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20/03/2024 | FRANCE | N°21/06826

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 20 mars 2024, 21/06826


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 20 MARS 2024



(n° /2024, 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06826 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CED6K



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° F19/00409





APPELANTE



Madame [P] [H]

[Adresse 2]
r>[Localité 5] / FRANCE

Représentée par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136





INTIMEE



S.A.S. PRIMAVISTA Prise en la personne de son président domicil...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 20 MARS 2024

(n° /2024, 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06826 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CED6K

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° F19/00409

APPELANTE

Madame [P] [H]

[Adresse 2]

[Localité 5] / FRANCE

Représentée par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136

INTIMEE

S.A.S. PRIMAVISTA Prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Renaud DUBREIL, avocat au barreau de PARIS, toque : A0058

PARTIES INTERVENANTES

SELARL DE KEATING en la personne de Maître [F] [X] en sa qualité de mandataire de la S.A.S. PRIMAVISTA

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Renaud DUBREIL, avocat au barreau de PARIS, toque : A0058

SELARL [Y]-PECOU en la personne de Maître [Y] [C] en qualité de mandataire de la S.A.S. PRIMAVISTA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Renaud DUBREIL, avocat au barreau de PARIS, toque : A0058

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme. NORVAL-GRIVET, conseillère rédactrice

Mme. MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [P] [H], née le 11 février 1981, a été embauchée le 6 février 2017 par la société Primaphot, aux droits de laquelle se trouve la société Primavista, spécialisée dans les activités photographiques, par un contrat de travail à durée indéterminée du 6 février 2017, en qualité de voyageur représentant placier (VRP).

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, étendu par arrêté du 20 juin 1977 JONC 26 juillet 1977 et élargi par arrêté du 28 juin 1989.

Par avenant en date du 20 octobre 2017, la société Primavista a mis à disposition de Mme [H] un véhicule de fonction.

Par courrier du 25 janvier 2018, la société Primavista a proposé à Mme [H] un avenant sur lequel était présentée une nouvelle grille de rémunération, entrée en vigueur au 1er janvier 2018.

Par courrier du 4 janvier 2019, la société Primavista a informé Mme [H] que son véhicule de fonction allait lui être retiré au motif qu'elle n'avait pas atteint son objectif de chiffre d'affaires (60 000 euros) " sur les quatre premiers mois travaillés ".

Mme [H] a refusé de signer cet accord et son véhicule de fonction lui a été retiré le 29 janvier 2019.

Par courriel du même jour, la salariée a indiqué à son employeur qu'elle n'était plus en mesure d'assurer son activité professionnelle, faute de véhicule, avant de contester cette mesure de retrait.

Par lettre datée du 5 mars 2019, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 13 mars 2019.

Par lettre datée du 5 avril 2019, elle a été licenciée pour faute grave.

Le 22 mai 2019, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry-Coucouronnes aux fins de voir, notamment, annuler son licenciement et obtenir sa réintegration, ainsi que la condamnation de son employeur à lui verser divers indemnités et dommages-intérêts, outre un rappel de salaires minima conventionnel sur quatre semestres.

Par jugement du 2 juillet 2021, le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes a:

- requalifié le licenciement pour faute grave de Mme [H] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- fixé la moyenne des douze derniers mois de salaire de Mme [H] à la somme de 1 200,21 euros,

- condamné la société Primavista, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

* 3 600,63 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 360,06 euros au titre des congés payés afférents,

* 650,10 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 6 388 euros au titre du rappel de salaires minima conventionnel sur 4 trimestres,

* 638,80 euros au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la date de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 28 mai 2019,

* 1 000 euros au titre des dommages-intérêts pour non-respect du minima conventionnel sur 4 trimestres,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du prononcé du présent jugement,

- ordonné la remise d'un bulletin de paye, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conformes au présent jugement,

- ordonné à la société Primavista, en la personne de son représentant légal, de justifier du détail du calcul des commissions de Mme [H] pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté Mme [H] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Primavista de sa demande reconventionnelle,

- mis les entiers dépens à la charge de la partie défenderesse.

Par déclaration du 23 juillet 2021, Mme [H] a interjeté appel de cette décision, intimant la société Primavista.

Par jugement en date du 31 mai 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'encontre de la société Primavista, et désigné la Selarl De Keating et la Selarl [Y]-Pecou en qualité de mandataires judiciaires chargés de la défense des intérêts des créanciers.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2024, Mme [H] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

* requalifié le licenciement pour faute grave de Mme [H] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

* fixé la moyenne des douze derniers mois de salaire de Mme [H] à la somme de 1 200,21 euros,

* limité la condamnation de la société Primavista, aux sommes suivantes :

- 3 600,63 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 360,06 euros au titre des congés payés afférents,

- 650,10 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

*débouté du surplus des demandes et limité les dommages et intérêts pour non-respect des minimums conventionnels,

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- annuler le licenciement,

- ordonner la réintégration de Mme [H] dans son emploi de VRP exclusif avec restitution de l'avantage en nature véhicule de fonction,

- fixer au passif de la société Primavista la créance relative à l'indemnité au titre de la réintégration correspondant aux salaires dus entre la date de rupture du contrat de travail et la date de sa réintégration, arrêtée provisoirement au 29 janvier 2024, soit la somme de 114 798 euros outre 11 479,8 euros de congés payés et très subsidiairement condamner la société aux mêmes sommes,

