente puisque la partie en PVC, d'un mètre de longueur environ, est maculé de plâtre, de colle et de poussière.

Je relève en effet que cette fin de colonne en PVC comporte une culotte de raccordement de section 100 millimètres, pour l'évacuation des eaux usées du 1er étage et également un coude pour le raccordement d'une évacuation de 33 mm type évacuation d'évier ou de douche' ;

L'huissier de justice ajoute que 'l''usage privatif de cette section de colonne ressort de la disposition des raccordements effectués sur la colonne qui démontrent une affectation exclusive de ces évacuations à l'appartement du 1er étage' et que 'les autres évacuations de l'immeuble se font en façade puisqu'on a en façade sur cour, des colonnes d'évacuation d'eaux usées';

Il résulte de ce qui précède que l'ensemble des canalisations, en fonte ou en PVC, situées dans le local de la SCI Bastille desservent exclusivement l'appartement de Mme [I] et sont par conséquent en totalité, privatives ;

¿ Sur la demande de la SCI Bastille

Il reste donc à réaliser les travaux de raccordement des installations privatives de Mme [I] à l'aplomb de la canalisation commune en fonte pour supprimer les raccords en PVC (diamètres 100 et 33 respectivement) subsistant en écharpe au plafond du local de la SCI Bastille ; c'est la demande de cette dernière ;

La demande de la SCI Bastile se fonde sur l'article 9 de la loi du 10 juilllet 1965 et le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les ionconvénients normaux du voisinage ;

L'empiètement des canalisations privatives de Mme [I] sur le lot de la SCI Bastille costitue un trouble qui excède les inconvénients normaux du voisinage ; à cet égard, Mme [I] ne saurait valablement invoquer l'existence d'une servitude de passage dans la mesure où, d'une part, une servitude de passage peut s'imposer lorsqu'il n'existe pas d'autre moyen d'accès, d'autre part, cette servitude de passage doit se faire par le chemin le plus direct possible et ne peut en aucun cas conférer le droit d'empiéter sur la propriété d'autrui ;

Il existe en réalité une autre solution pour l'évacuation des eaux usées du premier étage, qui consiste à évacuer en façade ; cette solution a été mise en oeuvre par tous les lots du premier étage à la seule exception de l'appartement de Mme [I], comme constaté par la société Denos & Fouquet le 29 mars 2016 et par l'huissier en avril 2018 (pièce SCI Bastille n° 53) et justifié par les photos versées aux débats (pièces SCI Bastille n°8 et 21) où il apparaît que les autres évacuations du bâtiment D se font en façade ;

Dès lors, Mme [I] ne peut davantage prétendre que le 'repiquage' en PVC existerait depuis l'origine de la construction et serait une disposition constructive s'imposant aux copropriétaires successifs ; la situation matérielle et juridique des lieux a été en effet substantiellement modifiée en 2003 par et au bénéfice de Mme [I], qui a récupéré des parties communes, agrandi et réaménagé son appartement ;

Pour ces motifs, se substituant à ceux des premiers juges, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné Mme [U] [I] à faire effectuer par une entreprise qualifiée et assurée, à ses frais exclusifs et sous la surveillance et le contrôle de l'architecte de la copropriété, le raccordement de l'ensemble de ses installations sanitaires et de cuisine, au niveau du 1er étage à l'aplomb de la nouvelle canalisation en fonte installée dans le lot en rez-de-chaussée et raccordée au tout-à-l'égout, et ce, sous astreinte ;

Le conduit de cheminée

Il est établi par le constat d'huissier du 10 avril 2018 que le conduit de cheminée existant dans le lot 100, a été bouché par Mme [U] [I] ;

Il est par ailleurs établi que ce conduit de cheminée est une partie commune dès lors qu'il dessert le rez-de-chaussée et le 1er étage ;

Devant la cour, Mme [I] ne justifie pas avoir sollicité et obtenu l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ;

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné Mme [I] à rétablir le conduit de cheminée à ses frais exclusifs, sous le contrôle de l'architecte de la copropriété et sous astreinte ;

Mme [I] ne reprend pas dans le dispositif de ses conclusions sa demande figurant en page 17 de ses conclusions tendant à ce que 'si la Cour devait confirmer le jugement dont appel sur ce point, elle devrait conditionner l'obligation faite à Mme [I] de rétablir son conduit de cheminée à l'obligation corrélative de la SCI Bastille de reconstruire sa propre cheminée afin que les travaux qu'elle devrait exécuter ne l'aient pas été en vain ; la cour ne statuera donc pas sur cette demande par application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, aux termes duquel la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Le conduit de ventilation

