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20/03/2024 | FRANCE | N°21/05140

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 20 mars 2024, 21/05140


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 20 MARS 2024



(n° /2024, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05140 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2FC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/03889





APPELANTE



Madame [G] [N]

[Adresse 1]

[Localité

4]

Représentée par Me José LEAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0632





INTIMEE



ASSOCIATION FEDERATION FRANÇAISE SESAME AUTISME légalement représentée par son dirigeant en...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 20 MARS 2024

(n° /2024, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05140 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2FC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/03889

APPELANTE

Madame [G] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me José LEAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0632

INTIMEE

ASSOCIATION FEDERATION FRANÇAISE SESAME AUTISME légalement représentée par son dirigeant en exercice

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-philippe CARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0233

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère rédactrice

Mme. MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Exposé du litige

Mme [G] [N] a été embauchée par l'association Fédération française Sésame autisme, association française reconnue d'utilité publique et employant moins de onze salariés, en qualité de secrétaire par contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2009.

Au dernier état de la relation de travail, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [N] s'établissait à la somme de 1 883,76 euros.

Par lettre de licenciement du 24 décembre 2018, Mme [N] a été licenciée pour motifs disciplinaires, son employeur lui reprochant des retards répétés le matin, un départ injustifié de son poste de travail ainsi que la perte d'un chèque et l'absence d'enregistrement de règlements de factures.

Par requête du 7 mai 2019, Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir, notamment, condamner son employeur à lui verser des dommages-intérêts pour licenciement abusif et en réparation de ses préjudices moral et matériel.

Par jugement du 9 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Paris a:

- débouté Mme [G] [N] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté l'association Fédération française Sesame autisme de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de Mme [G] [N].

Par déclaration du 9 juin 2021, Mme [N] a interjeté appel de cette décision, intimant l'association Fédération française Sésame autisme.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 juillet 2021, Mme [N] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

- fixer son salaire brut à 1 883,76 euros,

A titre principal :

- condamner la Fédération française Sésame autisme à lui verser la somme de 45 210,24 euros soit 24 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire :

- condamner la Fédération française Sésame autisme à lui verser la somme de 16 953,84 euros soit 9 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dans tous les cas :

- condamner la Fédération française Sésame autisme à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- condamner la Fédération française Sésame autisme à lui verser la somme de 1 020 euros au titre du préjudice matériel occasionné par les frais d'expertise graphologique,

- condamner la Fédération française Sésame autisme à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Fédération française Sésame autisme aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 octobre 2021, l'association Fédération française Sésame autisme demande à la cour de :

- confirmer partiellement le jugement entrepris,

En conséquence,

- débouter Mme [N] de ses demandes, fins et conclusions,

- réformer le jugement en ce qui concerne les frais irrépétibles,

En conséquence,

- condamner Mme [N] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [N] aux entiers dépens.

La cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 novembre 2023.

MOTIFS

Sur le bien fondé du licenciement

En l'espèce, la lettre de licenciement est libellée de la façon suivante:

' Dans ces circonstances, nous avons le regret de vous informer de notre décision de procéder à votre licenciement pour motif personnel, constituant une cause réelle et sérieuse.

Ces motifs sont les suivants :

Nous avons à déplorer vos retard répétés le matin.

Alors que votre contrat prévoit une arrivée à 9h15, nous avons eu à déplorer des retards

répétés. Il ne s'agit pas d'une situation nouvelle puisque nous avions attiré votre attention sur ce point dans le cadre d'une lettre de cadrage du 22 Novembre 2013.

Cette situation s'est renouvelée de manière répétée au cours des mois de Septembre et Octobre 2018.

Par exemple, le lundi 17 Septembre 2018, Madame [H] [U] s'est plainte de votre absence à 10 heures 10 à la Fédération, alors que vous étiez supposée être à votre poste de travail. Le 8 octobre 2018, vous êtes arrivée à votre poste de travail à 10h06.