A titre subsidiaire, à défaut de réintégration :

- fixer au passif de la société Primavista les créances suivantes :

* dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement, sans cause réelle ni sérieuse : 30 000 euros,

* indemnité compensatrice de préavis : 6 042 euros,

* congés payés afférents : 604 euros,

* indemnité légale de licenciement : 1 216 euros,

- très subsidiairement, condamner la société aux mêmes sommes,

En tout état de cause,

- fixer au passif de la société Primavista les créances suivantes :

* dommages et intérêts pour retrait illégal d'un avantage en nature : 10 000 euros,

* dommages et intérêts pour défaut de portabilité de la prévoyance : 2 000 euros,

* dommages et intérêts pour non-respect des minimas conventionnels : 5 000 euros,

* dommages et intérêts pour modification unilatérale de la structure de la rémunération de Mme [H] : 10 000 euros,

- très subsidiairement, condamner la société aux mêmes sommes,

- juger nulle et de nul effet la clause résolutoire,

- débouter la société Primavista de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- fixer au passif de la société Primavista la créance de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et subsidiairement condamner la société au même montant,

- fixer au passif de la société Primavista les entiers dépens et subsidiairement la condamner aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, la société Primavista, représentée par la Selarl De Keating et la Selarl [Y]-Pecou, ès qualités, demande à la cour de :

- déclarer irrecevable les demandes de Mme [H] tendant à la condamnation de la société Primavista au paiement de diverses sommes d'argent, suite à l'ouverture d'une procédure de sauvegarde judiciaire à l'encontre de la société Primavista,

- infirmer le jugement, mais seulement en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, et condamné en conséquence la société Primavista à payer une indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de congés payés y afférents, une indemnité de licenciement, un rappel de salaire au titre des minimas conventionnels sur 4 trimestres et les congés payés y afférents, ainsi que des dommages et intérêts pour non-respect des minimas conventionnels sur 4 trimestres ainsi que 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement rendu pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- juger que le licenciement de Mme [H] repose bien sur une faute grave, et subsidiairement sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [H] à payer à la société Primavista la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [H] aux entiers dépens.

La cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'incidence de la procédure de sauvegarde

A titre préliminaire, il sera observé, s'agissant de la fin de non-recevoir soulevée par l'employeur, que la salariée demande à titre principal la fixation de différentes créances au passif de la société et ne sollicite sa condamnation qu'à titre subsidiaire.

La fin de non-recevoir opposée par la société Primavista ne concerne, dès lors, en tout état de cause, que les demandes formées à titre subsidiaire.

Toutefois, en application de l'article L. 622-22 du code de commerce, il sera relevé que dans le cadre de l'instance en cours, reprise par les mandataires judiciaires, la cour ne peut que constater les créances et en fixer le montant, et non se prononcer sur leur inscription au passif de la société.

Sur la nullité du licenciement

Mme [H] soutient, d'une part, que son licenciement est nul dès lors qu'il est intervenu en méconnaissance des articles L. 1226-7, L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail. Elle fait valoir qu'ayant été victime d'un accident du travail reconnu par la sécurité sociale le 8 novembre 2018, elle avait été placée en arrêt de travail jusqu'au 7 décembre 2018 et que faute pour l'employeur d'avoir organisé une quelconque visite médicale de reprise auprès de la médecine du travail, son contrat de travail se trouvait toujours suspendu à la date de son licenciement. Elle indique que c'est manifestement par erreur que le médecin a, dans le cadre du second arrêt de travail daté du 22 novembre 2018, coché la case " initial " dès lors que cet avis se réfère bien à l'accident du travail du 8 novembre, et qu'en tout état de cause, l'article R. 4624-31 du code du travail, dans sa version applicable au litige, n'exige pas davantage qu'une absence de 30 jours du salarié résultant d'une même cause d'accident du travail. Elle relève que le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur sa demande de nullité. Mme [H] soutient, d'autre part, que le licenciement, comme le retrait du véhicule, est fondé sur un motif discriminatoire dès lors que son employeur, lui reprochant l'absence de chiffre d'affaires sur une période où elle se trouvait en accident du travail, a fondé sa décision de licenciement sur un motif lié à son état de santé. Elle ajoute que le retrait du véhicule n'est pas une sanction prévue par le contrat de travail et qu'elle ignorait qu'il était prévu par le règlement intérieur. Elle fait valoir qu'une insuffisance de résultat ne saurait être qualifiée de faute grave, et indique qu'à compter du 29 janvier 2019, son employeur ne lui a plus fourni de travail, en cessant de lui adresser une liste de clients à contacter.

