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20/03/2024 | FRANCE | N°21/05131

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 20 mars 2024, 21/05131


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 20 MARS 2024



(n° /2024, 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05131 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2EJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/06381





APPELANTE



Madame [G] [R] [N] [P] [O]

[Adresse 3]

[Lo

calité 2]

Représentée par Me Arthur BOUCHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : A785





INTIMEE



S.A.S. LES CARS ROUGES

[Adresse 1]

[Localité 2] / France

Représentée par Me M...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 20 MARS 2024

(n° /2024, 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05131 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2EJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/06381

APPELANTE

Madame [G] [R] [N] [P] [O]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Arthur BOUCHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : A785

INTIMEE

S.A.S. LES CARS ROUGES

[Adresse 1]

[Localité 2] / France

Représentée par Me Monika SEIDEL-MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : R138

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère rédactrice

Mme. MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [G] [R] [N] [P] [O] a été embauchée par la société les Cars rouges, spécialisée dans le transport public de voyageurs, suivant contrat à durée indéterminée du 18 novembre 2002, en qualité d'employée administrative.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs.

Par deux courriers du 6 mars 2020 remis en main propre, Mme [N] [P] [O] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement ainsi qu'à un conseil de discipline, tous deux fixés au 13 mars suivant, avec mise à pied conservatoire immédiate.

Par courrier du 20 mars 2020, Mme [N] [P] [O] a été licenciée pour faute grave pour avoir, « entre le 28/12/2019 et le 26/02/2020 », «'marqué 29 réclamations [clients] comme 'spams' sans même les avoir traités et 24 après les avoir traitées partiellement ».

Par requête du 9 septembre 2020, Mme [N] [P] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir, notamment, juger son licenciement nul à titre principal, et dépourvu de cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, et condamner son employeur à lui verser divers indemnités, notamment pour harcèlement moral et discrimination.

Par jugement du 25 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a:

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse;

- condamné la société les Cars rouges à payer à Mme [N] [P] [O] les sommes suivantes':

* 1 789,91 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 178,99 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 8'848,17 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 830,64 euros au titre de la mise à pied conservatoire,

* 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [G] [R] [N] [P] [O] du surplus de ses demandes;

- débouté la société les Cars rouges de sa demande reconventionnelle.

Par déclaration du 9 juin 2021, Mme [N] [P] [O] a interjeté appel de cette décision, intimant la société les Cars rouges.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 juillet 2021, Mme [N] [P] [O] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société les Cars rouges à lui verser les sommes suivantes :

* 1 789,91 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 178,99 euros au titre des congés payés sur le préavis,

* 8 848,17 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 830,64 euros au titre de la mise à pied conservatoire,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le reste du jugement,

Et':

- juger qu'elle a été victime de harcèlement moral;

En conséquence,

- condamner la société les Cars rouges à lui verser la somme de 21 478,92 euros à titre de dommages et intérêts (12 mois de salaire),

- juger qu'elle a été victime de discrimination en raison de son état de grossesse, en raison de son origine et en raison de sa maladie,

En conséquence,

- condamner la société les Cars rouges à lui verser la somme de 21 478,92 euros à titre de dommages et intérêts (12 mois de salaire),

- juger que le licenciement de Mme [N] [P] [O] est nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- condamner la société les Cars rouges à lui verser les sommes de':

* 25 058,74 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement pour absence de cause réelle et sérieuse (14 mois de salaire),

- juger que la société les Cars rouges a manqué à son obligation d'adaptation au poste de travail, à la formation, à l'évolution professionnelle, à l'évaluation et le bilan périodique devant être réalisé avec la salariée,

En conséquence,

- condamner la société les Cars rouges à lui verser la somme de 5 369,73 euros à titre de dommages et intérêts (3 mois de salaire),

- juger que la société les Cars rouges a exécuté déloyalement le contrat de travail,

En conséquence,

- condamner la société les Cars rouges à lui verser la somme de 5 369,73 euros à titre de dommages et intérêts (3 mois de salaire),

- juger que la société les Cars rouges n'a pas rempli ses obligations prévues à l'article L. 6323-13 du code du travail,

En conséquence,

- ordonner à la société les Cars rouges d'abonder son compte personnel de formation d'une somme de 3 000 euros, sous astreinte de 20 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 8 semaines suivant notification de la décision à intervenir,

- ordonner à la société les Cars rouges de verser la somme de 3 000 euros à la Caisse des dépôts et consignations conformément aux dispositions des articles R. 6323-3, L. 6333-6 et L. 6333-7 du code du travail,

- condamner la société les Cars rouges à rembourser aux organismes intéressés l'intégralité des indemnités de chômage perçues par elle entre son licenciement et le prononcé de la décision à intervenir, dans la limite de 6 mois,