Il est également établi par le constat d'huissier du 10 avril 2018 que le conduit de ventilation existant dans le lot 100 a été à la fois obstrué en partie par le passage d'une gaine semble-t-il électrique et partiellement cassé par un doublage BA 13 au niveau du 1er étage ;

Mme [U] [I] ne justifie d'aucune autorisation du syndicat des copropriétaires pour la destruction de cette partie commune ; or, comme l'ont exactement relevé les premiers juges, ce conduit, tout comme le conduit de cheminée, sont particulièrement nécessaires pour la ventilation des lots en rez-de-chaussée ; dans son rapport du 23 septembre 2016 l'architecte de l'immeuble a expressément rappelé les problèmes d'humidité rencontrés dans le bâtiment D et la nécessité d'améliorer la ventilation des lots, ce à quoi contribue l'existence de deux conduits de cheminée et de ventilation ;

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il l'a condamné sous astreinte et à ses seuls frais à rétablir le conduit ;

Sur l'astreinte

Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit ces travaux devront être effectués dans le délai de deux mois de la signification du jugement, et passé ce délai sous astreinte de 100 € par jour de retard, pendant 60 jours ;

Une nouvelle astreinte doit être ordonnée compte tenu du fait que Mme [I] n'a pas réalisé les travaux ; elle doit donc être condamnée à les exécuter dans un délai de 6 mois à compter de la signification de l'arrêt, et ce, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé ce délai ;

Sur les demandes préjudicielles de la SCI Bastille

Sur la responsabilité de la SCI Bastille

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que la SCI Bastille a participé à son propre préjudice, d'une part, en ne produisant aucun élément permettant de prouver que les travaux réalisés sous sa direction... 'n'ont pas, en partie, endommagé le plancher haut, à la suite de l'intervention du professionnel qu'elle a elle même mandaté', d'autre part en retardant la réalisation de stravaux de reprise des solives endommagées ;

Sur le premier point, contrairement à ce qu'indique M. [G], architecte mandaté par le syndicat des copropriétaires, les travaux de terrassement réalisés par la SCI Bastille n'ont pas conduit au 'déchaussement' de tous les murs mais uniquement au déchaussement du mur situé à droite, ce que le BET [Z], ingénieur structure précise dans son rapport : 'au cours de notre visite sur place du 6 courant, nous avons pu constater les travaux de terrassement réalisés par le propriétaire du local concerné. Le mur porteur situé à droite a été déchaussé (le gros béton situé sous le mur est apparent). Les trois autres murs n'ont pas été déchaussés. On devra bloquer le pied de mur déchaussé à l'aide d'un relevé béton liaisonné au dallage à créer' ;

La SCI Bastille justifie avoir réalisé en novembre 2016 les travaux recommandés par l'ingénieur [Z] (pièces SCI n° 56 et 57) ; de plus, l'architecte de sécurité missionné par la Mairie de [Localité 7] en juillet 2017 n'a formulé aucune observation concernant le sol du local ; et le syndicat des copropriétaires ne s'est pas plaint de désordres structurels affectant l'immeuble à la suite des travaux réalisés sur le sol du local de la SCI Bastille ;

Le syndicat des copropriétaires ne justifie donc pas que les travaux réalisés par la SCI Bastille ont endommagé le plancher haut de son local ;

Sur le second point, aucun retard n'est imputable à la SCI Bastille s'agissant des travaux de réfection du plancher haut ; la SCI Bastille a indiqué au syndic, par mail du 25 octobre 2019, que 'comme nous vous l'avons indiqué, nous pensons préférable de trouver une solution définitive pour les canalisations en même temps que la réfection du plancher haut

mais puisqu'il s'agit d'une partie commune, il vous appartient naturellement de prendre la décision' ;

La responsabiltié de la SCI Bastille ne saurait donc être retenue ;

Sur le trouble de jouissance

Le principe de la réparation intégrale du préjudice subi impose que la personne à l'origine des désordres indemnise celui qui les a subis de l'intégralité des préjudices ;

Il est établi que le lot était inhabitable en 2015 lors de la prise de possession des lieux, la société Bastille a donc voulu commencer les travaux et découvert les différents problèmes l'empêchant d'avancer dans leur exécution, à l'exception du sol qui a donc été terminé en novembre 2016 ;

La société Bastille justifie donc d'une absence de jouissance de son bien depuis novembre 2016 dès lors qu'elle justifie avoir terminé à cette date ses travaux sur le sol et qu'elle a été alors empêchée de les poursuivre essentiellement du fait de Mme [U] [I] ;