La société Primavista, représentée par les Selarl De Keating et [Y]-Pecou, réplique que même en période de suspension du contrat de travail, elle était fondée à rompre le contrat de travail, dès lors qu'elle justifie d'une faute grave. Elle indique que la faute grave reprochée à la salariée est liée à un motif complètement étranger à son arrêt de travail, à savoir le non-respect délibéré des obligations découlant de son contrat de travail, qui caractérise une insubordination et un manquement très net à son obligation de loyauté envers. Elle ajoute qu'elle n'a pas sanctionné la salariée directement en raison d'une absence d'atteinte de chiffre d'affaires, et que celle-ci a fait une mauvaise interprétation des motifs de la lettre de licenciement qui reposent en réalité sur des griefs précis et complètement étrangers à son état de santé. Elle précise que le retrait de véhicule ne constitue pas sanction mais seulement l'application des règles d'entreprise, et qu'aucune stipulation n'indique que le calcul utilisé pour apprécier le respect du seuil de chiffre d'affaires pour bénéficier d'un véhicule ne doit pas prendre en compte les périodes de suspension du contrat de travail. Elle indique que contrairement à ce que prétend Mme [H], l'indication de l'absence d'atteinte de chiffre d'affaires servait simplement à expliquer la raison du retrait du véhicule, qui est l'élément déclencheur du comportement de la salariée constitutif d'une faute grave. Elle soutient que le contrat de travail n'était plus suspendu à la date de l'engagement de la procédure de licenciement le 5 mars 2019, dès lors que son arrêt avait pris fin le 7 décembre 2018, et qu'aucune visite de reprise n'était obligatoire, les deux arrêts résultant de deux certificats médicaux initiaux et non de deux arrêts de travail dont le second ne serait que la prolongation du premier.

A titre préliminaire, il sera rappelé que selon l'article L. 1235-2 du code du travail, la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 5 avril 2019 est rédigée comme suit : " En effet, à l'appui des dernières informations portées à notre connaissance par votre Directrice de Région ('), vous ne respectiez plus l'objectif contractuel défini par l'article 9 intitulé " Chiffre d'affaires " rédigé comme suit ('). Or nous ne pouvons déplorer que pendant plus de quatre mois consécutifs, vous n'êtes pas parvenu à atteindre le chiffre d'affaires contractuel de 3 840 € TTC par semaine puisque votre moyenne était de 1 753 € TTC par semaine sur les quatre derniers mois. Par ailleurs, le 20 octobre 2017, nous avons mis à votre disposition un véhicule de fonction suite à l'atteinte d'un chiffre d'affaires TTC net d'impayés d'au moins 60 000 € sur un période de 4 mois consécutif, tel que stipulé dans votre contrat de travail signé le 13 février 2017 ainsi que dans le règlement qui vous a été transmis avec votre avenant signé le 20 octobre 2017. Or vous n'avez pas respecté votre engagement de mise à disposition du véhicule en maintenant votre chiffre de CA comme l'indique le tableau ci-dessous nous avons demandé la restitution du véhicule en date du 29 janvier 2019. (') Depuis, vous ne vous êtes par organisée en conséquence pour respecter votre engagement contractuel et dès lors vous n'exercez plus votre activité de VRP (') pour le compte de notre société comme le démontrer votre déclaratif des ventes ('), ce qui démontre [votre] volonté non équivoque d'abandonner votre poste par ce biais".

La société Privista fait valoir, en page 17 de ses conclusions, que le motif du licenciement est très clairement le refus intentionnel de la salariée de s'organiser après le retrait du véhicule, ce qui a rendu quasiment nul l'exercice de son activité en tant que VRP.

Il ressort toutefois clairement des termes de ce courrier que le licenciement était fondé sur trois motifs, d'ailleurs repris par la société en page 13 de ses conclusions, tirés, d'une part, de la circonstance que la salariée n'avait pas atteint un chiffre d'affaires de 3 840 euros par semaine pendant plus de quatre mois consécutifs, celle-ci n'ayant atteint qu'une moyenne de 1 753 euros par semaine sur les quatre derniers mois, d'autre part, sur la circonstance qu'elle n'avait pas conservé le chiffre d'affaires minimal nécessaire au maintien de la mise à disposition de son véhicule de fonction et, enfin, sur son abandon de poste.

Sur la suspension du contrat de travail

S'agissant de la suspension du contrat de travail, il sera rappelé que selon l'article L. 1226-7 du code du travail, le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie.

Il résulte du 3° de l'article R. 4624-31 du même code, dans sa version applicable à l'espèce, que le travailleur doit bénéficier d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel. Le contrat de travail est suspendu jusqu'à la visite de reprise du travail par le médecin du travail.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier et il n'est au demeurant pas contesté que la salariée a été victime, le 8 novembre 2018, d'un accident du travail à raison duquel elle a été placée en arrêt maladie jusqu'au 21 novembre suivant.

Aux termes de cet arrêt médical, elle a, à la suite de ce premier certificat médical, été arrêtée jusqu'au 7 décembre suivant. Si ce second certificat médical porte la mention " initial " et non celle de " prolongation ", il en ressort explicitement par sa référence à la date de l'accident du 8 novembre 2018 qu'il est consécutif au premier arrêt.

Dans ces conditions, dès lors que la salariée avait été placée en congé maladie pour cause d'accident du travail pour une durée de trente jours, du 8 novembre au 7 décembre 2018, et qu'elle a repris ses fonctions sans bénéficier d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail, la procédure de licenciement engagée en mars 2019 l'a été alors que son contrat de travail se trouvait suspendu.