- ordonner la diffusion, aux frais exclusifs de la société les Cars rouges, d'un communiqué informant le public des motifs et du dispositif du jugement à intervenir, sans indication de l'identité de Mme [N] [P] [O], dans trois journaux d'information relatifs au tourisme (Tour Hebdo, L'Echo touristique, Tour Mag) et 5 fois sur une période de 5 semaines consécutives, et sur une superficie d'au moins une demie page ; le communiqué indiquant outre la reproduction intégrale des motifs et du dispositif de la décision la mention en titre : « Les Cars Rouges condamnée pour le harcèlement moral et la discrimination d'une salariée », sous astreinte de 20 euros par jour de retard à l'expiration d'une période de 15 semaines suivant notification de la décision à intervenir,

- ordonner la diffusion, aux frais exclusifs de la société les Cars rouges, d'un courriel informant l'ensemble des salariés du groupe auquel appartient la société les Cars rouges des motifs et du dispositif du jugement à intervenir, sans indication de l'identité de Mme [N] [P] [O], le courriel indiquant outre la reproduction intégrale de la décision la mention en titre : ' Les cars rouges' condamnée pour le harcèlement moral et la discrimination d'une salariée », sous astreinte de 20 euros par jour de retard à l'expiration d'une période de 15 semaines suivant notification de la décision à intervenir,

- ordonner l'affichage dans l'ensemble des établissements de la société les Cars rouges, pour une durée de deux mois, à proximité immédiate des panneaux d'information des salariés, de la copie de l'intégralité du jugement à intervenir, sans indication de l'identité de Mme [N] [P] [O], sous astreinte de 20 euros par jour de retard à l'expiration d'une période de 15 semaines suivant notification de la décision à intervenir,

- condamner la société les Cars rouges à verser à Mme [N] [P] [O] la somme de 2'000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner la société les Cars rouges aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2021, la société les Cars rouges demande à la cour de':

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de Mme [N] [P] [O] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau :

- juger que les faits à l'origine du licenciement de Mme [N] [P] [O] sont constitutifs d'une faute grave,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société les Cars rouges à verser à Mme [N] [P] [O] les sommes suivantes :

* 1 789,91 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 178,99 euros au titre des congés payés sur le préavis,

* 8 848,17 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 830,64 euros au titre de la mise à pied conservatoire,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement entrepris sur le surplus et,

- juger que Mme [N] [P] [O] n'a pas été victime de harcèlement moral,

En conséquence':

- débouter Mme [N] [P] [O] de ses demandes :

* de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* de publication, diffusion et affichage de la décision à intervenir sous astreinte dans trois journaux d'information relatifs au tourisme, par le biais d'un courriel à l'ensemble des salariés ainsi que sur les panneaux d'informations,

- juger que Mme [N] [P] [O] n'a pas été victime de discrimination en raison de son état de grossesse, de son origine et en raison de sa maladie,

En conséquence':

- débouter Mme [N] [P] [O] de ses demandes :

* de dommages et intérêts pour discrimination,

* de publication, diffusion et affichage de la décision à intervenir sous astreinte dans trois journaux d'information relatifs au tourisme, par le biais d'un courriel à l'ensemble des salariés ainsi que sur les panneaux d'informations,

- juger que le licenciement pour faute grave de Mme [N] [P] [O] n'est pas entaché de nullité,

En conséquence':

- débouter Mme [N] [P] [O] de ses demandes :

* d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents,

* d'indemnité de licenciement,

* de rappel de salaire sur mise à pied et congés payés y afférents,

* de remboursement des indemnités chômage,

* de dommages et intérêts pour licenciement nul,

A titre subsidiaire,

- juger que le licenciement pour faute grave de Mme [N] [P] [O] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

- débouter Mme [N] [P] [O] de ses demandes :

* d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents,

* d'indemnité de licenciement,

* de rappel de salaire sur mise à pied et congés payés y afférents,

* de remboursement des indemnités chômage,

* de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- juger que la société n'a pas manqué à son obligation d'adaptation, d'évolution, d'appréciation du poste de travail,

En conséquence':

- débouter Mme [N] [P] [O] de sa demande de dommages et intérêts,

- juger que la société n'a pas exécuté déloyalement le contrat de travail de Mme [N] [P] [O],

En conséquence :

- débouter Mme [N] [P] [O] de sa demande de dommages et intérêts,

- juger que la société a rempli ses obligations prévues à l'article L.6323-13 du code du travail,

En conséquence :

- débouter Mme [N] [P] [O] de ses demandes :

* d'abondement du compte personnel de formation sous astreinte,

* de versement d'une somme à la Caisse des dépôts et consignations,

- juger que la procédure conventionnelle de licenciement a été respectée,

- juger que les faits à l'origine du licenciement pour faute grave ne sont pas prescrits,

Si par extraordinaire la cour devait entrer en voie de condamnation, il lui est demandé à titre subsidiaire :

- limiter la condamnation pour harcèlement moral,

- limiter la condamnation pour discrimination,

- limiter la condamnation pour nullité du licenciement au minimum légal (L. 1235-3-1 du code du travail),

A titre subsidiaire,

- limiter la condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal,

En tout état de cause :

- condamner Mme [N] [P] [O] à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile,

- condamner Mme [N] [P] [O] aux entiers dépens,

- débouter Mme [N] [P] [O] de ses demandes au titre des articles 700 et 699 du code du procédure civile.