En effet, le syndicat des copropriétaires a partiellement résolu le problème de l'évacuation des eaux usées, en installant une colonne, permettant à Mme [U] [I] de se raccorder mais sans qu'elle ne traverse le lot de la société Bastille pour avoir été installée dans l'angle du mur au fond du studio et a résolu fin novembre 2019 le problème de réfection du plafond haut ;

La société Bastille maintient sa demande d'indemnisation pour la période du 1er septembre 2016 sur la base d'une valeur locative de 650 €/mois jusqu'à la réalisation des travaux et par le syndicat et par Mme [U] [I] en prévoyant un partage de responsabilité de 75% pour Mme [U] [I] et de 25% par le syndicat des copropriétaires ;

Concernant le calcul du préjudice, les premiers juges ont justement retenu que la société Bastille n'a été empêchée de poursuivre ses travaux de rénovation qu'à compter du mois de novembre 2016, après avoir effectué ses propres travaux sur le sol et que son préjudice consistant en la perte d'usage de son bien, doit bien s'effectuer sur la base d'une valeur locative, après une période de carence de 3 mois correspondant à la durée de ses propres travaux, lui permettant de louer ;

Concernant la valeur locative, il sera retenu une valeur de 32,50 € le m², fourchette basse des valeurs, compte tenu de la superficie de 18,19 m², soit une valeur locative de 591 € mensuel ; le local de la SCI Bastille étant inhabitable, et dangereux jusqu'à la réalisation des travaux de reprise du plancher haut, la perte de jouissance est totale, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer un coefficient de perte de chance ;

Retenant que les travaux effectués par le syndicat des copropriétaires sur le plafond haut étaient terminés au 30 novembre 2019, le tribunal a justement arrêté à cette date, le calcul du préjudice de jouissance et retiendra un préjudice de jouissance du 1er février 2017 au 30 novembre 2019 soit 591 x 35 = 20.685 €, tenant compte ainsi d'un délai supplémentaire de 3 mois pour ses propres travaux ;

Enfin, comme l'a dit le tribunal, la responsabilité du syndicat des copropriétaires étant limitée à la tardiveté de ses interventions dans la réalisation des travaux lui incombant, le partage de responsabilité sera de 90% pour Mme [U] [I] et 10% pour le syndicat des copropriétaires ; s'agissant de ce dernier la nécessité d'entreprendre les trabaux de reprise du plancher haut était patente depuis le courrier d'injonction de la Mairie de Paris du 12 septembre 2017 (pièce SCI Bastille n° 38) ; ces travaux ayant été entrepris en novembre 2019, il y a bien un retard qui n'est pas dû à la SCI Bastille comme il a été vu ; d'ailleurs le suyndicat ne disconvient pas que la découverte du sinistre affectant le plancher haut lui était connue depuis le mois de novembre 2016 ;

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a :

- condamné Mme [U] [I] à payer la somme de 20.685,00 x 90% soit 18.616,50 € à la société Bastille au titre de son préjudice de jouissance arrêté au 30 novembre 2019,

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer à la société Bastille la somme de 2.068,50 €, au titre de son préjudice de jouissance,

- dit que ce partage de responsabilité sera applicable également au titre des condamnations accessoires de frais et dépens ;

La SCI Bastille sollicite la condamnation de Mme [I] à lui payer la somme de 650 € par mois à compter du 1er décembre 2016 jusqu'à l'exécution des travaux à la charge de Mme [I] ;

Cependant, la perte de jouissance n'est plus totale depuis la réalisation des travaux de réfection du plancher haut ; retenant la valeur locative de 591 € par mois définie par le tribunal, il y a lieu d'appliquer un pourcentage de remise de 60 %, soit 591 x 0,40 = 236,40 € arrondi à 236 € ;

La période d'indemnisation s'étend du 1er décembre 2019 au 31 mars 2024, date de l'arrêt, soit 52 mois : soit 236 x 52 = 12.272 € ;

Mme [I] doit donc être condamnée à payer à la SCI Bastille la somme de 12.272 € en indemnisation de la perte de jouissance du 1er décembre 2019 au 31 mars 2024 ;

Sur la demande du syndicat des copropriétaires

Les travaux de réfection du plancher haut votés par l'assemblée générale du 10 avril 2018 ont été réalisés en novembre-décembre 2019 et réceptionnés le 9 décembre 2019 (pièces syndicats n° 6 et 11) ;

Le syndicat des copropriétaires maintient sa demande de condamnation in solidum de Mme [U] [I] et la société Bastille à lui rembourser le coût de la réfection du plancher haut entre les lots de la société Bastille et de Mme [U] [I], comprenant les frais de syndic ;