Sur la qualification de faute grave

Aux termes de l'article L. 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

Il incombe à l'employeur qui s'en prévaut de démontrer l'existence d'une faute grave, c'est-à-dire faisant obstacle au maintien du salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, la lettre de licenciement invoque en premier lieu que la salariée n'a pas pendant plus de quatre mois atteint le chiffre d'affaires contractuel et en second lieu n'a pas atteint le seuil requis pour pouvoir bénéficier contractuellement du véhicule de fonction.

Si la baisse du chiffre d'affaire est constitutive d'une insuffisance professionnelle, elle ne revêt le caractère d'une faute que s'il est rapporté la preuve qu'elle résulte d'un refus délibéré de se soumettre aux directives et rappels de l'employeur. En l'espèce il revient à l'employeur de rapporter la preuve d'une absence de prospection ou d'un refus d'assumer ses obligations professionnelles.

L'employeur verse aux débats:

- le contrat de travail aux termes duquel il est précisé qu'à compter de la signature la salariée devra réaliser un chiffre d'affaires hebdomadaire au moins égal à 3840 euros et qu'à défaut d'atteindre cet objectif durant quatre mois consécutifs alors que la salariée dispose d'unstock permanent de 60 reportages pour un équivalent à temps plein ou un niveau d'attribution lui permettant de traiter 360 clients;

- l'avenant au contrat de travail en date du 20 octobre 2017;

- les régles d'attribution ou de retrait du véhicule en fonction du seuil du chiffre d'affaires pendant quatre mois consécutifs;

- le tableau comparatif du chiffre d'affaires mensuel de Mme Elomri 2017/2018.

Il s'en évince que Mme [H] n'a pas réalisé le chiffre d'affaires fixé aux termes du contrat de travail et s'est vu retirer le véhicule de fonction le 29 janvier 2019.

Mme [H] oppose que l'entreprise a modifié unilatéralement la grille de commissionnement de manière à ce qu'elle ne puisse plus atteindre ces objectifs, lui a retiré son véhicule de fonction l'empêchant d'exercer son activité professionnnelle et donc réaliser des objectifs, a cessé de lui fournir du travail en ne lui adressant plus la liste des clients privilégiés et ce alors qu'elle a été absente pendant un mois.

Il ressort des pièces versées aux débats qu'aux termes de son contrat de travail Mme [H] déclarait disposer pour ses déplacements professionnels d'un véhicule personnel. L'attribution d'un véhicule de fonction était envisagée où cas où elle génererait un chiffre d'affaires TTC net impayés d'au moins 60.000 euros.

L'avenant à son contrat stipulait pour sa part qu'elle devait se conformer aux règles internes de la société, lesquelles prévoient qu'il existe un seul minimum d'activité ouvrant droit au bénéfice d'un véhicule de fonction et qu'à défaut de l'atteindre le véhicule de fonction peut être retiré.

Le 4 janvier 2019, le gestionnaire du parc auto indiquait à Mme [H] qu'elle n' était plus éligible à la remise d'un véhicule de fonction faute d'avoir atteint son objectif de chiffre d'affaires mais lui proposait afin de lui permettre d'atteindre sous deux mois les objectifs un prêt d'un véhicule de fonction pour la même période, proposition à laquelle la salariée n'a pas souhaité répondre.

L'absence de véhicule pour un VRP conduit ipso facto celui-ci à ne plus être en mesure d'exercer les fonctions qui lui étaient assignées aux termes de son contrat de travail.

Toutefois, la période sur laquelle son chiffre d'affaires était évalué incluait la période durant laquelle la salariée se trouvait en arrêt de travail en raison de son accident de travail. Dès lors, si la matérialité du premier grief est établie, celui-ci ne revêt pas un caractère fautif.

Le deuxième motif est tiré de ce que la salariée n'avait pas conservé le chiffre d'affaires minimal nécessaire au maintien de la mise à disposition d'un véhicule de fonction. La matérialité de ce grief, qui avait au demeurant déjà donné lieu à sanction de retrait du véhicule, est établie et non contestée. Toutefois, compte tenu de la période de suspension du contrat, ce grief ne peut être retenu comme fautif.

S'agissant du troisième motif de licenciement, tiré de ce que la salariée a réalisé une prestation de travail quasi inexistante au mois de février 2019, il ressort des éléments du dossier que Mme [H] s'était vu retirer son véhicule de fonction dans des conditions irrégulières, puisque liées à son insuffisance de résultats sur une période couverte par son arrêt maladie, et que son employeur avait en outre cessé de lui adresser un certain nombre de clients.

Dans ces conditions, aucun des griefs évoqués ne revêt de caractère fautif.

Il en résulte qu'en l'absence de faute grave, et alors que la société ne se prévaut par ailleurs d'aucune impossibilité, au sens des dispositions précitées de l'article L. 1226-9 du code du travail, de maintenir le contrat, le licenciement de Mme [H] est entaché de nullité. Le jugement doit donc être infirmé à cet égard.

Sur le caractère discriminatoire du licenciement

L'article L.1132-1 du code du travail prohibe tout licenciement fondé sur un motif discriminatoire, lié notamment à l'état de santé du salarié, l'article L.1132-1 sanctionnant un tel licenciement par la nullité.

En application de l'article L. 1134-1 du code du travail, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une décision imputable à l'employeur. Au vu de ces éléments, il appartient à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement ne caractérisent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient à l'employeur de démontrer que la rupture du contrat de travail ne constitue pas une mesure discriminatoire.