Tels sont quelques exemples de vos arrivées en retard et qui suffisent à justifier votre

licenciement.

Toutefois, votre comportement s'est tellement dégradé que nous avons à déplorer d'autres

griefs à votre encontre.

En particulier, vous quittiez votre poste de travail sans justification et de manière intempestive.

Le 26 Septembre 2018, vers 10h 30, vous avez quitté votre poste de travail pour ne plus revenir de la journée.

Vous n'avez pas trouvé utile de donner la moindre explication à votre comportement, de sorte que vous étiez en situation d'absence injustifiée.

Cette situation s'est produite à l'issue de remarques désagréables que vous avez faites au

Directeur de la communication de notre Fédération, Monsieur [Z] [D], qui s'en est plaint le même jour.

Il s'agit là de faits qui caractérisent, d'une part, votre absence injustifiée, et d'autre part, une manifeste insubordination que nous ne saurions tolérer.

Enfin, en Octobre 2018, j'ai découvert que votre travail s'est beaucoup dégradé.

Par exemple, le 3 octobre 2018, j'ai reçu un mail de Madame [E] [R], Secrétaire générale au sein du bureau de la Fédération SESAME AUTISME.

Cette dernière a contrôlé les factures impayées, notamment celle d'IFEN AGIFEN.

Elle a appelé l'établissement concerné au Havre qui lui a confirmé le règlement de cette facture par un chèque en Mars 2018.

Madame [R] vous a contacté pour comprendre et vous lui avez indiqué que vous aviez égaré le chèque et qu'en conséquence vous aviez apposé une mention « chèque non

retrouvé » sur la facture.

Ce n'est que le 3 octobre 2018 que Madame [R] m'a transmis cette facture, et je n'ai pas apprécié votre désinvolture.

Par ailleurs, depuis cette date, Madame [R] m'a remis de nouveaux documents qui traduisent le même comportement.

C'est ainsi que vous n'enregistriez pas les cotisations, comme, par exemple, celle de SESAME AUTISME 44 et celle de l'établissement FOYER SESAME du même département pour des montants respectifs de 1.040 et 330 euros.

Cette situation a conduit Madame [R] à relancer le 27 Septembre 2018 SESAME

AUTISME 44 et la réponse de SESAME AUTISME 44 du 2 Octobre 2018 a été désagréable

puisqu'elle nous a conduit à constater que vous ne faisiez pas votre travail, n'enregistriez pas les règlements, ce qui nous conduisait à relancer pour rien en étant persuadé que les factures n'étaient pas réglées.

A titre d'exemple complémentaire, vous n'avez pas enregistré le règlement par virement de SESAME AUTISME LANGUEDOC alors que ce virement a été fait le 11 juin 2018.

Ces négligences dans l'exécution de votre travail constituent également des fautes qui justifient votre licenciement (...)'.

Mme [N] conteste la matérialité des griefs formulés par l'employeur. Elle fait valoir, s'agissant des retards reprochés, que l'avertissement datant de 2013 pour des faits déjà sanctionnés n'est pas probant, que le courriel produit par l'association relatif à la journée du 17 septembre 2018 ne démontre pas qu'elle était absente de son lieu de travail et que l'une des attestations produites par son employeur est datée du jour même des faits et a été rédigée pour les besoins de la cause. Elle soutient, s'agissant de l'abandon de poste du 28 septembre 2018, qu'elle avait quitté son poste en raison de son état de choc à la suite d'agressions verbales de la part du directeur de la communication, et après en avoir averti sa responsable. Elle relève, enfin, s'agissant des autres manquements reprochés, que lorsqu'elle s`est aperçue qu`il manquait un chèque de 32 euros émanant d'un autre établissement, elle l'a cherché en vain, a demandé à la salariée chargée de contrôler les factures impayées de contacter cet établissement pour savoir si ce chèque avait été encaissé ou perdu mais qu'il est apparu que ce chèque avait bien été encaissé alors qu'il ne figurait sur aucune des remises en banques effectuées par cette salariée. Elle conteste toute désinvolture ou tout comportement fautif à cet égard. Elle ajoute, en ce qui concerne l'enregistrement des cotisations, que les affirmations de son employeur démontrent sa mauvaise foi, dès lors que ces cotisations s'effectuaient par virement et qu'elle n`avait pas accès aux comptes bancaires de l'association. Elle indique qu'il lui fallait, pour enregistrer les versements, recevoir des informations précises qu'en l'occurrence elle n'avait pas reçues.