La cour se réfère pour un plus ample exposé des pértentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 novembre 2023.

MOTIFS

Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et/ ou discrimination :

Mme [N] [P] [O] soutient qu'elle a fait l'objet de harcèlement moral et de discrimination de la part de la responsable juridique dès l'arrivée de cette dernière en 2007 au sein de la société. Elle fait valoir qu'elle a été victime de dénigrements constants et publics, dans des termes injurieux, d'insultes racistes, de demandes adressées pendant ses congés de documents déjà remis, de comportements agressifs et déstabilisants, de moqueries en raison de ses troubles auditifs et d'une mise à l'écart systématique, la responsable, la sachant handicapée par les hauts niveaux sonores, claquant les portes, éteignant les lumières de son bureau et la contrôlant à outrance. Elle indique que cette responsable n'a jamais mené aucun entretien périodique, et qu'elle n'a jamais répondu à ses demandes d'évolution de carrière, lui confiant au contraire moins de responsabilités. Elle précise qu'elle a, ensuite de ces comportements répétés, présenté un état anxio-dépressif réactionnel, lié directement à cette situation professionnelle, et que son employeur n'a jamais agi pour la protéger du harcèlement moral de sa supérieure hiérarchique. Elle sollicite l'allocation d'une somme de 21 478,92 euros représentant douze mois de salaire en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral ainsi que de la même somme en réparation du préjudice résultant de la discrimination.

La société les Cars rouges conteste les allégations de la salariée relatives au harcèlement moral et à la discrimination et sollicite la confirmation du jugement. Elle indique que si la responsable juridique a pu tenir un propos maladroit faisant allusion aux congés de la salariée, cette seule circonstance ne caractérise par une situation de harcèlement ni de discrimination et que les éléments produits par Mme [N] [P] [O], et notamment le certificat médical établi par son médecin traitant au-delà de ses compétences, ne permettent pas d'établir la réalité de ses allégations, alors que les enquêtes internes comme celle de l'inspection du travail ont conclu à une absence de discrimination ou de harcèlement moral.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1152-2 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Par ailleurs, l'article L.1132-1 du code du travail prévoit qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en raison de son origine, sa grossesse, son état de santé ou de son handicap.

Les articles L.1134-1 et L. 1154-1 du même code prévoient qu'en cas de litige, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et/ou d'une discrimination directe ou indirecte, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et/ou discrimination et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et/ ou discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien de son argumentation, Mme [N] [P] [O] invoque en substance, au titre du harcèlement moral :

- avoir fait l'objet de dénigrement constant et public, dans des termes insultants, d'insultes racistes, de toutes sortes de comportements agressifs et déstabilisants de la part de Mme [S], responsable juridique ainsi que des moqueries ;

- avoir été privée d'entretien périodique, d'évolution de carrière au sein de la société au cours de 18 années ;

- avoir été tenue à l'écart des réunions, des bilans, avoir vu ses tâches modifiées par Mme [S] visant à la rabaisser en lui faisant accomplir des tâches de secrétariat excessivement contrôlées, ses jours de travail étant modifiés unilatéralement ;

- n'avoir pas bénéficié de la mise en place par son employeur des préconisations du médecin du travail.

S'agissant du premier fait, la salariée se réfère à ses propres déclarations aux termes desquelles elle indique que sa supérieure hiérarchique, Mme [S], l'aurait insultée et lui aurait tenu des propos racistes ainsi qu'à un courrier qu'elle a adressé à son employeur dans lequel elle le remercie des excuses présentées et renouvelle son souhait que les agissements de Mme [S] cessent.

Elle produit également trois autres attestations émanant d'autres salariés et établies les 23 mai et 21 juillet 2016 et le 30 mars 2017, qui font état de ce que la responsable juridique avait l'habitude de claquer les portes de l'open space « lorsque Mme [O] se trouvait présente » ou encore de « venir régulièrement éteindre les lumières », et qu'elle adoptait à son égard une attitude très méprisante et agressive et la dénigrait, la décrivant par exemple comme une simple « employée de bureau ».

Le fait est établi.

S'agissant du second fait évoqué, Mme [N] [P] [O] soumet les courriers qu'elle a adressés à son employeur aux fins de solliciter une évolution de sa carrière, relatifs notamment à son coefficient, à l'évaluation de son statut, ou encore à son refus de prendre en compte sa formation pour lui attribuer un poste.