En l'espèce, il ressort des développements qui précèdent qu'aucun des trois griefs reprochés à la salariée ne revêt un caractère fautif et caractérise une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Or les éléments de fait présentés par la salariée, à savoir son arrêt de travail du 8 novembre au 7 décembre 2018, alors que l'employeur lui reproche une insuffisance de ses résultats sur les quatre derniers mois, d'octobre 2018 à janvier 2019, laissent supposer l'existence d'une décision discriminatoire en raison de son état de santé.

Pour prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, l'employeur produit notamment le contrat de travail ainsi que le règlement intérieur régissant l'hypothèse dans laquelle le salarié n'atteint pas les objectifs contractuels chiffrés. Toutefois, ces éléments ne permettent pas d'établir que le licenciement était justifié par des motifs étrangers à toute discrimination.

Dans ces conditions, le licenciement de Mme [H] doit être regardé comme fondé sur un motif discriminatoire en ce qu'il est indirectement lié à son état de santé et encourt, également à ce titre et sur le fondement des dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail, la nullité.

Sur les demandes de réintégration, de restitution du véhicule de fonction et d'indemnité d'éviction et de congés payés :

Mme [H] sollicite l'infirmation du jugement et, à titre principal, sa réintégration dans l'entreprise sur le fondement de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, ainsi que la restitution de l'avantage en nature constitué par son véhicule de fonction et la fixation au passif de la société d'une créance relative à l'indemnité de réintégration correspondant aux salaires dus entre la date de licenciement et la date de sa réintégration, arrêtée provisoirement au 29 janvier 2024 à la somme de 114 798 euros, outre 11 479,8 euros de congés payés, ou à défaut sa condamnation au paiement de ces sommes. Elle fait valoir qu'elle bénéficiait d'une rémunération mensuelle moyenne brute de 2 014 euros et qu'elle est demeurée en recherche d'emploi depuis son licenciement. Elle relève en outre que les revenus de remplacement et les rémunérations perçus ne doivent pas être déduits lorsque la nullité résulte de la violation du principe de non-discrimination et d'une atteinte au droit et à la protection de la santé.

L'intimée soutient que la réintégration de la salariée, qui impliquerait son accord en vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail, ne peut en aucun cas être envisagée dès lors qu'elle s'y oppose. Elle fait valoir que dès lors qu'une procédure de sauvegarde a été ouverte, la salariée n'est pas recevable à demander sa condamnation à lui verser différentes sommes mais seulement la fixation de créances au passif. Elle indique que la moyenne des salaires de l'appelante pris comme base de calcul de l'indemnité ne s'élève pas à 2 014 euros comme elle le prétend, mais à 1 200 euros comme l'a reconnu à juste titre le conseil de prud'hommes. Elle fait valoir que les revenus de remplacements et rémunérations perçus doivent être déduits, en ce compris notamment les allocations chômages et les indemnités consécutives à son licenciement versées au titre du jugement de première instance, alors que Mme [H] ne fournit aucune précision sur le montant des revenus et allocations qu'elle a perçus depuis son licenciement et que son calcul est ainsi manifestement erroné.

En ce qui concerne la réintégration :

Il résulte des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail que l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa de cet article, au rang desquelles figurent le licenciement discriminatoire et celui en méconnaissance de la protection mentionnée à l'article L. 1226-13.

En application de ces dispositions, la nullité du licenciement confère au salarié un droit à réintégration dans son emploi, à moins que sa réintégration ne soit matériellement impossible.

En l'espèce, il ne ressort pas des éléments versés aux débats et il n'est pas même allégué que la réintégration demandée par la salariée serait impossible, le refus de l'employeur n'étant pas de nature à la priver de son droit à réintégration.

Dans ces conditions, cette demande doit être accueillie.

En ce qui concerne l'indemnité d'éviction :

S'agissant de la déduction des revenus éventuellement perçus :

Dès lors qu'il caractérise une atteinte au droit à la protection de la santé, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, peu important qu'il ait ou non reçu des salaires ou revenus de remplacement pendant cette période.

En l'espèce, le licenciement en litige étant nul à raison de la méconnaissance tant des dispositions protectrices applicables en cas d'accident du travail que du principe de non-discrimination, l'atteinte au droit à la protection de la santé est caractérisée.

Par suite, la salariée a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, sans déduction des autres salaires ou revenus de remplacement éventuellement perçus pendant cette période.

S'agissant du montant de l'indemnité :

Si Mme [H] soutient qu'elle bénéficiait d'une rémunération mensuelle moyenne brute de 2 014 euros, représentant son salaire des 12 derniers mois avec neutralisation des mois de novembre et décembre 2018 compte tenu de son accident du travail, la société Primavista indique que les premiers juges ont à juste titre retenu un montant de 1 200,21 euros.

Au regard des éléments produits, il convient de fixer, sur la base du cumul brut au mois d'octobre 2018, le salaire moyen de Mme [H] à la somme de 2 011,01 euros bruts.

Dès lors, il y a lieu de constater l'existence, au profit de Mme [H], d'une créance dont le montant sera fixé à 2 011,01 euros bruts par mois, arrêtée provisoirement à la somme de 114 627,57 euros bruts pour la période comprise entre le 5 avril 2019 et le 24 janvier 2024.

