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20/03/2024 | FRANCE | N°21/07351

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 20 mars 2024, 21/07351


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 20 MARS 2024



(n°2024/ 131 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07351 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHDF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er juillet 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° 20/00244





APPELANT

Monsieur [O] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par M

e Jérémie BERIOU, avocat au barreau de MEAUX, toque : P0028





INTIMÉE

S.A.S. DEPRA VENTILATION

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Valérie JANDZINSKI, avocat au barreau de NANCY,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 20 MARS 2024

(n°2024/ 131 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07351 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHDF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er juillet 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° 20/00244

APPELANT

Monsieur [O] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Jérémie BERIOU, avocat au barreau de MEAUX, toque : P0028

INTIMÉE

S.A.S. DEPRA VENTILATION

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Valérie JANDZINSKI, avocat au barreau de NANCY, toque : 171

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre, Président de formation

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

M. [T] a été engagé en qualité de chef monteur par la société De Pra ventilation (la société DPV) dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du10 septembre au 31 décembre 2018. La relation contractuelle s'est poursuivie pour une durée indéterminée à compter du 1er janvier 2019.

Par lettre du 24 février 2020, la société DPV a informé M. [T] que le hall de stockage situé à [Localité 4] (77), auprès duquel il était affecté, était supprimé et lui a demandé de prendre dorénavant son service dans des locaux de l'entreprise situés à [Localité 5] (54) à compter du 16 mars 2020.

Par lettre du 10 mars 2020, l'avocat de M. [T] a contesté cette nouvelle affectation.

M. [T] a saisi le 25 juin 2020 le conseil de prud'hommes de Melun d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et en sollicitant la condamnation de la société DPV à lui payer différentes sommes à titre notamment de rappel d'heures supplémentaires.

M. [T] a été placé en arrêt de travail à partir du 24 août 2020.

Par jugement du 1er juillet 2021, auquel il est renvoyé pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Melun a rendu la décision suivante :

« Rejette la demande de M. [T] [O] de résiliation judiciaire.

Déboute M. [T] [O] de toutes ses demandes.

Condamne M. [T] [O] à verser à la SA DEPRA VENTILATION la somme de 456,47 euros brut au titre de top perçu sur les frais de déplacement.

Condamne M. [T] [O] à verser à la SA DEPRA VENTILATION la somme de 1 000,00 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne M. [T] [O] aux dépens. »

M. [T] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 9 août 2021.

Par avis du 13 août 2021, le médecin du travail a déclaré M. [T] inapte à son emploi.

Par lettre du 2 septembre 2021, la société DPV a licencié M. [T] pour inaptitude à son emploi et impossibilité de le reclasser.

La constitution d'intimée de la société DPV a été transmise par voie électronique le 6 septembre 2021.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 novembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [T] demande à la cour:

« D'INFIRMER EN TOUTES SES DISPOSITIONS le jugement en date du 1er juillet 2021 rendu par le Conseil de prud'hommes de MELUN

Et, statuant à nouveau

Dire et juger que la société DEPRA VENTILATION a commis de graves manquements empêchant la poursuite du contrat de travail et prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [O] [T] aux torts exclusifs de l'employeur,

Fixer la date de la rupture du contrat de travail au 2 septembre 2021,

Juger que cette résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

Juger que la société DEPRA VENTILATION s'est rendue coupable de l'infraction de travail dissimulé à l'encontre de Monsieur [O] [T],

En conséquence

Condamner la société DEPRA VENTILATION à verser à Monsieur [O] [T] les sommes suivantes :

o 16.715,82 euros à titre de rappel d'heures supplémentaire

o 1.671,59 euros au titre des congés payés afférents.

o 24.838,06 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

o 6.422,04 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

o 642,20 euros au titre des congés payés afférents.

o 9.633,06 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dire et Juger que l'ensemble des condamnations portera intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société devant le Bureau de conciliation et d'orientation de la juridiction de première instance

Ordonner la capitalisation des intérêts ;

Condamner la société DEPRA VENTILATION au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner ladite société aux éventuels dépens. »

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 31 janvier 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société DPV demande à la cour de:

« 1) Confirmer les termes du jugement du Conseil de Prud'hommes de MELUN du 1er juillet 2021

2) Y ajoutant :

3) Condamner Monsieur [O] [T] à verser à la SAS DEPRA VENTILATION la somme de 3.500 €, en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, au titre de l'instance d'appel ;

4) Condamner Monsieur [O] [T] aux entiers frais et dépens d'instance et d'exécution éventuelle. »

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2023.