M. [L], responsable du personnel, atteste avoir été informé par la salariée de ce que son évolution professionnelle était compromise voire bloquée par Mme [S] et qu'un poste a été attribuée à une ancienne réceptionniste et ce sans qu'il n'y ait eu diffusion en interne de ce poste alors que la salariée disposait de la formation requise.

Ce fait est établi.

Mme [N] [P] [O] reproche également à Mme [S] d'avoir modifié ses tâches dans le but de la rabaisser ou de limiter son accès à l'entreprise et à son employeur d'avoir modifié ses jours de travail de façon unilatérale.

Elle se prévaut à ce titre de l'attestation établie par le représentant du personnel et du courrier envoyé par les représentants du personnel à son employeur, faisant état de ce qu'elle serait exclue des informations, compte -rendus, visites et activités.

Toutefois, tant l'alerte déclenchée par les représentants du personnel en 2016 que l'attestation établie par un représentant le 23 avril 2017 se bornent à reprendre les déclarations de la salariée et ne sont corroborées par aucun autre élément.

Alors qu'elle reproche à Mme [S] aux termes de seuls écrits de la priver de ses moyens d'accès à l'entreprise, elle reconnaissait pourtant avoir signalé la difficulté d'accès général et avoir obtenu un 'bip' lui permettant d'accéder à l'entreprise.

Mme [N] [P] [O] produit également un échange de courriels, datés du 27 juillet 2017 et du 29 juillet 2017, concernant l'organisation de son travail suite à la mise en place d'un mi-temps thérapeutique qui lui aurait été imposée et non définie conjointement.

Pour autant, la lecture du courrier adressé par l'employeur révèle que celui-ci a organisé sa reprise en fonction également des disponibilités et contraintes des autres salariés, ce qui relève de son pouvoir de direction.

Ces griefs ne sont donc pas établis.

Enfin, s'agissant du dernier fait, Mme [N] [P] [O] se réfère à ses propres courriers dont il ressort qu'elle s'est plainte de ce que l'employeur ne respectait pas les préconisations du médecin du travail et de la localisation de son poste de travail lors de sa reprise à mi-temps thérapeutique.

Il ressort des échanges produits que la salariée contestait l'interprétation que Mme [S] avait faite des préconisations du médecin du travail en date du 22 septembre 2015 et que suite à un échange avec l'avis du médecin du travail les conditions proposées étaient conformes à ces préconisations. A cet égard, Mme [S] a échangé avec le médecin du travail en septembre 2015 puis en décembre 2015 afin de solliciter la confirmation de ce que l'avis précédent ne comportant pas d'inaptitude temporaire au poste ni de restriction, y compris pour répondre au téléphone, demeurait valable et demander des précisions sur la limitation du nombre d'appels quotidiens.

L'avis d'aptitude en date du 7 décembre 2015 préconisait une limitation des appels téléphoniques (environ quarante), un environnement calme et un casque sans fil que la salariée a pourtant refusé. Il lui était également fourni un repose-pied et un autre fauteuil.

Le fait n'est pas établi.

La salariée produit, en outre, des éléments médicaux faisant état d'une situation de souffrance au travail. Un médecin par le médecin du travail de l'entreprise elle-même relevait par courrier du 27 juin 2017 que Mme [N] [P] [O] « est actuellement en arrêt de travail depuis janvier 2017 pour « état anxio-dépressif réactionnel ». Elle relie cela à un conflit avec une supérieure qui l'aurait maltraitée, la traitant de « boniche portugaise » et de « pute ». C'est dans ces conditions qu'elle s'est plainte auprès de l'inspection du travail qui, après enquête, aurait indiqué que les faits étaient trop anciens pour être jugés et qu'il n'avait rien constaté actuellement. Cliniquement, actuellement, il semble s'agir d'un stress post-traumatique avec des éléments phobiques et dérationnalisation et un certain mentisme. ['] On se trouve devant une situation qui pourrait dégénérer, tant les positions paraissent tranchées ».

Le médecin du travail préconisait un mi-temps thérapeutique, un soutien psychologique et une réduction du travail le week-end.

Ces éléments, pris dans leur ensemble comprenant les pièces médicales, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement.

Il ressort des pièces du dossier qu'au mois d'avril 2016, la salariée s'est plainte de faits de harcèlement moral en provenance de la responsable juridique de la société auprès de son employeur, lequel a diligenté une enquête interne qui a conclu à une absence de harcèlement moral et qui a été suivie, sur saisine de l'appelante, d'une enquête de l'inspection du travail aboutissant à la même conclusion.