En ce qui concerne l'indemnité de congés payés pour la période d'éviction :

Sauf lorsque le salarié a occupé un autre emploi durant la période d'éviction comprise entre la date du licenciement nul et celle de la réintégration dans son emploi, il peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du code du travail.

Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater l'existence, au profit de Mme [H], d'une créance dont le montant sera fixé à la somme de 11 462, 75 euros bruts, arrêtée au 24 janvier 2024.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de congés payés et l'indemnité de licenciement :

Mme [H] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a limité la condamnation de l'employeur sur ces indemnités dont elle demande, à titre subsidiaire et à défaut de réintégration, qu'elles soient fixées à un montant supérieur.

La société sollicite l'infirmation du jugement, en ce qu'il l'a condamnée, en conséquence de la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, à payer à Mme [H] une indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de congés payés y afférents, une indemnité de licenciement.

L'article L. 1235-3-1 du code du travail prévoit qu'en cas de nullité du licenciement, le salarié qui ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou dont la réintégration est impossible a droit à une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'espèce, dès lors que Mme [H] est fondée à solliciter sa réintégration en conséquence de la nullité de son licenciement, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné la société Primavista à lui verser les sommes de 3 600,63 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 360,06 euros au titre des congés payés afférents, et 650,10 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

Sur la demande de dommages et intérêts pour retrait illégal d'un avantage en nature et la demande de restitution du véhicule :

L'appelante demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour retrait illégal de l'avantage en nature que constituait la mise à dispositions d'un véhicule de fonction et la fixation d'une somme de 10 000 euros à ce titre au passif de la société. Elle indique qu'elle s'est vu retirer son véhicule de manière soudaine, sans son accord alors qu'il s'agissait d'un avantage en nature, pour un motif discriminatoire et à raison d'une période où elle se trouvait en accident du travail, et que ce retrait l'a empêchée d'assurer son activité professionnelle. Elle considère que les règles internes dont se prévaut son employeur ne lui sont pas opposables dès lors qu'elles n'ont jamais été portées à sa connaissance.

La société réplique que la salariée n'a pas respecté les règles internes à l'entreprise, dont elle avait connaissance, ainsi que son contrat dont l'article 14 comportait un engagement de sa part de posséder un véhicule personnel, utilisé pour ses déplacements professionnels. Elle indique que dès la fin de l'année 2018, la salariée n'est plus parvenue à maintenir un niveau de chiffre d'affaires suffisamment élevé pour lui permettre de continuer à remplir les conditions d'attributions du véhicule de fonction, ce qui a entraîné, en application des règles internes à l'entreprise, la perte de plein droit de ce véhicule.

En premier lieu, il ressort des éléments du dossier qu'aux termes de son contrat de travail initial, la salariée avait seulement " déclar[é] " être en possession d'un " véhicule personnel qu'elle utilisera pour ses déplacements professionnels ", l'article 14 du code du travail stipulant que dans le cas où elle " générerait un chiffre d'affaires TTC net d'impayés d'au moins 60.000 € TTC sur une période de 4 mois consécutifs, la société mettra à sa disposition un véhicule de fonction, dans le respect des conditions internes en vigueur ".

Mme [H] s'est vu attribuer, aux termes de l'avenant du 20 octobre 2017, un véhicule de fonction, qu'elle était autorisée à utiliser également à des fins personnelles et qui était mentionné dans ses bulletins de salaire au titre des avantages en nature, cet avenant précisant que " les autres clauses du contrat de travail demeurent sans changement en ce qu'elles n'ont rien de contradictoire ".

Dès lors que la possession d'un véhicule personnel ne constituait pas une obligation contractuelle de la salariée et que cet avenant remettait nécessairement en cause l'usage du véhicule personnel de la salariée mentionné par le contrat initial, la société Primavista n'est pas fondée à soutenir que Mme [H] a manqué à cette obligation en ne conservant pas son véhicule personnel.

En second lieu, le véhicule de fonction dont le salarié conserve l'usage dans sa vie personnelle, ne peut, sauf stipulation contraire, être retiré à l'intéressé pendant une période de suspension du contrat de travail.

Or en l'espèce, aucune stipulation contractuelle ne prévoyait une telle possibilité de retrait durant une période de suspension.

A cet égard, la société ne peut utilement se prévaloir de la note relative aux règles d'attribution, et de restitution des véhicules de fonction laquelle, en tout état de cause, précisait, outre l'hypothèse où le salarié n'atteint plus ses objectifs, la possibilité pour la société de récupérer le véhicule " lors de la survenance de toute suspension du contrat de travail liée à une longue maladie, un congé parental, une formation et également lors de toute procédure disciplinaire ", ce qui n'incluait pas l'arrêt de travail litigieux.

En outre, ainsi que le relève d'ailleurs la société dans ses écritures, le retrait du véhicule était fondé sur la circonstance qu'à la fin de l'année 2018, la salariée n'était plus parvenue à maintenir un niveau de chiffre d'affaires suffisamment élevé pour lui permettre de continuer à remplir les conditions d'attributions du véhicule de fonction. Or la salariée se trouvant, pour la période allant du 8 novembre au 7 décembre 2018, en arrêt maladie à la suite d'un accident du travail, un tel motif était discriminatoire.