L'association Fédération française Sésame autisme soutient que chaque grief est matériellement vérifiable et justifie le licenciement de Mme [N]. Elle fait valoir que les attestations produites par l'appelante sont écrites de la même main, que l'une des signataires est en réalité une salariée de la société Orange, et qu'elles sont dépourvues de valeur probante. Elle indique que malgré un précédent recadrage sur ce point en novembre 2013, la salariée a continué, de manière répétée, à être en retard, au cours des mois de septembre et octobre 2018, et qu'elle s'est absentée une partie de la journée du 26 septembre 2018. Elle ajoute, concernant le chèque, que peu important son encaissement, le manquement de Mme [N] résulte de sa désinvolture et de la perte soit du chèque, soit du bordereau de remise et, concernant l'enregistrement des cotisations, que la salariée admet elle-même dans ses écritures qu'elle devait les enregistrer et qu'en outre elle avait connaissance des versements en litige, comme en témoigne le courriel produit.

Il résulte de l'article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

A titre liminaire, en ce qui concerne les attestations produites par Mme [N], il sera relevé que l'employeur se prévaut de leur caractère falsifié en ce qu'elles émaneraient d'un même rédacteur et soutient en outre que l'identité de l'une des signataires correspond à une employée de la société Orange.

Toutefois, d'une part, il ressort de l'expertise graphologique unilatérale réalisée à la demande de la salariée, régulièrement versée aux débats, et corroborée par l'examen comparatif des documents en litige, que ces attestations, datées respectivement des 2 mai et 11 novembre 2019 et du 4 novembre 2019, ont bien été rédigées par deux personnes différentes. D'autre part, si l'une des signataires indique être actuellement salariée de la société Orange, il ressort des termes non sérieusement contestés de cette attestation qu'elle a été employée à compter du début du mois d'octobre 2016 pour une mission de deux ans au sein de l'association intimée. Dès lors, l'association Fédération française Sésame autisme n'est pas fondée à se prévaloir de l'absence de toute valeur probante de ces attestations.

L'association Fédération française Sésame autisme reproche en premier lieu à Mme [N] des retards répétés sur son lieu de travail, malgré un précédent rappel à ses obligations effectué en 2013, la lettre de licenciement mentionnant au titre de « quelques exemples » une absence de l'intéressée le lundi 17 septembre 2018 à 10h10 et une arrivée sur les lieux, le 8 octobre 2018, à 10h06 au lieu de l'horaire fixé à 9h15.

L'employeur produit au soutien de ce grief le rappel adressé à la salariée le 22 novembre 2013 suite à deux retards enregistrés le 14 octobre et 21 novembre, le mail adressé à l'employeur signalant que personne ne répond à 10 h 10 au téléphone le 17 septembre 2018 à 10 h 10, et l'attestation de Mme [X], expert comptable, faisant état que Mme [N] est arrivée à 10 h 06 le 8 octobre 2018 sur son lieu de travail.

S'agissant de la journée du 17 septembre 2018, le seul courriel envoyé à la salariée à 10h10 faisant état de ce qu'elle n'avait pas répondu au téléphone n'est pas de nature à établir qu'elle ne se trouvait pas, à l'heure indiquée, sur son lieu de travail.