MOTIFS

Sur la résiliation du contrat de travail

Il est de jurisprudence constante qu'un salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de manquements de son employeur à ses obligations, suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail. C'est au salarié qui sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail qu'il incombe de rapporter la preuve que l'employeur a commis des manquements suffisamment graves à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, M. [T] reproche trois manquements à la société DPV: une modification de son contrat de travail, l'accomplissement de nombreuses heures supplémentaires non déclarées et partiellement payées, une atteinte à ses libertés individuelles par la mise en place irrégulière d'un système de géolocalisation.

S'agissant de la modification de son contrat de travail, M. [T] invoque plus précisément une modification de son lieu de travail par la société DPV lui ayant fait injonction de se présenter, à partir du 16 mars 2020, au siège de la société à [Localité 5] (54) en raison de la fermeture du dépôt de [Localité 4] (77).

En l'occurrence, il n'est pas contesté que ni le contrat à durée déterminée initialement conclu entre les parties ni l'avenant du 1er janvier 2019, spécifiant que la relation contractuelle se poursuivait désormais pour une durée indéterminée, ne comportaient la moindre indication sur le lieu d'exercice par M. [T] de ses fonctions. Aucune clause de mobilité n'était non plus incluse dans ces documents contractuels.

Il n'est pas davantage contesté que M. [T] travaillait depuis son embauche sur des chantiers situés exclusivement dans la région Ile-de-France et que c'est dans le dépôt de la société DPV situé à [Localité 4] qu'il prenait livraison de certains matériels nécessaires à la réalisation des chantiers.

En revanche, les parties s'opposent sur les conséquences juridiques à en tirer, M. [T] soutenant qu'il convient de se référer à la notion de secteur géographique afin de déterminer si l'intimée pouvait lui imposer une nouvelle affectation à [Localité 5] (Meurthe-et-Moselle), tandis que la société DPV affirme que l'appelant était un salarié itinérant qui n'avait pas de lieu de travail habituel et que son lieu de rattachement administratif avait toujours été [Localité 5] même si ses lieux de travail correspondaient aux différents chantiers en région parisienne vers lesquels il se rendait à partir de son domicile personnel.

Toutefois, il ressort des éléments versés aux débats que lorsque M. [T] été engagé le 10 septembre 2018, la société DPV, dont le siège social est effectivement situé à [Localité 5], avait une activité de chantiers qui se déroulait dans deux régions distinctes, la région parisienne d'une part, la région Grand Est d'autre part.

M. [T], qui était domicilié dans le département 77, n'a été chargé, depuis son engagement, que d'effectuer des chantiers en région parisienne, en sorte que son recrutement avait été décidé par la société DPV en raison de sa capacité, eu égard à cette domiciliation, à effectuer des chantiers dans la zone géographique de la région parisienne.

La société DPV ne rapporte pas la preuve qu'entre son engagement et le 24 février 2020, date de la lettre par laquelle elle lui a demandé « de bien vouloir prendre votre service dorénavant dans nos locaux de [Localité 5], [Adresse 6], à compter du 16/03/2020 », M. [T] devait ou avait même seulement dû se rendre sur le site de [Localité 5].

En outre, cette même lettre du 24 février 2020 mentionne que « le hall de stockage de notre entreprise, sis à [Localité 4] (77), est supprimé, l'approvisionnement en matériaux se fera dorénavant à [Localité 5] (54) à compter du 16/03/2020 ». Il en résulte que l'unique site de l'entreprise sur lequel devait se rendre M. [T], peu important sa fréquence chaque mois, était depuis son embauche situé à [Localité 4] et non à [Localité 5], de sorte que la zone géographique d'exercice par M. [T] de son activité était bien située exclusivement en région parisienne. L'existence, soutenue par la société DPV dans ses conclusions, d'un rattachement de M. [T] au site de [Localité 5] depuis son embauche, ne correspondait, au sens de l'article 1-2 de l'accord national du 26 février 1976 relatif aux conditions de déplacement (pièce n°23 de l'employeur), qu'à un rattachement purement administratif et ne se confondait pas avec la zone géographique d'exercice par M. [T] de ses fonctions. En outre, si, comme l'affirme la société DPV, M. [T] pouvait être qualifié de salarié itinérant depuis son embauche, ce n'était le cas qu'au sein de la région parisienne, étant ajouté que celle-ci et la région Grand Est étaient tellement distinctes qu'elles ne sont pas voisines géographiquement.