Dès lors, l'appelante est fondée à soutenir que le retrait du véhicule était illégal et le jugement sera infirmé sur ce point.

Au regard des circonstances de l'espèce, il sera constaté, au profit de Mme [H], d'une créance dont le montant sera fixé à 3 000 euros en réparation du préjudice subi pour la période allant du retrait du véhicule le 29 janvier 2019 à son licenciement.

La salariée ayant droit à réintégration, il y a lieu d'ordonner également la restitution de son véhicule de fonction.

Sur la demande d'annulation de la clause résolutoire du contrat de travail :

Mme [H] soutient que la clause résolutoire contenue dans son contrat de travail relativement à un objectif de chiffre d'affaire contractuel lui est inopposable et est nulle compte tenu de son caractère illicite, qui prévoit la rupture de plein droit sur le fondement de cette clause à défaut d'atteindre sur quatre mois consécutifs le chiffre d'affaires moyen exigé, et souligne qu'en l'espèce elle lui a été opposée alors qu'elle s'était trouvée en arrêt maladie. Elle fait valoir que le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur cette demande.

La société réplique que l'article 9 intitulé " Chiffre d'affaires ", inséré dans le contrat de travail, ne constitue pas une clause résolutoire qui n'impose pas la rupture automatique du contrat une fois ses conditions réunies.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, une telle notion étant d'ordre public.

En l'espèce, la clause 9 du contrat de travail en litige est libellée comme suit : " [Mme] [H] devra réaliser un chiffre d'affaires hebdomadaire moyen (') au moins égal à 3 840 euros ('). Dans l'hypothèse où [ce] chiffre (') ne serait pas atteint (')= au cours de quatre mois consécutifs alors que [Mme] [H] dispose d'un permanent de 60 reportages pour un équivalent temps plein ou d'un niveau d'attribution lui permettant de traiter 360 clients (') le présent contrat pourrait être rompu aux torts exclusifs de cette dernière ", le contrat de travail précisant en outre que " toute absence justifiée sera prise en compte dans l'évaluation du chiffre d'affaires (') à atteindre " et que " aucune mesure ne pourra être prise à (son encontre] si la non-atteinte du chiffre d'affaires (') est valablement justifiée".

Au regard de l'emploi du conditionnel et des tempéraments contenus dans cette clause pour l'appréciation de la non-réalisation du chiffre d'affaires contractuel, cette clause est dépourvue de caractère automatique ne constitue pas une clause résolutoire encourant la nullité.

La demande présentée à cet égard par Mme [H] doit donc être rejetée.

Sur les autres demandes indemnitaires

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour non-respect des minimas conventionnels :

Mme [H] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société à lui verser à la somme de 6 388 euros au titre du rappel de salaire minima conventionnel sur 4 trimestres, outre 638 euros de congés payés afférents. Elle soutient que son employeur n'a pas respecté la rémunération minimale garantie par la convention collective qui prévoit que les représentants exclusifs travaillant à temps plein ont droit, au titre de chaque trimestre, à une rémunération minimale garantie (RMG). Elle sollicite en outre l'octroi d'une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect des minimas conventionnels.

La société Primavista sollicite l'infirmation du jugement et fait valoir que Mme [H], qui organisait librement son emploi du temps, ne rapporte pas la preuve qu'elle a réalisé le nombre d'heures requis pour pouvoir bénéficier de cette rémunération minimale forfaitaire, subordonné à l'équivalent d'un temps plein. Elle indique que contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes, elle contestait cette prétention. Elle précise que le chiffre " 7 " inscrit sur les bulletins de salaire correspond à une base théorique insuffisante pour rapporter la preuve de l'exercice effectif d'un temps plein.

Aux termes de l'article 5 de l'Accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975, " 1° La fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. / 2° Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps (1), à une ressource minimale forfaitaire. ".

Le (1) auquel cet article renvoie précise que " l'expression " à plein temps " a pour objet non d'introduire une notion d'horaire de travail généralement inadaptée à la profession de représentant de commerce, mais d'exclure de la présente disposition les représentants de commerce qui, bien qu'engagés à titre exclusif, n'exercent qu'une activité réduite à temps partiel ".

Il s'en infère que le représentant engagé à titre exclusif a droit à une ressource minimale forfaitaire.

Il résulte du contrat de travail que Mme [H] était employée par la société Primavista à titre exclusif et, aux termes de l'article 12, à temps plein.

Dès lors, la salariée devait bénéficier de la ressource minimale forfaitaire prévu par les stipulations conventionnelles et la société Primavista ne peut utilement soutenir qu'elle ne démontre pas avoir réalisé un certain nombre d'heures lui ouvrant droit à cette rémunération.

En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice, le 4° de l'article 5-1 prévoit qu'à partir du deuxième trimestre d'emploi à plein temps, la ressource minimale trimestrielle ne pourra être inférieure, déduction faite des frais professionnels, à 520 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance, le taux applicable étant celui en vigueur à la fin du dernier mois échu pris en compte à chaque paiement.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que la juridiction prud'homale a fixé le complément de rémunération due à la salariée, sur la base du taux de 520 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance, aux sommes de 489,20 euros au titre du troisième trimestre 2017, de 1 018 euros au titre du troisième trimestre 2018, de 484 euros au titre du quatrième trimestre 2018. A cette somme, doit s'ajouter celle de 199,12 euros au titre des congés payés.