S'agissant, en revanche, du 8 octobre 2018, l'attestation produite par l'employeur - qui ne peut être écartée pour le seul motif qu'elle ait été rédigée le même jour- démontre que la salariée est arrivée sur son lieu de travail à 10h06, au lieu de 9h15. La matérialité de ce retard est donc caractérisée et ce manquement de la salariée à son obligation de ponctualité établi.

Le grief est établi.

L'employeur reproche à la salariée en second lieu d'avoir quitté son poste de travail le 26 septembre 2018 vers 10 h 30 sans justification.

Il produit le courrier portant demande d'explication qu'il a adressé à la salariée ainsi que le mail adressé par M. [D] faisant état d'un incident impliquant la salariée qui aurait quitté son poste de travail 'claquant la porte de verre qui sépare les deux parties du bureau' et abandonnant son poste de travail, ' un comportemnt qui se reproduit pour la deuxième fois'.

Il est constant que Mme [N] a quitté son poste de travail le 26 septembre 2018, et la salariée ne démontre ni même n'allègue qu'elle aurait obtenu au préalable l'autorisation de son employeur. La matérialité de ce grief est, par suite, établie.

L'association Fédération française Sésame autisme reproche en troisième lieu à Mme [N] d'avoir fait preuve de désinvolture dans l'exécution de ses tâches, notamment en ce qui concerne l'encaissement d'un chèque d'un montant de 32 euros en règlement d'une facture, la salariée ayant apposé la mention « chèque non retrouvé » sur la facture litigieuse, et l'absence d'enregistrement de trois des cotisations payées au profit de l'association.

Il verse aux débats au soutien de ces griefs le mail en date du 2 octobre 2018 d'un partenaire confirmant suite à l'appel à cotisation de l'association avoir bien réglé quatre cotisations et ce à compter de mars 2018 qui n'ont pourtant pas été enregistrées alors que le sécrétarait en avait été avisé par mail du 19 juin 2018.

Il ressort toutefois des deux attestations produites par Mme [N] dont les mentions sont concordantes et circonstanciées et dont il a été confirmé qu'elles émanaient de deux personnes différentes, que Mme [N], ayant constaté qu'il manquait un chèque lors d'une préparation d'une « mise en banque », avait sollicité l'aide de ses collègues pour le chercher en vain, avant de contacter la personne chargée du contrôle des factures impayées aux fins de vérifications, de garder la trace de cet événement et qu'en outre, l'emplacement dans lequel se trouvaient les chèques était accessible par tous.

En ce qui concerne l'absence d'enregistrement de certaines cotisations, les allégations des parties se contredisent quant au contenu précis des missions et des prérogatives de la salariée.

Or, le seul courriel produit par l'employeur ne permet pas d'établir avec certitude que Mme [N] aurait manqué à ses obligations contractuelles, alors qu'il ressort par ailleurs des attestations versées par la salariée que celle-ci ne disposait pas des prérogatives nécessaires à un enregistrement automne des règlements et pouvait avoir accès au site lui permettant cet enregistrement.

Dans ces conditions, le grief est insuffisamment établi.

Au regard de ce qui précède, seuls sont établis les griefs relatifs à une arrivée tardive de la salariée sur son lieu de travail le 8 octobre 2018, ainsi que le fait d'avoir quitté son poste de travail sans autorisation le 26 septembre 2018.

S'agissant toutefois de ce dernier grief, il ressort des attestations produites par Mme [N] que le jour des faits, une violente altercation était survenue entre la salariée et le directeur de la communication de l'association, qui était arrivé en retard sur son lieu de travail, s'en était « pris à Mme [N] avec une grande violence verbale et gestuelle' (attestation de Mme [F]) alors que cette dernière s'était contentée d'accueillir, en attendant son arrivée, le stagiaire avec lequel il avait rendez-vous, et que Mme [N] était « profondément marquée » et « en larmes » à la suite de ces événements, la direction étant prévenue de cette situation.