La société DPV expose en page 20 de ses conclusions d'appel que « L'intention des parties n'a jamais été de faire travailler M. [T] uniquement en Ile-de-France, c'était un souhait, mais pas un engagement contractuel ». Cependant, il ne résulte pas des éléments versés aux débats que la société DPV a simplement entendu, à compter de mars 2020, affecter M. [T] à certains chantiers dans la région Grand Est en complément de chantiers, en nombre moindre, situés en région parisienne. Au contraire, il s'agissait d'une substitution totale d'une zone géographique à une autre pour M. [T], la société DPV indiquant en page 4 de ses écritures d'appel que l'activité ne reprenait pas en région parisienne et dans sa lettre du 24 février 2020 qu'il y avait une absence de chantiers sur cette zone. Dans son attestation (pièce n°21 de l'employeur), M. [I], ancien « responsable IDF de la société De Pra ventilation », écrit d'ailleurs avoir dit à M. [T], à une date non précisée, « qu'à l'avenir les chantiers se feraient sans doute à plusieurs centaines de kilomètres de chez » lui.

En page 24 de ses conclusions d'appel, la société DPV précise qu'« elle n'avait plus de chantiers en Ile de France mais pouvait continuer à fournir du travail à ses deux salariés franciliens sur le reste du territoire » et, en page 23, que ses déplacements seraient indemnisés « en petits ou grands déplacements conformément aux dispositions de la convention collective des métaux de Meurthe et Moselle ».

Toutefois, ce n'est pas l'existence de chantiers impliquant des déplacements qui est en cause, mais la zone géographique dans laquelle ils devaient dorénavant intervenir.

Il ressort de tout ce qui précède qu'alors que M. [T], salarié francilien de l'entreprise, avait, depuis son embauche, été affecté exclusivement à des chantiers situés dans la région parisienne et ne devait se rendre que dans un établissement de l'entreprise situé à [Localité 4] (77), peu important qu'il n'ait pas été rattaché administrativement à celui-ci mais au siège social, la décision écrite le 14 février 2020 de la société DPV de lui faire prendre à compter du 16 mars 2020 son service dans les locaux de l'entreprise situés à [Localité 5] (54), avec des chantiers à assurer dans la région Grand Est, constitue non un simple changement des conditions de travail mais une modification du contrat de travail.

Cette modification du contrat de travail suffit à caractériser un manquement suffisamment grave de la société DPV à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il convient donc de prononcer, par infirmation du jugement, la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [T] à la date d'envoi de la lettre de licenciement, le 2 septembre 2021, cette résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les heures supplémentaires

Il est de jurisprudence constante qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [T] était contractuellement soumis à une durée de 39h de travail par semaine. Il indique avoir accompli des heures supplémentaires non payées ayant consisté, d'une part, dans des heures passées depuis le dépôt de [Localité 4] (77) jusqu'aux différents chantiers sur lesquels il était affecté et, d'autre part, dans des heures travaillées les samedis, dimanches et jours fériés.

M. [T] communique des relevés d'heures (pièce n°12 du salarié) et un tableau dans lequel il récapitule les heures supplémentaires qu'il soutient avoir réalisées semaine par semaine tant en 2018 qu'en 2019 (pièce n°8).

Ces éléments sont suffisamment précis afin de permettre à la société DPV, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La société DPV expose que M. [T] ne démontre pas avoir dû chaque jour charger du matériel depuis le dépôt de [Localité 4] jusque sur le lieu des chantiers. L'intimée indique également que le tableau récapitulatif établi par M. [T] n'est pas fiable car contredit par les propres relevés d'activités établis par le salarié qui, selon elle, ne sait pas distinguer ses heures de travail et ses heures de déplacement et invoque la réalisation d'heures supplémentaires ne correspondant pas à des heures de travail effectif mais à des heures d'amplitude d'une journée de travail.