La société produit notamment le compte-rendu d'une enquête interne à la société et de l'enquête réalisée par les services de l'inspection du travail, qui concluent toutes deux à l'absence de harcèlement moral et/ou de discrimination

Lors de la réunion mensuelle des délégués du personnel du 28 juillet 2016, l'employeur a répondu aux différents points évoqués dans l'alerte suite à l'enquête diligentée avec un délégué du personnel en ces termes :

- aucun agissement de Mme [S] ne pouvait être qualifié de harcèlement ou discrimination ;

- l'aménagement de l'espace de travail a bien eu lieu (nouveau siège, repose pieds, casque proposé mais refusé par la salariée) ;

- Mme [S] avait bien augmenté le volume sonore des sonneries du téléphone, malgré la sensibilité auditive de l'intéressée, cette circonstance s'expliquant par la demande d'une autre salariée qui ne parvenait pas à en entendre le son ;

- il lui arrivait d'éteindre la lumière après avoir demandé l'avis des salariés, certains dont l'appelante disposant d'un halogène à proximité ;

- le courriel de Mme [S] portait simple constat de la longue absence de la salariée pour expliquer l'absence d'évaluation.

Enfin, il indiquait, sur la prétendue rétention d'information et le refus de participation aux réunions, qu'il ne voyait pas à quel titre Mme [N] [P] [O] participerait à ces réunions, dès lors qu'elle est affectée à un poste de travail en tout point conforme à son contrat de travail et dont les tâches ont fait l'objet d'une fiche de poste établi par ses soins et que faute de proposition de la part de la direction et non de Mme [S], qui n'est pas sa supérieure hiérarchique, sa situation professionnelle ne pouvait pas évoluer.

Mme [N] [P] [O] contestait les conclusions de cette enquête, dénonçait sans en justifier la connivence entre Mme [S] et la médecine du travail et indiquait se rapprocher de l'inspection du travail.

A cet égard, suite à sa visite en date du 16 décembre 2016 relative à la situation de la salariée, l'inspecteur du travail relevait que « s'agissant de l'ambiance des locaux de travail, bruit et éclairage, ces problématiques » ne lui apparaissaient « pas comme relevant d'agissements pouvant être analysés comme du harcèlement ». Concernant les préconisations du médecin du travail, tout en relevant les lacunes de l'employeur, l'inspecteur du travail concluait que cette situation ne pouvait être analysée comme procédant d'un harcèlement moral. Enfin, s'agissant de la discrimination évoquée se traduisant par une absence d'évolution de carrière, il considérait qu'au vu « des comparatifs de carrière des autres salariés de la société, les faits de discrimination, sauf appréciation du juge, n'apparaissent pas constitués ».

La société verse également aux débats deux attestations, dont l'une émanant d'une ancienne salariée ayant témoigné en faveur de l'appelante et qui précise que les faits dont elle avait été témoin n'étaient survenus qu'une fois et dans un contexte particulier, tout en revenant sur le terme de « harcèlement » qu'elle avait pu utiliser. Il ressort également des échanges versés que l'employeur a organisé plusieurs entretiens avec la salariée, à savoir deux entretiens les 5 et 11 avril 2016, un entretien avec Mme [S] le 11 avril 2016 et un entretien en présence de la salariée et de sa responsable le 12 avril 2016, et qu'il n'a pas présenté de quelconque excuse dès lors qu'il estimait que la salariée avait fait état de propos sortis de leur contexte ou d'agissements n'ayant pas existé. Enfin, l'employeur établit que le poste a été attribué à une salariée qui disposait d'un diplôme de gestionnaire de paie suite à une formation d'une durée totale de 903 heures à ce titre.

Au titre de la discrimination en raison de son origine et de son état de grossesse, Mme [N] [P] [O] expose qu'elle a subi un traitement discriminatoire, des insultes à caractère raciste, et que son évolution de carrière comme le suivi ont été inexistants alors qu'un poste correspondant à sa formation a été confié à une autre salariée sans expérience et sans qualification.

Elle se réfère sur ce point, outre aux pièces déjà examinées dans le cadre du harcèlement moral, à un courriel adressé par Mme [S] faisant état de ses « longues périodes d'absence de la société, liées, d'une part, aux deux ou trois années de formation » suivies par elle et d'autre part, à sa grossesse. Toutefois, les précisions contenues dans ce courriel, qui remonte au demeurant à plus de quatre ans avant l'engagement de la procédure de licenciement, avaient pour objet de répondre aux interrogations de la salariée relativement à son absence d'évaluations régulières sur ces périodes.

Mme [N] [P] [O] verse également aux débats l'attestation d'une salariée qui n'a été témoin d'aucun fait et se borne à rapporter ses propos ainsi qu'à affirmer que la responsable juridique aurait « consciencieusement ignoré le récent diplôme de Mme [N] [P] [O] ». Cette pièce, par son caractère indirect et peu circonstancié, ne permet pas davantage d'établir l'existence d'une atteinte au principe d'égalité, alors au demeurant que l'enquête réalisée par l'inspection du travail en 2016 avait conclu, au vu des comparatifs de carrière des salariés de la société, à l'absence de toute discrimination.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que si un climat conflictuel existait entre la salariée à la responsable du service, l'employeur démontre que les faits évoqués par la salariée, pris dans leur ensemble, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral et toute discrimination.

