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15/03/2024 | FRANCE | N°20/06509

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 15 mars 2024, 20/06509


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 15 Mars 2024



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/06509 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCOTL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juillet 2020 par le Pole social du TJ de CRETEIL RG n° 17/00972





APPELANTE

S.A.R.L. [4] représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Ad

resse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Saïd SADAOUI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305 substitué par Me Ingrid KIS, avocat au barreau de PARIS



INTIME

URSSAF ILE DE FRANCE

[A...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 15 Mars 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/06509 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCOTL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juillet 2020 par le Pole social du TJ de CRETEIL RG n° 17/00972

APPELANTE

S.A.R.L. [4] représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Saïd SADAOUI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305 substitué par Me Ingrid KIS, avocat au barreau de PARIS

INTIME

URSSAF ILE DE FRANCE

[Adresse 6]

[Localité 2]

représenté par M. [H] [F] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Novembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 26 janvier 2024, prorogé au 15 mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la S.A.R.L. [4] (la société) d'un jugement rendu le 16 juillet 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Créteil dans un litige l'opposant à l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de-France (l'Urssaf).

EXPOSÉ DU LITIGE

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel il convient de se référer pour plus ample exposé, il suffit de rappeler qu'à la suite d'un contrôle diligenté par la DIRECCTE, le 3 décembre 2015 au sein de l'établissement exploité par la société sous l'enseigne [5], un procès-verbal pour travail dissimulé a été établi sous le numéro 16/25. À la suite de l'exploitation de ce procès-verbal, l'Urssaf a adressé à la société une lettre d'observations en date du 21 mars 2017 portant sur un redressement envisagé à hauteur de 63 855 euros au titre des cotisations de sécurité sociale, des contributions d'assurance chômage et de cotisations AGS, des réductions générales de cotisations à la suite du constat de travail dissimulé et de la majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé prévue par l'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale. La société a formé des observations par lettre du 20 mai 2017. L'inspecteur du recouvrement répondu a maintenu les termes de la lettre d'observations par lettre du 23 juin 2017. Une mise en demeure a été adressée à la société le 22 juin 2017 par lettre recommandée avec accusé de réception. En l'absence de versement ou de contestation de la société, une contrainte a été décernée par l'Urssaf le 17 août 2017 pour un montant de 70 320 euros compte tenu des majorations, laquelle a été signifiée à la société par acte d'huissier le 21 août 2017. La société a formé opposition à la contrainte le 5 septembre 2017 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil. Le dossier a été transmis le 1er janvier 2019 au tribunal de grande instance de Créteil, lequel est devenu le tribunal judiciaire de Créteil le 1er janvier 2020.

Par jugement du 16 juillet 2020, ce tribunal a :

- Déclaré irrecevable l'opposition à contrainte formée par la société tendant à contester un redressement pour travail illégal ;

- Débouté la société de sa demande de voir condamner l'Urssaf au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires ;

- Rappelé que la procédure devant ce tribunal était sans dépens sauf coût de la signification éventuelle de cette décision.

Pour statuer ainsi, le tribunal a jugé qu'un redressement ne peut faire l'objet d'un recours judiciaire s'il n'a pas été préalablement contesté devant la commission de recours amiable et ne peut pas être contesté directement par la voie de l'opposition à contrainte. Le tribunal a jugé que la société ne saurait fonder son action sur l'absence de notification de la mise en demeure. Il a estimé que la société ne saurait justifier de l'absence de mise en 'uvre qui ne résulte que de sa seule carence d'aller chercher le pli recommandé avec avis de réception lequel avait été retourné à l'expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé ». En outre, le tribunal a relevé qu'une mise en demeure n'a pas à être notifiée à personne dans la mesure où il ne s'agit pas d'un acte de nature contentieuse. Le tribunal a donc jugé que le recours formé par la société était irrecevable, de sorte que le bien-fondé du redressement ne pouvait pas être examiné.

La société a interjeté appel le 7 octobre 2020 de ce jugement qui lui avait été notifié à une date inconnue.

Par ses conclusions écrites, soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société demande à la cour, au visa des articles L. 244-2, R. 133-8, R. 243-59, II., R. 243-59-4 du code de la sécurité sociale et L. 8271-6-1 du code du travail, de :

À titre principal,

- En constatant que la mise en demeure du 22 juin 2017

* n'a pas été réceptionné par la société et,

* a été notifié avant que l'Urssaf ne réponde aux observations formulées par a société ce qui constitue une violation flagrante du principe du contradictoire ;

- En annulant la contrainte émise le 21 août 2017, en l'absence de réception de la mise en demeure par la société et du fait du non-respect du principe du contradictoire prévue à l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;

À titre subsidiaire, en annulant le redressement pour non-respect de la procédure contradictoire propre au redressement pour travail dissimulé s'agissant de la signature de la lettre d'observations et de l'audition des témoins ;

À titre infiniment subsidiaire,

- en constatant les erreurs commises par l'Urssaf dans le chiffrage du redressement notifié,

- en ordonnant le rechiffrage du montant du redressement notifié en tenant compte du volume horaire estimé par la société ;

- En tout état de cause en condamnant l'Urssaf à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est fait référence aux écritures déposées par la société et visées par le greffe lors de l'audience du 6 novembre 2023 pour plus ample exposé des moyens développés.