Pour autant, la société DPV ne verse pas aux débats d'élément justifiant des heures de travail exactes qui ont été effectuées par le salarié pendant la durée de la relation contractuelle.

En considération de l'ensemble des pièces versées aux débats par chacune des parties, la cour a la conviction que M. [T] a réalisé des heures supplémentaires mais dans des proportions bien moindres que celles énoncées par lui, notamment au regard de la proximité entre son domicile et le dépôt de [Localité 4], lequel jouxtait son domicile. Par ailleurs, s'agissant du remboursement d'un trop-perçu par compensation, aucun chef de dispositif à ce sujet ne figure dans les conclusions d'appel de l'intimée. Il est ainsi retenu l'existence d'heures supplémentaires non encore payées dont l'importance est évaluée à la somme totale de 2 500 euros, outre la somme de 250 euros au titre des congés payés afférents. Par infirmation du jugement, la société DPV est condamnée à payer ces sommes à M. [T].

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Il résulte des articles L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en se soustrayant intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration préalable à l'embauche, à la délivrance d'un bulletin de paie ou en mentionnant sur celui-ci un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou en se soustrayant intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Cependant, en l'espèce, au-delà du constat de l'absence de mention des heures supplémentaires, dont l'existence a été retenue, sur les bulletins de paie de M. [T], le caractère intentionnel du travail dissimulé n'est pas établi. La demande d'indemnité pour travail dissimulé est donc rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières de la rupture

a) La résiliation judiciaire prononcée produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [T] peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis.

En application de l'article L.1234-1 du code du travail, le salarié ayant une ancienneté d'au moins deux ans a droit à un préavis de deux mois.

Compte tenu des éléments produits par les parties, le salaire mensuel moyen de M. [T] est fixé à 3 211,02 euros.

Par conséquent, et par infirmation du jugement, la société DPV est condamnée à payer à M. [T] la somme de 6 422,04 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 642,20 euros au titre des congés payés afférents.

b) Les dispositions de l'article L.1235-3 du contrat de travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au litige, prévoient l'octroi au salarié d'une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre un minimum et un maximum de mois de salaire brut selon l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, celle-ci n'étant calculée que sur le fondement d'années complètes.

M. [T] ayant été engagé le 10 septembre 2018, son ancienneté est donc de 5 années complètes.

Par conséquent, et eu égard à la situation particulière de M. [T] tenant notamment à son âge et à sa capacité à retrouver un emploi, il convient, par infirmation du jugement, de condamner la société DPV à payer à M. [T] la somme de 9 633,06 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

c) Enfin, en application de l'article L.1235-4 du contrat de travail, il convient d'ordonner le remboursement par la société DPV à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [T] entre le jour de la rupture du contrat de travail et le jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur les autres demandes

Les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales échues à cette date et à compter de leur exigibilité pour les créances salariales dues postérieurement. Les intérêts au taux légal courent à compter de la présente décision pour les dommages-intérêts alloués. En outre, il est précisé que les intérêts échus produisent eux-mêmes intérêts au taux légal en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

La société DPV succombant, elle est condamnée aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Le jugement est infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il paraît équitable de condamner la société DPV à payer à M. [T] la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [T], aux torts de la société De Pra ventilation, à la date du 2 septembre 2021.

Dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la société De Pra ventilation à payer à M. [T] les sommes de:

- 2 500 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires;

- 250 euros au titre des congés payés afférents;

- 6 422,04 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis;

- 642,20 euros au titre des congés payés afférents;

- 9 633,06 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dit que les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales échues à cette date et à compter de leur exigibilité pour les créances salariales dues postérieurement.

Dit que les intérêts au taux légal courent à compter de la présente décision pour les dommages-intérêts alloués.

Déboute M. [T] du surplus de ses demandes.

Ordonne le remboursement par la société DPV à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [T] entre le jour de la rupture du contrat de travail et le jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Condamne la société De Pra ventilation à payer à M. [T] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société De Pra ventilation aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/07351
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;21.07351 ?
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