Dès lors, la demande de dommages et intérêts et les autres demandes formées à ce titre par la salariée ne sont pas fondées et le jugement du conseil de prud'hommes sera, pour ces motifs, confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.

Sur le licenciement :

Sur le respect par l'employeur de la procédure conventionnelle de licenciement :

Mme [N] [P] [O] soutient que son l'employeur n'a pas respecté la procédure de licenciement dérogatoire prévue par les articles 49, 51 et 54 de la convention collective applicable, dès lors que l'avis du conseil de discipline n'est pas motivé, que son chef de service était présent, que le quantum des membres faisant partie du personnel dirigeant et non dirigeant n'a pas été respecté, qu'aucun document n'a été remis au conseil et qu'un délai de huit jours au lieu de six s'est écoulé entre la mise à pied conservatoire et la tenue de l'audience du conseil. Elle en conclut qu'elle n'a pas pu se défendre dans les conditions procédurales requises par la convention collective et a été privée de cette garantie de fond, le licenciement étant pour ces seuls motifs privé de cause réelle et sérieuse.

La société les Cars rouges réplique que la procédure conventionnelle a bien été respectée et qu'en tout état de cause, la sanction du non-respect des procédures conventionnelles n'est plus, depuis 2017, la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse mais le versement d'une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire, par application de l'article L. 1235-2 du code du travail.

Selon l'article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable à l'espèce, lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Dès lors, Mme [N] [P] [O] ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions conventionnelles relatives à la procédure de licenciement pour contester l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement et ce moyen ne peut qu'être écarté.

Sur le moyen tiré de la prescription de certains faits :

Mme [N] [P] [O] soutient qu'une partie des griefs, datés de plus de deux mois avant l'intervention de la sanction, est prescrite.

La société les Cars rouges réplique qu'aucun fait ne se heurte à la prescription, ce moyen n'étant pas assorti de précisions de la part de Mme [N] [P] [O]. Elle fait valoir que les faits antérieurs au 6 janvier 2020 peuvent être pris en considération dès lors que la salariée a reproduit le même comportement après cette date et qu'en outre, les griefs relatifs à l'absence de traitement des courriels de la société Isango, datés de la mi-janvier 2020, n'ont été portés à sa connaissance que le 26 février 2020.

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Ces dispositions ne s'opposent pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi d'une mise à pied conservatoire.

Les faits reprochés à Mme [N] [P] [O] concernaient la période allant du 28 décembre 2019 au 26 février 2020.

Ainsi, les griefs relatifs à la période du 6 janvier au 6 mars 2020 ne sont pas prescrits.

S'agissant des faits reprochés à Mme [N] [P] [O] entre le 28 décembre 2019 et le 5 janvier 2020, ceux-ci consistent également en une absence de traitement de réclamations de la part de clients de la société, avec un classement de ces réclamations dans les courriels indésirables.

Dès lors, les griefs concernant la période du 6 janvier au 6 mars 2020 procèdent de la poursuite du comportement reproché à la salariée entre le 28 décembre 2019 et le 5 janvier suivant.

Il s'ensuit que l'appelante, qui au demeurant ne précise pas les griefs qu'elle considère prescrits, n'est pas fondée à se prévaloir de la prescription d'une partie de ces faits.

Sur la cause du licenciement :

Mme [N] [P] [O] soutient que c'est à tort que le conseil de prud'hommes a estimé que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. Elle fait valoir que les griefs retenus par son l'employeur sont imprécis et inintelligibles, que son licenciement est intervenu à l'occasion de l'utilisation d'un nouvel outil de travail auquel elle n'avait pas été formée, sur lequel elle avait alerté l'employeur, et dans un cadre de discrimination en raison de son état de santé, de ses grossesses, de son origine et de la dénonciation de faits de harcèlement moral. Elle soutient que la sanction est, en tout état de cause, disproportionnée.

La société les Cars rouges sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de Mme [N] [P] [O] en licenciement pour cause réelle et sérieuse. Elle fait valoir que les faits à l'origine du licenciement de la salariée sont constitutifs d'une faute grave, celle-ci ayant délibérément refusé de traiter au moins 53 réclamations clients qu'elle a classées en « SPAMS », anéantissant ainsi toute possibilité de ces clients de voir un jour leur réclamation traitée. Elle conteste tout contexte de harcèlement moral ou discrimination.

Sur la nullité du licenciement :

Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail que, lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement, qui ne fait pas mention d'une dénonciation d'un harcèlement moral, caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral. Dans le cas contraire, lorsque le licenciement n'est pas fondé par une cause réelle et sérieuse, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié d'agissements de harcèlement moral et son licenciement.