En revanche, contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes, aucun complément de salaire n'est applicable au titre du premier trimestre 2019 dès lors que cette période ne peut être regardée comme un trimestre d'emploi à plein temps au sens des stipulations de l'Accord national interprofessionnel et qu'elle a déjà en outre été indemnisée au titre de l'indemnité d'éviction.

Le jugement sera donc infirmé à cet égard.

Dès lors que Mme [H] ne justifie ni même n'allègue l'existence d'un préjudice distinct non réparé par l'indemnité mentionnée plus haut, sa demande complémentaire tendant à l'allocation d'une somme de 5 000 euros pour non-respect des minimas conventionnels sera rejetée.

Par suite, il y a lieu de constater l'existence, au profit de Mme [H], d'une créance totale dont le montant sera fixé à 2 190,32 euros au titre des dommages et intérêts pour non-respect des minimas conventionnels.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour modification unilatérale de la structure de la rémunération de Mme [H] :

Mme [H] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande et soutient que son employeur a procédé à une modification unilatérale de la structure de sa rémunération, qui lui a nécessairement causé un préjudice dans la mesure où elle n'a plus été en mesure de réaliser ces objectifs. Elle soutient que c'est à tort que le conseil de prud'hommes s'est fondé sur le fait qu'elle n'avait pas justifié d'un refus exprès, adressé à son employeur, mentionnant de se voir appliquer la nouvelle grille de commissionnement, alors qu'elle a manifesté son opposition.

La société Primavista fait valoir que la modification de la grille de rémunération applicable à Mme [H] comme à ses collègues est légale. Elle fait valoir que la salariée an conformément à l'article L. 2254-2-IV du code du travail, été informée de l'accord de performance collective, de son contenu et de ses conséquences en termes de modification de la grille de rémunération, et qu'elle ne lui a en outre jamais fait connaître un refus de se voir imposer les nouvelles modalités de la grille de rémunération, sachant qu'un tel refus aurait constitué une cause légale de licenciement.

Il résulte de l'article L. 2254-2 du code du travail, qui permet d'aménager la rémunération par la voie d'un accord de performance collective, que les stipulations de l'accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération. Si le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l'application de l'accord et dispose à cet égard d'un délai d'un mois pour faire connaître son refus par écrit à l'employeur à compter de la date à laquelle ce dernier l'a informé, l'employeur dispose ensuite d'un délai de deux mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement.

Il ressort des pièces produites aux débats que la salariée a été informée par courriel du 29 janvier 2019 de la modification de la grille de rémunération en application de l'accord litigieux et que la salariée n'a pas fait connaître son refus par écrit à l'employeur dans un délai d'un mois, ni même postérieurement.

L'accord de performance collective s'étant substitué de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, Mme [H] n'est pas fondée à solliciter des dommages et intérêts au titre de la modification de sa rémunération et le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour défaut de portabilité de la prévoyance :

Mme [H] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande et soutient que son employeur a failli à son obligation de portabilité et de prévoyance et sollicite à ce titre une indemnité de 5 000 euros.

La société Primavista fait valoir que la salariée a été parfaitement informée de la portabilité de ses droits de prévoyance et qu'il lui a été remis un certificat de travail à la fin de la relation contractuelle qui comporte des mentions expresses à cet égard.

Selon l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, les salariés garantis collectivement, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage.

Le 6° de ces dispositions précise que l'employeur signale le maintien de ces garanties dans le certificat de travail.

En l'espèce, le certificat de travail comporte les informations prévues par ces dispositions.

Dès lors, c'est à juste titre que la juridiction prud'homale a rejeté cette demande et le jugement sera confirmé sur ce chef.

Sur les frais du procès :

Au regard de ce qui précède, le jugement sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

Il sera constaté l'existence, au profit de Mme [H], d'une créance au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dont le montant sera fixé à 2 000 euros.

La société sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de demande de dommages et intérêts de Mme [H] pour modification unilatérale de la structure de la rémunération et défaut de portabilité de la prévoyance,

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DIT que le licenciement de Mme [P] [H] est nul ;

ORDONNE la réintégration de Mme [P] [H] au sein de la société Primavista et la restitution de son véhicule de fonction ;

REJETTE la demande de Mme [P] [H] tendant à l'annulation de la clause résolutoire du contrat de travail ;

FIXE le montant des créances suivantes au bénéfice de Mme [P] [H] au passif de la société Primavista :

- 2 011,01 euros bruts par mois au titre de l'indemnité d'éviction, arrêtée provisoirement à la somme de 114 627,57 euros bruts pour la période comprise entre le 5 avril 2019 et le 24 janvier 2024 ;

- 11 462, 75 euros bruts au titre des droits à congés payés de Mme [H] pour la période comprise entre le 5 avril 2019 et le 24 janvier 2024 ;

- 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par Mme [H] du fait du retrait du véhicule de fonction ;

- 2 190,32 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des minimas conventionnels;

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Primavista aux dépens d'appel;

REJETTE le surplus des demandes.

La greffière La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/06826
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;21.06826 ?
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