Lors de l'audience, l'Urssaf a indiqué oralement qu'elle s'en rapportait à sagesse de justice dans la mesure où, si au cas d'espèce l'opposition à contrainte était recevable, la mise en demeure a été envoyée néanmoins le 22 juin 2017 avant la réponse de l'inspecteur aux observations de la société.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'opposition à contrainte

En application des dispositions de l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale, le cotisant dispose d'un délai de 15 jours à compter de la signification de la contrainte pour former opposition, à peine d'irrecevabilité.

Par ailleurs, le cotisant peut former une opposition à contrainte alors même qu'il n'a formé aucun recours contre la mise en demeure devant la commission de recours amiable de l'Urssaf dans le mois suivant la notification de la mise en demeure en application de l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale.

Seule une décision de la commission de recours amiable devenue définitive ne peut être remise en cause par voie d'opposition à contrainte.

En outre, il résulte des articles R. 133-3, R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte.

Au cas d'espèce, il est constant que la société n'a pas contesté la mise en demeure du 22 juin 2017 devant la commission de recours amiable. Le 17 août 2017, l'Urssaf a décerné à l'encontre de la société une contrainte pour un montant de 70 320 euros, laquelle a été signifiée par acte d'huissier le 21 août 2017. La société a formé opposition à la contrainte le 5 septembre 2017 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil.

Il s'ensuit que l'opposition à contrainte, formée dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la contrainte, est recevable, de même que la contestation de la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte.

Sur la régularité de la contrainte

La société soutient en substance que l'Urssaf n'a pas répondu à ses observations préalablement à la notification de la mise en demeure ; qu'une mise en demeure notifiée avant la réponse de l'inspecteur du recouvrement aux observations du cotisant est nulle ; que la contrainte qui est fondée sur une mise en demeure entachée de nullité doit elle-même être considérée comme nulle.

L'Urssaf s'en rapporte à sagesse de justice sur la régularité de la procédure.

Il résulte de l'article L. 243-59, alinéa 7, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur du 1er janvier 2014 au 11 juillet 2016, que :

Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant.

Une mise en demeure adressée à la société avant l'expiration du délai de trente jours imparti à celle-ci pour répondre à la lettre d'observations ou avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations du cotisant, est entachée de nullité, de sorte qu'elle ne peut fonder l'action en recouvrement des cotisations litigieuses par l'Urssaf.

En l'espèce, l'Urssaf a adressé à la société une lettre d'observations en date du 21 mars 2017 portant sur un redressement envisagé à hauteur de 63 855 euros au titre des cotisations et contributions sociales à la suite d'un constat d'une infraction de travail dissimulé. La société a formé des observations par lettre du 20 mai 2017. L'inspecteur du recouvrement répondu a maintenu les termes de la lettre d'observations par lettre du 23 juin 2017.

Néanmoins, force est de constater qu'une mise en demeure a été adressée à la société le 22 juin 2017 par lettre recommandée avec accusé de réception. Il importe peu de savoir si la mise en demeure a été reçue ou non par la société ici, dès lors que l'Urssaf ne conteste pas ne pas avoir respecté le caractère contradictoire de la procédure en adressant une mise en demeure, valant décision de redressement, avant d'avoir répondu aux observations de la société qui contestait les termes de la lettre d'observations fondant le redressement.

Il s'ensuit que cette mise en demeure, irrégulière de ce fait, doit être annulée.

La nullité de la mise en demeure prive en conséquence de fondement l'obligation au paiement des sommes qui en font l'objet.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant en son appel, l'Urssaf sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Créteil le 16 juillet 2020 ;

Et statuant à nouveau,

DECLARE l'opposition à contrainte formée par la S.A.R.L. [4] recevable ;

ANNULE la mise en demeure du 22 juin 2017 adressée par l'Urssaf d'Île-de-France à la S.A.R.L. [4] ;

DIT que l'annulation de la mise en demeure prive en conséquence de fondement l'obligation au paiement des sommes qui en font l'objet ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'Urssaf d'Île-de-France aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/06509
Date de la décision : 15/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-15;20.06509 ?
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