En l'espèce, Mme [N] [P] [O] soutient que son licenciement est nul, dès lors qu'il est intervenu dans un care de discrimination en raison de la dénonciation de faits de harcèlement moral et consécutivement à son alerte, ce que conteste la société Les Cars Rouges.

La lettre de licenciement n'évoque pas la dénonciation préalable des faits de harcèlement mais se fonde sur d'autres griefs.

Il convient dès lors, dans un premier temps, de vérifier l'existence de la cause réelle et sérieuse de licenciement.

Sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement :

Selon l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Les motifs de licenciement doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables.

En l'espèce, la lettre de licenciement adressée à Mme [N] [P] [O] précise que l'employeur reproche à la salariée d'avoir délibérément, entre le 28 décembre 2019 et le 26 février 2020, « marqué 29 réclamations comme SPAMS sans même les avoir traitées et 24 après les avoir traitées partiellement, soit 53 clients mécontents dont la réclamation n'a pas été traitée », et d'avoir, en outre, clôturé à plusieurs reprises sans les avoir traitées les réclamations de la société Isango, partenaire clé de l'entreprise.

Cette lettre comporte ainsi l'énoncé précis des fautes reprochées à la salariée et cette dernière n'est pas fondée à soutenir que ces griefs seraient imprécis et inintelligibles.

En ce qui concerne la qualification des faits fautifs reprochés à la salariée, il sera rappelé que selon l'article L.1235-1 du code du travail il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, Mme [N] [P] [O] ne conteste pas la matérialité des faits mais leur imputabilité et leur gravité.

Il est par ailleurs constant que compte tenu de la qualité d'employée administrative de Mme [N] [P] [O], le traitement des réclamations émises par les clients de la société les Cars rouges entrait dans le cadre de ses missions essentielles de la salariée.

Si elle soutient qu'elle n'avait pas reçu de formation adaptée lui permettant de maîtriser le nouveau logiciel utilisé par l'entreprise, il ressort des pièces versées aux débats et notamment des deux attestations circonstanciées et des échanges de courriels relatifs au logiciel « Freshdesk » produites par la société les Cars rouges que la salariée s'est vu dispenser une telle formation, à laquelle elle n'a que partiellement assisté en raison de convenances personnelles et qu'elle bénéficiait par ailleurs d'une assistance à distance en cas de nécessité.

Dès lors, Mme [N] [P] [O] n'est pas fondée à se prévaloir d'un manque de formation imputable à l'employeur quant au fonctionnement du logiciel utilisé depuis un an par la société.

Au regard de la nature de ses fonctions, de son ancienneté dans l'entreprise et du nombre de réclamations non traitées, supérieur à 50, ces faits constituent un manquement de la salariée à ses obligations contractuelles et caractérisent ainsi une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Sur le lien entre le licenciement et la dénonciation de faits de harcèlement

En présence d'une cause réelle et sérieuse, il appartient à la salariée de démontrer que le licenciement a été prononcé en rétorsion à sa plainte pour harcèlement moral.

Or à cet égard, les pièces produites par Mme [N] [P] [O], et notamment les attestations et les éléments médicaux relatifs à son état de santé, ne permettent pas d'établir que la procédure disciplinaire, qui a été engagée près de quatre ans après cette réclamation, constitue une mesure de rétorsion à sa plainte pour harcèlement moral.

Dès lors, ce moyen doit être écarté et le jugement de première instance sera, pour ce motif, confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement présentée par la salariée.

Sur la faute grave 

En cas de licenciement pour faute grave, c'est-à-dire rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, il appartient à l'employeur qui l'invoque de rapporter la preuve d'une telle faute.

Si les faits caractérisent une faute de nature à justifier le licenciement de l'intéressée, l'employeur n'établit pas que le classement des courriels litigieux dans les courriers indésirables était délibéré, et ne justifie ni même n'allègue avoir alerté la salariée sur cette situation. Dans ces conditions, et eu égard à la durée relativement limitée des manquements et de l'ancienneté de la salariée, la société les Cars rouges ne démontre pas que ces faits revêtent un caractère de gravité suffisant pour caractériser une faute grave.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a considéré que ces faits ne constituaient pas une faute grave. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les conséquences du licenciement :

Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que la juridiction prud'homale a qualifié le licenciement de licenciement pour cause réelle et sérieuse et écarté la faute grave.

Dans ces conditions, et dès lors que la société les Cars rouges ne conteste les motifs de la décision qu'en ce qui concerne le motif du licenciement, le jugement sera confirmé sur ces chefs de condamnation aux indemnités de rupture dont les montants ne sont pas contestés.