Au regard du caractère limité du retard du 8 octobre 2018, de l'ancienneté du rappel à cet égard intervenu en 2013 et du contexte particulier dans lequel s'est déroulé l'incident du 26 septembre 2018, les faits imputables à la salariée ne sont pas de nature à conférer au licenciement une cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires de Mme [N] 

S'agissant de la demande de dommages-intérêts, pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse notifiés à compter du 24 septembre 2017, l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit que si l'une ou l'autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau différent selon que l'entreprise emploie habituellement plus de dix ou moins de onze salariés (barème Macron). L'article L. 1235-3 du code du travail définit des montants minimaux et maximaux d'indemnité de licenciement calculés en mois de salaire, en fonction de l'ancienneté et du nombre de salariés dans l'entreprise.

Mme [N] sollicite à titre principal l'allocation d'une somme de 45 210,24 euros représentant 24 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle fait valoir que le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail doit être écarté en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'Organisation internationale du travail et le droit au procès équitable ainsi que le principe de réparation intégrale des préjudices. A titre subsidiaire, elle sollicite à ce titre la somme de 16 953,84 euros, représentant 9 mois de salaire. Elle demande également la condamnation de l'employeur à lui verser les sommes de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 1 020 euros au titre du préjudice matériel occasionné par les frais d'expertise graphologique. Elle soutient que c'est à tort que le conseil de prud'hommes a refusé de prendre en considération les accusations portées par son employeur quant à la production de preuves falsifiées.

L'association Fédération française Sésame autisme soutient que le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail est compatible avec les stipulations de l'article 10 de la Convention numéro 158 de l'organisation internationale du travail en vertu de deux avis rendus le 17 juillet 2019 par la Cour de cassation et que les sommes demandées par la salariée sont exorbitantes. Elle fait valoir que le préjudice de Mme [N] n'est pas démontré. Elle considère, en outre, qu'elle ne peut être tenue de rembourser les frais de l'expertise graphologique qui a été réalisée sans respecter le principe du contradictoire et ne comporte qu'un avis technique.

En premier lieu, la cour rappelle que les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

D'autre part, le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l'application du barème au regard de cette convention internationale.

Enfin, la loi française ne peut faire l'objet d'un contrôle de conformité à l'article 24 de la Charte sociale européenne, qui n'est pas d'effet direct.

Dès lors, Mme [N] n'est pas fondée à se prévaloir de l'incompatibilité des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail avec les dispositions et stipulations susvisées.

Compte tenu de l'ancienneté de la salariée (9 ans) au sein de l'entreprise qui compte moins de onze salarié, de son âge (59 ans) à la date du licenciement et de l'absence de tout justificatif sur sa situation postérieurement au licenciement, il y a lieu de fixer l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur d'une somme équivalente à huit mois de salaires bruts, soit la somme de 15 070,08 euros.

Dès lors, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a rejeté la demande présentée par la salariée et l'association Fédération française Sésame autisme sera condamnée à payer à Mme [N] la somme de 15 070,08 euros.

Mme [N] ne justifiant pas d'un préjudice moral distinct de celui lié à la perte de son emploi déjà indemnisé, le jugement doit être, pour ce motif, confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel au titre des frais d'expertise graphologique

Les frais exposés par l'appelante au titre du recours à un expert graphologue relèvent des frais non compris dans les dépens.

Ces frais ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande formée au titre du préjudice matériel.

Sur les frais du procès

Au regard de ce qui précède, le jugement sera infirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

L'association Fédération française Sésame autisme sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme [N] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [G] [N] en réparation de ses préjudices moral et matériel ;

STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

CONDAMNE l'association Fédération française Sésame autisme à verser à Mme [G] [N] la somme de 15 070,08 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

CONDAMNE l'association Fédération française Sésame autisme aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE l'association Fédération française Sésame autisme à verser à Mme [G] [N] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de toute autre demande.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/05140
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;21.05140 ?
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