Toutefois s'agissant d'une partie commune, les premiers juges ont exactement relevé qu'il appartient au syndicat des copropriétaires de le prendre en charge et la société Bastille ne saurait être tenue d'une participation à ces travaux autrement que dans le cadre de ses charges de copropriété ;

Concernant Mme [U] [I], le syndicat des copropriétaires fait valoir que ces désordres sont de la seule responsabilité de Mme [U] [I], responsable des fuites d'eau en provenance de ses installations sanitaires ayant détérioré les poutres ;

Comme l' dit le tribunal, le syndicat des copropriétaires, qui est responsable des dommages causés aux copropriétaires (...) par le défaut d'entretien des parties communes, ne démontre pas la responsabilité de celle-ci en apportant les éléments de preuve des dégâts des eaux survenus de son fait ;

Enfin le syndicat des copropriétaires ne peut faire valoir un 'aveu judiciaire' de Mme [U] [I] qui n'a nullement reconnu sa responsabilité dans les dégâts des eaux ayant détérioré le plancher haut ;

Le jugement doit donc être confirmé en c equ'il a débouté le syndicat des copropriétaires de cette demande ;

Sur la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement

La société civile immobilière Bastille demande à la cour de dire que Mme [U] [I] lui est redevable de la somme de 6.000 € au titre de l'astreinte ordonnée par le tribunal (signification à partie le 1er juin 2021) ;

Selon l'article L 131-3 du code des procédures civiles d'exécution 'l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir' ;

Il résulte de l'article R 131-2 du même code que 'pour l'application de l'article L 131-3, l'incompétence est relevée d'office par le juge saisi d'une demande en liquidation d'astreinte ;

Il s'avère que si le tribunal a ordonné une astreinte à l'encontre de Mme [I], il ne s'est pas réservé le pouvoir de la liquider ; dès lors, seul le juge de l'exécution est compétent pour statuer sur la demande de la société civile immobilière Bastille ;

Il convient par conséquent de se déclarer incompétent au profit du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris pour statuer sur la demande de la société civile immobilière Bastille de liquidation d'astreinte ;

Sur la demande dommage-intérêts de Mme [I] pour procédure abusive

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande de dommage-intérêts pour procédure abusive formulée par Mme [I] contre la société civile immobilière Bastille ;

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite de l'article 700 du code de procédure civile ;

Mme [I], partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la SCI Bastille la somme supplémentaire de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par Mme [I] et le syndicat des copropriétaires ;

Sur l'application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965

La société civile immobilière Bastille sollicite d'être dispensée de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

Selon l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 'le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l'absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires' ;

La SCI Bastille, gagnant son procès contre le syndicat, le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a dispensé de toute participation à la dépense commune des frais de la procédure de première instance ;

Il doit être ajouté au jugement que la SCI Bastille est dispensée de toute participation à la dépense commune des frais de la procédure d'appel, dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [U] [B] divorcée [I] à faire effectuer par une entreprise qualifiée et assurée, à ses frais exclusifs et sous la surveillance et le contrôle de l'architecte de la copropriété, les travaux suivants :

le raccordement de l'ensemble de ses installations sanitaires et de cuisine, au niveau du 1er étage à l'aplomb de la nouvelle canalisation en fonte installée dans le lot en rez-de-chaussée et raccordée au tout-à-l'égout,

le rétablissement du conduit de cheminée desservant le rez de chaussée,

retirer la gaine privative obstruant le conduit de ventilation desservant le rez-de-chaussée et rétablir ce conduit,

dans un délai de 6 mois à compter de la signification de l'arrêt, et ce, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé ce délai ;

Se déclare incompétente au profit du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris pour statuer sur la demande de la société civile immobilière Bastille de dire que Mme [U] [B] divorcée [I] lui est redevable de la somme de 6.000 € au titre de l'astreinte ordonnée par le tribunal ;

Condamne Mme [U] [B] divorcée [I] à payer à la société civile immobilière Bastille la somme de 12.272 € en indemnisation de la perte de jouissance du 1er décembre 2019 au 31 mars 2024 ;

Déboute Mme [U] [B] divorcée [I] de sa demande condamnation de la société civile immobilière à lui payer la somme de 5.000 € de dommage-intérêts pour procédure abusive

Condamne Mme [U] [B] divorcée [I] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société civile immobilière Bastille la somme supplémentaire de 3.000 € par application de l'article 700 du même code en cause d'appel ;

Dispense la société civile immobilière Bastille de toute participation à la dépense commune des frais de la procédure d'appel, dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/09981
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;21.09981 ?
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