Sur les manquements de l'employeur à son obligation d'assurer l'adaptation et l'évolution de la salariée :

Mme [N] [P] [O] soutient que son l'employeur a manqué à ses obligations d'adaptation, d'évolution, et d'appréciation de son poste de travail, qu'elle n'a bénéficié d'aucune formation et qu'elle a d'ailleurs été licenciée pour ne pas avoir suffisamment maîtrisé le nouveau logiciel mis en place dans l'entreprise. Elle indique que les formations qu'elle a suivies l'ont été à sa propre initiative, et n'ont pas permis, en dépit de ses compétences, d'évoluer alors qu'un poste correspondant à ses qualifications a été proposé à une autre salariée sans expérience ni qualification. Elle demande à ce titre la condamnation de son employeur à l'indemniser à hauteur de 5 369,73 euros et à abonder son compte personnel de formation à hauteur de 3 000 euros, outre le versement de la somme de 3 000 euros à la caisse des dépôts et consignations.

La société les Cars rouges conteste tout manquement à cet égard et soutient que Mme [N] [P] [O] est l'une des salariés de l'entreprise qui a bénéficié le plus de formations.

Il résulte de l'article L. 6321-1 du code du travail que l'employeur à l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi.

Si Mme [N] [P] [O] soutient n'avoir pas pu évoluer professionnellement au sein de l'entreprise, elle n'allègue pas s'être heurté à un refus injustifié de l'employeur. En outre, celui-ci prouve que la salariée a bénéficié de plusieurs formations en rapport avec son emploi. L'intéressée a notamment, en dernier lieu, outre la formation relative au logiciel utilisé par l'entreprise, suivi une formation de dix mois en ressources humaines en 2015 et obtenu un diplôme d'études approfondies en langues étrangères en 2009.

Enfin, l'intéressée ne démontre pas que des salariés ayant la même ancienneté et la même qualification qu'elle ont eu une évolution de carrière meilleure en raison de la formation qui leur a été dispensée par l'employeur ou avoir postulé à des emplois au sein de l'entreprise qui lui aurait été refusé.

Mme [N] [P] [O] n'établissant donc pas la faute imputée à l'employeur, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour ce motif. Elle sera pour les mêmes raisons déboutée de sa demande tendant ' à abonder' son compte de formation.

Sur les manquements de l'employeur à son obligation de protection de la santé et de la sécurité des salariés :

L'appelante soutient que son l'employeur n'a pas respecté les obligations imposées par la médecine du travail, en ne répondant pas à ses demandes légitimes et en n'adoptant aucune mesure de protection des violences au titre du harcèlement moral et de la discrimination, ce qui l'a placée dans un état de santé très dégradé. Elle sollicite sur ce fondement l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 5 369,73 euros.

L'intimée conteste ces allégations et fait valoir que la salariée conteste à la fois la validité des conclusions de la médecine du travail et l'accuse de connivence avec l'employeur tout en lui reprochant de ne pas respecter ses préconisations. Elle ajoute qu'elle s'est conformée aux préconisations médicales mais que l'intéressée a refusé l'utilisation de certains outils adaptés.

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

En l'espèce, d'une part, il ressort des éléments versés aux débats que la médecine du travail avait, en 2015, préconisé une limitation du nombre d'appels téléphoniques quotidiens de la salariée, avec la fourniture d'un casque téléphonique sans fil et d'un repose-pied et que l'employeur s'est conformé à ces préconisations, la salariée refusant toutefois l'utilisation du casque téléphonique.

D'autre part, au regard des considérations énoncées précédemment sur les allégations de harcèlement moral, la société les Cars rouges n'a pas manqué aux obligations lui incombant à cet égard.

Dès lors, la demande de dommages et intérêts présentée à ce titre par la salariée n'est pas fondée et le jugement du conseil de prud'hommes sera, pour ces motifs, confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les manquements de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail :

Selon l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Si dans le dispositif de ses écritures, Mme [N] [P] [O] sollicite la somme de 5 369,73 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par son l'employeur, la partie discussion de ses conclusions ne contient aucun argumentaire concernant spécifiquement cette demande pécuniaire.

Dès lors, cette demande n'est pas fondée et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

Sur le remboursement auprès des organismes sociaux des indemnités de chômage :

Il résulte de l'article L. 1235-4 du code du travail que dans certaines hypothèses, prévues par ces dispositions, de nullité ou d'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Dès lors que le licenciement de Mme [N] [P] [O] n'entre pas dans le champ d'application de ces dispositions, sa demande n'est pas fondée et le jugement sera, pour ce motif, confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

Sur la demande de publication :

Eu égard à l'issue du litige, les demandes formées par la salariée aux fins de publication de la décision seront rejetées.

Sur les frais du procès :

Le jugement sera confirmé sur la condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, Mme [N] [P] [O] sera condamnée aux dépens.

En revanche, les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT :

CONDAMNE Mme [G] [R] [N] [P] [O] aux dépens d'appel ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/05131
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;21.05131 ?
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